Jeux sociaux : Zynga pourrait franchir en 2022 la barre des 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires

Il y a 10 ans, Zynga s’introduisait à la Bourse de New York. Cofondé sous le nom de Presidio Media il y a près de 15 ans par Mark Pincus, lequel lui donne le nom de son bouledogue disparu, l’éditeur de jeux vidéo – dont « FarmVille » et « CityVille » – est devenu le champion du Social Gaming.

Lors de son introduction au Nasdaq de New York il y a 10 ans (le 16 décembre 2011), Zynga valait 10 dollars l’action. Une décennie plus tard, le titre « ZNGA » dépasse à les 6 dollars (au 01-12-21). Entre temps, le cours de Bourse du champion mondial des jeux sociaux – sur mobiles, réseaux sociaux (comme Facebook et Snapchat), mais aussi sur ordinateurs et consoles de jeux – a longtemps végété après un pic à 15 dollars en mars 2012 et un autre à plus de 12 dollars en février 2021.

Le « bouledogue » l plus sociable
Même le remplacement il y a cinq ans de son cofondateur, revenu deux ans plus tôt à la direction générale de l’entreprise (1), n’a pas vraiment redonné des couleurs au titre. Mark Pincus (photo) est toujours président du conseil d’administration de l’éditeur au bouledogue – ayant rebaptisé Presidio Media en Zynga en juillet 2007 en mémoire de son chien disparu… – et il possède encore aujourd’hui 7% du capital de l’entreprise basée à San Francisco où le siège social a été baptisé… « The Dog House ». La fortune personnelle de Mark Pincus atteint, selon Forbes, les 1,3 milliard de dollars (2).
L’éditeur de «FarmVille »(3), « CityVille », «Words With Friends » ou « Zynga Poker » propose en free-to-play des jeux gratuits avec la possibilité pour les utilisateurs d’acheter dans chaque jeu des articles virtuels et de gagner des crédits de jeu, et pour les annonceurs et marques partenaires d’acquérir des espaces publicitaires. Ces deux sources de revenus – 80 % pour dépenses en ligne et 20 % pour la publicité – représentent la quasi-totalité du chiffre d’affaires de Zynga, son partenariat historique et exclusif avec Facebook ayant généré il y a dix ans jusqu’à 20 % de ses gains.
Le « bouledogue » a depuis un peu lâché les baskets de la firme de Mark Zuckerberg, dont le nom avait d’ailleurs circulé des dernières années parmi les prétendants au rachat de Zynga : Facebook aurait été intéressé de tenir en laisse le « chien » de Mark Pincus, mais aussi Ubisoft ou Activision Blizzard. Et depuis deux ans, le pionnier du Mobile Gaming et du Social Gaming suscite un regain d’intérêt des investisseurs, dont les fonds Vanguard Group, Artisan Partners ou encore Blackrock présents à son capital. La valorisation boursière de dépasse aujourd’hui les 7,5 milliards de dollars. Lors de la présentation le 9 novembre dernier de ses résultats du troisième trimestre, l’éditeur de « FarmVille » – dont le nouvel opus « FarmVill 3 » (FV3) lancé mondialement début novembre a démarré sur les chapeaux de roue – a revu à la hausse ses prévisions de chiffres d’affaires annuel pour 2021, à 2,81 milliards de dollars (au lieu 2,8 milliards lors de la projection précédente), contre un peu plus de 1,9 milliard réalisés l’an dernier. Côté rentabilité : Zynga avait enregistré en 2020 une perte nette de 429,4 millions de dollars ; l’exercice 2021 se présente mieux puisque ce déficit devrait être ramené à 96,9 millions de dollars. Les employés à plein temps de Zynga sont au nombre de 2.245, surnommés les « Zyngites » (4). Zynga, qui a dépassé cette année en moyenne les 200 millions d’utilisateurs par mois dépensant environ 0,2 dollar mensuellement (5), a surtout grandi à coup d’acquisitions successives, soit plus d’une trentaine en près de quinze ans d’existence. La société turque Peak, rachetée en juin 2020 pour 1,8 milliards de dollars, est sa plus grosse acquisition à ce jour, suivie en valeur de Small Giant Games en décembre 2018 pour 560 millions de dollars, de NaturalMotion en janvier 2014 pour 527 millions de dollars, de StarLark en août 2021 pour 525 millions de dollars (sa dernière acquisition en date tout juste finalisée), de Gram Games en mai 2018 pour 250 millions de dollars, ou encore de Rollic en octobre 2020 pour 180 millions de dollars.
En outre, Zynga s’est emparé en mai 2021 du réseau de publicité programmatique (6) et de monétisation mobile Chartboost pour 250 millions de dollars. Marqué par une certaine instabilité au niveau de son management de direction, Zynga est dirigé depuis plus de cinq ans par Frank Gibeau, un ancien d’Electronic Arts. Mais la démission le 5 novembre dernier du directeur opérationnel Matt Bromberg, qui était à ce poste depuis plus de cinq ans également (lui aussi ancien d’EA), inquiète à nouveau les investisseurs. Matt Bromberg était chargé de l’expansion internationale des studios de développement de jeux ; il quittera l’entreprise en mars 2022 malgré les bonnes performances du « bouledogue ». @

Charles de Laubier

Fort du succès mondial de « League of Legends » depuis plus de dix ans, Riot Games met les bouchées doubles

C’est la consécration pour le Français Nicolas Laurent, alias Nicolo : recruté il y a dix ans par l’un des deux cofondateurs de Riot Games, Brandon Beck, il dirige ce grand éditeur américain de jeux vidéo en ligne depuis deux ans et demi. Jusqu’alors monoproduit avec « LoL », Riot Games se diversifie et fait l’acquisition de Hypixel Studios.

Après avoir fait durant dix ans de « League of Legends » (LoL) son unique jeu vidéo à succès, d’ »arène de bataille en ligne multijoueur » (1), sur ordinateur, l’éditeur américain Riot Games honore enfin le « s » de son nom. Le 30 avril, il a lancé « Legends of Runeterra » (LoR), un jeu en ligne de « cartes à collectionner » (2), qui était en version bêta ouverte (3), depuis fin janvier sous Windows seulement. Cinq autres jeux vidéo en ligne – respectivement de tir (« Valorant »), de stratégie d’équipes (« Teamfight Tactics »), de combat (« Projet L »), de bataille pour mobile et consoles («Wild Rift »), de gestion e-sport (« TBA ») – sortiront au cours de cette année 2020 sur ordinateurs, smartphones et consoles. Chacun d’eux est développé, à l’instar de « LoL », pour durer plus d’une décennie en tant que blockbuster online. De plus, la firme de Los Angeles que dirige depuis plus de deux ans et demi le Français Nicolas Laurent, alias Nicolo (photo), s’est lancée dans le développement d’une série d’animation baptisée « Arcane » et attendue d’ici la fin de l’année. « Riot construit également le monde de Runeterra [celui rendu célèbre par LoL, ndlr] à travers des projets multimédias sur la musique, des bandes dessinées, des jeux de société et la prochaine série animée Arcane », promet l’éditeur américain, filiale du chinois Tencent depuis 2011.

« LoL » a généré 1,5 milliard de dollars en 2019
Selon le cabinet d’études SuperData (groupe Nielsen), « League of Legends » a rapporté l’an dernier à Riot Games pas moins de 1,5 milliard de dollars – soit une hausse supérieure à 6 % sur un an. Ce qui place encore « LoL » – dix ans après son lancement – en quatrième position du marché mondial du free-to-play (à options payantes), derrières le trio de tête : « Fortnite » d’Epic Games (1,8 milliard), « Dungeon Fighter Online » de Nexon (1,6 milliard), « Honour of Kings » de Tencent (1.6 milliard). « Alors que “Fortnite” a moins de joueurs que “League of Legends”, les joueurs de “Fortnite”sur PC sont plus de deux fois plus susceptibles de dépenser de l’argent sur le contenu ingame [achats à l’intérieur du jeu, ndlr] que le public de “League of Legends” », relève SuperData qui chiffre à 87,1 milliards de dollars le total des revenus mondiaux du free-to-play l’an dernier (4), en hausse de 6%. Avec sa puissante maison mère chinoise Tencent (le « T » de BATX détenant aussi 40 % de Epic Games à l’origine de « Fortnite », 84 % du finlandais Supercell, 5 % d’Activision Blizzard ou encore 5 % du français Ubisoft), « Riot » est désormais décidé à chasser… en meute à partir de 2020 sur le marché mondial des jeux vidéo on line en plein boom.

« LoR », « Valorant » et rachat de « Hytale »
Avec son jeu de carte en ligne « LoR », annoncé le 15 octobre 2019 à l’occasion de l’événement du dixième anniversaire de « League of Legends », Riot Games compte séduire les quelque 100 millions de joueurs de « LoL » et rivaliser ainsi avec le pionnier dans cette catégorie, « Hearthstone » d’Activision Blizzard. Plus que jamais au centre de l’arène des géants du gaming, l’éditeur cofondé en 2006 par Brandon Beck (alias Ryze) et Marc Merrill (alias Tryndamere), actuels coprésidents, se sent pousser des ailes. Avec « Valorant », son jeu de tir « à la première personne » (5) dont la version bêta fermée fait depuis le 7 avril un véritable carton sur Twitch (la plateforme de jeux en ligne d’Amazon), Riot Games lance ainsi un autre défi à Activision Blizzard (« Overwatch »), mais aussi à Valve (« Counter Strike »). Avant son lancement prévu l’été prochain pour ordinateurs et consoles, « Valorant » s’annonce comme le prochain blockbuster de Riot Games, tant a été élevée l’audience des chaînes permettant de suivre en live streaming les quelques happy few gamers ayant eu la chance d’obtenir les clés d’accès à la version pré-commerciale – avec un pic de plus de 1,7 million de spectateurs simultanés (6).
Riot Games vient en outre d’ajouter une corde à son arc en annonçant, le 16 avril dernier, l’acquisition de l’éditeur de jeux vidéo Hypixel Studios – un partenaire que l’éditeur de « LoL » conseille depuis près de deux ans. Mais le montant de l’opération n’a pas été dévoilé : 750 millions de dollars, comme l’avait évoqué le poisson d’avril (7) de l’an dernier ? D’origine canadienne et s’implantant aussi en Irlande du Nord à Londonderry (Derry), la société Hypixel Studios est en train de développer « Hytale », un jeu de construction par cubes de type « bac à sable » (8) concurrent de « Minecraft » du studio suédois Mojang – lequel fut racheté en 2014 par Microsoft pour 2,5 milliards de dollars. Les créateurs de « Hytale » (9) se sont inspirés de ce dernier après avoir créé il y a sept ans Hypixel, devenu l’un des plus populaires serveurs de « Minecraft » justement. Le lancement de « Hytale » auprès du grand public est prévu pour 2021, mais la version bêta a déjà enregistré plus de 2,5 millions d’inscriptions et plus de 56 millions de vues pour son trailer sur YouTube (10). Riot Games, qui compte aujourd’hui plus de 2.500 employés surnommés « Rioters » dans plus de vingt bureaux à travers le monde, renforce sa dimension internationale, tout en devenant ainsi éditeur multi-jeux. Nicolas Laurent, CEO de Riot Games, est en fait l’artisan historique du succès planétaire de « League of Legends ». Il a commencé sa carrière professionnelle en 2003 dans une filiale d’Orange, GOA (lancée par France Télécom), qui éditait un portail Internet francophone du même nom dédié aux jeux en réseau, free-to-play et multijoueurs, avant de disparaître il y a dix ans. C’est là qu’il a fait ses premières armes commerciales durant six ans. Nicolo confira plus tard qu’il consacra beaucoup de temps à jouer à « La Quatrième Prophétie » ou T4C (11), un jeu de rôle en ligne massivement multijoueur (dit Mmorpg) – médiéval-fantastique – développé il y a vingt ans par la société canadienne Vircom Interactive (également disparue). Orange/GOA en avait la licence d’exploitation pour la France jusqu’en 2002. Grâce à GOA, et après deux ans et demi à Paris, il a commencé à évoluer à l’international : six mois à Séoul (Corée du Sud) et trois ans à Dublin (Irlande).
Après GOA, Nicolas Laurent devient partenaire marketing et commercial de Riot Games en novembre 2009, tout juste un mois après la sortie de la phase bêta de « League of Legends ». Au bout de deux ans au service de « LoL », c’est Brandon Beck qui a proposé en 2011 à Nicolo d’intégrer Riot Games pour l’aider à diffuser LoL aux gamers du monde entier. Durant sept ans, le « Frenchie » assurera le développement international de l’éditeur de légende en s’installant d’abord à Los Angeles (où se situe son siège social) puis à Hong Kong (où il a installé le premier studio de développement international de Riot Games). « En dehors de nos fantastiques associés dans le Sud-Est asiatique et Taïwan (avec Garena) ainsi qu’en Chine (Tencent), j’avais réalisé que la meilleure façon d’offrir une réelle expérience de Riot Games était d’éditer “League of Legends” directement sur la plupart des marchés. Aussi, j’y suis allé sur un mode de frénésie internationale et j’ai commencé d’installer la présence de l’entreprise partout dans le monde ! Nous y sommes allés avec serveurs dédiés, marketing, e-sports, localisation, communauté, sites web, bureaux, équipes dédiées, etc. », raconte Nicolas Laurent sur son compte LinkedIn. Edition Multimedi@ n’a pas réussi à entrer en contact avec lui.

Nicolo, le « Frenchie » business-gamer
Tombé quand il était petit dans les jeux vidéo des années 1980, sur consoles Nintendo ou Sega puis sur ordinateurs, Nicolo n’a cependant jamais voulu être un artiste, ni même un créateur de jeux vidéo et encore moins un programmeur informatique. Son dada à lui, ce fut le business depuis sa formation à l’Essec mais en se faisant plaisir. C’est réussi. @

Charles de Laubier

Pokémon Go devrait atteindre 1 milliard de dollars cumulés de chiffre d’affaires dès cet automne !

L’engouement fulgurant et planétaire pour l’application mobile Pokémon Go, créée par l’Américain John Hanke, fondateur et dirigeant de la start-up Niantic, est sans précédent. Il pourrait lui faire gagner beaucoup d’argent, ainsi qu’à ses actionnaires : The Pokemon Company, Alphabet (Google) et Nintendo.

Lancée mondialement en juillet sur App Store et sur Google Play, l’application de jeu sur mobile Pokémon Go – éditée par
la start-up américaine Niantic – a généré en deux mois (juillet et août) plus de 310 millions de dollars de chiffre d’affaires cumulé. C’est ce qu’a indiqué à Edition Multimédi@ Randy Nelson, spécialiste mobile de la société de développement Sensor Tower, qui a révélé les premières estimations.
Pokémon Go a ainsi surpassé les autres jeux mobile du moment : Clash Royale lancé par Supercell en mars, Candy Crunsh Soda Saga édité par King Digital, et Angry Birds 2 de Rovio. A observer la courbe de progression exponentielle des revenus de ce jeu-phénomène de réalité augmentée, il y a fort à parier que le cumule atteigne dès cet automne 1 milliard de dollars de recettes ! « C’est possible », nous répond Randy Nelson. La société d’analyse App Annie prévoit, elle, que ce seuil sera atteint d’ici la fin de l’année. Le démarrage sur les chapeaux de roues du jeu de Niantic est du jamais vu pour un jeu sur mobile, selon le Guinness des Records qui a certifié le record de 130 millions de téléchargement effectués en un mois de par le monde depuis le lancement initial de Pokémon Go le 6 juillet dernier – et le 24 juillet en France – et de 100 millions de dollars collectés en tout juste vingt jours (1). En quelques jours, il est devenu un jeu de référence planétaire et déjà mythique.

Devant WhatsApp, Instagram, Snapchat et Facebook
La société SocialBakers, spécialisée dans le marketing sur réseaux sociaux, constate que l’appli ludique de Niantic s’est rapidement retrouvée plus utilisée que WhatsApp, Instagram, Snapchat ou même Facebook Messenger. Se promener et chasser, plutôt que de s’exhiber et chatter… Les joueurs utilisent la technologie satellitaire GPS pour traquer et capturer Pikachu, Dracolosse, Ronflex, Bulbizare, Carapuce, Rinoferos et autres monstres virtuels situés sur la cartographie fidèle aux lieux, bien réels eux, arpentés par les Pokémonmaniaques. Les créatures imaginaires y sont représentées en réalité augmentée, technologie permettant de faire apparaître des éléments virtuels dans le monde réel.
En se déplacement physiquement, dans la plupart des pays cartographiés pour Google Maps, le mobinaute se déplace dans le jeu à la recherche de Pokémon, de Pokéstops et d’arènes (2).

Du free-to-play au app-to-store
Et cette Pokémonmania, qui fait sortir les gamers et leurs avatars de chez eux, va rapporter gros non seulement à la start-up californienne Niantic – fondée en 2010 au sein de Google par le créateur du jeu, John Hanke (photo de Une), avant de devenir une entreprise indépendante en octobre 2015 – mais aussi à ses trois principaux actionnaires : Alphabet (Google), The Pokémon Company et Nintendo. Le jeu est
free-to-play, mais la gratuité a vocation à générer du chiffre d’affaires selon un modèle économique imparable. Si la plupart des joueurs se contentent de jouer sans rien
payer, une proportion non négligeable consentent à acheter des outils virtuels qui
leur permettent de progresser plus vite dans les niveaux de jeu.
D’après la société d’analyses AppsFlyer, environ 5 % des utilisateurs de ces jeux
free-to-play font des achats dans l’appli (in-app) pour une dépense de près de 10 dollars par mois en moyenne (3). Ainsi, il est par exemple possible d’acheter 100 PokéCoins pour 0,99 dollar, 1.200 PokéCoins pour 9,99 dollars, jusqu’à 14.500 PokéCoins pour 99,99 dollars.
Bien que les petits ruisseaux fassent les grandes rivières, ces petites dépenses in-app ne suffiront pas seules à Niantic pour franchir la barre du 1 milliard de dollars de recettes. Pour y parvenir, l’entreprise de John Hanke table en outre sur les lieux sponsorisés que des annonceurs et/ou des commerçants proposeront aux chasseurs de Pokémon avec l’espoir que ces derniers deviennent clients. Le potentiel de recettes issues du app-to-store, le pendant du web-to-store destiné à faire venir les mobinautes dans les magasins pour les inciter à dépenser, est sans limite. Au Japon, par exemple, Pokémon Go a noué un partenariat avec la chaîne de fast-food américaine McDonald’s. « Puisque l’on peut attirer les personnes dans des lieux physiques, nous pouvons faire quelque chose que ne peuvent pas faire beaucoup d’autres formes de publicité », s’est félicité John Hanke lors d’une conférence organisée par Venture Beats. Des Pokéstops à ce que nous pourrions appeler des « Pokéshops », il n’y aurait que quelques pas !
De ces lieux sponsorisés, Niantic en attend beaucoup après avoir éprouvé le modèle économique dans son autre jeu, Ingress, à partir duquel Pokémon Go a été développé. « Dans un premier temps, on peut aisément imaginer les marques développer des partenariats drive-to-store avec Pokémon Go afin d’attirer les joueurs vers des points de vente de marque », explique Marie Dollé, directrice des contenus et stratège numérique chez Kantar Media. Par ailleurs professeure en stratégie marketing digital à l’Ecole supérieure de publicité (ESP), elle voit dans ce jeu de gaming mobile de réelles opportunités publicitaires : « Dans une ère du tout connecté, les marques recherchent avant tout à générer de l’engagement avec leurs publics. Ainsi pour les parents gamers qui se plongent dans leurs écrans de 17 à 20 heures, 90 % en font une activité familiale avec les enfants. De quoi offrir de belles perspectives aux annonceurs notamment dans le domaine de la publicité ». Et de citer des marques qui ont déjà investi le créneau de la réalité augmentée, voire virtuelle : Nescafé du groupe Nestlé, les hôtels Marriott ou encore l’équipementier sportif North Face. « Avec la réalité virtuelle, on entre vraiment dans un dispositif virtuel complètement coupé du monde. On est dans une expérience immersive. (…) Dans ce contexte, on comprend aisément que Pokémon Go est bien plus qu’un jeu. Il peut s’envisager comme un puissant outil au service du storytelling des marques », ajoute Marie Dollé.

Ce jeu semble couronner vingt ans de succès d’une franchise créée par le Japonais Satoshi Tajiri avec la sortie en 1996 des tout premiers jeux vidéo Pocket Monsters – dont la contraction Pokémon est devenu mondialement célèbre – sur les Game Boy du fabricant nippon Nintendo. Ce dernier détient aujourd’hui 32 % des droits de vote de The Pokemon Compagny, société créée en 1998 pour gérer la franchise, aux côtés
de Creatures et Game Freak. Nintendo perçoit à ce titre des droits de licence et une rémunération pour sa participation au développement et à la gestion de Pokémon Go, mais la firme a précisé cet été que les ventes auraient un impact limité sur ses résultats. Cela n’a pas empêché la firme japonaise de voir son cours de Bourse plus que doubler à Tokyo depuis la sortie du jeu, jusqu’à l’annonce le 28 juillet dernier de
ses résultats financiers trimestriels jugés décevants.

Pokémon Go Plus en septembre
Nintendo, qui a néanmoins maintenu son objectif de doubler son bénéfice net annuel à 35 milliards de yens (plus de 300 millions d’euros) à fin mars 2017 pour un chiffre d’affaires global de 500 milliards de yens (plus de 4,3 milliards d’euros), va lancer courant septembre un petit bracelet baptisé Pokémon Go Plus (à 40 euros pièce) afin d’attraper plus facilement des Pokémon sans avoir à ouvrir l’application, et monter ainsi plus rapidement dans ce jeu de niveaux. @

Charles de Laubier

Le marché français du jeu vidéo fait fi de la crise et s’apprête à atteindre 3 milliards d’euros cette année

Pendant que la crise économique perdure, les Français s’amusent. Les jeux vidéo ont généré en 2015 un chiffre d’affaires en croissance de 6 % à 2,87 milliards d’euros et devraient franchir la barre des 3 milliards cette année. C’est un secteur cyclique soutenu par les pouvoirs publics.

« La transition vers les consoles de génération 8 est arrivée à son terme. Le marché a définitivement basculé vers ce 8e cycle. Sur les consoles de salon, nous constatons une migration du public très rapide entre la génération 7 et une génération 8 en très forte croissance », constate Jean-Claude Ghinozzi (photo), président du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) et par ailleurs directeur de la division grand public de Microsoft France.

En attendant la 9e génération
Le passage à la 8e génération de consoles de salon – avec en tête les trois ténors du marché que sont la Wii U de Nintendo lancée fin 2012 après la 3DS, suivie fin 2013 par la PlayStation 4 (PS4) de Sony alors déjà présent avec la PS Vita, ainsi que par la Xbox One de Microsoft – a été marqué par une mutation à risques du 10e Art vers la dématérialisation, les jeux multijoueurs en ligne et la « gratuité » avec option d’achat en free-to-play. Tandis que de nouveaux entrants – Valve, nVidia, GameStick, eSfere, Razer Edge, Bluestacks encore Ouya – ont tenté de bousculer les positions dominantes. Or, malgré la décroissance des ventes de consoles de -6 % à 712 millions d’euros, recul dû à la « chute rapide plus forte que prévue » de – 69 % du chiffres d’affaires généré par la 7e génération en 2015, le marché global du jeu vidéo en France tire quand même largement son épingle… du jeu en cumulant 2,87 milliards d’euros de revenus, en augmentation de 6 % malgré un contexte générale la crise économique.

« L’année 2016 et l’avenir du secteur en général sont très bien orientés », assure Jean-Claude Ghinozzi, qui anticipe une troisième année de croissance mais sans avancer de chiffres. Cependant, si le marché français du jeu vidéo ne fait ne serait-ce que 5 % de croissance en valeur cette année, la barre des 3 milliards d’euros sera atteinte. Les professionnels du jeu vidéo s’accordent à dire que le marché des consoles de jeux vidéo fonctionne par cycles : « Chaque génération a permis de doubler le chiffre d’affaires de l’industrie ». Cela voudrait-il dire qu’à l’issue de la 8e génération en cours (voir illustration page suivante), laquelle devrait prendre fin d’ici trois ans ou plus, la France du jeux vidéo pèsera environ 5 milliards d’euros entre 2018 et 2020 ? « Nous ne pouvons que l’espérer ! », avait répondu à Edition Multimédi@ l’ancien président du Sell, David Neichel, actuel vice-président Europe d’Activision Blizzard (1).
Pour l’heure, l’année 2016 devrait voir l’arrivée de la nouvelle console de jeux de Nintendo et le lancement prochain des casques de réalité virtuelle. « A court terme, le marché devrait accueillir différentes propositions de casques de réalité virtuelle, très attendue par les joueurs, et un développement du game streaming [ou cloud gaming, ndlr], qui devraient générer des revenus additionnels. De nombreux jeux exploitant pleinement les ressources de la génération 8 de consoles sont également très atten-dus », a expliqué Jean-Claude Ghinozzi, le 9 février dernier, lors de la présentation de la septième édition de « L’Essentiel du jeu vidéo » (2). Rien que sur les consoles, il s’en est vendu l’an dernier un total de 2,46 millions d’unités en France, dont 1,57 million de 8e génération. Le Sell ne confirme pas que la PS4 de Sony s’est la mieux vendue en 2015.

Nintendo et Electronic Arts en tête
Sur le périmètre « logiciels consoles et jeux sur ordinateur », le japonais Nintendo est
le numéro un en France – en volume sur le marché physique – devant les américains Electronic Arts et Activision Blizzard, euxmêmes suivis par le français Ubisoft. En revanche, Nintendo est second sur le même périmètre mais en valeur cette fois, Electronic Arts étant en tête. Le japonais surfe notamment sur sa célèbre franchise Pokémon déclinée non seulement en jeux vidéo mais aussi depuis 1997 en séries télévisées. D’autant que l’année 2016 sera marqué par le vingtième anniversaire des Pokémon justement. Mais c’est surtout avec sa prochaine console de jeu au nom de code « NX » et sur la promesse de jeux sur smartphones à partir de mars que le géant vidéoludique de Tokyo est attendu au tournant pour redynamiser ses ventes, et par là même de tirer le marché français vers le haut.
Les logiciels « physiques » de jeu vidéo (sur CD, DVD ou cartouches) pèsent maintenant moins de la moitié du marché français, soit 46 % du chiffre d’affaires total, tandis que les jeux dématérialisés – téléchargeables et jouables en ligne et en streaming – atteignent 40 %. Et il y a fort à parier que les jeux online – boostés par
le cloud gaming et les compétitions sportives en ligne ou e-sport (voir encadré page précédente) – génèreront, pour la première fois cette année, plus de la moitié des revenus des logiciels de jeux. Ce basculement du physique vers le online sera-t-il destructeur de valeur, comme ce fut le cas dans la presse et la musique, voire actuellement dans le cinéma et l’audiovisuel ? Cela fait partie des incertitudes du secteur. Quant aux casques de réalité virtuelle, très attendus pour ces prochains mois par ceux qui voudront s’immerger dans des jeux vidéo à 360 degrés, ils devraient abonder dans le sens de la croissance du secteur. Le CES de Las Vegas en janvier a donné leur coup d’envoi et leur commercialisation débute avec l’Oculus Rift de Facebook fin mars dans une vingtaine de pays dont la France. Mais le prix (599 dollars) fixé par le réseau social de Mark Zuckerberg, lequel avait racheté Oculus pas moins de 2 milliards de dollars, devrait en dissuader plus d’un. Samsung commercialise déjà Gear VR, notamment pour smartphones. Google se fait les yeux avec un casque en carton, Cardboard, également pour smartphones. Sony finalise la PlayStation VR (ex-projet « Morpheus »), dont les ventes débuteront « au cours du premier semestre 2016 ». C’est du moins ce qu’a promis Andrew House, le patron des jeux vidéo de Sony lors du Paris Games Week d’octobre dernier. Microsoft mise sur ses lunettes de réalité virtuelle Hololens, encore en prototype, qui projettent des hologrammes devant celui qui les porte. Tandis qu’Apple serait en train de concevoir son propre casque de réalité virtuelle, selon le Financial Times. Le taïwanais HTC est également sur les rangs. La réalité virtuelle touchera non seulement les jeux vidéo mais aussi la production audiovisuelle (fictions, documentaires, publicités, …), @

Charles de Laubier

ZOOM

L’Etat au petits soins avec le jeu vidéo
Le Premier ministre Manuel Valls a confié à deux parlementaires – le député (UDI) des Alpes- Maritimes, Rudy Salles, et le sénateur (PS) de Saône-et-Loire, Jérôme Durain – « une mission temporaire ayant pour objet de proposer un cadre législatif et réglementaire favorisant le développement en France des compétitions de jeux vidéo » (selon les propres termes des deux décrets respectifs signés de sa main et datés du 18 janvier 2016). Matignon a commencé des réunions de travail avec les deux parlementaires, lesquels devront remettre leurs proposition d’ici juin prochain.
Sans attendre, le projet de loi « Economie numérique » – adopté par les députés le
26 janvier et en vue pour le Sénat au printemps – prévoit déjà (article 42) un cadre juridique pour le esport, avec un « agrément délivré aux organisateurs de compétitions de jeux vidéo » par le ministre chargé de la Jeunesse, et une « liste des logiciels de loisirs » autorisés.
Cette pratique est en plein boom. Twitch, la plateforme spécialisée dans la diffusion de parties de jeux vidéo en ligne, a été rachetée en août 2014 par Amazon pour 970 millions de dollars. Pour le concurrencer, Google a lancé l’an dernier YouTube Gaming. Et en octobre, Microsoft a inauguré en France sa propre compétition baptisée « Xbox Elite Series ».
L’industrie française du jeu vidéo trouve depuis longtemps une oreille attentive au sein de l’Etat. Elle bénéficie ainsi d’un crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV) depuis 2008, d’aides du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et du soutien à l’export. Ce soutien fiscal pour les dépenses de création de jeux vidéo a été étendu et assoupli par décret (3) du 23 juin 2015. @

Pourquoi Microsoft s’offre à prix d’or Minecraft

En fait. Le 15 septembre, Microsoft a annoncé l’acquisition de la société suédoise Mojang et de la franchise de son en ligne Minecraft pour 2,5 milliards de dollars. Ce jeu massivement multi-joueur en ligne, très prisé des adolescents, a été vendu à 100 millions d’exemplaires depuis son lancement en 2009.

En clair. Les discussions entre Microsoft et Mojang avaient été dévoilées le 9 septembre par le Wall Street Journal, valorisant l’opération « plus de 2 milliards de dollars ». Moins d’une semaine après, le rachat – qui doit être finalisé d’ici la fin de l’année pour 2,5 milliards de dollars – était annoncé par la société du créateur de Minecraft, le Suédois Markus Persson (35 ans), alias Notch. Fort de plus de 100 millions d’exemplaires en ligne vendus sur toutes les plateformes (Xbox de Microsoft, PlayStation de Sony, ordinateurs, tablettes et smartphones), la société Mojang aurait réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de 291 millions de dollars pour un résultat net de 115 millions (d’après des médias aux Etats-Unis). Minecraft, qui en est à la version
1.8 disponible depuis début septembre, a par ailleurs lancé en décembre dernier
une version pour mobile, « Pocket Edition », qui a rencontré un large succès (1).

Pour Microsoft, qui renforce ainsi la division jeux vidéo pour sa console Xbox passée
à la huitième génération (2) avec la Xbox One, ce jeux dématérialisé et free-to-play
de Lego virtuel le propulse sur le marché des jeux en ligne dits « massivement multijoueurs » – appelés MMOG dans le jargon, pour Massively Multiplayer Online Game, ou MMO. Jouez gratuitement et ne payez que des options : tel est le principe de ces jeux vidéo freeto- play (ou free2play) qui représentent maintenant plus de la moitié des titres vidéoludiques.
Après les succès de « Clash of Clans » de Supercell, « Candy Crush Saga » de
King Digital Entertainment, « Star Wars: The Old Republic » d’EA, « Gotham City Imposteurs » de Warner Interactive ou encore « Aion » de NC Soft, ce modèle économique a fait ses preuves. Même le best-seller en ligne « World of Warcraft » d’Activision, qui fêtera ses dix ans le 23 novembre prochain (7,6 millions abonnés,
a fait un premier pas vers le free2play en 2011.
Le marché mondial du jeu vidéo, équipements inclus, pesait 53,9 milliards d’euros
en 2013 et devrait atteindre 82,1 milliards en 2017, selon les estimations de l’Idate,
ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 11 %. La dématérialisation de la distribution de jeux vidéo et le paiement online sur tous les écrans ont commencé à prendre le relais : les jeux en ligne génèrent aujourd’hui plus de la moitié des revenus mondiaux et s’arrogeront environ les deux tiers en 2017. @