La bataille des brevets dans la high-tech est devenue un sport mondial qui peut rapporter gros

Ferrailler en justice pour violation de droits de propriété « technologique » est pratique courante dans le monde des affaires, surtout dans le numérique où le nombre des utilisateurs de produits hightech peut se compter par millions à l’international. Dernière affaire en date : Sonos attaque Google.

Violation de brevets. C’est l’accusation qu’a lancée le fabricant américain d’enceintes hifi connectées Sonos à l’encontre de Google, dans une plainte déposée à Los Angeles le 7 janvier 2020 auprès du régulateur fédéral du commerce international – l’US International Trade Commission (USITC). Sonos, dont le siège social est à Santa Barbara et que dirige Patrick Spencer (photo) depuis trois ans, reproche au géant du Net de lui avoir volé sa technologie audio « multi-room » sans fil.

Apple, Qualcomm, Samsung, Huawei, …
C’est le 6 février que la plainte pour violation de brevets a été révélée, à la fois par l’USITC (1) et par Patrick Spencer lui-même sur la chaîne CNBC. « Je ne vais pas rester les bras croisés parce qu’il y a une valeur réelle dans notre technologie brevetée », a-t-il déclaré (2). Le directeur général de Sonos affirme que Google a eu accès à sa technologie en 2013, lorsque les deux entreprises ont travaillé ensemble pour intégrer le service de streaming musical du second sur les enceintes intelligentes du premier. Or Sonos accuse Google d’avoir sciemment violé ses brevets deux ans après, avec le lancement de Chromecast Audio, son premier produit audio sans fil multi-room. Ce n’est pas la première fois que Sonos porte plainte pour contrefaçon de brevets : en 2014, la société californienne de smart speakers s’en était prise au japonais Denon du groupe DEI Holdings – lui aussi fabricant d’appareils hi-fi et audio-numériques, dont les haut-parleurs sans fil Heos. Finalement, les deux entreprises avaient trouvé un accord quatre ans plus tard.
Dans une autre affaire récente de droits de propriété intellectuelle liés aux nouvelles technologies, là encore dans les transmissions sans fil, deux Big Tech – Apple et Broadcom – ont été condamnées le 29 janvier dernier à dédommager à hauteur de 1,1 milliard de dollars Caltech, un institut de technologie de Californie qui avait engagé des poursuites à leur encontre en 2016 pour lui avoir volé plusieurs brevets de communication Wifi. La marque à la pomme utilisait des composants électroniques du fabricant de semi-conducteurs dans ses iPhone, iPad et Mac. Apple, jugé complice du vol, a dû payer 837 millions de dollars, et Broadcom 270 millions de dollars. Mais les deux Big Tech ont déjà indiqué vouloir faire appel de cette condamnation. Mais cette affaire peut en cacher une autre. Apple a en effet eu maille à partir avec un autre fabricant de puces, et non des moindres : Qualcomm, le numéro un mondial des micro-processeurs pour smartphones (3G, 4G et 5G). Le fabricant de l’iPhone reprochait à ce dernier depuis début 2017 d’abuser de sa position dominante en imposant des royalties élevées sur ses composants réseau pour mobiles via des licences d’exploitation de ses multiples brevets. Apple aurait même soutenu Broadcom dans sa tentative – finalement abandonnée en 2018 – de racheter Qualcomm. Au bout de deux ans de bataille juridique, Apple et Qualcomm (4) enterraient la hache de guerre en avril 2019, avant qu’Intel ne cède à Apple l’été dernier son activité de puces pour smartphones – brevets compris. La marque à la pomme, encore elle, avait aussi engagé un bras de fer judiciaire en 2011 contre cette fois Samsung pour violation de propriété intellectuelle. Le fabricant d’iPhone et d’iPad, qui accusait son concurrent sud-coréen de copier ses smartphone et tablettes, a eu gain de cause en 2012, mais le procès a traîné en longueur sur le dédommagement à verser à la firme de Cupertino pour violation de brevets et plagiat – notamment du design des iPhone (bords arrondis du smartphone et icônes colorées sur fond noir, entre autres caractéristiques). Ce n’est que le 18 mai 2018 que la somme à payer par Samsung a été définitivement fixée à 539 millions de dollars, au lieu de plus de 1milliard obtenu en première instance par Apple.
De son côté, Samsung, numéro un mondial des fabricants de smartphone, avait lui aussi engagé à l’été 2016 une guerre des brevets avec le chinois Huawei, lequel est devenu numéro deux mondial à la place d’Apple. Mais au bout de près de trois ans, les poursuites judiciaires pour violation de brevets (le sud-coréen accusant le chinois et inversement) se sont soldées au printemps 2019 par un accord (d’utilisation mutuelle de brevets).

La Chine devient le 1er déposant de brevets
Ces différentes affaires illustrent les enjeux de propriété intellectuelle qui prévalent dans la bataille acharnée que se livrent les acteurs mondialisés de l’électronique grand public. Selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi), l’Asie – la Chine, la Corée du Sud et l’Inde en tête – dépose désormais depuis deux ans plus de la moitié des brevets à l’international. L’Empire du Milieu est en passe de devenir le premier déposant de brevets internationaux, devant les Etats-Unis. Cela promet encore de nombreux procès en violation de propriété technologique. @

Charles de Laubier