DAB+ : la RNT subira-t-elle le même sort que la TNT ?

En fait. A quelques semaines des 10 ans (le 30 novembre) de l’extinction du signal analogique de la télévision au profit de la télévision numérique terrestre (TNT), la France a accéléré le 12 octobre le déploiement de la radio numérique terrestre (RNT), alias le DAB+. La France pourrait fixer une date d’extinction de la FM.

En clair. « Il n’y a pas de date fixée d’arrêt de la FM parce qu’il n’y en a pas besoin à ce stade et que c’est, en tout état de cause, trop tôt pour l’envisager », indique à Edition Multimédi@ Hervé Godechot, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Mais celui qui est aussi président du groupe de travail « radios et audio numérique » (1) d’ajouter : « En France, cela arrivera sans doute un jour, mais à condition d’avoir l’adhésion et la volonté de tous, éditeurs et auditeurs ». Alors qu’il y a dix ans la France avait fixé une date butoir pour éteindre au 30 novembre 2011 la télévision analogique pour basculer entièrement sur la télévision numérique terrestre (TNT), alias le DVB-T, une deadline de l’extinction de la FM au profit de la radio numérique terrestre (RNT), alias DAB+, n’est cette fois pas d’actualité.
Pourtant d’autres pays ont choisi d’éteindre le signal analogique hertzien de la radio pour ne garder que la diffusion numérique hertzienne. C’est le cas de la Norvège, première en Europe à avoir éteint sa FM en 2017. La Suisse, elle, a reporté à fin 2024 l’extinction totale de la FM pour basculer en RNT, mais en y allant en deux temps : les radios publiques à partir de l’an prochain et les radios privées à partir de 2023. Ce switch-off est envisagé pour 2023 au Danemark. Le CSA avait tout de même songé dès 2009 à envisager une date d’extinction de la FM, évoquant à l’époque l’année 2020 (2). Une date butoir aurait permis de booster le déploiement de la couverture de la France en DAB+ : le 12 octobre, la RNT a été allumée sur l’axe autoroutier Paris-Lyon-Marseille, 90 % des véhicules neufs étant équipés d’une récepteur DAB+ (pour un parc total de 4 millions de véhicules « DAB+ »). Et ce, sept ans après le démarrage du DAB+ dans les villes de Paris, Nice et Marseille, suivies de plusieurs autres.
Mais la France est à la traîne du DAB+ en Europe : seuls 40% de la population peut l’écouter et il faudra attendre l’an prochain pour atteindre la moitié. Et si les grandes radios nationales peuvent financer le surcoût de la double-diffusion dû au retard (3), des radios indépendantes risquent, prévient le Sirti (4), de mettre la clé sous la porte. Reste à savoir si la 5G ne va pas disqualifier la RNT, comme certains le pensent encore pour la TNT (5). A moins que le CSA veille à la « modernisation de la plateforme » DAB+ comme il l’a fait pour la TNT. @

Yahoo, racheté par le fonds new-yorkais Apollo, en fait-il assez contre les fake news ? Le CSA en doute

Jusqu’alors filiale de Verizon, Yahoo est désormais sur une nouvelle orbite depuis son rachat – avec d’autres entités-sœurs comme AOL ou TechCrunch – par le fonds d’investissement américain Apollo. En France, Yahoo devra continuer à rendre compte au CSA de sa lutte contre les fake news.

« Plus encore que l’année passée, Verizon Media se distingue par une déclaration particulièrement étique [d’une extrême maigreur, ndlr], tant sur la forme que sur la quantité des éléments communiqués ». C’est en ces termes que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a critiqué le 21 septembre la réponse de Yahoo, qui était encore en 2020 la filiale européenne de l’opérateur américain Verizon basée en Irlande (à Dublin). Celle-ci n’a rendu que huit pages parsemées de captures d’écran sur les mesures que Yahoo Search et Yahoo Portal ont pris pour lutter contre les fake news.

Apollo : Yahoo sur une nouvelle orbite
Verizon, qui a cédé en mai dernier ses activités médias (Yahoo, AOL, TechCrunch, Engadget, Autoblog, …) au fonds d’investissement new-yorkais Apollo Global Management pour une acquisition de 5 milliards de dollars finalisée le 1er septembre dernier (1), garde néanmoins une participation minoritaire de 10 % dans son ex-filiale Verizon Media rebaptisée Yahoo, Inc. Verizon avait fait les acquisitions d’AOL et de Yahoo respectivement en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars et en juillet 2016 pour 4,8 milliards de dollars (2). Depuis le 27 septembre, la nouvelle société a un nouveau directeur général : Jim Lanzone (photo), réputé être « un vétéran des médias et des technologies » aux Etats-Unis. Ancien patron de Tinder (3), il succède à Guru Gowrappan qui chapeautait Yahoo chez Verizon Media depuis trois ans et qui devient, lui, consultant chez Apollo (4).
Vingt-sept ans après avoir été cofondé par Jerry Yang et David Filo, puis devenu une icône du Net dans les années 1990 (au point que Microsoft a tenté en vain de l’acheter en 2008 pour près de 45 milliards de dollars…), Yahoo avec sa quinzaine de services édités revendique une audience totale de 900 millions d’utilisateurs dans le monde. Ses contenus – actualités, informations financières et sportives, boutiques, jeux vidéo, etc. – sont issus le plus souvent de partenariats locaux qui tirent parti des synergies instaurées entre publicité (Yahoo Ad Tech), moteur de recherche (Yahoo Search) et média (Yahoo Portal).
En France, d’après Médiamétrie, Yahoo enregistre sur le seul mois de juillet 2021 plus de 27 millions de visiteurs uniques avec un rythme journalier moyen de 8,7 millions de visiteurs uniques. Ce qui place le moteur de recherche et portail média à la dixième place des audiences de l’Internet global (ordinateur et/ou smartphone et/ou tablette), derrière Google, Facebook, YouTube, Amazon, WhatsApp, Instagram, Wikipedia, TousAntiCovid et Leboncoin.fr. Au moment de répondre succinctement au CSA sur ses mesures prises en 2020 pour lutter contre les fausses informations (5), comme ce fut le cas en 2019 pour la première fois, Yahoo était encore pleinement aux mains de Verizon Media qui est à l’origine du maigre rapport via sa filiale irlandaise. Le CSA a ainsi reçu, pour la deuxième édition de son bilan annuel des mesures « anti-fake news » mises en œuvre (6), onze réponses de plateformes – Yahoo, Dailymotion, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Snapchat, Twitter, Wikimédia, Webedia, Unify – ayant l’obligation de coopérer conformément à la loi française du 22 décembre 2018 pour lutter contre la manipulation de l’information (7). Mais Yahoo n’a pas répondu pleinement aux attentes de CSA, lequel reproche en outre à Verizon Media d’avoir continué à « refus[er] de coopérer » et à ne pas suivre les indications déjà formulées l’an dernier par le régulateur pour « confirmer l’inclusion des portails d’information proposant des contenus de tiers ». Le groupe américain a persisté à considérer – à tort selon le régulateur car la loi ne prévoit pas de critères d’exclusion – que le portail d’information Yahoo Portal n’avait pas à se soumettre au devoir de coopération prévu par la loi française contre les fake news. Yahoo estime qu’il ne s’agit pas là d’une « plateforme ouverte où les utilisateurs/fournisseurs de contenu peuvent seuls sélectionner et afficher leur contenu ». Reste à savoir si le nouveau patron de Yahoo, Jim Lanzone, entendra la réprimande française afin de mieux coopérer à l’avenir avec le CSA, et notamment de mettre en place un dispositif « facilement accessible et visible » permettant aux utilisateurs de signaler des fausses informations.

L’après-« Oath » et « Marissa Mayer »
Le site d’actualité HuffPost ne fait plus partie, lui, de la galaxie du nouveau Yahoo, puisque l’ex-The Huffington Post a été racheté l’an dernier par Buzzfeed qui en a finalisé l’acquisition auprès de Verizon mi-février dernier, avec des licenciements à la clé (8). Avec le fonds Apollo, Yahoo entame une nouvelle ère après celles plutôt décevantes de Marissa Mayer (9) (2012-2017), d’Oath (10) (2017-2019), puis de Verizon Media (2019-2021). L’opérateur télécoms américain a perdu beaucoup d’argent avec son ex-pôle médias faute de recettes publicitaires suffisantes ; le fonds d’investissement y trouvera-t-il son compte ? @

Charles de Laubier

Les « CSA » des Vingt-sept veulent leur ERGA+

En fait. Le 5 juillet, l’ERGA, groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels réunissant les « Conseil supérieur de l’audiovisuel » des Vingt-sept, a publié ses « propositions visant à renforcer le Digital Service Act » (DSA) en cours d’examen au Parlement européen. Parmi elles : un ERGA+ face aux GAFAM.

En clair. A grands acteurs, grands moyens. L’ERGA (1) a adopté des propositions visant à renforcer, « en ce qui concerne la réglementation du contenu en ligne », la future loi européenne sur les services numériques – le Digital Services Act (DSA). Lors de sa 15e réunion plénière le 1er juin dernier en visioconférence, l’ERGA a discuté de ses propositions fin juin, avant de publier son position paper le 5 juillet. Dans ce document de 37 pages (2), le groupe européen des « CSA » vise notamment les grands acteurs de l’Internet – appelés les « VLOP » (Very Large Online Platforms).
L’ERGA suggère à la Commission européenne de se transformer en « ERGA+ », aux pouvoirs, aux ressources et au nombre de membres renforcés. Et ce, afin de se doter d’« une solide capacité de coordination et d’expertise » (pouvoirs d’enquêtes, d’audits et d’analyses), voire d’« arbitrage », dans le cadre de la « réglementation systémique » de chaque VLOP (3) et de l’efficacité accrue du « principe du pays d’origine ». Ainsi, l’ERGA+ viendrait en soutien de la « réglementation efficace » des plateformes de contenu en ligne – en particulier des GAFAM et autres VLOP – « à travers un vaste cadre de coopération transfrontalière pour les [« CSA » européens] dans la mise en œuvre du DSA ». Le super-ERGA ainsi constitué pourrait, dans un souci de cohérence sur le marché unique numérique, « émettre des recommandations adressées à des groupes d’acteurs » de l’Internet, « adopter des définitions réglementaires et des lignes directrices communes », ainsi qu’« établir des indicateurs de performance-clés ». Et « assurer l’arbitrage » de différends en cas d’échec de la médiation entre une plateforme numérique et un ou plusieurs « CSA ». L’ERGA+ pourrait aussi émettre un avis sur les rapports de transparence soumis par les GAFAM et sur les décisions concernant chacun d’eux prises par les gendarmes des services de médias audiovisuels (avis, sanctions, mises en demeure, …).
Ce rôle – que les « CSA » veut faire passer de consultatif à décisionnel en tant que nouvel « organe européen indépendant » – pourrait être aussi extra-européen « vis-à-vis d’acteurs non européens fournissant des services de plateformes de contenu en ligne dans l’UE ». Et le groupe des « CSA » de préciser : «Comme aujourd’hui, la Commission européenne, bien qu’elle ne soit pas membre de l’ERGA+, devrait participer à ses réunions ». @

Piratage : l’amende de 350 € vraiment écartée ?

En fait. Le 13 juillet, à l’Assemblée nationale, se tiendra la deuxième séance publique sur le projet de loi « Régulation et protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Une commission mixte paritaire présentera son rapport. Le Sénat renoncera-t-il définitivement à l’amende de 350 euros pour piratage ?

En clair. Le 23 juin dernier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi sur « la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » (1). Ce texte, qui a remplacé en bien plus modeste la grande réforme de l’audiovisuel voulue initialement par Emmanuel Macron pour son quinquennat, fait de la lutte contre le piratage en ligne une priorité. Cependant, les industries culturelles restent sur leur faim car l’une des dispositions adoptées sous leur impulsion par le Sénat – l’amende transactionnelle de 350 euros pour un(e) internaute reconnu(e) coupable de piratage sur Internet (1.050 euros pour une personne morale) – a été retirée par les députés en commission.
Cette « transaction pénale » aurait été proposée à l’auteur de l’infraction et de la « négligence caractérisée » (défaut de sécurisation de son accès Internet dont il est responsable) par la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, alias Hadopi-CSA). Ne croyant plus à l’efficacité de la réponse graduée, les organisations professionnelles des industries culturelles, de l’audiovisuel et de la création (Sacem, SACD, Alpa, Scam, SEVN, Snac, UPC, …) en avaient rêvée (2). La droite sénatoriale, emmenée par le rapporteur du projet de loi Jean-Raymond Hugonet (LR), l’a fait en faisant adopter début mai un amendement (3) introduisant cette « amende transaction-nelle » qui donne la main à l’Arcom au lieu d’en passer par une décision judicaire. Selon ses motifs, « plus de 85 % des saisines du procureur ne donnent lieu à aucune poursuite ». La députée Aurore Bergé (LREM) avait soutenu avec les ayants droits cette disposition en 2020 lorsqu’elle était rapporteure du projet de loi (abandonné) sur la réforme de l’audiovisuel.
Mais le 9 juin, des députés – côté LREM (4) et côté LFI (5) – ont retiré cette transaction pénale de l’arsenal « anti-piratage », donnant satisfaction à la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui préfère la réponse graduée à cette amende pénale. Dans la foulée, cette suppression de l’amende transactionnelle coupait l’herbe sous le pieds de députés LR qui, eux, voulaient augmenter la sanction pécuniaire de 350 à 500 euros pour une personne physique, et de 1.050 à 2.500 euros pour une personne morale (6). Mais sortie par la porte, cette disposition peut-elle revenir par la fenêtre d’ici le 13 juillet ? @

Téléviseurs : gouvernement et Afnum versus HbbTV

En fait. Le 14 juin prochain, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, sera auditionnée lors de l’examen du projet de loi « Régulation et protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Au nom du gouvernement, elle devrait réitérer son refus de rendre le HbbTV obligatoire sur les téléviseurs.

En clair. Du 14 au 17 juin prochains, le projet de loi sur « la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » sera examiné par l’Assemblée nationale, après avoir été adopté par le Sénat le 20 mai dernier. Dans ce texte, un nouvel article est apparu, le 9 quater, qui consacre « la signalisation des services interactifs associés aux services de communication audiovisuelle autorisés ou conventionnés par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique [future Arcom, de la fusion CSA-Hadopi, ndlr]».
En clair, le Sénat a obtenu in extremis – et contre le refus de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot – que soit imposée la compatibilité des téléviseurs, vendus en France, avec la norme européenne HbbTV (1) – avec obligation pour les distributeurs de « reprendre » les services interactifs offerts par les diffuseurs. L’objectif est de renforcer l’attractivité de la TNT face aux plateformes numériques, en donnant accès à des services interactifs associés, à de la télévision de rattrapage (replay), à de la vidéo à la demande (VOD), au contrôle du direct (timeshifting), ou encore à de la publicité ciblée (targeted advertising). « Je pense que cela va trop loin », s’est opposée fermement Roselyne Bachelot en séance publique le 20 mai : « D’une part, de telles obligations de compatibilité des téléviseurs à l’interactivité sont difficilement conciliables avec le droit communautaire en matière de libre circulation des marchandises. (…) Une obligation de compatibilité des téléviseurs à la technologie HbbTV est d’autant plus discutable que les fabricants lui dénient à ce jour son statut de norme européenne (2). (…) D’autre part, (…) l’offre de services interactifs HbbTV aujourd’hui disponibles sur la TNT est encore limitée », a-t-elle argumenté (3) en demandant au rapporteur du projet de loi au Sénat, Jean-Raymond Hugonet, de retirer son amendement introduisant cette obligation « HbbTV » pourtant souhaitée par les chaînes (TF1-M6, FranceTV, Arte, Salto, …) et TDF (4).
Contre l’avis défavorable du gouvernement, en ligne avec l’opposition formulée par les fabricants de téléviseurs (5) via l’Alliance française des industries du numérique (Afnum), l’amendement (6) a quand même été adopté. A l’Assemblée nationale, le tandem gouvernement-Afnum aura-t-il raison du HbbTV ? La compatibilité ultra-haute définition (UHD) des téléviseurs fait, elle (7), consensus. @