Les médias de service public demandent à l’Union européenne de pouvoir mieux concurrencer les Gafan

Pour ses 75 ans, l’Union européenne de radio-télévision (UER) – réunissant les médias de service public – fait du lobbying auprès de Bruxelles pour assouplir les règles de passation des marchés publics, afin de mieux concurrencer les grandes plateformes numériques mais aussi les groupes audiovisuels privés.

Les groupes audiovisuels publics en sont membres, que cela soit France Télévisions, Radio France et France Médias Monde dans l’Hexagone, l’ARD en Allemagne, la Rai en Italie, la NPO aux Pays-Bas, la STR en Suède, la PRT en Pologne, et bien d’autres encore. Car l’Union européenne de radio-télévision (UER), qui fête en ce mois de mars ses 75 ans, représente aujourd’hui la quasi-totalité des médias publics détenus par leurs Etats membres respectifs dans les Vingt-sept, mais aussi quelques homologues publics présents un peu partout dans le monde, soit au total 68 entreprises publiques éditant 113 médias publics de radiodiffusion – télévisions et radios – dans 56 pays.
A sa tête depuis janvier 2021 et réélue « à l’unanimité » en janvier 2025 pour un troisième mandat de deux ans : Delphine Ernotte Cunci (photo), présidente de France Télévisions depuis dix ans, qui est aussi candidate à sa propre succession (1) au sein de ce groupe de télévision public où son mandat actuel s’achève en août 2025. Autant dire que la présidente de l’UER veut avoir les coudées-franches afin de mener à bien un combat européen, pour lequel elle s’est rendue le 19 mars dernier à Bruxelles pour y rencontrer deux commissaires européennes (Henna Virkkunen et Glenn Micallef) et des eurodéputés.

A défaut d’avoir un « Netflix public européen »
Objectif de ce lobbying mené avec le directeur général de l’UER, Noel Curran (ancien patron de la RTÉ irlandaise), et le comité exécutif de cette organisation basée à Genève en Suisse : convaincre la Commission européenne d’assouplir les règles de passation des marchés publics, à l’occasion de la révision de trois directives de 2014 sur les marchés publics (2). « Nous les avons exhortés à aider [l’audiovisuel public] à se développer numériquement et à veiller à ce que les Big Tech gatekeepers [contrôleurs d’accès, ndlr] n’abusent pas de leur position dominante en Europe », a expliqué le 20 mars Noel Curran, au lendemain de la réunion à Bruxelles (3). A défaut d’avoir pu réaliser durant toutes ses années de présidence son rêve d’un « Netflix public européen » (4), pourtant partagé avec Emmanuel Macron dont c’était l’une des promesses (non tenues) de 2017 (5) afin de rivaliser avec les grandes plateformes américaines de streaming vidéo, Delphine Ernotte se bat maintenant sur le terrain réglementaire.

L’audiovisuel public dispensé d’appels d’offres
A Bruxelles, elle plaide pour le maintien et même l’évolution des règles du jeu pour que celles-ci permettent aux médias publics de mieux rivaliser avec les Gafan (« n » pour Netflix). Or, en s’apprêtant à réviser les trois directives « Marchés publics » dans un souci de simplification et de compétitivité, la Commission européenne « 2024-2029 » pourrait forcer les entreprises publiques à élargir leurs appels d’offres pour (suite)

Contenus audiovisuels : Canal+ devient une plateforme mondiale, mais son cours de Bourse déçoit

Le groupe Canal+ voit grand et ambitionne de devenir « un leader mondial des médias et du divertissement avec 50 à 100 millions d’abonnés », contre 26,9 millions aujourd’hui. Mais l’entreprise cotée à Londres depuis mi-décembre 2024 a vu son cours de Bourse s’effondrer de près de 40 %.

Introduite à 290 pence à l’ouverture de la Bourse de Londres le 16 décembre 2024, l’action « CAN » du groupe Canal+ ne vaut plus que 175,1 pence le 13 mars 2025, au moment où nous bouclons ce n°339 de Edition Multimédi@, ce qui représente une chute de – 39,6 % (voir graphique). Et sa valorisation n’est plus que de 1,7 milliard de livres sterling (2 milliards d’euros). C’est une grosse déception pour les actionnaires, à qui la direction de Vivendi – l’ex-maison mère de Canal+ – avait fait miroiter une capitalisation potentielle d’environ 6 milliards d’euros.

Canal+, seule des 3 sociétés sœurs déficitaire
Surtout que le milliardaire Vincent Bolloré avait justifié durant un an le split de mi-décembre par la sous-évaluation de Vivendi en Bourse depuis quinze ans (1). En même temps que Canal+, le 16 décembre 2024, deux autres sociétés sœurs issues elles aussi du spin-off du conglomérat Vivendi ont également fait leurs premiers pas en Bourse, mais à Amsterdam pour Havas et à Paris pour la nouvelle entité Louis Hachette Group (Lagardère et Prisma Media). Vincent Bolloré et les actionnaires ont déchanté quant au groupe publicitaire Havas qui a vu lui aussi son cours de Bourse d’effondrer, passant du prix d’introduction de 1,79 euros à 1,4 euros le 13 mars 2025, soit une dégringolade de – 20,1 %. Seul lot de consolation, le groupe Louis Hachette est la seule entité de l’ancien Vivendi à mieux se comporter depuis son premier jour de cotation à 1,12 euro, puisque l’action est à 1,4 euro le 13 mars 2025, soit une hausse de 26,3 %. (suite)

The Walt Disney Company se sent pousser des ailes avec Disney+, notamment en France face à Canal+

La major américaine du cinéma et de l’audiovisuel qu’est The Walt Disney Company – plus que centenaire – a présenté le 5 février les résultats financiers du premier trimestre de son année fiscale décalée 2025. En streaming, la rentabilité de Disney+, Hulu et ESPN+ s’améliore.

« Nos résultats de ce trimestre [octobre à décembre 2024, soit le premier trimestre de l’année fiscale 2025 qui sera clos fin septembre, ndlr] démontrent la force créative et financière de Disney […]. Nous avons encore amélioré la rentabilité de nos activités de diffusion en streaming », s’est félicité Robert Iger (photo), PDG de la Walt Disney Company. Alors que le chiffre d’affaires sur son marché domestique (les Etats-Unis et le Canada) stagne, celui réalisé à l’international accuse une baisse à deux chiffres (- 31 % sur le premier trimestre).

151,5 millions d’abonnés au total
La plateforme de streaming Disney+ fait état, au 31 décembre 2024, de 124,6 millions d’abonnés payants, en baisse de – 1 % par rapport au trimestre précédent. Elle en compte cependant plus à l’international (54,4 %), devenu majoritaire, qu’aux Etats-Unis et au Canada confondus (45,6 %). Quant à l’autre service de streaming, Hulu, dont les contenus sont plus pour adultes (là où Disney+ propose plutôt un catalogue familial), il compte 56,3 millions d’abonnés, en hausse trimestrielle de + 3 %. Hulu est un pionnier de la VOD, qui fut cocréé en 2007 par AOL, NBCUniversal (racheté par Comcast), Yahoo et Myspace (repris par News Corp). News Corp cèdera finalement à Disney en 2019 sa participation de 30 % dans Hulu que détenait sa filiale 21st Century Fox, laquelle fut revendue aussi Disney. C’est en novembre 2023 que Comcast cède à son tour sa participation dans Hulu à Disney, qui en devient ainsi le seul propriétaire (1). (suite)

Mesure d’audience : plus de transparence en Europe

En fait. Le 28 janvier, l’association Audience Measurement Coalition (AMC) a été lancée officiellement. Ses 18 membres actuels ont élu comme président Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie. Installée à Bruxelles, l’AMC vise à assurer transparence et comparabilité des mesures d’audience entre télévisions et plateformes.

En clair. Alors que le règlement européen sur la liberté des médias (1) – appelé European Media Freedom Act (EMFA) – va entrer pleinement en application le 8 août 2025, une association professionnelle baptisée Audience Measurement Coalition (AMC), autrement dit une coalition sur la mesure de l’audience, a été fondée le 28 janvier par Médiamétrie (France), l’Arma (Roumanie) et MMS (Suède), ainsi que par les sociétés d’études de marché Nielsen, Kantar Media et GfK. A ces membres cofondateurs se sont jointes une douzaine d’organisations, dont Comscore et Ipsos (2). Le règlement européen EMFA a vocation à « établi[r] des règles communes pour le bon fonctionnement du marché intérieur des services de médias ». Et ce, sous le contrôle d’un « comité européen pour les services de médias », ou en anglais European Board for Media Services (EBMS), lequel se met en place dès ce mois de février (3). Pour autant, le but de l’association AMC – enregistrée à Paris mais ayant ses bureaux à Bruxelles – n’est pas d’unifier toutes les mesures d’audience dans les Vingt-sept. « Il n’y a pas de vocation à l’homogénéité européenne, ce qui n’est d’ailleurs pas une demande du marché. En revanche, nous défendons tous les principes de transparence, de comparabilité et d’équité des mesures dans chacun des pays », explique à Edition Multimédi@ Yannick Carriou, président de l’AMC et PDG de Médiamétrie. Et de nous préciser : « Il y a des initiatives (suite)

La chronologie des médias reste inchangée pour trois ans, de quoi satisfaire les salles de Richard Patry

La ministre de la Culture, Rachida Dati, a décidé de soumettre à signature l’actuelle chronologie des médias datant de janvier 2022, qui est échue depuis le 9 février, afin de la reconduire pour trois ans. Ce qui ne manquera pas de satisfaire Richard Patry, grand défenseur des salles de cinéma, tout juste élu pour 2025 président du Blic.

(Depuis la parution de cet article, l’accord inchangé a été signé par quelques organisations le 6 février, et l’arrêté le rendant obligatoire à toute la filière « cinéma et audiovisuel » publié au Journal Officiel le 9 février 2025)

La chronologie des médias, qui régit les « fenêtres de diffusion » des nouveaux films en France après le monopole des salles de cinéma sur les quatre premiers mois de leur sortie, voit l’un de ses plus ardents défenseurs, Richard Patry (photo), élu à la présidence du Bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic). Fondé dans les années 1970, ce lobby de la filière française du cinéma français réunit plusieurs organisations professionnelles représentant les salles de cinéma, la production, l’édition de films, l’édition vidéo, l’édition numérique et les industries techniques.

Pas de VOD, TVOD et DVD à 3 mois après la salle
Autant dire que le Blic est au cœur de l’industrie du cinéma français. Richard Patry est aussi depuis douze ans président de l’incontournable Fédération nationale des cinémas français (FNCF), dont Noe Cinémas (1) – sa propre exploitation de salles – est membre comme les plus de 2.000 établissements qui exploitent en France 6.322 écrans. Ce Haut-normand de 60 ans n’a de cesse de défendre bec et ongles la chronologie des médias, laquelle n’a pas évolué sur l’exclusivité de diffusion dont bénéficient les salles obscures durant quatre mois pour les nouveaux films qui sortent dans l’Hexagone. Ainsi, les quelque 1,1 million de fauteuils que totalisent toutes les salles de cinéma du pays détiennent un avantage concurrentiel historique sur les autres « fenêtres ». Et cela n’est pas prêt de changer pour les trois prochaines années, puisque l’accord de janvier 2022 sur la chronologie des médias (2) sera soumis sans changement à signature. Ainsi en a décidé la ministre de la Culture, Rachida Dati.
La salle de cinéma donne toujours le la : les nouveaux films en VOD à l’acte ou à la location ainsi que sur DVD ne sont disponibles qu’au bout du cinquième mois après leur sortie en salle (3) ; les chaînes de télévision payantes comme Canal+ peuvent (suite)