Haine sur Internet : la loi Avia veut lutter
contre un fléau sans « privatiser la censure »

Le marathon parlementaire de la future loi « Avia » contre la haine sur Internet n’en finit pas. Rédigé à la va-vite, le texte est controversé. Le délai de retrait de 24 heures – disposition supprimée puis réintégrée (délai ramené à 1 heure dans certains cas) – illustre la valse-hésitation du législateur.

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

C’était il y a 37 ans… Dans « L’ère du vide » (1), Gilles Lipovetsky s’essayait déjà à analyser jusqu’où l’individualisme emmenait la société contemporaine, à force de tout tourner en dérision, de mettre fin à toute hiérarchie, vers une ère postmoderne. Ce postmodernisme se traduisait selon l’auteur, par une forme d’épuisement des valeurs collectives, de réduction de la violence physique, et globalement une ère de bien-pensance dans laquelle l’engagement laissait place à la tolérance.

Les plateformes numériques sont-elles parties pour un grand chelem de sanctions ?

Les géants du Net sont pris entre deux feux principaux : le droit de la concurrence, d’une part, et la protection des données, d’autre part. Mais ces deux référentiels juridiques s’entremêlent de plus en plus et se démultiplient, au risque d’aboutir à des doubles sanctions. Ce que l’Europe assume.

Par Olivier de Courcel, avocat associé, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Alors que les textes de référence s’accumulent, de même que les procédures de contrôle et les sanctions (aux amendes toujours plus élevées), la mise en conformité (compliance) devient comme un grand chelem pour les plateformes numériques. Les procédures se multiplient: aux Etats-Unis, 5 milliards de dollars imposés à Facebook par la FTC américaine en juillet 2019, contrôle en cours par le DoJ sur les GAFA, enquête préliminaire conjointe de 48 Etats fédérés ; en Europe, amende de 2 millions d’euros en Allemagne pour le manque de transparence de Facebook sur les contenus illicites (1), enquête préliminaire lancée par la Commission européenne sur la collecte et l’utilisation des données des utilisateurs de Google (2), contrôle en cours par la « Cnil » irlandaise sur les ventes aux enchères d’espaces publicitaires de Google, pré-rapport de l’autorité de la concurrence britannique (CMA) sur les plateformes (3), etc…

Faudrait-il marier Orange et Deutsche Telekom ?

En fait. Le 2 décembre, le lobby bruxellois des opérateurs télécoms historiques en Europe, l’Etno, dont sont notamment membres Orange et Deutsche Telekom, ont lancé un appel à la nouvelle Commission européenne pour « s’attaquer activement à la fragmentation du marché européen des télécommunications ».

En clair. « Aucun d’entre nous, seul, ne peut atteindre ces objectifs [de se développer et d’innover pour les citoyens européens et les entreprises, afin d’atteindre les ambitions socioéconomiques et géopolitiques fixées par la Commission européenne, ndlr]», ont prévenu les membres de l’Etno (1) basée à Bruxelles. Cette association d’opérateurs télécoms, dont la plupart sont d’anciens monopoles publics comme Orange (ex- France Télécom), Deutsche Telekom ou encore TIM (ex-Telecom Italia), demande dans une déclaration datée du 2 décembre adressée à la Commission « Leyen » de « donner à l’Europe une politique industrielle de leadership numérique, en veillant à ce que les entreprises européennes puissent collaborer pour construire une économie d’échelle mondiale et être compétitives dans la chaîne de valeur numérique mondiale (…) pour concurrencer les acteurs mondiaux [du numérique, ndlr]» (2). Et les vingt et un signataires de ce « CEOs Statement », où l’on retrouve Stéphane Richard, PDG d’Orange, et Timotheus Höttges, directeur général de Deustche Telekom, sont d’accord pour dire que l’Europe dois « s’attaquer activement à la fragmentation du marché européen des télécommunications, en encourageant les investisseurs à développer une infrastructure télécoms à une grande échelle plus nationale et transfrontalière, notamment en optimisant l’efficacité du partage des réseaux mobiles ». Cette déclaration intervient au moment où la rumeur de rapprochement entre Orange et Deutsche Telekom a été relancée le 27 novembre dernier par le journal allemand Handelsblatt, citant de sources proches du dossier et évoquant d’« énormes synergies à exploiter ».
Mais Orange a aussitôt démenti et affirmé qu’il n’avait aucune discussion. Seules des synergies outre-Rhin existent depuis longtemps dans les achats. Pourtant, la démarche des patrons des opérateurs historiques, intervenue par la suite via l’Etno, laisse penser qu’un tel rapprochement ferait sens pour tenir tête aux GAFA et aux BATX. D’autant que Thierry Breton, nouveau commissaire européen en charge du Marché intérieur et ancien président de France Télécom (octobre 2002-février 2005), est favorable à la construction de champions européens. La dernière fois qu’Orange et Deutsche Telekom ont discuté « fusion », d’après l’agence Reuters, ce fut entre juin et septembre 2017 – dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron. @

Des interférences politiques, sécuritaires et géostratégiques freinent le lancement de la 5G

En France, le processus d’attribution sera lancé d’ici la fin de cet automne, en vue d’une attribution finale des fréquences 5G « d’ici juin 2020 » – au lieu de début 2020 selon le calendrier initial. Dans d’autres pays, la cinquième génération de mobile est aussi à la peine pour d’autres raisons.

Partout dans le monde, la 5G rencontre des obstacles. La Roumanie vient elle aussi de reporter à 2020 les enchères de ses fréquences 5G. Alors que les raisons en France du report au printemps prochain des enchères relèveraient plus d’un retard pris par le régulateur et le gouvernement pour se mettre d’accord sur les modalités mixtes d’attribution des fréquenses (1), le report roumain est dû, lui, à l’élection présidentielle tout juste achevée et à la constitution d’un nouveau gouvernement censé approuver le budget 2020 et le montant des licences 5G, sur fond d’accord sécuritaire signé avec les Etats-Unis.

La Commission européenne 2019-2024 part en quête d’un « leadership numérique » face aux GAFA et aux BATX

Entre le marteau des géants américains de l’Internet et l’enclume de leurs homologues chinois, la nouvelle Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen et installée depuis le 1er décembre, va tenter de s’imposer dans le monde numérique. Pas moins de quatre commissaires ont le digital au coeur de leurs attributions.

C’est d’abord sur les épaules de la Danoise Margrethe Vestager (photo) que repose la charge de faire « une Europe préparée à l’ère numérique ». Cet objectif est justement le libellé de ses attributions au sein de la nouvelle Commission européenne, dont elle a été nommée vice-présidente exécutive. Très redoutée des GAFA qu’elle a mis pour certains à l’amende lorsqu’elle était commissaire européenne en charge de la concurrence (2014-2019), la voici en haut de l’affiche dans cette Commission « Leyen » qui remplace la Commission « Juncker » et qui a pris ses quartiers à Bruxelles depuis le 1er décembre pour un mandat de cinq ans (2019-2024). Margrethe Vestager devra composer avec trois autres commissaires européens qui auront eux aussi affaire avec la stratégie digitale du Vieux Continent : la Bulgare Mariya Gabriel qui se retrouve avec le portefeuille « Innovation et Jeunesse » (après avoir été auparavant en charge de l’Economie et de la Société numériques), le Français Thierry Breton qui fait son entrée à Bruxelles avec la responsabilité du Marché intérieur, et le Belge Didier Reynders qui est aussi un nouveau venu pour prendre en charge la Justice. La réussite ou pas de « l’Europe digitale » dépend donc de ce « quadriumvirat » où chacun a de près ou de loin le numérique dans son portefeuille.