Quand l’Etat joue les VRP de Mistral pour faire de la licorne française de l’IA un « OpenAI européen »

Le potentiel « champion européen » de l’IA générative, Mistral AI, a beau être valorisé près de 6 milliards d’euros depuis l’an dernier, son chiffre d’affaires 2024 est 200 fois inférieur. Pour mettre les bouchées doubles, la licorne française peut compter sur le chef de l’Etat Emmanuel Macron qui joue les VRP.

La licorne française Mistral AI, aux ambitions aussi grandes que sa valorisation de 5,8 milliards d’euros – atteinte il y a un an maintenant, à la faveur de sa dernière levée de fonds de 600 millions d’euros bouclée en juin 2024 –, a un besoin urgent de financements supplémentaires. Son PDG cofondateur Arthur Mensch (photo) l’avait confirmé à l’agence Bloomberg en février, notamment pour financer un centre de données qu’il prévoit de créer en France. « Bien sûr, en tant que start-up, on vous demande aussi de lever plus de fonds. C’est certainement un sujet qui nous préoccupe », avait-il confié (1). Le jeune patron (32 ans) avait annoncé ce projet de data center au journal de 20h de TF1, le 9 février (2). De plusieurs milliers de mètres carrés, il sera construit dans l’Essonne (département du sud de Paris), sur le plateau de Saclay, pour un investissement de « plusieurs milliards d’euros ». Si le calendrier de construction et d’ouverture reste à préciser, ce centre de données va permettre à « la pépite française » d’entraîner sur le sol français – au nom de la « souveraineté numérique » de la France – ses grands modèles de langage pour ses IA génératives. Mais cela suppose donc une prochaine levée de fonds pour Mistral AI, qui n’a généré en 2024 que 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, si l’on en croit le site Sifted.eu du Financial Times spécialisé dans les start-up (3). C’est à des années-lumière des 10 milliards de dollars annualisés que l’américain OpenAI (dont ChatGPT) a atteint en juin 2025 (4).

Prochaine levée de fonds indispensable
Comme la licorne n’est, par définition, pas cotée en Bourse, elle ne publie pas ses comptes et ne divulgue pas non plus ses résultats financiers. Contactée par Edition Multimédi@, la direction de Mistral AI n’a pas souhaité nous indiquer ni ses revenus ni ses prévisions. Le 7 mai dernier, à l’occasion du lancement de « Le Chat Enterprise » (assistant conversationnel dont la version grand public « Le Chat » a été lancée en février), Arthur Mensch s’est voulu rassurant quant à la (suite)

Le site Deepseek-fr.ai, cheval de Troie du chinois

En fait. Le 9 juin, le site francophone DeepSeek-fr.ai – qui se présente anonymement comme « une équipe indépendante passionnée par l’IA » – a publié sur son blog : « Intégrer DeepSeek dans vos applications via son API ». Et ce, après que DeepSeek eut sorti fin mai la version R1-0528 de son modèle IA.

En clair. « Intégrer DeepSeek dans vos applications via son API : guide complet pour débutants », écrit le 9 juin l’auteur « DeepSeek » sur le blog du site web francophone Deepseekfr.ai, dont l’« équipe indépendante passionnée par l’intelligence artificielle et l’innovation technologique » (ainsi se présente-telle) cultive l’anonymat. Il affirme que « [l]a popularité croissante [de DeepSeek] s’explique par la puissance de ses modèles (DeepSeek V3, DeepSeek R1, etc.) et par sa compatibilité avec l’API d’OpenAI, ce qui facilite grandement son adoption par les développeurs » (1). Le chinois DeepSeek Artificial Intelligence Co., basé à Hangzhou, dans la province du Zhejiang (côte orientale de l’Empire du Milieu), cherche à se déployer partout, y compris en France d’où s’est lancé « Le Chat » de la start-up française Mistral AI (lire en Une).
Ni les mentions légales ni le Whois ne nous renseignent sur l’identité de l’éditeur de Deepseek-fr.ai, dont le nom de domaine a été enregistré le 24 février 2025 par la société islandaise Withheld for Privacy (basée à Reykjavik, donc en dehors de l’Union européenne) pour que son identité soit (suite)

Pinterest, le moteur de découverte visuelle devenu rentable, se fait moins discret avec l’IA

Créé il y a 15 ans, le petit réseautage de photos et d’images Pinterest fait des envieux : il a atteint les 570 millions d’utilisateurs actifs mensuels, en hausse de 10 % sur un an. Devenue très rentable en 2024, la plus discrète des « très grandes plateformes » mise sur l’IA pour mieux « monétiser ».

Pinterest affiche une santé insolente et une audience presque digne d’un Gafam : au mois de mai, la plateforme d’images et de photos à découvrir a atteint un record de fréquentation, avec 570 millions d’utilisateurs actifs mensuels. Cela correspond à une hausse de 10 % sur un an – et même 23 % sur deux. La monétisation de cette audience, mesurée selon l’indicateur ARPU (1) très surveillé par le PDG Bill Ready (photo) et consolidé par trimestre, a été de 1,52 dollars au premier trimestre 2025, en hausse de 5 % sur un an). Il peut dépasser les 2 dollars comme au dernier trimestre 2024 (à 2,12 dollars précisément).

Toujours imité, jamais égalé, même par Google
Les revenus pris en compte pour le calcul de l’ARPU proviennent principalement des activités en ligne des utilisateurs (génératrices de recettes), telles que les interactions avec des publicités ou des contenus sponsorisés – sur la base du coût par clic (CPC), du coût par mille impressions (CPM), du coût par jour (CPJ) ou, pour les vidéos, du coût par vue (CPV). Et 15 ans après sa création, la rentabilité est au rendez-vous : l’an dernier, Pinterest est devenu pour la première fois rentable en affichant son premier bénéfice net, à 1,86 milliard de dollars, pour un chiffre d’affaires de 3,64 milliards de dollars, en hausse de 19 %. Cotée en Bourse depuis avril 2019, l’ex-licorne (2) basée à San Francisco (California) a une capitalisation (3) de 21 milliards de dollars (au 30-05-25). La montée en puissance de Pinterest a toujours inquiété (suite)

AI Act, DSA, MiCA, … Superposition réglementaire : le casse-tête européen pour les projets innovants

L’ambition européenne pour un « marché unique numérique » a généré un véritable labyrinthe de textes réglementaires que nul n’est censé ignorer, pas même les start-up et les fintech, sauf à devenir hors-la-loi. Mais à ce patchwork s’ajoute le manque de coordination entre autorités compétentes.

Par Arnaud Touati, avocat associé, et Mathilde Enouf, juriste, Hashtag Avocats

L’Union européenne a une ambition manifeste : réguler de manière exemplaire la transition numérique. Du règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) aux directives concernant les services numériques (DSA/DMA), en passant par la régulation des actifs numériques (MiCA) et la résilience opérationnelle du secteur financier (DORA), le législateur européen ne cesse d’introduire des normes structurantes. Chacun de ces textes, pris séparément, a pour objectif de pallier une carence. Ensemble, ils constituent un écosystème réglementaire complexe, parfois dépourvu de cohérence, souvent difficile à appliquer.

Accumulation de textes sans réelle coordination
Pour les initiatives novatrices, en particulier les start-up et les fintech, cette accumulation de normes peut rapidement devenir complexe. Cela est d’autant plus vrai que les normes et directives techniques ne cessent de croître, changeant constamment le champ de la conformité sans perspective de stabilité à moyen terme ni durabilité juridique. Actuellement, le cadre réglementaire en Europe se fonde sur plusieurs éléments-clés. L’AI Act (1) met en place une catégorisation des systèmes d’intelligence artificielle basée sur leur niveau de risque, imposant des exigences rigoureuses aux systèmes considérés comme étant « à haut risque ». Le DSA (2) et le DMA (3) ont pour objectif de réguler les grandes plateformes numériques tout en offrant une protection accrue aux utilisateurs. MiCA (4) régule la création de jetons et l’offre de services liés aux crypto-actifs. DORA (5) impose des normes rigoureuses de cybersécurité dans le domaine financier. De nombreux intervenants de l’écosystème sont également soumis aux règles (suite)

La plateforme Twitch, championne du live streaming et filiale d’Amazon, cherche un second souffle

Alors que la plateforme Twitch – propriété d’Amazon depuis plus de dix ans – va fêter à Rotterdam (Pays-Bas) les 10 ans de son grand rendez-vous international de sa communauté (31 mai-1er juin), elle semble avoir perdu de son élan malgré ses 21 millions de streamers actifs. La concurrence est rude.

L’année 2025 va-t-elle rattraper l’année 2024 qui fut difficile pour Twitch ? Malgré un total de comptes en augmentation (plus de 21 millions de streamers actifs, dont 9,5 millions se sont inscrits l’an dernier) et des vues en hausse pour certains streamers, la plateforme championne du live streaming (jeux vidéo, e-sport et contenus en direct) diffuse moins de contenus et compte moins d’abonnements. C’est le constat dressé par la société espagnole Metricool, spécialisée dans l’analyse et la gestion des réseaux sociaux. « L’année 2024 fut difficile pour Twitch. Le géant du streaming a-t-il perdu de son élan ? », s’interroge-t-elle.

La TwitchCon très attendue à Rotterdam
La plateforme Twitch créée en juin 2011 – et issue de la scission du bouquet de chaînes vidéo Justin.tv, disparu dans la foulée – a perdu le dynamisme qu’elle avait obtenu durant la crise covid-19. « Le vent favorable que le streaming a connu pendant le confinement, avec moins d’interactions sociales en personne et une consommation d’écrans qui a explosé, semble s’être dissipé. De plus, de grands noms comme TimTheTatman et DrLupo ont déjà quitté Twitch pour se consacrer entièrement à YouTube », analyse Metricool dans son état des réseaux sociaux 2025. L’an dernier, il y a eu moins de publications de vidéos et de clips sur Twitch, sur fond de baisse générale des vues et de chute des abonnements de tous les types de comptes. « Le seul point réellement optimiste est que, malgré tout, les comptes entre 2.000 et 50.000 abonnés voient une hausse de leurs vues », tempère l’étude (1). Il faut dire que (suite)