A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Le streaming mondial accroît la valorisation des catalogues musicaux qui attisent les convoitises

C’est la course mondiale aux catalogues de titres musicaux que le streaming revalorise, attirant moult candidats à leur rachat (fonds d’investissement, majors, éditeur/publishing, …). Certains se vendent plusieurs millions de dollars, surtout quand les artistes sont devenus mythiques.

La montée en charge du streaming musical donne un coup de fouet à l’industrie de la musique. Au-delà des plateformes numériques telles que Spotify, Deezer, Apple Music ou Qobuz qui font les affaires des majors de la musique enregistrée et des producteurs indépendants, les catalogues des artistes prennent encore plus de valeur. Et lorsque les musiciens et/ou le groupe ont une notoriété internationale, voire mythique, la valorisation de leurs catalogues peut atteindre des sommes records : le catalogue des Pink Floyd pourrait être cédé au moins 500 millions de dollars, a révélé l’agence Bloomberg le 23 juin dernier (1).

« Money », chantaient les Pink Floyd…
Les Pink Floyd veulent ainsi céder leur catalogue au plus offrant et ce ne sont pas les candidats au rachat qui manquent : près de 50 ans après leur titre emblématique « Money », le groupe de rock britannique espère en obtenir plus d’un demi-milliard de dollars. Parmi les acquéreurs potentiels, il y a Sony Music, Warner Music ou encore BMG Rights Management (BMG) avec le soutien du fonds d’investissement newyorkais KKR. Le groupe de « The Wall » ou de « Wish You Were Here », cofondé en 1965 (2), a vendu au total plus de 250 millions de disques dans le monde tous titres confondus, dont 75 millions rien qu’aux Etats-Unis. Cette formation mythique de l’underground londonien, et considérée comme l’un des premiers groupes de musique psychédélique du Royaume- Uni, dispose d’un catalogue qui vaut aujourd’hui une montagne d’or. Le streaming lui redonne même un coup de jeune, surtout si le catalogue mis en vente comprend non seulement les droits d’enregistrement pour leur diffusion en streaming, sur CD ou vinyles, mais aussi les droits d’auteur, de composition ou de synchronisation (3). Les fonds de catalogue ont réémergé avec le streaming, à la faveur de la mode du « vintage » – notamment au profit des années 70 et 80.
Les Pink Floyd pourraient faire mieux que le chanteur-guitariste américain Bruce Springsteen qui a réussi en décembre 2021 à vendre à Sony Music ses droits musicaux pour 500 millions de dollars. Son catalogue ainsi cédé comprend les enregistrements (les «masters ») et les droits d’édition musicale (les « publishing rights »). A 72 ans, le rocker aux plus de 150 millions de disques vendus dans le monde retrouve une seconde jeunesse grâce aux streams de sa musique en ligne qui lui permettent de toucher une nouvelle génération avec ses anciens succès tels que « Born to Run » ou « Born in the USA ». La cession de son catalogue, dont plus de 300 chansons d’une vingtaine d’albums, reste un record pour un musicien seul. Le chanteur-composition américain Bob Dylan (alias Robert Zimmerman, 81 ans), autre icône mondiale immortalisée avec « Blowin’ in the Wind » ou « Mr. Tambourine Man », a lui aussi monnayé son catalogue un demi-milliard de dollars, en cédant d’abord en décembre 2020 à Universal Music ses droits d’auteur portant sur 600 chansons pour 300 millions de dollars, puis en janvier 2022 ses droits d’enregistrement à Sony Music pour 200 millions de dollars. Même les plus réticents à commercialiser leur musique, tels que Neil Young (76 ans), ont cédé aux sirènes de la monétisation de leur catalogue. L’Américano-Canadien, rendu célèbre par ses albums « After the Gold Rush » ou « Harvest » et par le groupe Crosby, Stills, Nash & Young, a finalement vendu la moitié de ses droits d’édition musicale au fonds d’investissement britannique Hipgnosis pour une somme estimée jusqu’à 150 millions de dollars pour plus d’un millier de titres de sa composition.
Hipgnosis Songs Fund (HSM) fut cofondé en 2018 par Merck Mercuriadis (photo de gauche), l’ancien manager d’Elton John ou de Beyoncé entre autres. Elle se présente comme « première société d’investissement britannique offrant aux investisseurs une exposition pure-play aux chansons et aux droits de propriété intellectuelle musicale associés », dont l’objectif est de « construire un portefeuille diversifié, d’acquérir des catalogues qui sont construits autour de succès avérés de chansons d’importance culturelle par certains des plus talentueux et importants auteurs-compositeurs dans le monde », peut-on lire sur son site web (4).

Hipgnosis Songs Fund (HSM) a la cote
Hipgnosis, qui détient aussi les catalogues de George Benson, Mariah Carey, Fleetwood Mac ou encore Justin Bieber, revendique à ce jour 146 catalogues, 65.413 chansons, 14.381 « Top 10 » des chansons dans les charts mondiaux, 3.854 « numéro un » des chansons dans les charts mondiaux, 156 chansons gagnantes des Grammy, ainsi que 56 des 233 chansons du « Billions Club » de Spotify, la première plateforme mondiale de streaming musical. Riche d’un actif de plus de 2,2 milliards de dollars, l’entreprise HSM à fort potentiel – enregistrée sur l’île anglo-normande Guernesey (Manche) mais fiscalement établie au Royaume-Uni depuis avril 2021 en tant que « investment trust » (fonds de placement) – est cotée à la Bourse de Londres depuis juillet 2018 et fait partie depuis mars 2020 de l’indice FTSE 250. Le chanteur américain Justin Timberlake, aux 88 millions de disques vendus, a quant à lui cédé en mai 2022 pour quelque 100 millions de dollars son catalogue de 200 chansons à Hipgnosis Song Capital, société commune créée en octobre 2021 par la société Hipgnosis Song Management, ex-The Family Music (conseil en investissement de Hipgnosis Songs Fund) et le fonds d’investissement américain Blackstone. Les catalogues attirent le private equity Justin Timberlake, chanteur à succès âgé de 41 ans et connu pour «Cry Me a River», «SexyBack» ou «What Goes Around… Comes Around », n’a cependant pas cédé dans ce deal les droits d’auteurs de ses prochaines musiques. Valorisé 350 millions de dollars, Timberlake est considéré comme l’un des solistes les « bankable » de sa génération. HSM ne s’y est pas trompé et vise d’autres catalogues en or. Dans Hipgnosis Song Capital, Blackstone a injecté une « somme initiale » d’environ 1milliard de dollars pour acquérir des droits musicaux et gérer des catalogues.
Lors de l’annonce du partenariat Hipgnosis-Blackstone, Merck Mercuriadis le patron de HSM a indiqué ses ambitions : « Hipgnosis Song Management a clairement établi les chansons comme étant une catégorie d’actifs. Ce nouveau partenariat avec Blackstone nous apportera la solidité financière nécessaire pour investir dans des chansons à grand succès, ainsi que pour développer notre équipe de gestion de chansons et apporter davantage de sophistication à HSM ». Blackstone, qui se présente comme « le plus grand gestionnaire d’actifs alternatifs au monde » (5), a acquis une participation dans HSM et soutient l’expansion de ses infrastructures et de ses fonctions commerciales, afin d’accroître encore la valeur des droits qu’elle acquiert, en collaborant étroitement avec les auteurscompositeurs, les artistes et les producteurs.
Autre géant du « private equity » à l’affût de catalogues musicaux : l’américain Apollo Global Management (6), qui, en octobre 2021, a annoncé la mise en place d’une société d’investissement dotée d’un fonds d’environ 1 milliard de dollars et baptisée HarbourView Equity Partners, cofondée avec l’ancienne banquière de Morgan Stanley, Sherrese Clarke Soares (photo de droite). Après vingt ans dans la finance, celle-ci a fondé en 2019 la société d’investissement Tempo Music Investments soutenue par Providence Equity Partners et la major Warner Music, afin de disposer d’un fonds de plus de 1 milliard de dollars, pour « investir dans des catalogues de chansons » et « crée[r] du contenu exclusif de premier ordre » (7). Parmi ses premières acquisitions de droits d’auteur : les primés aux Grammy, Jeff Bhasker et Shane McAnally, et Ben Rector. Ce fonds basé à Newark, dans le New Jersey (avec des bureaux à New York et à Los Angeles), entend saisir les opportunités d’investissement dans les secteurs du divertissement et des médias, notamment pour « optimiser et améliorer l’héritage de la propriété intellectuelle haut de gamme ». En clair : « Acquérir des droits d’auteur musicaux liés à la musique enregistrée et à l’édition musicale » (8). Le 14 juin dernier, HarbourView a annoncé avoir acquis le catalogue du duo de RnB et hiphop américain Andre Harris et Vidal Davis, connu sous leur nom de scène et d’enregistrement Dre & Vidal. En janvier, c’était le chanteur portoricain de pop-latino, Luis Fonsi (mondialement célèbre grâce à son « Despacito » en duo avec Daddy Yankee, sorti chez Universal Music et repris par Justin Bieber), qui a vendu son catalogue à HarbourView. L’investisseur newyorkais KKR, déjà cité plus haut avec BMG pour s’emparer de la « discographie » Pink Floyd, a finalisé en début d’année l’acquisition du catalogue du label indépendant Kobalt Music Group pour 1,1 milliard de dollars, comprenant les droits du chanteur canadien The Weeknd (9) et de la chanteuse pop néo-zélandaise Lorde, et une prise de participation dans l’entreprise. Cette opération a pu se faire via le consortium Chord Music emmené par KKR justement et le partenaire Stephen Hendel’s family office (du nom d’un ancien de Goldman Sachs). Kobalt avait par ailleurs cédé à Hipgnosis en 2020 ses catalogues de George Benson, Justin Bieber, Mariah Carey ou encore The B-52’s pour 320 millions de dollars.
Preuve, une nouvelle fois, que le capital-investissement croit au potentiel des catalogues de musique. A noter que l’homme d’affaires américain Todd Boehly, cofondateur et PDG de la société d’investissement Eldridge Industries (10), est aussi sur les rangs pour acquérir des catalogues de chansons. Il s’était lui aussi intéressé à Kobalt. Les Big-Three du « disque » – que sont les majors Universal Music (dont le dernier catalogue acquis fin juin est celui du guitariste Frank Zappa), Sony Music et Warner Music – restent pour l’instant les champions des catalogues, mais ils sont de plus en plus concurrencés dans l’acquisition des actifs de propriété intellectuelle.

La concurrence du music rights management
En janvier dernier, Warner Music s’est emparé – via Warner Chappell Music – des droits de la totalité du répertoire (25 albums) du Britannique David Bowie (décédé en 2016) pour 250 millions de dollars. En octobre 2021, BMG a annoncé, lui, avoir acquis – sans divulguer le montant – les droits musicaux de Tina Turner (82 ans), légendaire chanteuse américaine aux 100 millions de disques vendus (« The Best », « Private Dancer », « What’s Love Got To Do With It », …). Warner Music reste sa maison de production. D’autres nouveaux entrants sur ce marché des catalogues revitalisés par le streaming se bousculent tels que Round Hill Music, spécialiste du « music rights management », Concord Music ou Primary Wave Music, pour ne citer qu’eux. @

Charles de Laubier

Netflix France tire toujours à boulets rouges sur la chronologie des médias, bientôt rediscutée

La chronologie des médias n’en finit pas d’être remise sur le métier. Bien que la clause de revoyure ait fixé à janvier 2023 le prochain rendez-vous des signataires, le retour autour de la table des négociations est prévu dès septembre prochain. Netflix entend faire encore bouger les lignes.

Damien Bernet (photo), directeur du développement (1) de Netflix France depuis avril 2020, était l’invité le 28 juin dernier de l’Association des journalistes médias (AJM), accompagné d’Anne-Gabrielle Dauba- Pantanacce, directrice de la communication. Il a notamment été amené à s’exprimer sur la nouvelle chronologie des médias en vigueur depuis le 24 janvier 2022 (2), Netflix étant la seule plateforme de la SVOD à l’avoir signée (3). En est-il satisfait ? « Oui et non, a-t-il répondu. Oui car ce fut un pas important. Nous étions à 36 mois après la salle de cinéma dans l’univers du cinéma français, ce qui était totalement anachronique. Le fait de passer à 15 mois, c’est déjà une victoire ».

Revoyure dès septembre prochain
« C’est la raison pour laquelle nous l’avons signée, pour signifier et concrétiser cette avancée, montrer que Netflix est un acteur vertueux. Nous avons montré dans la discussion que nous étions ouvert à la négociation : Netflix est le seul acteur de la SVOD à l’avoir signée. Maintenant, a prévenu Damien Bernet, l’ex-ministre de la Culture Roselyne Bachelot l’a déclaré au moment de la signature : ce n’est qu’un premier pas ; il y a une clause de revoyure en janvier 2023. En fait, la revoyure sera dès le mois de septembre 2022… Tout le monde va revenir à la table des négociations ». Il n’a pas manqué de rappeler « le mouvement de Disney » qui a décidé de sortir en fin d’année en France son film d’animation « Strange World » directement sur sa plateforme Disney+, sans passer par les salles de cinéma. Il a rappelé aussi que Disney+ est adossé à un grand studio de cinéma, comme le sont les plateformes HBO Max (attendue en France en 2023) au sein du groupe Warner Bros. Discovery et Paramount+ (dont le lancement français est programmé pour décembre prochain) au sein de Paramount Global, ex-ViacomCBS.
La pression ne cesse donc de croître sur la chronologie des médias française jugée obsolète. Damien Bernet la fustige : « Cette chronologie des médias ne peut pas tenir. Elle ne correspond pas aux usages – le public a besoin d’avoir les contenus rapidement. Et les mettre sur une étagère ou au frigo pendant 15 mois n’a aucun sens. Cela ne sert surtout pas le programme, le film. Ce que cela génère, c’est du piratage ». Sert-elle les salles de cinéma, qui bénéficient de quatre mois d’exclusivité lors de la sortie des nouveaux films ? « Non, répond-t-il, le fait de séparer de 15 mois la sortie en salle et la sortie sur Netflix n’a aucun intérêt pour la salle ». Sert-elle Canal+, qui fut longtemps le premier pourvoyeur de fonds du cinéma français ? « Canal+ a une position qui correspond à une histoire et à la manière dont cette chronologie des médias se déroule. Maintenant, déplore-il, celle-ci n’est pas cohérente film par film. Dans les autres pays, il y a une date de sortie qui est négociée pour chaque film selon le diffuseur. En France, cette rigidité a été créée par cette histoire qui se règle sur l’acteur historique (Canal+) ». Cette situation est unique au monde, alors qu’au-delà de l’Hexagone la sortie d’un film en SVOD 45 jours après la salle ne choque personne – notamment aux Etats- Unis pour les blockbusters d’Hollywood. Lorsque ce n’est pas dans certains cas des sorties simultanées salles streaming (day-and-date), comme ce fut le cas en 2021 des films « Dune » et « Matrix » de Warner Bros. Pictures, ou de « Mulan » et « Soul » sur Disney+.
« Nous sommes favorables au cas-par-cas. On serait prêt à payer plus, film par film, et à financer beaucoup plus sur un film donné si on peut disposer d’une fenêtre qui soit plus cohérence dans l’intérêt de nos abonnés, explique Damien Bernet. Dans le monde, on le voit, il y a un usage à 45 jours. Mais on ne fait pas de la sortie en salle une condition pour nous. La sortie en salle peut parfois se justifier sur certaines œuvres, comme nous l’avons fait sur “The Power of the Dog”» (4). Netflix sort environ 30 films par an dans le monde entier, et la salle ne leur est pas interdite, notamment lors de festivals ou d’avant-premières. « On a toujours dit qu’il y avait une complémentarité totale salles-streaming. Mais ce n’est pas le cœur de notre business model, temporise quant à elle Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce. On n’est pas dogmatique. Nous le faisons sur certains films ».

Cannes : Lescure part, Netflix arrive
Netflix sera présent au festival international du film La Mostra de Venise, du 31 août au 10 septembre 2022. « Pour le Festival de Cannes, cela ne dépend pas de nous, rappelle la directrice de la communication. Nous sommes accueillis dans tous les festivals (de cinéma) du monde entier… Il y a un changement de président au Festival de Cannes : on verra dans les prochains mois ». Iris Knobloch, ancienne présidente de Warner Bros. en France, a remplacé le 1er juillet dernier Pierre Lescure à la présidente du Festival de Cannes. Netflix a de l’avenir sur la Croisette. @

Charles de Laubier

Plus de 200 opérateurs mobiles, dans 80 pays, offrent la 5G à plus de 1 milliard d’utilisateurs

Les équipementiers télécoms – Samsung, Huawei, Ericsson, Nokia, Apple, Qualcomm, Intel ou ZTE – se frottent les mains : la cinquième génération de mobiles prend enfin son envol. Deux seuils sont dépassés cette année : plus de 200 opérateurs 5G et plus de 1 milliard d’utilisateurs dans le monde.

Pour les membres exécutifs de la Global Mobile Suppliers Association (GSA), que sont Samsung, Huawei, Ericsson, Nokia, Apple, Qualcomm, Intel et ZTE, le marché mondial de la 5G décolle enfin. Leur organisation internationale, basée au Royaume-Uni et présidée par Joe Barrett (photo), a publié fin juin auprès de ses adhérents un état des déploiements de la 5G dans le monde : sur près de 500 opérateurs télécoms (1) dans 150 pays et régions qui investissent dans un réseau 5G (y compris tests, achat de licences, projets, déploiements et lancements commerciaux), plus de 200 d’entre eux dans 80 pays ont lancé des services mobiles (2).

5G fixe (FWA) et 5G standalone (SA)
La GSA, dont le snapshot est établi à fin mai 2022 (voir 1er graphique), a recensé parmi ces opérateurs 85 dans 46 pays et territoires qui ont lancé des services de 5G fixe à la norme 3GPP (3), appelés aussi Fixed Wireless Access (FWA). Cela représente tout de même environ 40 % des opérateurs télécoms qui offrent de la 5G fixe. Preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que la cinquième génération de mobiles ne sera pas uniquement au service de la mobilité. Elle est amenée aussi à concurrencer la fibre optique dans les foyers, dont certains n’hésiteront pas à remplacer leur « box » fixe (ADSL ou FTTH) par une « box » 5G (FWA).
Autre constat : quelque 108 opérateurs télécoms ont investi dans ce que l’on appelle la « 5G autonome » ou « 5G standalone » (5G SA), dont 28 d’entre eux sont des réseaux publics. Il s’agit de réseaux construits uniquement pour la 5G, contrairement à d’autres réseaux 5G qui s’appuient sur des réseaux 4G existants. L’avantage de cette 5G autonome – dotée de ses propres équipements – est qu’elle est bien plus performante, en termes de connexions disponibles, de temps de latence très faibles et de très haut débits dignes de ce nom. Mais cette « vraie » 5G suppose de la part des « telcos » des investissements plus importants. Partir des installations 4G déjà en place pour monter progressivement en puissance vers la 5G nécessite en effet de moindres dépenses, mais – contrairement à ce que croit le client abonné – les appels voix continuent de passer par la 4G et les données transitent par la 4G et la 5G. La 5G SA, elle, forte de son autonomie et de sa pleine puissance, est « 100% 5G » et peut même être une sérieuse alternative dans les zones rurales mal ou pas desservies par la fibre optique de bout-en-bout, pour peu que les opérateurs télécoms se donnent la peine d’investir de façon « autonome ».
Par exemple, en France, Bouygues Telecom (4), SFR, Free et Orange ont prévu de mettre en service dès 2023 leurs réseaux 5G standalone. Pour l’heure, selon les chiffres publiés le 7 juillet par l’Arcep au 31 mars 2022, l’Hexagone compte 4,1 millions d’abonnés 5G. Autrement dit, la France ne pèse que 0,4 % du milliard d’utilisateurs identifiés par CSS Insight. Ce cabinet d’étude britannique a publié fin juin une estimation du nombre d’utilisateurs 5G dans le monde : la barre du milliard est en train d’être franchie pour atteindre 1,2 milliard d’utilisateurs à la fin de cette année et, selon ses prévisions, ce nombre aura plus que doublé en 2024 (voir 2e graphique). La 5G devient réalité, du moins si la « vraie » 5G suit le mouvement. @

Charles de Laubier

Deezer chute en Bourse mais Orange est toujours là

En fait. Le 5 juillet, l’action Deezer – plateforme française de streaming musical – a dévissé de 35 % lors de son introduction en Bourse à Paris. I2PO, sa « coquille vide » boursière (« Spac ») créée en avril pour l’occasion, n’a pas produit l’effet escompté. Heureusement, son partenaire Orange est toujours là.

En clair. Près de quinze ans après avoir été cofondé (le 22 août 2007) par Jonathan Benassaya (lequel quitte l’entreprise fin 2010), le site de streaming musical Deezer est lancé sur les cendres de son ancêtre Blogmusik (fermé pour cause de piratage). Le succès est immédiat. C’est le 21 juillet 2010 que Deezer annonce qu’il va accueillir dans son capital France Télécom, lequel va intégrer son service Wormee dans une offre : « Deezer Premium », option payante sans publicités.
Depuis douze ans, l’opérateur télécoms historique est actionnaire minoritaire de Deezer via Orange Participations, à hauteur de 11 % du capital de sa holding Odyssey Music Group (1), et propose à ses abonnés « Deezer Premium ». Résultat : le nombre d’abonnés de Deezer explose, de seulement 25.000 en 2010 à plus de 2 millions en 2012, année où le partenariat Orange-Deezer est renouvelé in extremis en juillet pour une durée de trois ans, puis 3 millions franchis en 2013. Deezer conforte ainsi sa place de numéro 1 du marché du streaming en France, qui est alors de 69,1 % de parts de marché, devant les 14,6 % de YouTube et les 5,5 % de Spotify. Deezer devient alors rentable, mais sous perfusion, poussant avec Orange à l’abonnement – tout en étant sous pression des majors de la musique qui lui imposent de réduire la durée d’écoute gratuite de musique à 5 heures par mois (2). Cela passera à 10 heures, avec publicités. Ce « bundle » Deezer-Orange n’est cependant pas du goût des plateformes de streaming musical concurrentes telles que Qobuz, autre plateforme française de musique en ligne lancée moins d’un mois après Deezer. En septembre 2014, le cofondateur de Qobuz, Yves Riesel (président à l’époque), songe à saisir l’Autorité de la concurrence contre cette exclusivité Orange-Deezer censée s’arrêter en juillet 2015. Il dénonce une « distorsion de concurrence » (3). Mais, placé en redressement judiciaire, il en restera là. Qobuz sera repris en décembre 2015 par Xandrie (société de Denis Thébaud).
Aujourd’hui, Deezer compte un peu moins de 10 millions d’abonnés et Orange Participations devait être dilué dans la Spac de 8,13 % à 6,84 % – aux côtés d’Access Industries (Warner Music) du milliardaire russo-américain Len Blavatnik, de l’émirati Rotana Audio, de la holding Artémis de Pinault ou encore de Combat Holding du banquier Matthieu Pigasse. Valorisé 630 millions d’euros (au 07-07-22), Deezer n’est plus une licorne. @

DSA et DMA : deux épées de Damoclès sur les Gafam

En fait. Le 5 juillet, le Parlement européen a procédé au vote final des deux textes législatifs européens sur respectivement les services numériques (DSA) adopté par 539 voix pour (54 contre/30 abstentions) et les marchés numériques (DMA) adopté par 588 voix pour (11 contre/31 abstentions). Ce que risquent les Gafam.

En clair. Maintenant que le Parlement européen, réuni à Strasbourg, a adopté par deux votes finaux le 5 juillet 2022 les deux piliers de la nouvelle régulation d’Internet et de l’économie numérique, il reste encore l’approbation officielle du Conseil de l’Union européenne (UE) qui interviendra courant juillet pour le DMA (Digital Markets Act) et en septembre pour le DSA (Digital Services Act). Pour autant, ces deux textes législatifs n’entreront pleinement en application que bien plus tard : le DSA quinze mois après son entrée en vigueur ou à partir du 1er janvier 2024, la date la plus tardive étant retenue (1) ; le DMA six mois après son entrée en vigueur (2). Ce point de départ de « l’entrée en vigueur » correspond au vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’UE (JOUE).
« Toutefois », précisent les deux règlements, des articles sont applicables dès cette entrée en vigueur : pour le DSA les rapports de transparence incombant aux fournisseurs de plateformes en ligne, et des dispositions concernant les très grandes plateformes en ligne aux « risques systémiques » ; pour le DMA les obligations incombant aux contrôleurs d’accès (gatekeepers) et celles concernant l’interopérabilité des services de messageries sur Internet (3). Les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les plateformes de e-commerce et les places de marché sont les premiers concernés par ce nouvel arsenal. De par les sanctions qu’ils prévoient en cas d’infraction, ces textes européens – uniques au monde – constituent deux épées de Damoclès au-dessus des têtes des géants du numérique, américains (Gafam) ou asiatique (Alibaba, TikTok et autres Huawei). Si un gatekeeper enfreint le DMA, il encourt une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires mondial annuel, voire 20 % en cas de récidive.
Si un « fournisseur de services intermédiaire » se retrouve en infraction avec les obligations du DSA, il peut se voir infliger une amende représentant jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires mondial annuel. Et il risque une sanction pécuniaire jusqu’à 1% de ses revenus ou de son chiffre d’affaires mondial en cas de « fourniture d’informations inexactes, incomplètes ou dénaturées », d’absence de réponse ou encore de « manque-ment à l’obligation de se soumettre à une inspection ». Boîtes noires, algorithmes, intelligence artificielle et autres ciblages publicitaires sont tenus à la transparence. @