Yahoo, racheté par le fonds new-yorkais Apollo, en fait-il assez contre les fake news ? Le CSA en doute

Jusqu’alors filiale de Verizon, Yahoo est désormais sur une nouvelle orbite depuis son rachat – avec d’autres entités-sœurs comme AOL ou TechCrunch – par le fonds d’investissement américain Apollo. En France, Yahoo devra continuer à rendre compte au CSA de sa lutte contre les fake news.

« Plus encore que l’année passée, Verizon Media se distingue par une déclaration particulièrement étique [d’une extrême maigreur, ndlr], tant sur la forme que sur la quantité des éléments communiqués ». C’est en ces termes que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a critiqué le 21 septembre la réponse de Yahoo, qui était encore en 2020 la filiale européenne de l’opérateur américain Verizon basée en Irlande (à Dublin). Celle-ci n’a rendu que huit pages parsemées de captures d’écran sur les mesures que Yahoo Search et Yahoo Portal ont pris pour lutter contre les fake news.

Apollo : Yahoo sur une nouvelle orbite
Verizon, qui a cédé en mai dernier ses activités médias (Yahoo, AOL, TechCrunch, Engadget, Autoblog, …) au fonds d’investissement new-yorkais Apollo Global Management pour une acquisition de 5 milliards de dollars finalisée le 1er septembre dernier (1), garde néanmoins une participation minoritaire de 10 % dans son ex-filiale Verizon Media rebaptisée Yahoo, Inc. Verizon avait fait les acquisitions d’AOL et de Yahoo respectivement en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars et en juillet 2016 pour 4,8 milliards de dollars (2). Depuis le 27 septembre, la nouvelle société a un nouveau directeur général : Jim Lanzone (photo), réputé être « un vétéran des médias et des technologies » aux Etats-Unis. Ancien patron de Tinder (3), il succède à Guru Gowrappan qui chapeautait Yahoo chez Verizon Media depuis trois ans et qui devient, lui, consultant chez Apollo (4).
Vingt-sept ans après avoir été cofondé par Jerry Yang et David Filo, puis devenu une icône du Net dans les années 1990 (au point que Microsoft a tenté en vain de l’acheter en 2008 pour près de 45 milliards de dollars…), Yahoo avec sa quinzaine de services édités revendique une audience totale de 900 millions d’utilisateurs dans le monde. Ses contenus – actualités, informations financières et sportives, boutiques, jeux vidéo, etc. – sont issus le plus souvent de partenariats locaux qui tirent parti des synergies instaurées entre publicité (Yahoo Ad Tech), moteur de recherche (Yahoo Search) et média (Yahoo Portal).
En France, d’après Médiamétrie, Yahoo enregistre sur le seul mois de juillet 2021 plus de 27 millions de visiteurs uniques avec un rythme journalier moyen de 8,7 millions de visiteurs uniques. Ce qui place le moteur de recherche et portail média à la dixième place des audiences de l’Internet global (ordinateur et/ou smartphone et/ou tablette), derrière Google, Facebook, YouTube, Amazon, WhatsApp, Instagram, Wikipedia, TousAntiCovid et Leboncoin.fr. Au moment de répondre succinctement au CSA sur ses mesures prises en 2020 pour lutter contre les fausses informations (5), comme ce fut le cas en 2019 pour la première fois, Yahoo était encore pleinement aux mains de Verizon Media qui est à l’origine du maigre rapport via sa filiale irlandaise. Le CSA a ainsi reçu, pour la deuxième édition de son bilan annuel des mesures « anti-fake news » mises en œuvre (6), onze réponses de plateformes – Yahoo, Dailymotion, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Snapchat, Twitter, Wikimédia, Webedia, Unify – ayant l’obligation de coopérer conformément à la loi française du 22 décembre 2018 pour lutter contre la manipulation de l’information (7). Mais Yahoo n’a pas répondu pleinement aux attentes de CSA, lequel reproche en outre à Verizon Media d’avoir continué à « refus[er] de coopérer » et à ne pas suivre les indications déjà formulées l’an dernier par le régulateur pour « confirmer l’inclusion des portails d’information proposant des contenus de tiers ». Le groupe américain a persisté à considérer – à tort selon le régulateur car la loi ne prévoit pas de critères d’exclusion – que le portail d’information Yahoo Portal n’avait pas à se soumettre au devoir de coopération prévu par la loi française contre les fake news. Yahoo estime qu’il ne s’agit pas là d’une « plateforme ouverte où les utilisateurs/fournisseurs de contenu peuvent seuls sélectionner et afficher leur contenu ». Reste à savoir si le nouveau patron de Yahoo, Jim Lanzone, entendra la réprimande française afin de mieux coopérer à l’avenir avec le CSA, et notamment de mettre en place un dispositif « facilement accessible et visible » permettant aux utilisateurs de signaler des fausses informations.

L’après-« Oath » et « Marissa Mayer »
Le site d’actualité HuffPost ne fait plus partie, lui, de la galaxie du nouveau Yahoo, puisque l’ex-The Huffington Post a été racheté l’an dernier par Buzzfeed qui en a finalisé l’acquisition auprès de Verizon mi-février dernier, avec des licenciements à la clé (8). Avec le fonds Apollo, Yahoo entame une nouvelle ère après celles plutôt décevantes de Marissa Mayer (9) (2012-2017), d’Oath (10) (2017-2019), puis de Verizon Media (2019-2021). L’opérateur télécoms américain a perdu beaucoup d’argent avec son ex-pôle médias faute de recettes publicitaires suffisantes ; le fonds d’investissement y trouvera-t-il son compte ? @

Charles de Laubier