La loi Hadopi se retrouve partiellement censurée

En fait. Le 20 mai, le Conseil constitutionnel a « censuré des dispositions organisant l’accès de la Hadopi à tous documents, dont des données de connexion des internautes » (1). « Cette décision ne change rien pour nous », assure l’Hadopi à EM@. La Quadrature du Net avait, elle, crié trop vite : « Hadopi est vaincue ».

En clair. « La décision du Conseil constitutionnel ne change rien pour le fonctionnement de l’Hadopi et de sa réponse graduée ; elle nous conforte même dans notre action et notre façon d’obtenir des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) l’identité, l’adresse postale, l’adresse électronique et les coordonnées téléphoniques de l’abonné dont l’accès a été utilisé à des fins de piratage », indique l’Hadopi à Edition Multimédi@. Les membres de la commission de protection des droits (CPD), bras armé de la réponse graduée de l’Hadopi, et ses agents publics assermentés peuvent continuer à demander aux FAI – Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free en tête – l’identification des internautes présumés pirates, dont les organisations de la musique (SCPP, Sacem/SDRM et SPPF) et du cinéma (Alpa) lui fournissent depuis dix ans maintenant les adresses IP collectées par la société nantaise Trident Media Guard (TMG). Mais en censurant le mot « notamment » dans l’article 5 de la loi « Hadopi 1 » (2), précision jugée anticonstitutionnelle, les juges du Palais-Royal ordonnent que l’Hadopi s’en tienne aux seules données personnelles que sont « l’identité, l’adresse postale, l’adresse électronique et les coordonnées téléphoniques » de l’abonné incriminé. « De toute façon, nous assure l’Hadopi, nous nous en tenions à ces seules données d’identification des internautes ». En outre, a été jugé contraire à la Constitution le pouvoir exorbitant conféré aux agents assermentés de la CPD d’« obtenir tous documents, quel qu’en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques » . En mettant tous les documents d’identification en « open bar » (si l’on peut dire), le législateur a fait l’erreur de ne pas limiter ce « droit de communication » et de livrer des « informations nombreuses et précises » sur les internautes, « particulièrement attentatoires à leur vie privée ».
L’article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle (introduit par l’article 5 de la loi « Hadopi 1 ») est donc censuré sur sa partie illégale (3) au regard de la jurisprudence. Là encore, l’Hadopi ne s’estime pas im-pactée : « Nous n’utilisions pas cette possibilité d’obtenir tous documents ». Son président, Denis Rapone, doit communiquer ce lundi. Après avoir crié un peu trop vite « Hadopi est vaincue » (4), La Quadrature du Net a, elle, rectifié le tir en « Hadopi, une victoire de façade ? » (5). @

Ce que prévoit le projet européen MediaForEurope de l’italien Mediaset, contesté par Vivendi

Les milliardaires Vincent Bolloré et Silvio Berlusconi sont à couteaux tirés, le premier empêchant le second de créer la nouvelle holding MediaForEurope (MFE) destinée à lancer une plateforme vidéo OTT pour contrer Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney+ en Europe.

(Depuis la publication de cet article dans Edition Multimédi@ n°226, le tribunal de Milan a rejeté le 3 février le recours de Vivendi qui fait appel. Au tribunal d’Amsterdam cette fois, une audience est prévue le 10 février)

A la poursuite du droit à l’oubli et d’un équilibre par rapport aux autres droits fondamentaux

Le droit à l’oubli sur Internet – dont le droit au déréférencement sur les moteurs de recherche – n’est pas un droit absolu. Il s’arrête là où commencent d’autres droits fondamentaux comme la liberté d’informer – selon le principe de proportionnalité. Mais cet équilibre est à géométrie variable.

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

L’oubli est une préoccupation récente aux racines millénaires. C’est d’abord un concept auquel notre civilisation est rompue depuis le code de Hammurabi (1). Cependant, l’effectivité de l’oubli a été profondément remise en cause par la révolution numérique car la donnée devient aujourd’hui indéfiniment apparente sur les sites web et immédiatement accessible par les moteurs de recherche. Dès lors, le législateur comme le juge œuvrent pour adapter un droit à l’oubli (2) à l’outil numérique.

La loi Hadopi – dont fut rapporteur l’actuel ministre de la Culture, Franck Riester – fête ses dix ans

Cela fait une décennie que la loi Hadopi du 12 juin 2009 a été promulguée – mais sans son volet pénal, censuré par le Conseil constitutionnel, qui sera rectifié et promulgué quatre mois plus tard. Franck Riester en fut le rapporteur à l’Assemblée nationale. Jamais une loi et une autorité n’auront été autant encensées que maudites.

Alors que le conseiller d’Etat Jean-Yves Ollier doit rendre au ministre de la Culture Franck Riester (photo), qui l’a missionné, son rapport de réflexion sur « l’organisation de la régulation » – fusion Hadopi-CSA ? – dans la perspective de la future loi sur l’audiovisuel, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) fête ses dix ans. Car il y a en effet une décennie que la loi du 12 juin 2009 « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet » a porté cette autorité publique sur les fonts baptismaux. Cette loi, dite « Création et Internet » – ou loi « Hadopi » – a donc modifié le code de la propriété intellectuelle (CPI) pour remplacer l’ARMT (1) par l’actuelle Hadopi. Car, face à la montée du piratage sur Internet boosté par les réseaux de partage décentralisés peer-to-peer, le président de la République de l’époque – Nicolas Sarkozy – rêvait d’instaurer des radars automatiques sur Internet en s’inspirant des radars routiers qu’il avait lui-même décidé lorsqu’il était ministre l’Intérieur. Autant ces derniers, installés au nom de la sécurité routière, n’ont jamais fait l’objet d’aucun débat parlementaire (2), autant le dispositif d’infraction dans la lutte contre le piratage sur Internet a âprement été discuté au Parlement.

Alors que son fondateur Julian Assange est victime d’un harcèlement judiciaire, Wikileaks fait de la résistance

L’Australien Julian Assange, fondateur de Wikileaks, n’aura jamais autant défrayé la chronique depuis son arrestation le 11 avril à l’ambassade d’Equateur à Londres où il était réfugié depuis sept ans. Il est accusé de « piratage informatique » par les Etats-Unis qui demandent son extradition. Mais rien n’arrêtera Wikileaks.

Son fondateur Julian Assange (photo) aura beau être accusé, harcelé, arrêté, détenu arbitrairement, menacé d’extradition à la demande des Etats-Unis ou encore victime en Angleterre d’une condamnation « disproportionnée » (1) – comme l’a qualifiée le 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, le comité des droits de l’homme de l’ONU –, cela n’empêchera pas le site « multi-national » d’informations Wikileaks de continuer à exister
et à révéler secrets, scandales, désinformations, corruptions ou compromissions. Créé en 2006 par l’Australien né Julian Hawkins (du nom de sa mère qui s’est ensuite remariée), le média indépendant le plus redouté des puissants de la planète continue à divulguer des données censées ne pas être rendues publiques – avec l’aide de lanceurs d’alertes préservés par l’anonymat et le chiffrement de leurs envois. « Wikileaks se spécialise dans l’analyse et la publication de grands ensembles de données de documents officiels censurés ou bien restreints concernant la guerre, l’espionnage et la corruption. Jusqu’à présent, plus de 10 millions de documents et d’analyses associées ont été publiés », indique Wikileaks sur son site web principal. Ses révélations ne cessent de déstabiliser et de provoquer des remous à travers le monde – surtout aux Etats-Unis.