Directive européenne sur le droit d’auteur : vers un nouveau modèle économique du numérique

La directive sur « le droit d’auteur dans le marché unique numérique » est sur
le point d’être promulguée au Journal officiel de l’Union européenne, après sa validation du 15 avril par les Etats membres (19 pour, 6 contre et 3 abstentions). Mais sa transposition nationale d’ici mi-2021 va être délicate.

Par Véronique Dahan (photo), avocate, et Mahasti Razavi, associée gérante, August Debouzy

Directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique : fermez le ban !

Après un lobbying intense des géants du Net et des industries culturelles
autour du « trilogue » eurodéputés-Etats membres-Commission européenne, les « ambassadeurs » du Cereper ont adopté le 20 février la directive controversée sur la réforme du droit d’auteur dans le marché unique numérique.

Le « trilogue » de négociation sur le projet de directive européenne « Droit d’auteur dans le marché unique numérique » – instance tripartite composée par le Parlement européen, le Conseil de l’UE et la Commission européenne – a finalement trouvé in extremis le 14 février un accord. Les ambassadeurs du Coreper (1) représentant les Etats membres auprès de l’UE l’ont approuvé le 20 février à Bruxelles. La Finlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays- Bas et la Pologne ont dénoncé « un recul ».

Les priorités 2019 du nouveau président du CSPLA

En fait. Le 21 janvier prochain se réunira le prochain « trilogue » de négociation sur le projet de directive européenne « Droit d’auteur dans le marché unique numérique ». Pendant ce temps-là, le nouveau président du CSPLA, Olivier Japiot, a fixé les priorités de son mandat de trois ans.

En clair. Edition Multimédi@ a demandé ses priorités pour l’année 2019 à Olivier Japiot, conseiller d’Etat nommé le 28 novembre dernier – par arrêté de la ministre de
la Justice et du ministre de la Culture (publié au JO du 4 décembre) – président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). « En principe, devraient être présentés à la réunion plénière du printemps prochain les trois rapports suivants : “Ventes passives” [c’est-à-dire les ventes non sollicitées par le vendeur de contenus audiovisuels à l’échelle transfrontière au sein du marché unique numérique, ndlr], “Preuve de l’originalité” [d’une oeuvre pour justifier de sa protection légale, y compris sur Internet, ndlr], “Intelligence artificielle” [dans les secteurs de la création culturelle, notamment lorsque l’IA se substitue à l’humain, ndlr] », nous at- il répondu. Quant à la mission que son prédécesseur, Pierre- François Racine, lui avait confiée
il y a tout juste un an sur l’impression 3D, elle devrait déboucher au cours de ce 1er semestre 2019 sur l’adoption d’« une charte de bonnes pratiques dans le domaine de l’art ». Cette mission-là a déjà le rapport qu’Olivier Japiot lui-même avait rendu au CSPLA en juin 2016 et intitulé « L’impression 3D et le droit d’auteur : des menaces à prévenir, des opportunités à saisir ». Il y préconisait justement d’« établir une charte des bonnes pratiques afin notamment de les inciter à afficher systématiquement un appel pédagogique au respect de la propriété intellectuelle » pour prévenir du piratage,
« principalement sur les oeuvres d’art plastique » (1). La charte « Impression 3D », établie avec Vincent Ploquin-Duchefdelaville, a pris du retard car elle devait être proposée le 31 juillet dernier (2). Concernant l’IA, le rapport d’Alexandra Bensamoun
et de Joëlle Farchy lui sera remis fin avril. Le rapport sur la preuve de l’originalité, par Josée-Anne Bénazeraf et Valérie Berthez, est attendu pour fin mars. Celui sur les ventes passives devait être remis à l’automne dernier. Le CSPLA a déjà publié de nombreux rapports (blockchain, licences libres, données et contenus numériques, etc.). « Nous proposerons des coopérations sur des sujets d’intérêt commun, notamment en matière d’études et de manifestations, à des partenaires (…) tels que l’Hadopi, le CNAC (3), le Conseil national du numérique et l’INPI (4) », a aussi écrit Olivier Japiot dans un courrier (5) adressé aux membres du CSPLA le 14 décembre. @

Droit d’auteur : pourquoi la SACD n’a pas cosigné le communiqué à charge contre Google et YouTube

Le communiqué du 4 décembre 2018, cosigné par une trentaine d’organisations et d’entreprises françaises, ne fait pas l’unanimité dans le monde des industries culturelles car il semble fait l’impasse sur la rémunération supplémentaire des auteurs d’œuvres mis en ligne. La SACD ne le cautionne pas.

Edition Multimédi@ a demandé à Pascal Rogard (photo), directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), laquelle compte plus 50.000 auteurs membres, pourquoi celle-ci n’avait pas été cosignataire le
4 décembre du communiqué commun de 33 organisations, syndicats et entreprises françaises accusant Google et sa filiale YouTube de «campagne de désinformation massive (…) en abusant de leur position dominante » dans le cadre du projet de directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique.

Fabrice Fries, PDG de l’AFP : « Trouver un équilibre entre notre visibilité sur Internet et nos clients »

A la tête de l’AFP depuis huit mois, Fabrice Fries a répondu le 3 décembre aux questions de l’Association des journalistes médias (AJM) – notamment sur la prolifération des dépêches à travers les sites web et blogs, ainsi que sur le « droit voisin » réclamé par la presse face à Google, Facebook et autres agrégateurs d’actualités.

Si les dépêches de l’AFP se retrouvent reprises par une multitude de sites de presse en ligne et des blogs d’information, qui les mettent en libre accès sur Internet et les mobiles, à quoi bon pour les médias de s’abonner aux « fils » de l’AFP ? C’est l’une des toutes premières questions posées par l’Association des journalistes médias (AJM) à Fabrice Fries (photo), président-directeur général de l’Agence France-Presse depuis le 15 avril 2018. « Vous pointez le doigt sur un vrai sujet. La vraie question est un problème d’équilibre à trouver entre un minimum de visibilité sur les sites (web) et la génération du chiffre d’affaires que l’on fait avec nos clients », a-t-il répondu. Cette surabondance en ligne de dépêches d’agences de presse telles que celles de l’AFP, mais aussi de Reuters, d’Associated Press (AP) ou encore de Bloomberg, ne date pas d’hier mais elle n’a jamais été aussi visible depuis que la presse sur Internet (1) est apparue avant les années 2000, accompagnée d’une multiplication de sites web et de blogs d’information. Cette prolifération de dépêches – plus ou moins « bétonnées » (2) – aboutit à un effet « moutonnier » des médias en ligne, avec pour conséquence une uniformisation de l’information. Cela tend à décrédibiliser au passage le journalisme et la presse aux yeux du grand public, les internautes et les mobinautes se retrouvant à lire les mêmes dépêches d’un titre à l’autre, ou ayant une impression de déjà lu…