Pascal Nègre et les erreurs de la musique face au Net

En fait. Le 18 février, Vivendi annonce le remplacement de Pascal Nègre à la direction générale d’Universal Music France – poste qu’il occupait depuis dix-huit ans. Figure emblématique de la musique en France, il incarne aussi le comportement défensif de la filière face au numérique et ses erreurs aussi.

En clair. Pascal Nègre était devenu une icône intouchable de l’industrie musicale en France. Après avoir débuté dans les radios libres au début des années 1980, puis être passé par la maison de disque BMG, il était entré chez Columbia que le groupe CBS vendra à Polygram dont il deviendra président. Jusqu’à ce que Polygram soit racheté à son tour par Universal Music France dont il deviendra PDG en 1998 (1).
Trois ans avant de prendre cette fonction qu’il gardera jusqu’à son éviction le 18 février dernier, il fut élu (en 1995 donc) président de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), bras armé dans la gestion collective des droits d’auteur pour le compte notamment des majors de la musique en France réunies au sein du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), dont il fut également président en 2000.
La SCPP fait partie des cinq organisations – avec la Sacem, la SPPF, la SDRM et l’Alpa – a avoir obtenu en juin 2010 l’aval de la Cnil pour pouvoir activer les « radars TMG » sur le Net (2) (*) (**) afin de traquer les présumés pirates sur les réseaux peer-to-peer et les « déférer » devant l’Hadopi et ou devant la justice pour contrefaçon. Pascal Nègre fut un ardent défenseur de la répression sur Internet contre les pirates de la musique en ligne. Proche de Nicolas Sarkozy, lequel a signé en novembre 2007 les accords dits « de l’Elysée » qui ont abouti par la suite à la création de l’Hadopi, il a milité pour le filtrage sur Internet. « Je suis l’empêcheur de pirater en rond », écritil lors de la parution chez Fayard en 2010 de son livre « Sans contrefaçon » (3). Durant toute la première décennie pendant laquelle l’industrie musicale en France passera plus de temps à courir après les pirates du Net qu’à adapter son modèle économique aux nouveaux usages numériques, il mènera bataille contre la gratuité de la musique sur Internet. Universal Music n’a d’ailleurs jamais cessé de faire pression sur Spotify et Deezer (4) pour que ces derniers limitent la gratuité afin de privilégier le payant. « Le modèle de départ de Deezer, qui était financé uniquement par la publicité, n’avait aucun sens », affirmait-il encore en 2014. C’est aussi la décennie où la filière musicale appliquent des conditions draconiennes aux plateformes numériques, poussant certaines à déclarer forfait (Jiwa, AlloMusic, …), sans parler du fait que Deezer a dû s’adosser à Orange pour survivre. @

Ebook : Orange arrête MO3T, à cause d’Hachette ?

En fait. Le 22 février, Orange confirme à Livres Hebdo et à ActuaLitté l’abandon du projet de plateforme professionnelle ouverte de livres numériques MO3T – en gestation depuis 2012. « Certains acteurs n’ont pas suivi », comme Hachette. Née aussi en 2012, la plateforme TEA de Decitre se développe, elle.

En clair. Les éditeurs, les libraires et les opérateurs télécoms n’ont pas réussi en France à s’entendre en quatre ans en vue de mettre en place une plateforme de gestion commune ouverte de livres numériques. Le projet baptisé MO3T, pour « modèle ouvert trois tiers » (édition-librairie-numérique), est mort-né. Ainsi en a décidé Orange faute d’avoir réussi à réunir dans le consortium « l’ensemble des acteurs du marché », à commencer par Hachette qui avait dès le début en 2012 qualifié le projet de « flou ». L’absence du numéro un français de l’édition (groupe Lagardère) a instillé le doute
chez beaucoup d’autres tout au long des développements et des négociations interprofessionnelles.
MO3T devait associer les opérateurs télécoms Orange, SFR et Bouygues Telecom (sans qu’il soit jamais question d’ailleurs de Free), ainsi que les maisons d’édition Editis, La Martinière, Gallimard, et les libraires Dialogues, Lamartine, La Procure ou en encore les prestataires ePagine et Dilicom. Cette plateforme B2B devait servir aux vendeurs pour gérer la distribution de livres numériques auprès du grand public via tous les canaux possibles : sites web, applications mobile, boutiques physiques, etc. MO3T avait l’ambition d’être aux ebooks ce que Dilicom (1) est aux livres imprimés, une plateforme interprofessionnelle entièrement ouverte. Transparente pour le lecteur final, elle aurait permis à ce dernier d’acheter son livre numérique n’importe où – en librairie ou en ligne – pour le stocker dans son cloud personnel, sans souci d’interopérabilité entre ses terminaux. MO3T voulait être ouvert là où Amazon, Apple ou Adobe étaient fermés, voire verrouillés. Malgré un budget de 7 millions d’euros, dont 3 millions obtenu du « Grand emprunt » (investissements d’avenir financés par le contribuable via l’Etat), le GIE ne verra jamais le jour faute d’entente entre les parties. Pourtant, en Allemagne, un consortium similaire – Tolino – a, lui, réussi sous la houlette de Deutsche Telekom grâce au soutien des éditeurs et libraires.
La plateforme française TEA (« The Ebook Alternative »), lancé en 2012, par les librairies Decitre, se verrait bien, elle, comme « le Tolino français » (2) qui propose sa solution DRM (Digital Rights Management) anti-Adobe baptisée Care (Content and author rights environment). Pas sûr que cela soit suffisant pour adapter toute la filière du livre au numérique. @

Yahoo cherche à être présentable pour le plus offrant

En fait. Le 1er février, Brigitte Cantaloube, ex-DG de Yahoo France, est devenue Chief Digital Officer (CDO) du groupe PSA Peugeot Citroën, poste nouvellement créé. Elle aura ainsi passé dix ans chez Yahoo, avant d’être licenciée. Le 2 février, la maison mère annonçait une nouvelle réduction d’effectifs. Scission ou vente ?

(Depuis cet article paru dans Edition Multimédi@ n°139 du 15 février, Yahoo a formé le 19 février une commission indépendante pour étudier des « options stratégiques »)

Brigitte CantaloubeEn clair. Brigitte Cantaloube (photo) n’a pas réussi à faire de Yahoo France une filiale rentable, dont elle fut la directrice générale à partir de 2009, pas plus que la CEO de la maison mère américaine depuis l’été 2012, Marissa Mayer (ex-Google), n’a réussi à sortir de l’ornière le pionnier des moteurs de recherche des années 1990 devenu portails média sur Internet.
Décidé il y a exactement un an, le premier vaste plan de licenciements a porté sur la suppression de 1.100 postes. La firme de Sunnyvale comptait alors 11.000 emplois. La filiale française n’avait alors pas été épargnée, pas plus que sa directrice générale Brigitte Cantaloube : une trentaine de postes supprimés, soit un quart de ses effectifs. Il faisait suite à un plan de suppression d’emplois déjà mis en oeuvre en France en 2012.

Intéressés : Verizon/AOL, Microsoft, AT&T, Comcast/NBC Universal, Time Inc, …
Yahoo a fait le ménage en Europe, en rattachant ses filiales à Yahoo EMEA en Irlande pour des raisons fiscales évidentes. Et ce n’est pas fini. Marissa Mayer a annoncé le 2 février dernier un plan de restructuration assorti d’une nouvelle réduction d’effectifs portant sur 15 % des emplois, soit cette fois 1.500 postes en moins. Ce qui fera passer le nombre de salarié de Yahoo dans le monde à 9.000 d’ici la fin de l’année (1).
Yahoo France n’a sans doute pas fini sa cure d’amaigrissement. Le groupe procède en outre à un recentrage sur trois plateformes, Yahoo Search, Yahoo Mail et Tumblr, ainsi que sur quatre thématiques média : l’actualité, le sport, la finance et les styles de vie. La plateforme de photos Flickr ne sera pas supprimée, contrairement à Yahoo Games, mais ses investissements seront réduits. Marissa Mayer tire aussi un trait sur les productions originales (séries télé).

Des actifs « non stratégiques » seront vendus. Objectif de toutes ces mesures drastiques : 400 millions de dollars d’économies d’ici la fin de l’année. En 2015, Yahoo a perdu 4,4 milliards de dollars (dont beaucoup en dépréciation d’actifs) pour un chiffre d’affaires pourtant en hausse de 7,6 % à 5 milliards (mais en recul de 15 % une fois déduits les reversements aux partenaires). Sans sa participation de 15 % dans Alibaba, de ces parts dans Yahoo Japan, et de sa trésorerie, Yahoo vaudrait zéro en Bourse ! C’est du moins ce qu’ont avancé l’an dernier certains analystes financiers (2). Reste à savoir qui de Verizon/AOL, Microsoft, AT&T ou encore Comcast/NBC Universal fera la meilleure offre… @

Photo et Web 2.0 : quand les juges se font critiques d’art et plus sévères sur la preuve de « l’originalité »

Avec Internet, la photo passe du statut d’oeuvre de l’esprit à celle de bien de consommation. La preuve de « l’originalité » est de plus en plus difficile à établir en contrefaçon, sauf à invoquer la concurrence déloyale ou le parasitisme. La jurisprudence fluctuante crée de l’incertitude juridique.

Par Marie d’Antin et Claude-Etienne Armingaud, avocats, cabinet K&L Gates

L’image est au cœur de notre société et des réseaux de communication en ligne. L’évolution des moyens d’édition électronique permet à chacun de faire des photographies
à tout instant depuis un appareil de poche. L’accès à une certaine qualité (quoique parfois standardisée) et la recherche permanente d’une certaine reconnaissance sociale à travers les réseaux sociaux tels que Instagram, Twitter, Facebook, Pinterest ou des blogs divers, incitent chacun à s’improviser photographe et à publier de nombreux contenus photographiques de manière instantanée dans le monde entier.

Photographie, révélateur d’originalité
Cette publication de masse conduit aujourd’hui à un glissement de la photographie du statut d’oeuvre de l’esprit à celle d’un bien de consommation, comme le montrent, par exemple, les poursuites engagées aux États-Unis contre l’artiste Richard Prince pour l’appropriation de photographies issues de comptes Instagram, transformées puis exposées et vendues dans de célèbres galeries (1).
Cette publication de masse pourrait expliquer la réticence croissante des juges à accorder aux photographies une protection par le droit d’auteur. C’est ainsi qu’un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 21 mai 2015 a rejeté les prétentions de l’auteur d’un célèbre portrait de Jimi Hendrix, repris par une société de cigarettes électroniques à des fins publicitaires. Cet auteur a été débouté au motif de l’absence d’originalité de sa photographie (2). Les développements ci-dessous reviennent sur les évolutions récentes afin de permettre aux titulaires et exploitants d’œuvres photographiques d’anticiper l’avenir. Sans doute en raison du procédé technique obtenu à l’aide d’un traitement mécanique de l’image, la photographie a rencontré dès son origine des difficultés pour s’imposer comme « oeuvre de l’esprit ». Aujourd’hui, le Code de la propriété intellectuelle (CPI) protège largement « les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit » (3) y compris les « œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie » (4) et ce, « quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». A défaut de précision légale, la jurisprudence a pu dégager le critère de l’originalité compris comme « l’empreinte de la personnalité de son auteur » et en dessiner les contours, permettant d’accéder à la protection par le droit d’auteur. La première jurisprudence faisant état de cette notion en matière de photographie remonte au 24 avril 1862 dans un arrêt rendu dans l’affaire du comte de Cavour. Deux photographes avaient à l’époque fait un portrait de ce dernier (personnage illustre du Risorgimento italien). D’autres personnes furent par la suite poursuivies en justice par les photographes pour avoir reproduit le portrait en question sans autorisation. Dans cette action en contrefaçon, les plaignants mirent en avant le caractère d’« oeuvre
d’art » de la photographie. Ce qu’ont contesté les accusés. En appel, le jugement a donné raison aux auteurs du portrait, estimant que les photographiques peuvent être
« le produit de la pensée, de l’esprit, du goût et de l’intelligence de l’opérateur ».

Dans un arrêt important du 1er décembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé la notion d’originalité en matière de photographie de portrait, qui ressort des « capacités créatives lors de la réalisation de l’oeuvre » au travers des « choix libres et créatifs » de l’auteur, tels que le « choix de la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage » ou « lorsque du tirage du cliché l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciel ». C’est en effet « à travers ses différents choix [que] l’auteur de la photographie de portrait est ainsi en mesure d’imprimer sa touche personnelle à l’oeuvre créée » (5).

Critères techniques du photographe
En ce sens, la CJUE reprend la position exprimée par la Cour d’appel de Paris en 1990, lorsque l’auteur avait choisit « seul la pose des mannequins, l’angle de prise de vue
et les éclairages adéquats pour mettre en valeur le style adopté par l’appelante, le cadrage, l’instant convenable de la prise de vue, la qualité des contrastes de
couleurs et de reliefs, le jeu de la lumière et des volumes […] le choix de l’objectif et
de […] la pellicule ainsi que […] le tirage le plus adapté à une bonne promotion du style souhaité » (6).
Ainsi, ces critères techniques sont composés de choix effectués en amont par le photographe (cadrage, lumière, pellicule, objectif) mais également au cours de la réalisation de la photographie (pose, contraste, prise de vue) et à l’issue de la séance (recadrage, tirage).

Affaires « Artnet », « Hendrix », etc.
Une fois l’originalité démontrée, une photographie pourra bénéficier de la protection du droit d’auteur, permettant notamment à son auteur d’accéder à la paternité (droit moral) et de contrôler l’utilisation de son oeuvre par des tiers (droit patrimonial). Pourtant, de manière paradoxale, la démocratisation de l’accès à la photographie semble s’accompagner d’une incertitude jurisprudentielle croissante quant à l’appréciation des critères de son originalité.
Conformément aux articles 6 du Code de procédure civile et 1315 du Code civil, la charge de la preuve repose sur celui qui prétend être l’auteur d’une photographie qualifiable d’oeuvre comme le rappelle de manière constante la jurisprudence (7), puisque seul l’auteur « est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole » (8).
A l’ère du numérique, cette preuve peut devenir très contraignante dans la mesure où les clichés se multiplient, pour des sujets parfois banals, et les choix éditoriaux peuvent être restreints aux fonctionnalités mises à disposition de l’utilisateur d’un logiciel. Au fil des jurisprudences, les auteurs doivent apporter une preuve de plus en plus minutieuse, photographie par photographie, peu important la quantité de contenus à décrire (9). Ainsi dans l’affaire « Artnet », la preuve de l’originalité de 6.758 clichés repris par un catalogue a du être apportée par le demandeur (10).
Cette démarche contraignante conduit souvent les photographes à invoquer alternativement d’autres fondements juridiques, tels que la concurrence déloyale ou le parasitisme (11).
Surtout, les moyens de preuve de l’originalité sont appréciés de manière hétérogène et subjective par les juges qui tendent à toujours plus sévérité.

Considérés parfois comme chanceux ou témoins d’événements qu’ils retranscrivent, les photographes peinent encore aujourd’hui à prouver l’originalité de leur créations. Certains juges ont été jusqu’à affirmer que « s’il y a un auteur, c’est l’événement lui-même, pas le photographe » ! (12)
L’absence de lignes directrices claires et pérennes des décisions récentes contribue à l’incertitude juridique qui habille la preuve de l’originalité d’une photographie. S’il est désormais établi qu’une photographie est originale lorsqu’elle résulte d’une combinaison de choix libres et créatifs de son auteur, les critères techniques dégagés par la jurisprudence pour apprécier l’effort créatif d’un photographe – cadrage, angle, prise de vue, retouches, etc. – se retournent parfois contre le photographe pour lui refuser toute originalité. C’est ainsi que l’effort créatif, à la source de l’originalité d’une oeuvre, ne saurait se réduire à des choix guidés par des impératifs techniques (13), comme cela peut être le cas lors d’évènements sportifs (14) ou sur des plateaux (15). Dans le même temps, « mettre en exergue des caractéristiques esthétiques de la photographie » (16) ne suffit pas non plus à caractériser l’originalité. Dans l’affaire « Hendrix », le photographe n’expliquait pas « qui est l’auteur des choix relatifs à la pose du sujet, à son costume et à son attitude générale ». En conséquence, le juge n’a pu « comprendre si ces éléments qui sont des critères essentiels dans l’appréciation des caractéristiques originales revendiquées […] sont le fruit d’une réflexion de l’auteur de la photographie ou de son sujet, si l’oeuvre porte l’empreinte de la personnalité de Monsieur G. M. ou de Jimi Hendrix » (17).
Pourtant, le 20 novembre 2015, un cliché représentant le footballeur Patrick Evra a
été jugé suffisamment original par le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans la mesure où « la capture de cet instant [était] significative en ce que l’auteur cherche à représenter les faiblesses du joueur et son émotion dans un moment de faiblesse » (18).
Le flou artistique persiste Les critères d’appréciation de l’originalité demeurent donc flous en matière photographique. Cependant, si l’originalité est un critère subjectif, elle demeure l’apanage de l’humain : un juge fédéral américain a récemment souligné qu’un primate ne pouvait être le titulaire des droits d’un cliché réalisé sur un appareil
« emprunté » à un photographe professionnel (19)… sauf à se faire payer en monnaie de singe ! @

Le direct live des réseaux sociaux pourrait faire de l’ombre aux chaînes de télévision

Avec une audience déjà grignotée par la VOD et la TV sur Internet, les chaînes
de télévision voient un nouveau front s’ouvrir : celui du direct et de la retransmission d’événements en temps réel. Car les réseaux sociaux se
mettent au live, avec des outils tels que Periscope, Meerkat, Live Video, …

Diffuser des vidéos en direct sur Facebook. C’est possible depuis que le numéro un des réseaux sociaux a lancé fin janvier la fonction « Live Video », laquelle permet – dans un premier temps aux Etats-Unis et à partir d’un iPhone – de diffuser en temps réel une séquence vidéo ou un événement filmé. Le reste du monde et Android seront concernés « dans les semaines à venir ». Une fois que la retransmission en direct
est terminée, l’internaute peut soit la garder sur le réseau social, soit l’enlever.

Twitter, Facebook, YouTube, …
Quelques jours avant le lancement de Live Video, le réseau social de Mark Zuckerberg lançait un nouveau service baptisé « Facebook Sports Stadium » pour suivre en temps réel des matches (de football d’abord, puis à l’avenir le basket-ball et d’autres sports). S’il n’est pas encore question de vidéos, ce service sportif propose lors des événements des scores en direct, des commentaires d’experts, des échanges avec
ses « amis » à travers le monde, mais aussi des liens pour pouvoir regarder les événements sportifs en live si possible.
Facebook entend ainsi concurrencer des applications de live sur Internet telles que Periscope de Twitter ou Meerkat développée par Ben Rubin qui l’a lancée il y a un an (voir encadré page suivante), ainsi que les directs en streaming vidéo sur YouTube ou Dailymotion. Ces annonces successives du réseau social aux plus de 1 milliard d’utilisateurs actifs quotidiens sont intervenues après que Twitter a intégré dans le fil d’actualité – la timeline de ses twittos – l’application de diffusion de vidéos en direct Periscope. Issu de l’acquisition de la start-up Bounty Labs en mars 2015 par Twitter, Periscope avait été lancé l’an dernier et totalisait – avant d’être intégré au site de microblogging – 100 millions de vidéos diffusées en live, le plus souvent à partir de smartphones. Twitter a aussi intégré Periscope sur son autre application vidéo, Vine, acquise en 2012 et permettant de diffuser de courtes vidéos de 6 secondes et de les partager.
Avec cette montée en charge du direct sur les réseaux sociaux et de partage vidéo, les chaînes de télévision perdent leur atout maître qu’était leur avantage à être les seules
à pouvoir faire de la rediffusion live d’événements d’actualité ou de divertissement – parfois en mondovision. Fort du (très) haut débit généralisé, de la puissance de l’encodage numérique et de l’engouement pour le streaming, Internet est en passe de détrôner la TV sur ce terrain. Si les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont d’abord été suivis en partie en direct sur CNN et sur les chaînes du monde entier, ceux des 7 janvier et 13 novembre 2015 à Paris l’ont été avant tout sur les réseaux sociaux, avec en plus la capture de l’instant par les Parisiens et les autres témoins retransmis instantanément sur Periscope ou Vine.
YouTube pratique depuis longtemps la retransmission en direct d’événements, de concerts ou de festivals. Ce fut par exemple le cas en 2012 lorsque près de 8 millions de personnes sur YouTube ont regardé en direct le saut spectaculaire en parachute à 39.000 mètres d’altitude du parachutiste autrichien Felix Baumgartner, lequel a franchi pour la première fois le mur du son en chute libre ! Le lancement aux Etats-Unis en octobre dernier de YouTube Red, la version payante sans publicités de la plateforme
de partage vidéo, est aussi la porte ouverte à des retransmission live d’événements premium. Son arrivée en Europe prévue cette année pourrait bousculer les bouquets TV payants Canal+ ou Sky. Rappelons en outre que, depuis fin 2013, YouTube permet à chacun de diffuser en direct (live stream) sans plus avoir besoin d’avoir au moins 100 abonnés à sa chaîne (comme c’était exigé auparavant). A condition cependant que le
« youtuber » respecte les droits d’auteur. YouTube s’est en outre lancé l’été dernier dans la retransmission en direct de parties de jeux vidéo ou de compétitions ludosportives (e-sports), avec YouTube Gaming, sur le modèle de Twitch, filiale d’Amazon.

Amazon lorgne les droits du football
Amazon, justement, compte bien être présent dans la retransmission d’événements sportifs tels que les matches de football, quitte à acheter des droits pour son service
en ligne par abonnement Prime. Mais son PDG, Jeff Bezos, qui ne l’a pas exclu le 26 décembre dernier dans un entretien accordé à Die Welt, la joue modeste : « Il est possible que ce domaine [du sport en direct, ndlr] se trouve pendant un certain temps encore entre de meilleures mains, chez les chaînes de télévision », a-t-il dit au quotidien allemand. Aux Etats-Unis, la NFL (National Football League) courtise les acteurs du Net (Amazon, YouTube, Yahoo, Facebook, …) pour atteindre les cord-cutters (les désabonnés de la TV par câble) en live-streamed. De son côté, Microsoft verrait bien la retransmission du Super Bowl américain prolongée en réalité holographique (1). Le petit écran n’a plus le monopole du direct de « contenus premium », tandis que l’année 2015 a confirmé que les Français, toujours plus équipés d’écrans que sont les téléviseurs, les ordinateurs, les tablettes et les smartphones (6,4 en moyenne par foyer, selon Médiamétrie), ne se contentent plus de regarder la télévision uniquement « à l’antenne » (live ou pas) mais aussi de plus en plus « à la carte » et/ou « en direct »
(en enregistrant leurs programmes ou en utilisant les services de replay).

Les chaînes se rebiffent
Ce phénomène du direct sur Internet donne des sueurs froides aux chaînes de télévision détentrices des droits de retransmission d’événement sportifs ou de diffusion de série. D’autant que certaines d’entre elles paient très cher – plusieurs centaines de millions d’euros – les retransmissions en live sur leur antenne, notamment de football. C’est le cas aussi pour la diffusion de séries qui se retrouvent « capturées », telles que la dernière saison de « Game of Thrones » qui s’est retrouvée sur Periscope au grand dam de la chaîne payante HBO qui a porté plainte au printemps 2015 contre Periscope. Son créateur, le fondateur de Bounty Labs, Kayvon Beykpour, avait alors assuré qu’il retirerait rapidement les contenus litigieux. Les conflits entre les ayants droits et les acteurs du Net ne datent pas d’hier : le groupe américain de télévision et de studio de cinéma Viacom (Paramount, MTV, Nickelodeon, …), dirigé par le Français Philippe Dauman (2), s’est distingué dès 2007 en réclamant 1 milliard de dollars à YouTube pour piratage : Google s’en est finalement sorti indemne en 2013, après avoir proposé un système de reconnaissance automatique des œuvres appelé Content ID (lire p.3).

En France, en attendant que Periscope ne prenne de l’ampleur, TF1, France Télévisions, Canal+ et M6 – via l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) – se sont plaints en mai 2015 auprès de Twitter et de Facebook (3) de la diffusion de vidéo pirates de leurs programmes sur les deux réseaux sociaux. Les chaînes de télévision françaises leur demandent d’adopter « une véritable politique
de sanctions » et « des technologies de filtrage automatique par reconnaissance d’empreintes numériques préalablement déposées par les détenteurs de droits, permettant de bloquer la mise en ligne de vidéos contrefaisantes ». La Ligue française de football (LFP) a aussi sévi auprès de Twitter France contre le piratage de ses matches (4).

Mais c’est aux Etats-Unis que la capture des matches en direct à partir de smartphones fait des émules sur Perisope ou Meerkat. La loi américaine « Digital Millennium Copyright Act », adoptée en 1998 sur la protection de la propriété intellectuelle à l’ère numérique, n’avait pas prévu ce phénomène de retransmission en direct sur les réseaux sociaux qui n’existaient pas encore (Facebook est créé en 2004, YouTube en 2005, Twitter en 2006, Periscope et Meerkat en 2015). En mai dernier, une polémique a commencé à partir du « combat de boxe du siècle » (5) qui s’est déroulé un samedi soir à Las Vegas : plusieurs smartphones avaient alors rediffusé en live sur Periscope et Meerkat l’événement – « en toute illégalité », selon les organisateurs qui avaient monnayé au prix fort les droits de diffusion auprès de chaînes payantes. @

Charles de Laubier

ZOOM

Meerkat fête ses un an à l’ombre de Periscope
Editée par la start-up californienne Life On Air, l’application Meerkat – qui permet gratuitement de diffuser en direct des vidéos en streaming (meerkatapp. co) – a été lancée en février 2015. Son créateur, Ben Rubin (photo), cofondateur et actuel directeur général, a été formé à Technion, institut de technologie en Israël. Pour lancer Meerkat (du nom du suricate qui est un petit carnivore d’Afrique), il a levé il y a un an 12 millions d’euros auprès du fonds de capital investissement Greylock Partners et plusieurs investisseurs – dont Comcast Venture, Universal Music, le cofondateur de YouTube Chad Hurley ou encore l’acteur et musicien Jared Leto. Meerkat, disponible sur iOS et Android, a rencontré un énorme engouement et un succès médiatique à son lancement, mais a dû ensuite affronter la concurrence de Periscope racheté par Twitter. @