« Guerre informationnelle » et lutte contre la « désinformation étrangère » agitent l’Etat français

Face à la désinformation, l’Etat français s’érige de plus en plus en régulateur des contenus. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) joue un rôle central avec son « service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères » (Viginum).

Cela fait maintenant quatre ans jour pour jour – au 15 octobre 2025 – qu’un « comité éthique et scientifique », institué auprès du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), lequel dépend directement du Premier ministre, est chargé de suivre l’activité du « service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères », plus connu sous le nom de Viginum, créé en 2021. Son comité est présidé depuis près deux ans par Jean-Luc Sauron (photo), conseiller d’Etat, et est composé de sept « personnalités qualifiées ».

Désinformation : le conseil de défense attendra
C’est le SGDSN, installé dans le 7e arrondissement de Paris et à proximité immédiate des Invalides et du ministère des Armées, qui est censé coordonner la tenue de ce que des médias ont appelé le « conseil de défense sur la guerre informationnelle » (1). Convoqué par le président de la République, Emmanuel Macron, ce conseil de défense (2) devrait se tenir initialement le 10 septembre 2025, dans le but de faire le point sur la stratégie et les capacités françaises en matière d’influence, de lutte contre les manipulations de l’information et les tentatives de déstabilisation venues de l’étranger. Mais il a été reporté et devait être « reprogrammé au mois d’octobre », d’après La Lettre (3). Cependant, les démissions successives de deux Premier ministre – François Bayrou le 9 septembre et Sébastien Lecornu le 6 octobre, ce dernier ayant été le plus éphémère locataire de Matignon de toute la Ve République (27 jours), avec un gouvernement « Lecornu 1 » mort-né en seulement 14h30 – ne permettront pas de réunir d’ici la fin du mois d’octobre ce conseil de défense sur la guerre informationnelle. Même avec « Lecornu 2 ». Les raisons du report initial du conseil de défense sur la guerre informationnelle ne sont pas (suite)

L’incarcération d’un ancien président de la République consacre aussi un média numérique, Mediapart

C’est une condamnation historique d’un ancien président de la République française à de la prison ferme – avec incarcération – dans une affaire que Mediapart a révélée il y a treize ans. La sentence rendue à l’encontre de Nicolas Sarkozy le 25 septembre 2025 est aussi la consécration d’un média en ligne.

Depuis une trentaine d’années que les pure players de la presse en ligne existent, c’est la première fois que l’un d’eux se retrouve sous le feu des projecteurs et consacré pour son journalisme d’investigation – en l’occurrence pour avoir été à l’origine d’une affaire retentissante ayant conduit un ancien président de la République derrière les barreaux – un fait inédit et historique depuis la naissance de la République française en… 1792.
Le média numérique Mediapart, cofondé en 2008 par Edwy Plenel (photo de gauche) et présidé depuis 2024 par Carine Fouteau (photo de droite), s’est déjà fait une renommée avec de grandes enquêtes telles que les affaires Woerth-Bettencourt (2010), Cahuzac (2013), Baupin (2016), Ramadan (2017), Benalla (2019), Perdriau (2022) ou encore Azov/Courtine (2024). Mais cette fois, avec l’affaire Sarkozy-Kadhafi (2012-2025), Mediapart devient le premier nouveau média – qui plus est 100 % digital – à voir un ancien chef d’Etat – Nicolas Sarkozy, 6e président de la Ve République (2007-2012) et le 23e président de toutes les républiques françaises – être écroué (1). Et ce, treize ans après avoir révélé en avril 2012 un financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par des fonds provenant du régime libyen de Mouammar Kadhafi. Un scandale d’Etat.

Plus de 10,1 millions de visites par mois
Mediapart, c’est plus de 245.000 abonnés numériques et ce nombre ne cesse de grandir au fur et à mesure que les affaires révélées s’enchaînent. A fin décembre 2024, ils étaient 233.277, puis, d’après sa directrice de la publication Carine Fouteau au moment de la présentation des résultats annuels en mars 2025, les 245.000 abonnés ont été atteints. Mais le site de presse en ligne mediapart.fr, c’est aussi plus de 10,1 millions de visites par mois (2), d’après le relevé de Similarweb, dont près de 12 % provenant hors de France (3). Pour cette année 2025, le chiffre d’affaires de l’entreprise – employant plus de 150 personnes – devrait franchir la barre des 25 millions d’euros de chiffre d’affaires – pour dépasser les 27,7 millions d’euros si l’on applique la même croissance de 11,4 % constatée sur l’année précédente. « Notre modèle économique ne (suite)

Wikipedia dans l’œil du cyclone de l’administration Trump et des conservateurs du monde entier

Wikipedia, qui fêtera ses 25 ans en janvier 2026, est aux prises avec les conservateurs et l’extrême droite qui reprochent à l’encyclopédie en ligne à vocation universelle d’être « orientée à gauche ». Le meurtre du trumpiste Charlie Kirk a relancé les critiques infondées. Elle est aussi une cible en Europe.

(Par ailleurs, Jimmy Wales, son cofondateur, publie le 25 octobre 2025, Les sept règles de la confiance, chez Crown Currency/Penguin Random House)

Israël en guerre à Gaza, invasion de l’Ukraine par la Russie, politique, vaccination contre le covid19, réchauffement climatique, théories du genre, ou encore tout récemment meurtre de Charlie Kirk : les sujets sensibles voire épidermiques ne manquent pas sur Wikipedia, qui s’en tient aux faits, le plus souvent sourcés. Les traitements éditoriaux, qui sont effectués par 100.000 à 200.000 contributeurs « Wikipédiens » par mois dans le monde entier, peuvent agacer la partie la plus conservatrice et réactionnaire parmi les quelques 500 millions de visiteurs mensuels toutes versions confondues.
« Les rédacteurs gauchistes de Wikipedia déforment les faits dans un geste éhonté pour salir Charlie Kirk. […] Le cadrage garantit que toute personne à la recherche de Kirk après son meurtre est confrontée à un récit conçu pour le discréditer », s’est insurgée la chaîne de télévision conservatrice américaine Fox News le 11 septembre (1), soit au lendemain du meurtre de ce militant politique et conservateur américain, très proche du président des Etats-Unis Donald Trump. Elle reproche à l’encyclopédie en ligne très actualisée d’« attaque contre Kirk » en le disant d’emblée « de droite », un « cadrage politisé » que l’on ne retrouverait pas pour des personnalités comparables de la gauche.

Fox s’insurge contre la page « Charlie Kirk »
Mais ce qui agace le plus la chaîne pro-Trump du magnat des médias, le milliardaire australo-américain Rupert Murdoch, c’est ce passage pourtant incontestable : « Allié-clé de Donald Trump, Kirk a promu des causes d’extrême droite et alignées sur Trump. Il a épousé une variété de points de vue controversés, en particulier concernant son opposition au contrôle des armes à feu, à l’avortement et aux droits LGBTQ ; sa critique de la loi sur les droits civiques de 1964 et de Martin Luther King Jr. ; et sa promotion du nationalisme chrétien, de la désinformation sur le covid-19, de la théorie du complot du Grand remplacement et de fausses allégations de fraude électorale en 2020 » (2). Fox est le plus emblématique des médias aux Etats-Unis – la chaîne d’information la plus regardée par les Américains devant CNN et MSNBC – à avoir critiqué Wikipedia. Mais d’autres médias du même bord ont fait de même. Par exemple, le jour même de l’assassinat, le site web NewsBusters à la rhétorique conservatrice a accusé l’encyclopédie en ligne de (suite)

Donald Trump, qui aime être appelé « président de l’Europe », s’en prend aux lois numériques de l’UE

A peine la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait-elle signé le 21 août un accord commercial et douanier avec le président des Etats-Unis Donald Trump que celui-ci lançait une charge contre la législation numérique des Vingt-sept. Comme tétanisé, Bruxelles ne lui a pas répondu.

(Au moment où nous publiions le 5 septembre cet article dans EM@, la Commission européenne infligeait à Google 2,95 milliards d’euros d’amende, fâchant encore Trump)

Cinq jours à peine après avoir signé tout sourire avec Ursula von der Leyen (photo de droite) les conclusions d’un accord commercial sur les droits de douane entre les Etats-Unis et l’Union européenne (1), Donald Trump (photo de gauche) lançait, le 26 août, une charge virulente – avec menaces de représailles douanières – contre la législation numérique des Vingt-sept : « En tant que président des Etats-Unis, je m’opposerai aux pays qui attaquent nos incroyables entreprises technologiques américaines. Les taxes numériques, la législation sur les services numériques et la réglementation des marchés numériques sont toutes conçues pour nuire à la technologie américaine ou la discriminer. Ils donnent aussi, outrageusement, un laissez-passer complet aux plus grandes entreprises technologiques chinoises. Cela doit cesser, et se terminer MAINTENANT ! », a lancé ce jour-là le 47e président des Etats-Unis sur son réseau social (2). Depuis cette offensive, aucune réplique n’est intervenue de la part de la Commission européenne, que cela soit de sa présidente Ursula von der Leyen ou de sa vice-présidente chargée du numérique Henna Virkkunen. Pourtant, Donald Trump visait explicitement les taxes sur les services numérique (TSN), le Digital Services Act (DSA) ou encore le Digital Markets Act (DMA).

Von der Leyen reste sans voix face à Trump
Le locataire de la Maison-Blanche a même menacé l’Europe – sans la nommer tant la cible est claire – de représailles douanières si ces réglementations – qu’il a qualifiées de « discriminatoires » – n’étaient pas abolies. Dans ce post menaçant l’Union européenne comme le reste du monde, Donald Trump a brandi son arme douanière favorite : « Avec cette VÉRITÉ [sic], j’avertis tous les pays ayant des taxes, des lois, des règles ou des réglementations numériques qu’à moins que ces actions discriminatoires ne soient supprimées, moi, en tant que président des Etats-Unis, j’imposerai des droits de douane supplémentaires substantiels sur les exportations de ce pays vers les Etats-Unis et instituerai des restrictions à l’exportation sur notre technologie et nos puces hautement protégées. L’Amérique et les entreprises technologiques américaines ne sont (suite)

Le sort de TikTok US est devenu une affaire d’Etats

En fait. Le 17 septembre est la deadline pour TikTok US, filiale américaine du chinois ByteDance. Il s’agit de la troisième échéance fixée en juin par Donald Trump, faute d’avoir pu obtenir l’aval de la Chine – en pleine négociations commerciales sur les droits de douane. Vers un quatrième report ?

En clair. Le président chinois Xi Jinping avait fait savoir le 9 avril 2025 que tout accord pour TikTok US devait avoir l’aval du gouvernement chinois, ce qui a mis en stand-by tout accord sur la vente des actifs américains de ce réseau social. Le président des Etats-Unis Donald Trump avait été alors contraint de reporter une troisième fois – via un nouvel Executive Order daté du 19 juin dernier (1) – l’échéance à laquelle les actifs de TikTok US doivent être séparés des intérêts de la maison mère chinoise ByteDance. Le 17 septembre est donc la nouvelle deadline.
C’est compter sans le durcissement des droits de douane envers la Chine décidé par le locataire de la Maison-Blanche, lequel avait affirmé le 4 juillet qu’il allait entamer le 7 ou le 8 juillet des discussions avec la Chine sur un éventuel accord avec TikTok US. Le bras de fer commercial entre les Etats-Unis et l’Empire du Milieu s’est à nouveau intensifié lorsque Donald Trump a lancé du Bureau ovale le 25 août : « Ils [la Chine, ndlr] doivent nous donner des aimants [des aimants en terres rares à haute densité d’énergie magnétique, très demandés dans les l’électronique ou les moteurs électriques, ndlr]. S’ils ne nous en donnent pas alors nous leur imposerons des droits de douane autour de 200 % ». Depuis le printemps dernier, la Chine a restreint l’exportation de ses terres rares en représailles aux droits de douanes imposés par les Etats-Unis aux importations de véhicules, d’acier et d’aluminium chinois (2). Dans ces conditions, il est peu probable que Xi Jinping (suite)