Le chinois Bytedance, à la tête du réseau social TikTok (ex-Musical.ly), serait valorisée 75 milliards de dollars

La start-up chinoise Bytedance, créée en 2012 par Zhang Yiming, fait un carton chez les 11-14 ans avec son réseau social musical TikTok (ex-Musical.ly). Les jeunes s’y amusent ; les parents s’en émeuvent. Négociant une levée de fonds,
la société aurait une valorisation supérieure à celle d’Uber.

Si les BATX sont à la Chine ce que les GAFA sont aux Etats-Unis, c’est à se demander si le « B » des BATX – normalement Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi (1) – ne va pas devenir Bytedance, tant cette start-up chinoise commence à faire de l’ombre aux autres géants du Net de l’Empire du Milieu. Les GAFA aussi en tremblent, de voir cette entreprise pékinoise fondée en 2012 par Zhang Yiming (photo) rencontrer un réel succès dans le monde avec plus 500 millions d’utilisateurs rien que pour son réseau social TikTok.

Créativité spontanée et expression libre
Bytedance s’est fait très rapidement un nom grâce à l’application Musical.ly (60 millions d’utilisateurs) que l’entreprise a rachetée il y a un an (en novembre 2017) pour la fusionner avec sa propre application TikTok en août dernier. Selon le New York Times
et le Wall Street Journal, qui ont évoqué des discussions en vue d’une levée de fonds de 3 milliards de dollars, cette « unicorn » chinoise pourrait se retrouver avec une valorisation supérieure à celle d’Uber : 75 milliards de dollars. Le nom Musical.ly
– créé par la start-up éponyme basée à Shanghai (Chine) et Santa Monica (Californie) – disparaît au profit de TikTok. Jusqu’alors concurrentes, ces deux applications pour mobile ont rencontré un franc succès auprès des préados, qui se sont donnés le mot dans leur collège. Très populaire en Chine, TikTok est ainsi parti à la conquête des jeunes – souvent des filles – aux Etats-Unis et en Europe.
Les collégiennes s’y donnent à coeur joie en faisant de la figuration musicale, de la création de mini-comédies musicales, du playback, de la danse, des sketches, des reprises de scènes cultes de films ou de séries, le tout sous forme de vidéos courtes de 15 secondes (avec filtres, synchronisations, 3D ou encore défis à relever), à partager avec leurs fans. La synchronisation de lèvre (lip sync) fait coïncider la créativité de l’enfant avec la musique grâce au machine learning et à l’intelligence artificielle. C’est bon enfant, étonnant de créativité, éloquent de spontanéité, et le résultat parfois surprenant. Bref, l’on comprend que les préados soient conquis(es). En France, TikTok (ex-Musical.ly) revendique 2,5 millions d’utilisateurs. Selon un baromètre « BornSocial » de l’agence Heaven, réalisé en partenariat avec l’association Génération Numérique, Snapchat et Instagram sont toujours en tête des réseaux sociaux utilisés par les 11-14 ans, mais TikTok s’est hissé au troisième rang, juste devant WhatsApp, reléguant Facebook en cinquième position, et encore plus loin Twitter.
Comme pour la plupart des réseaux sociaux, l’inscription y est interdite au moins de 13 ans, pourtant de plus en plus nombreux. L’usage de TikTok en France est en croissance de plus de 12 points entre 2017 et 2018 dans les classes de 5e. L’applications est
« très largement féminine » (62 % des filles en 5e déclarent être inscrites). « Malgré leur jeune âge, les pré-adolescents développent une vision et un usage mature des plateformes sociales. Les réseaux sociaux sont perçus comme une commodité de communication. L’adoption des fonctionnalités de diffusion éphémère leur permet une expression libre, sans contrainte de surveillance », relève Génération Numérique (2). Cette association, reconnue d’utilité publique, forme aux « bons usages » d’Internet à destination des enfants et des adolescents.
Pour autant, des voix parentales mettent en garde contre les risques, selon eux,
de perversion, d’exhibitionnisme, de narcissisme, ou encore de harcèlement que constituerait TikTok. « Très axé sur l’image, le réseau social pousse ses utilisateurs à l’exhibition et peut pour les plus fragiles, avoir des conséquences dramatiques. Les jeunes utilisatrices imitent leurs stars préférées (danseuse, chanteuse…) et adoptent des postures sexualisées et de fait, inadaptées à leur jeune âge », s’inquiète l’association e-Enfance (3). Et la Police nationale d’appeler à la vigilance : « Votre ado utilise #TikTok ? Attention, il est peut-être la cible de propositions sexuelles mal intentionnées. S’il en est la victime, rendezvous en commissariat pour porter plainte. L’auteur encourt deux ans de prison et 30.000 euros d’amende » (4). Mais aucun alarmiste n’oserait interdire cette application populaire.

TikTok, mais aussi Toutiao, Xigua Video, …
Bytedance n’a pas que TikTok comme plateforme. Sa première application se nomme Toutiao, que l’on pourrait traduire par « headlines », un agrégateur d’information et microblogging très prisé en Chine, avec son pendant international TopBuzz. Même principe que pour TikTok : le recours à des algorithmes de machine learning. Bytedance édite aussi Xigua Video (clips vidéo) ou encore News Republic (agrégateur de vidéos). Au total, Bytedance totalise 800 millions d’utilisateurs dans le monde. @

Charles de Laubier