Partouche fête ses 50 ans de « casinotier » en se diversifiant dans les NFT, le Web3 et la blockchain

Le groupe familial Partouche – connu en France pour ses casinos – fête cette année son demi-siècle d’existence, depuis que le patriarche Isidore Partouche l’a fondé en mai 1973. Ce jubilé marque aussi son entrée dans de nouvelles dimensions technologiques : actifs numériques et réalité virtuelle.

« Cinquante années se sont écoulées depuis la reprise du Casino de Saint-Amand-lesEaux en 1973 [dans le nord de la France, ndlr]. Cinquante années de travail acharné mais aussi de beaucoup de joie et de satisfaction. Et cinquante ans, c’est encore très jeune, il nous reste beaucoup à accomplir ! », écrit le fondateur du groupe Partouche, Isidore Partouche, bientôt 92 ans, dans son dernier rapport annuel publié le 17 février. Il est né le 21 avril 1931 en Algérie, d’où il est rapatrié en 1962. Il y fut radioélectricien.

Innovation dans le « divertissement 3.0 »
Ainsi est né le groupe Partouche qui a réalité au cours de son exercice 2021/2022 (clos le 30 octobre) un chiffre d’affaires de 388,8 millions d’euros, dont 90,4 % pour son activité de « casinotier » (exploitation de jeux, restauration et spectacles), 6,4 % dans l’hôtellerie et les 32,1 % restants dans thermes, l’immobilier et les jeux sur Internet. Ce chiffre d’affaires (1) sur un an a fait un bond de 52 % en raison notamment de la sortie de crise covid-19 (marquée par la fermeture des casinos), ce qui a permis au groupe Partouche de redevenir rentable (37,1 millions d’euros de bénéfice net). Cotée à la Bourse de Paris depuis 1995 et valorisée plus de 208 millions d’euros (au 10 mars), l’entreprise toujours familiale possède une quarantaine de casinos physiques, la plupart en France, mais aussi en Belgique, en Suisse et en Tunisie.
Après avoir frôlé le dépôt de bilan il y a dix ans – procédure de sauvegarde ouverte en septembre 2013 puis refermée un an après –, l’entreprise s’en est sortie. Mais le casinotier a été rattrapé par la pandémie de mars 2020 à mars 2022, durant laquelle il a été contraint de fermer deux fois ses établissements. Depuis, l’activité de Partouche a fortement repris. Sa dépendance aux casinos physiques, qu’il doit rénover à grand renfort d’investissements, l’incite de plus en plus à se diversifier – dans le numérique notamment. Dernière innovation en date : le déploiement ce mois-ci du « Joker Club », la première collection NFT de Partouche. Il s’agit de 8.888 jokers sous forme de jetons non-fongibles (2), qui offrent des avantages exclusifs dans les établissements Partouche. La nouvelle filiale Partouche Verse, créée en mars 2022 et dédiée au Web3 et aux actifs numériques, s’appuie sur la blockchain Ethereum. « Partouche Multiverse est le nom commercial de la société Partouche Verse, précise à Edition Multimédi@ Maurice Schulmann, délégué général du groupe. Après la soirée de lancement le 10 mars au casino de Forges-les-Eaux [en Normandie], des préventes exclusives dans une vingtaine de casinos auront lieu du 11 au 19 mars. Et à partir du 20 mars, ce sera l’ouverture du “mint” (3) d’abord pour nos membres les plus actifs puis à partir du 23 mars sur jokerclub.io » (4). Chacun des 8.888 NFT représente une image unique, le « jokers » pouvant être revendu par son propriétaire-joueur (le « holder »). En 2022, Partouche Verse a acquis des NFT pour un total d’un demi-million d’euros. « Le groupe qui fête ses 50 ans a toujours eu comme verticale forte l’innovation. Saisir les opportunités technologiques de la blockchain était donc une évidence, tant elles offrent un terrain de jeu inédit pour vivre le divertissement et se connecter avec de nouveaux publics », est-il expliqué dans le dernier rapport annuel. Le casinotier veut « bâtir un écosystème de divertissement 3.0 de premier plan ».
C’est Patrick Partouche (photo), fils unique du fondateur et lui aussi né en Algérie, qui oriente le groupe Partouche – dont il est président du conseil de surveillance (son père étant vice-président) – vers les nouvelles technologies. Il est en outre président du directoire de Financière Partouche (5), la holding familiale qui détient encore 66,8 % du capital du groupe. La filiale Partouche Interactive que préside aussi Patrick Partouche, dédiée au développement de jeux sur de nouvelles plateformes telles que la télévision, la téléphonie mobile et Internet, a été créée en avril 2006. Elle obtiendra une licence du gouvernement de Gibraltar pour l’exploitation de jeux en ligne. En 2010, elle obtient une licence pour le poker en ligne lors de l’ouverture en France du marché des jeux d’argent et de hasard en ligne – lequel est néanmoins limité au poker et aux paris sportifs sur Internet (6).

France : casinos en ligne toujours interdits
Mais Partouche cessera sur l’Hexagone son activité de poker en ligne en 2013. « La légalisation des jeux en ligne en 2010 n’a pas eu d’impact majeur sur le marché des casinos physiques. (…) En France, les jeux de casinos sont interdits en ligne, à l’exception du poker », souligne le groupe Partouche. Le casinotier s’est aussi lancé dans la réalité virtuelle en 2015 avec des jeux en VR. « L’activité de Partouche Lab (7) est désormais intégrée à sa maison mère Partouche Technologies », nous indique Maurice Schulmann. Faites vos jeux ! @

Charles de Laubier

Après ChatGPT, les robots conversationnels se bousculent sur le marché de l’IA générative

Les chatbots conversationnels se bousculent au portillon, dans le sillage de ChatGPT. La concurrence s’organise sur marché mondial qui annonce des chamboulements colossaux dans les moteurs de recherche sur Internet, encore dominés par Google. Plus pour longtemps.

Après ChatGPT que la start-up américaine OpenAI – dirigée par son cofondateur Sam Altman (photo) – a lancé le 30 novembre 2022 (1) avec un succès médiatique sans précédent, Bard tente de se lancer à sa poursuite après avoir été annoncé le 6 février dernier par Google mais réservé encore quelques semaines à un nombre limité de happy few testeurs (2). Le lendemain, Microsoft – qui a investi des milliards de dollars dans OpenAI – a annoncé la mise en test dans son moteur de recherche Bing (3) du modèle de traitement du langage naturel utilisé par ChatGPT (Generative Pre-trained Transformer). Et ce n’est pas fini.

La bataille des IA génératrices fait rage
Le 24 février, c’est au tour de Meta de lancer son LLaMA – à des fins de tests également (4). Trois jours après, il est question que Elon Musk – lequel a été un des cofondateurs d’OpenAI – se lance lui aussi dans la course à l’IA générative (5). Au même moment, à savoir le 27 février, Snap y va aussi de son robot conversationnel (chatbot) qui répond au nom de « My AI », également disponible à titre expérimental (6). Toutes ces initiatives ne sont que la face émergée de l’intelligence artificielle conjuguée aux traitements de langage naturel et à l’exploitation de mégabases de données, lorsque que l’IA générative n’est pas aussi connectée au Web (7). Il existe bien d’autres IA créatrices, telles que : Dall.E 2, développée par OpenAI, pour créer des images et des œuvres d’art originales et réalistes à partir d’une description textuelle ; Stable Diffusion, développée par Stability AI, en tant que modèle d’apprentissage automatique (deep learning), permettant de générer des images numériques réalistes à partir de descriptions en langage naturel ; Midjourney, développée par le laboratoire de recherche éponyme, aussi une IA générative conçue pour générer des images à partir de texte ; Cedille, un modèle de génération de texte francophone développé par la société suisse Coteries (8).
Pour conforter son avance, OpenAI a lancé le 1er mars une interface de programmation (API) pour faciliter partout l’intégration de ChatGPT et de Whisper (voix à texte). Textes, photos, vidéos, musiques, … Les IA génératrices s’immiscent dans tous les domaines et cela ne date pas d’hier. Par exemple, la nouvelle musique « des Beatles » baptisée « Daddy’s Car » avait fait sensation en septembre 2016 sur YouTube (9). Or, en réalité, ce titre a été composé par l’équipe « Musique et IA » du laboratoire Sony CSL (10). Il a été créé dans le style des Beatles par le scientifique François Pachet et le musicien Benoît Carré akaSkygge (« ombre » en danois) à l’aide de Flow Machines, une IA « mélomane » (11). Avec elle, ils ont créé en 2018 un album intitulé « Hello World ». François Pachet est aujourd’hui directeur chez Spotify en charge du « développement de la prochaine génération d’outils de composition musicale assistée par IA ».
L’industrie musicale va être bousculée, tout comme l’industrie de l’édition (livre et presse). Le cinéma n’y échappera pas non plus (scénarios et séries). Toutes les industries culturelles et créatives seront impactées, avec les questions de droit d’auteur et de propriété intellectuelle que cela soulève. Par exemple, l’agence photo américaine Getty Images (également banque d’images) a annoncé le 17 janvier porter plainte contre Stability AI (l’éditeur de Stable Diffusion) pour lui avoir « illégalement copié et traité des millions d’images protégées par le droit d’auteur et les métadonnées associées » (12). Plus récemment, le 21 février, le Copyright Office américain a conclu que les images de la bande dessinée « Zarya of the Dawn » créées par l’IA Midjourney, ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur (13). Quant aux « deepfake », ces vidéos hyperréalistes truquées à l’IA, elles commencent pour certaines à poser problème (14). La Chine vient de les interdire (15). La justice commence à faire bouger les lignes (16) et l’Union européenne s’apprête à promulguer son règlement « Artificial Intelligence Act » (17) pour réguler les systèmes d’IA « à haut risque ». Cela irait dans le sens de Brad Smith, président de Microsoft, pour qui « une réglementation efficace en matière d’IA devrait être axée sur les applications les plus à risque ».

Aussi pour des entreprises plus « intelligentes »
Il y a encore peu d’études sur cette vague innovante de création automatique de contenus. Le marché mondial de l’IA générative pourrait être multiplié par dix d’ici la décennie en cours, pour dépasser en 2030 les 100 milliards de dollars. « D’ici 2025, nous nous attendons à ce que plus de 30 % – contre zéro aujourd’hui – de nouveaux médicaments et de nouveaux matériaux soient systématiquement découverts à l’aide de techniques d’IA génératives. Et ce n’est là qu’un des nombreux cas d’utilisation par l’industrie », prévoit Brian Burke, vice-président de la recherche en innovation technologique au sein du cabinet d’études Gartner. @

Charles de Laubier

« Contribution équitable » aux réseaux des opérateurs télécoms : ce qu’en pensent les GAFAM

Les Google, Amazon, Facebook (Meta), Apple et autres Microsoft ont réagi à l’idée – soumise à consultation par la Commission européenne jusqu’au 19 mai – qu’ils « contribuent équitablement » aux investissements des réseaux des opérateurs télécoms. C’est injustifié et risqué pour la neutralité du Net.

Les GAFAM et les « telcos », notamment les opérateurs télécoms historiques (Orange, Deutsche Telekom, Telefonica, Telecom Italia, …), vont plus que jamais se regarder en chiens de faïence. Les grandes plateformes numériques de l’Internet vont avoir l’occasion de démontrer que « tout paiement pour l’accès aux réseaux pour fournir du contenu ou pour le volume de trafic transmis serait non seulement injustifié, étant donné que le trafic est demandé par les utilisateurs finaux et que les coûts ne sont pas nécessairement sensibles au trafic (notamment sur les réseaux fixes), mais aussi qu’il compromettrait le fonctionnement de l’Internet et enfreindrait probablement les règles de neutralité de l’Internet ».

Droits et principes numériques à la rescousse
C’est du moins en ces termes que la Commission européenne formule la position des GAFAM dans le questionnaire de sa « consultation exploratoire sur l’avenir du secteur de la connectivité et de ses infrastructures », ouverte depuis le 23 février et jusqu’au 19 mai (1).
En face, les opérateurs télécoms – du moins les anciens monopoles d’Etat des télécommunications en Europe – « demandent la mise en place de règles obligeant les fournisseurs de contenus et d’applications, ou les acteurs numériques en général qui génèrent d’énormes volumes de trafic, à contribuer aux coûts de déploiements des réseaux de communications électroniques [sous la forme d’une] contribution [qui] serait “équitable”, étant donné que ces (…) acteurs numériques profiteraient des réseaux de qualité sans supporter le coût de leurs déploiements ». Prudente, la Commission européenne se garde bien de prendre parti, contrairement aux prises de position favorable aux « telcos » de son commissaire européen Thierry Breton, en charge du marché intérieur (2), qui fut dans une ancienne vie président de France Télécom devenu Orange (octobre 2002-février 2005). Elle fait référence à la Déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique (DEDPN), telle que promulguée le 23 janvier 2023 au Journal officiel de l’Union européenne (3). Deux points de cette déclaration sont mentionnés dans le questionnaire de la Commission européenne :
« Tous les acteurs du marché bénéficiant de la transformation numérique devraient assumer leurs responsabilités sociales et apporter une contribution équitable et proportionnée aux coûts des biens, services et infrastructures publics, dans l’intérêt de toutes les personnes vivant dans l’Union », indique l’exécutif européen. Remarquez que la DEDPN elle-même ne parle pas explicitement de « contribution équitable » comme le fait la Commission européenne, mais de « particip[ation] de manière équitable et proportionnée aux coûts » (4).
« L’accent est également mis sur la protection d’un Internet neutre et ouvert dans lequel les contenus, les services et les applications ne sont pas bloqués ou dégradés de manière injustifiée, ce qui est déjà inscrit dans le règlement sur l’accès à un Internet ouvert ». Là, l’exécutif européen reste fidèle au passage de la DEDPN (5) mais en ajoutant la référence au règlement européen du 25 novembre 2015 qui ne parle pas explicitement de « neutralité de l’Internet » mais d’« Internet ouvert » (6). Donc : pas de blocage ni de ralentissement, ni de modification ni de restriction, ni de perturbation ni dégradation, ni de traitement de manière discriminatoire, hormis « des mesures raisonnables de gestion du trafic » (7).
Aux différents acteurs du numérique (opérateurs télécoms et acteurs du numérique), la Commission européenne leur demande de lui indiquer, entre 2017 et 2021 puis leurs prévisions de 2022 à 2030, leurs « investissements directs dans des infrastructures de réseau et/ou d’autres infrastructures numériques [hébergement, transport de données, centres de données, CDN (8), etc] capables d’optimiser le trafic de réseau au sein des Etats membres de l’UE ou présentant un intérêt pour ceux-ci ». Il est notamment demandé aux opérateurs télécoms de dire dans quelle mesure la part des investissements dans les réseaux a dépassé les investissements qu’ils avaient prévus au cours des cinq dernières années, « y compris lorsqu’ils dépendaient d’obligations réglementaires (par exemple, le spectre radioélectrique) », et de quantifier l’augmentation du trafic (entrant/sortant) par leurs réseaux.

« Top 10 » des réseaux et compression
Chaque opérateur télécoms est aussi appelé à « indiquer nominativement les 10 principaux contributeurs et indiquer le pourcentage du trafic total qu’ils ont généré sur [son] réseau ». Pour autant, la Commission européenne ne veut pas faire l’impasse sur les nouveaux algorithmes de compression qui peuvent – « en partie » – compenser l’augmentation du trafic de données demandée par les mises à jour et les progrès réalisés dans ce domaine. Elle demande aux « telcos » de leur indiquer les modifications dans le volume de données transmis sur leur réseau « résultant de l’évolution des algorithmes de compression » au cours des cinq dernières années. Les réponses proposées sur les gains obtenus grâce à la compression vont de « pas de changement significatif » à « plus de 15 % » de diminution, en passant par « jusqu’à 5 % », « de 6 à 10 % » et « de 11 à 15 % ». Ce qui laisse supposer que la compression des données n’est sans doute pas négligeable.

Les internautes vont payer deux fois (CCIA)
La Computer & Communications Industry Association (CCIA), basée aux Etats-Unis et représentant notamment les GAFAM (le « F » étant devenu Meta) aux côtés de Twitter, Yahoo, Rakuten, eBay, Vimeo, Pinterest, Uber, Intel et d’autres, s’inscrit en faux contre cette idée de « redevances de réseau » (network fees). « L’introduction de frais de réseau est une idée terrible. Les Européens paient déjà les opérateurs télécoms pour l’accès à Internet ; ils ne devraient pas avoir à payer les télécoms une deuxième fois. Et[cela] minerait l’Internet ouvert », s’inquiète Christian Borggreen (photo de gauche), vice-président et directeur de la CCIA Europe. D’après elle, la Commission européenne donne l’impression d’avoir cédé aux sirènes des « telcos ». « Si les grands opérateurs télécoms de l’UE parvenaient à leurs fins, les entreprises du numérique seraient obligées de payer des redevances de réseau chaque fois qu’elles répondent aux demandes des utilisateurs d’Internet. (…) Le questionnaire (…) semble déjà accepter le principe de la fausse “juste part” [fair share] poussée par les grands opérateurs télécoms ».
Pour la CCIA, cela revient à « justifier l’idée que les services de streaming et de cloud rencontrant un succès devraient (…) subventionner les opérateurs télécoms ». Or, rappellet-elle, l’Organe des régulateurs européens des télécoms (Orece ou Berec) « n’a trouvé aucune preuve que ce mécanisme [pour les redevances de réseau] est justifié » et a conclu que ces network fees « pourraient présenter divers risques pour l’écosystème Internet ». En effet, le Berec – dont fait partie l’Arcep en France – conclut dans sa note d’une quinzaine de pages datée du 7 octobre 2022 (9) qu’il « n’a pas de preuve que ce mécanisme [de “compensation directe” susceptible d’être payée par les plateformes aux opérateurs, ndlr] est justifié » et que « la proposition des membres de l’Etno [l’association européenne des opérateurs télécoms historiques, ndlr] pourrait présenter divers risques pour l’écosystème Internet ». La CCIA Europe met implicitement en garde la Commission européenne sur l’échec d’une telle mesure, en signalant « une expérience réglementaire similaire a déjà échoué en Corée du Sud » (10). Un autre lobby des GAFAM entre autres, appelé Dot Europe (ex-Edima) et basé lui aussi à Bruxelles, « encourage la Commission européenne à adopter une approche objective similaire » à celle du Berec. Selon Siada El Ramly (photo du milieu), directrice générale de Dot Europe, l’avis émis en octobre par le Berec constitue « déjà un bon point de départ (…) montrant qu’il n’y a pas de lacunes identifiables concernant l’investissement dans l’infrastructure de réseau ». En revanche, silence radio du côté de DigitalEurope (ex-Eicta), elle aussi organisation professionnelle des GAFAM entre autres Big Tech (11), que Edition Multimédi@ a contactée mais sans succès.
En France, l’Association des opérateurs télécoms alternatifs (Aota) était montée au créneau en novembre dernier pour défendre – note du Berec à l’appui aussi – la neutralité de l’Internet qu’elle estime menacée par le projet d’un « Internet à péage » (12). Quant à l’Association des services Internet communautaires (Asic), basée à Paris et regroupant Google, Facebook, Microsoft ou encore Yahoo, elle a exprimé le 24 février « son refus catégorique de la mise en place d’un péage numérique en Europe, qui porterait atteinte à la neutralité du Net » et estime qu’« il n’y a actuellement pas de déséquilibre justifiant l’intervention du législateur dans la réglementation du peering payant ». Le président de l’Asic, Giuseppe de Martino (photo de droite) avait cosigné le 7 février – avec les présidents de l’Aota (Bruno Veluet), de l’Internet Society France (Nicolas Chagny) et de France IX Services (Franck Simon) – une tribune pour dire que « la création d’un péage numérique en Europe est une fausse bonne idée » (13).
Contrairement à l’Etno (14) des opérateurs télécoms historiques et à la GSMA (15) des opérateurs mobiles, d’autres organisations représentatives des opérateurs télécoms alternatifs – comme nous l’avons vu avec l’Aota – son réticentes voire hostiles au renforcement des opérateurs de réseaux historiques dans leur rentabilité et dans leur position dominante.

Gigabit Infrastructure Act : anti-concurrentiel ?
Sans évoquer spécifiquement la question de la redevance « GAFAM », l’Ecta – association des opérateurs télécoms alternatifs (16) – s’en est pris plus globalement au « Paquet connectivité » présenté par la Commission européenne le 23 février (17). « Un #Gigabit Infrastructure Act (18) est inutile si la recommandation Gigabit est le clou final dans le cercueil de la concurrence. Les investissements en souffriront et les prix de détail augmenteront et alimenteront l’inflation. De nombreux citoyens de l’UE seront exclus et ne pourront pas se permettre la connectivité Gigabit », a tweeté l’Ecta (19). Parmi ses membres, il y a – outre l’Atoa – Bouygues Telecom, Iliad (Free), Colt, Transatel Sky, Fastweb ou encore Eurofiber. @

Charles de Laubier

La Provence, passée de Tapie à CMA CGM, se relance

En fait. Le 13 mars, Aurélien Viers prend ses fonctions de directeur de la rédaction du quotidien régional La Provence, dont le groupe est détenu depuis août 2022 par le milliardaire Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur marseillais CMA CGM. Tandis que Laurent Guimier va diriger CMA CGM Médias présidée par le nouveau tycoon.

En clair. C’est le grand branle-bas de combat au sein du groupe La Provence, sous la houlette de son nouveau propriétaire milliardaire Rodolphe Saadé, PDG de l’armateur marseillais CMA CGM, 5e fortune française (1) et 31e mondiale (2). Face à un quotidien régional chroniquement déficitaire et endetté, la maison mère du groupe La Provence – à savoir la filiale CMA CGM Médias présidée par le nouveau tycoon français des médias et dirigée depuis peu (3) par Laurent Guimier (exdirecteur de l’information de France Télévisions) – renfloue et recrute. L’attention porte en priorité sur le numérique.
Ce lundi 13 mars, Aurélien Viers a pris ses fonctions de directeur de la rédaction de La Provence comme l’avait annoncé fin janvier Gabriel d’Harcourt, le directeur général et directeur de la publication du groupe « La Provence-Corse Matin » (4). Cette nomination intervient alors que ce dernier a fait appel à l’agence Upgrade Media pour conseiller le groupe sur son développement digital afin de retrouver un second souffle. « Notre accompagnement vise à mettre en place l’organisation numérique. Fort des premiers résultats, l’accompagnement a été reconduit », indique à Edition Multimédi@ son directeur fondateur, le consultant en stratégie numérique David Sallinen. La vidéo aura une place accrue pour booster l’audience en ligne de La Provence et de Corse-Matin, Aurélien Viers ayant été auparavant rédacteur en chef du pôle visuel (vidéo et photo print/web) au Parisien/Aujourd’hui en France (fonction qu’il a occupées à L’Obs). Du temps de Bernard Tapie qui était propriétaire du groupe La Provence, son fils aîné Stéphane Tapie – actionnaire chargé du numérique jusqu’en septembre 2022 – avant lancé en 2014 « La Provence TV », mais sans succès (5). Rodolphe Saadé devrait tirer parti de la plateforme vidéo Brut, dans laquelle viennent d’investir CMA CGM Médias et la holding de Xavier Niel, ce dernier étant actionnaire minoritaire (11 %) du groupe La Provence (CMA CGM Médias en détenant 89 %).
Selon La Lettre A, Stéphane Tapie est désormais consultant numérique de NJJ au quotidien France-Antilles repris par le fondateur de Free. Par ailleurs, CMA CGM Médias est monté au capital de M6 dont la filiale de l’armateur avait été candidate malheureuse à son rachat. Rodolphe Saadé devrait faire son entrée au conseil de surveillance de M6 le 25 avril lors de l’assemblée générale des actionnaires. @

Numérique soutenable : l’Arcep collecte les données

En fait. Le 6 mars, trois ministres ont reçu de l’Arcep et de l’Agence de la transition écologique (Ademe) leur étude prospective sur l’empreinte environnementale du numérique en France à l’horizon 2030 et 2050 (1). Une façon aussi de justifier la collecte des données environnementales auprès de tout l’écosystème.

En clair. Pendant que le gouvernement appelle à « un effort collective » pour réduire l’empreinte carbone du numérique, voire à « un changement radical » (dixit le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot), l’Arcep, elle, généralise la collecte des données environnementales auprès de tous les acteurs du numérique. Non seulement les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet – au premier rang desquels Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR – doivent montrer pattes blanches depuis un an pour tendre vers « un numérique soutenable », mais aussi – depuis cette année – les fabricants de terminaux (smartphones, ordinateurs, télés connectés, …), d’équipements (box, répéteur wifi, décodeur, prise CPL, …) et les centres de données (data center, cloud, hébergeur, …).
Ces derniers ont jusqu’au 31 mars prochain pour transmettre à l’Arcep leurs données environnementales : émissions de gaz à effet de serre, terres rares et métaux précieux utilisés, nombre de terminaux neufs et reconditionnés vendus, consommation électrique et énergétique, volumes d’eau consommés, etc. Les opérateurs télécoms, eux, ont commencé avec une première édition 2022 (2) avec trois catégories de données fournies à l’Arcep (émissions de gaz à effet de serre, énergie consommée, sort des téléphones mobiles). La deuxième édition, toujours limitée à Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR (données 2021), paraîtra au printemps prochain.
La troisième édition – prévue, elle, à la fin de cette année 2023 – portera sur les « telcos » (données 2022) mais aussi sur les autres acteurs de l’écosystème numérique. Cette quantité d’indicateurs à fournir au désormais « régulateur environnemental du numérique » est un vrai casse-tête annuel pour tous les professionnels, d’autant qu’ils ont l’obligation de fournir aux agents assermentés de l’Arcep ces informations et documents dès lors qu’ils concernent de près ou de loin « l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui-ci ». Et ce, sans pouvoir opposer le secret des affaires ni la confidentialité à l’Arcep (3), laquelle est dotée de ces nouveaux super-pouvoirs d’enquête depuis la loi « Chaize » du 23 décembre 2021 (4). Une décision dite « de collecte », prise par le régulateur le 22 novembre dernier (5), a précisé les données attendues. @