Roch-Olivier Maistre est favorable à une fusion CSA-Hadopi, mais pas Arcep-CSA-Hadopi

Depuis qu’Emmanuel Macron l’a appelé au téléphone pour le convaincre de prendre
la présidence du CSA qu’il occupe depuis janvier 2019, Roch-Olivier Maistre est aux avant-postes dans la préparation du projet de loi de réforme audiovisuelle. Son avis sur le futur de la régulation pourrait être décisif.

« C’est au gouvernement et au législateur qu’il appartiendra de décider comment ils souhaitent organiser la régulation. Je me conformerai, en bon serviteur de l’Etat, aux choix qui seront faits en définitif par le Parlement. Ce n’est pas Roch-Olivier Maistre qui fait la loi jusqu’à nouvel ordre ! C’est le Parlement qui décidera. Je dessine seulement ce que cela pourrait être », a dit par précaution Roch-Olivier Maistre (photo) devant l’Association des journalistes médias (AJM), le 10 juillet.

Fréquences de la TNT : vers un troisième « dividende numérique » pour les opérateurs mobiles ?

C’est le 25 juin 2019 que s’achève le transfert, entamé il y a trois ans, des fréquences libérées par la TNT pour être remises aux opérateurs mobiles
pour leurs réseaux 4G. Mais l’Arcep, elle, souhaite « une volonté politique »
pour que soient libérées d’autres fréquences de la TNT pour, cette fois, la 5G.

Après le 29 juin, la télévision numérique terrestre (TNT) ne sera plus du tout diffusée sur la bande de fréquences dite des 700 Mhz (694-790 MHz) – celles que l’on appelait « les fréquences en or », issues du « deuxième dividende numérique ». Comme prévu il y a aura cinq ans cette année, dans un calendrier précisé le 10 décembre 2014 par le Premier ministre de l’époque (Manuel Valls), le transfert de la bande 700 Mhz de la diffusion de la TNT au secteur des télécoms s’achève en effet à cette date.

GAFAM : plutôt que le démantèlement, le dégroupage

En fait. Le 5 juin, Sébastien Soriano, le président de l’Arcep, est intervenu
sur France Culture dans l’émission « La méthode scientifique ». Il reconnaît
« l’immense échec des politiques publiques » vis-à-vis des GAFAM dont il prône maintenant le « dégroupage » – plutôt que le démantèlement – en s’inspirant des télécoms.

En clair. « S’il faut démanteler les Big Tech, c’est démanteler de l’intérieur pour aider des alternatives à se développer, a préconisé le président de l’Arcep sur France Culture le 5 juin. En 20 ans dans les télécoms, on a forcé France Télécom – qui était le monopole – à faire le dégroupage de son réseau téléphonique, à l’ouvrir moyennant paiement (ce n’est pas gratuit), et selon des conditions techniques et tarifaires pour que des nouveaux acteurs puissent utiliser ce réseau ». La question est pour lui moins celle du démantèlement des GAFAM – qu’il appelait de ses vœux en 2017 (lire EM@179, p. 4) – que celle de leur « dégroupage ». Le dégroupage de la « boucle locale » de France Télécom (les derniers kilomètres du réseau téléphonique), fut décidé il y a 20 ans (1).
« Aujourd’hui, il y a de grandes réussites : Free, SFR, Bouygues Telecom, se félicite Sébastien Soriano. On a réussi à créer un écosystème d’une grande variété qui permet aux citoyens de bénéficier du choix. Dans le numérique, il faut mettre en place la même logique que dans les télécoms. Visà- vis des Big Tech, il faut passer à une régulation préventive : l’autorité anti-trust européen devrait pouvoir intervenir a priori – sans attendre de constater des infractions – en imposant à ces grands acteurs des obligations d’ouverture ». Pour le président de l’Arcep, il faut ainsi trouver la manière d’ouvrir les GAFAM, d’ouvrir leurs données et de leur imposer des interfaces afin de permettre à de nouveaux acteurs de se développer dans ces écosystèmes – comme furent créées il y a deux décennies les conditions de l’entrée d’opérateurs alternatifs sur le marché des télécoms jusqu’alors en situation de monopole. Et Sébastien Soriano de faire son mea-culpa : « Il faut reconnaître l’immense échec des politiques publiques, qui sont censées faire en sorte que les marchés soient concurrentiels et qu’il n’y ait pas d’abus de position dominante. Ayant été moi-même à l’Autorité de la concurrence [de 2001 à 2004, puis de 2009 à 2012, ndlr], c’est un échec auquel je m’associe. Nous avons sous-estimé ces effets de réseau (2). (…) Nous avons été trop confiants vis-à-vis du numérique, en nous disant qu’il ne fallait pas brider ni trop réguler l’innovation. C’est cet état d’esprit qui nous a guidée dans cette impasse. La situation est particulièrement dramatique ». Reste à porter l’idée du dégroupage des GAFAM au niveau européen. @

Le SMS continue sa chute ; le RCS peine à décoller

En fait. Le 21 mai, l’Arcep a publié son Observatoire des marchés des communications électroniques en France sur l’année 2018. Le nombre de SMS émis poursuit sa chute, entamée il y a trois ans. Les WhatsApp, Messenger, Snapchat et autres Skype concurrencent les opérateurs mobiles, lesquels préparent… le RCS.

En clair. Laminé par les messageries instantanées des GAFA, Snap et autres Telegram, le SMS – pour Short Message Service – inventé il y a 30 ans par les opérateurs télécoms (les « telcos ») décline. Rien qu’en France, les mobinautes les délaissent de plus en plus au profit des messageries instantanées du Net, lesquelles échappent justement aux opérateurs mobile. Résultat, d’après l’Arcep : le volume global de ces messages courts émis en 2018 à partir des téléphones mobiles est en baisse pour la troisième année consécutive, à 171,4 milliards de SMS (-7,1 % en un an). Le point culminant historique de 202,5 milliards de SMS envoyés dans l’année fut atteint en 2015.
Consolation pour les telcos : l’envoi de MMS – pour Multimedia Messaging Service – continue d’augmenter, à 5,2milliards sur l’année 2018 (+ 6 %), mais ils sont loin de compenser la chute des SMS et ne représentent que 3 % de l’ensemble des messages émis dans l’année. « Le nombre moyen de SMS envoyés par mois et par abonné diminue : 199 SMS en 2018 (- 8,9 %). Cette inflexion (1) peut être mise en parallèle avec le développement des applications de messageries instantanées qui viennent probablement se substituer en partie aux SMS », avance l’Arcep. Surtout que les SMS et MMS utilisent un protocole propre aux telcos et donc incompatible avec l’IP et le Wifi ! Un comble aujourd’hui. Ces textos, qui plus est payants, génèrent la principale source (40 %) de revenu des services d’interconnexion mobiles pour les telcos, soit 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires hors taxe en 2018 (- 5,5 %). L’on comprend dès lors que les telcos se hâtent lentement dans le déploiement le RCS – pour Rich Communication Services.
Quèsaco ? Il s’agit de la contre-offensive des opérateurs mobile, réunis dans leur association internationale GSMA (2), pour tenter de ne pas se faire évincer par les acteurs du Net du marché de la communication interpersonnelle. Le RCS, c’est de la messagerie instantanée et du réseau social multimédia tout-en- un (texte, chat, appels vidéo, audio, photo, live, fichiers, etc). Mais comme le RCS bascule les telcos sur le protocole IP, il leur rapportera bien moins que les lucratifs SMS et MMS. Pour l’instant, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free restent encore très discrets. Au contraire, Google Fi, l’opérateur mobile virtuel d’Alphabet, a annoncé en début d’année (3) le déploiement de RCS – y compris en France. Le SMS va mourir, vive le RCS ? @

Dans le Far-West numérique, le juge commence à se faire entendre. On attend plus que le shérif !

La révolution numérique a fait exploser notre système juridique. Que ce soit avec la dématérialisation ou l’abolition des frontières, le droit national de l’ancien monde est devenu ineffectif. Progressivement, la législation et la jurisprudence s’adaptent, en attendant le gendarme…

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.