Plus chère, l’offre légale relance les sites pirates

En fait. Le 24 janvier, la Motion Picture Association (MPA) s’est alarmée de la recrudescence du piratage en ligne. Le streaming illégal de films ou d’émissions de télé est un business en hausse, qui, aux Etats-Unis, rapporte 2 milliards de dollars par an. La hausse des tarifs de la SVOD légale y est pour quelque chose.

En clair. Les raisons de ce qui se passe aux Etats-Unis en termes de résurgence du piratage en ligne pourrait aussi expliquer la recrudescence du streaming illégal de contenus cinématographiques et audiovisuels en Europe. Selon la Motion Picture Association (MPA) – dont sont notamment membres les grands studios d’Hollywood mais aussi Netflix –, des sites de streaming illicites tels que Myflixer.to ou Projectfreetv.space, aujourd’hui bloqués, se sont faits « des marges bénéficiaires approchant les 90 % ». Le problème, c’est qu’il y a « des milliers de plateformes illégales » comme celles-ci qui prospèrent sur Internet, avec l’émergence plus récente de plateformes de SVOD pirates – déjà au nombre de 130 sites aux Etats-Unis – pour lesquels les utilisateurs sont prêts à payer 5 dollars par mois ou un peu plus pour accéder à un catalogue de films, de séries, d’émissions ou de sports en direct.

Des utilisateurs disposés à s’abonner à des sites « pirates »
Par rapport aux 13,49 dollars voire 19,99 dollars de Netflix, aux 8,99 dollars voire 11,99 de dollars de Disney+ ou encore aux 11,99 dollars de Paramount+, les nouveaux « pirates » souscripteurs s’estiment gagnants. Selon la MPA, le trio de tête de ces sites de SVOD illégaux totalisent à eux trois 2 millions d’abonnés. « Certains de ces sites pirates ont reçu plus de visites quotidiennes que certains des dix principaux sites légaux. Cela montre vraiment à quel point ils sont prolifiques », a indiqué fin janvier Karyn Temple (photo), directrice juridique de la MPA, à l’agence Bloomberg. De 2022 à 2024, les tarifs d’abonnement des plateformes de SVOD – Netflix, Disney+, Amazon Prime Video, Apple TV+,… – n’ont cessé d’augmenter. Sans parler de l’arrivé de Max en Europe au printemps prochain (1). L’offre légale plus chère et démultipliée pousse involontairement des Continuer la lecture

Abonnements payants de Facebook et Instagram en Europe : Meta se heurte aux exigences du RGPD

Pour Instagram ou Facebook sans publicités, il en coûte désormais aux Européens 9,99 euros par mois sur le Web et même 12,99 euros sur application mobile. C’est cher payé pour ne plus être ciblé dans sa vie privée. Et le consentement « libre » des utilisateurs exigé par le RGPD est-il respecté ?

(Cet article juridique a été publié dans EM@ n°312 du 18 décembre 2023. Le 11 janvier 2024, l’organisation Noyb a annoncé avoir déposé plainte contre Meta)

Par Vanessa Bouchara (photo), cabinet Bouchara Avocats

Cinq ans après l’entrée en vigueur du règlement général européen sur la protection des données (RGPD), l’entreprise américaine Meta Platforms a mis un place un système d’abonnement qui apparaît comme susceptible de rassurer les utilisateurs désireux d’échapper à la publicité, notamment ciblée. Pourtant, cet abonnement soulève un certain nombre d’interrogations sur la portée et l’effectivité de la protection des données personnelles en Europe. Pendant des années, Facebook affichait fièrement sur sa page d’accueil sa gratuité : « C’est gratuit (et ça le sera toujours) ». En 2019, la mention disparaissait dans le sillage des déclarations plus nuancées de son cofondateur Mark Zuckerberg qui, auditionné devant le Congrès américain, affirmait « qu’il y aurait toujours une version gratuite de Facebook ». Quatre ans plus tard, en novembre 2023, le groupe Meta propose, en parallèle d’une version gratuite, un abonnement payant pour ses services Instagram et Facebook, à 9,99 ou 12,99 euros, pour ses utilisateurs européens.

A la recherche d’une base légale adéquate
La mise en place de cet abonnement pourrait être une réponse aux résultats financiers décevants de Meta en 2022. En effet, le groupe de Menlo Park avait enregistré pour la première fois une baisse de son chiffre d’affaires (1). Or, il semblerait qu’il ne s’agisse pas d’une réponse strictement financière. En effet, il pourrait également s’agir de répondre au contexte normatif relatif aux géants du numérique, qui est en pleine ébullition à l’échelle européenne. Digital Markets Act (DMA), Digital Services Act (DSA), AI Act (AIA), futur Digital Networks Act (DNA), … En vigueur ou en discussion, ces nouveaux textes feraient presque oublier le RGPD, sa portée, et les sanctions infligées à ce titre à Meta, à hauteur d’environ 2,4 milliards d’euros à ce jour. La maison mère de Facebook et Instagram ne s’explique pas vraiment sur sa décision d’instaurer un abonnement, si ce n’est par un bandeau informatif à destination de ses utilisateurs européens, en évoquant un « changement de lois » le contraignant à proposer un Continuer la lecture

Faut-il appliquer le prix unique du livre aux mangas et webtoons vendus en ligne contre des coins ?

Le Médiateur du livre, Jean-Philippe Mochon, a lancé jusqu’au 14 novembre 2023 une consultation publique sur un projet d’avis concernant l’utilisation de jetons numériques (coins) pour commercialiser des livres (mangas, webtoons, webnovels) sur les plateformes numériques de lecture.

Durant deux mois et jusqu’au 14 novembre, un projet d’avis du Médiateur du livre « sur l’utilisation de jetons numériques (« coins ») pour commercialiser des livres sur les plateformes numériques de lecture (mangas, webtoons, …) » est soumis à consultation publique. Il contient dix recommandations pour que la loi de 2011 sur le prix du livre numérique (1) s’applique à la vente en ligne des mangas numériques, voire des webtoons, lorsque les plateformes Internet (Webtoon/Naver (2), Mangas.io, Piccoma/Kakao, Ducktoon/UHM (3), Ono/Média-Participations, …) les vendent contre de la monnaie numérique de type coin.

Trois « questions délicates » se posent
Pour Jean-Philippe Mochon (photo), Médiateur du livre, les jetons numériques sont compatibles avec la loi sur le prix unique du livre numérique mais cela pose des « questions juridiques délicates » – au nombre de trois :
Prix de vente en coins fixé par l’éditeur ? L’article 2 de la loi «Prix unique du livre numérique» dispose que «toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée (…) ». Si les contrats conclus entre éditeur et plateforme établissent un prix fixe en euros du chapitre ou du tome versé à l’éditeur ainsi qu’un prix fixe du jeton, l’éditeur qui fixe ainsi le prix de vente au public (conformément à la loi de 2011) peut perdre la maîtrise de ce prix en euros lorsque le prix du livre acquitté par le lecteur est déterminé par la plateforme en termes de prix du jeton et d’attributions gratuites de jetons. Cette perte de maîtrise du prix unique numérique des mangas, webtoons et autres webnovels contreviendrait à la loi.
Comment respecter le « prix unique » numérique ? Bien que la loi « Prix unique du livre numérique » n’utilise pas l’expression « prix unique », elle parle de « prix de vente qui s’impose ». Or le recours aux jetons est censé respecter non seulement le prix fixé par l’éditeur mais aussi le prix unique. Mais si le prix affiché en coins est le même pour tous les clients d’une plateforme, il n’en va pas de même du prix en euros, qui dépendra du prix auquel chaque client aura luimême acquis ses jetons numériques, à savoir en fonction de son historique d’achats de jetons et du nombre de jetons attribués gratuitement. Quant à la notion de prix unique, elle renvoie à l’idée de prix identique d’un même livre sur toutes les plateformes. Cependant, le prix de vente au public acquitté sur chacune d’entre elles dépendra de ses pratiques commerciales en matière de prix du jeton et d’attribution gratuite de jetons.
Y a-t-il transparence du prix pour l’acheteur ? Toujours dans cet article 2 de la loi de 2011, il y a une obligation de transparence tarifaire : « toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public ». Or, constate le Médiateur du livre, l’acheteur – a priori – ne reçoit d’information explicite de la plateforme que sur le prix en jetons et celui-ci ne se traduit pas de façon immédiate en un prix en euros (cela dépend encore une fois de la manière dont les coins ont été achetés ou reçus gratuitement). Donc, l’obligation de transparence du prix pour l’acheteur ne serait pas remplie, tout comme les barèmes de prix de ces offres fixés par l’éditeur et – comme l’indique un décret d’application de 2011 – figurant dans « une base de données rendue accessible » à tout détaillants (4).
Il y a donc matière à « insécurité juridique » pour les plateformes numériques au regard de l’usage qu’elles font des coins (ou tokens) dans le paiement de leur offre de livres numériques. Pour le Médiateur du livre, « seul un juge, s’il en était saisi, pourrait trancher » ces trois questions délicates, auxquelles s’ajoute le problème de la TVA applicable à la vente de jetons utilisés pour acheter des livres numériques : appliquer le taux réduit 5,5 % (livre en métropole) ou bien 20 % (services rendus par voie électronique) ? « Si une incertitude juridique subsistait, elle pourrait mériter d’être levée », estime le Médiateur du livre.

Risque d’obstacle à l’innovation ?
Pour ne pas laisser les plateformes désemparées face à tant d’incertitudes, le projet d’avis du Médiateur du livre – susceptible d’être amendé et complété en fonction des contributions à la consultation publique (5) – fait dix recommandations « pour pleinement assurer le respect de la loi » ou tout du moins afin d’« assurer la conformité à la loi des pratiques de l’ensemble des acteurs sur la base de l’interprétation que celle-ci semble pouvoir appeler, en l’état de l’information du Médiateur du livre ». Pour autant, assure Jean-Philippe Mochon, il ne s’agit pas – avec cette loi « Prix unique du livre numérique » – de faire obstacle à l’innovation ou à la concurrence mais de mettre celles-ci au service du livre, de la lecture et des lecteurs. Objectif : assurer la compatibilité des pratiques de jetons numériques avec la loi sur le prix unique, notamment « en donnant toute la maîtrise du prix à l’éditeur, en évitant les pratiques d’exploitation exclusive par une plateforme ou encore en assurant la transparence des prix pour les lecteurs ».

Dix recommandations pour respecter la loi
Recommandation 1 : veiller à la maîtrise du prix des livres numériques. La fixation d’un prix de vente au public exprimé en jetons ne peut être conforme à la loi que si les modalités de fixation du prix du jeton applicable à chaque offre de livres numériques sont suffisamment maîtrisées par l’éditeur dans le contrat qui le lie à la plateforme. Les caractéristiques de l’offre (à l’unité ou groupée) doivent être précisément fixées par le contrat. « La détermination d’un prix du jeton en euros, d’une part, et d’un prix de l’offre de livres en jetons, d’autre part, est à cet égard un minimum qui doit être complété par des éléments sur les pratiques de la plateforme en matière d’attribution de jetons ». Des prix identiques pourront alors être imposés par les éditeurs pour la commercialisation d’offres identiques sur plusieurs plateformes.
Recommandation 2 : encadrer la distribution des jetons gratuits. L’exercice par les éditeurs de leur prérogative de fixation du prix doit s’accompagner – contractuellement – d’un encadrement des pratiques de distribution gratuite de jetons par les plateformes. « Il n’est pas envisageable qu’une plateforme puisse sans limite attribuer des jetons gratuits qui ont pour effet de diminuer le prix du livre pour le lecteur ». En baissant le prix effectif pris en charge par la plateforme, celle-ci peut ainsi se constituer une clientèle « au risque d’évincer les autres plateformes ». Ce que le Médiateur du livre considère comme « l’aspect le plus nettement problématique de l’usage des jetons au regard de la loi sur le prix du livre numérique ». Car cela ne contribue pas à un prix identique sur toutes les plateformes.
Recommandation 3 : éviter les pratiques d’exclusivité. La loi de 2011 prohibe – a priori – toute pratique de commercialisation exclusive de livres numériques sur une plateforme. Sans préjudice des négociations commerciales, « tout éditeur établi en France est tenu de proposer à la vente les livres numériques qu’il édite à l’ensemble des plateformes qui devront pratiquer le prix qu’il fixe pour l’offre de livres numériques correspondante ». Et aucune partie ne saurait être tenue par une obligation de résultats.
Recommandation 4 : encadrer les offres gratuites et payantes. La gratuité, qui est un prix égal à zéro, doit être fixée par l’éditeur et proposée par celui-ci de façon uniforme pour toutes les offres identiques. Les contrats doivent encadrer aussi bien les offres de lecture gratuite de livres numériques que celles de lecture payante.
Recommandation 5 : assurer la transparence des prix publics. Le prix de vente au public doit être porté à la connaissance des lecteurs. Chaque plateforme assure à chaque lecteur « une information de manière non équivoque, visible et lisible sur le prix de vente qu’il acquitte », en lui indiquant le prix effectif payé pour chaque épisode en fonction du prix auquel il a acquis les jetons utilisés à cet effet.
Recommandation 6 : fixer les mêmes prix sur les plateformes. La description de chaque offre et le prix ou le barème (en cas d’usage collectif) fixé par l’éditeur figure dans une base de données accessible à tous les détaillants (telle que prévue par le décret de 2011). « C’est seulement sur cette base que chaque plateforme pourra s’assurer qu’est bien appliqué, pour toute offre de livres numérique, le prix qui s’impose à elle ».
Recommandation 7 : préciser s’il s’agit de livres homothétiques. La loi de 2011 ne s’applique qu’aux « livres homothétiques ». Le livre est « à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou [qui] est, par son contenu et sa composition, susceptible d’être imprimé ». Si les mangas peuvent être considérés comme tels, il n’en va pas forcément des webtoons « susceptibles d’être imprimés qu’au prix d’une adaptation plus importante ».
Recommandation 8 : clarifier les règles fiscales applicables. Même si des plateformes pratiquent le paiement en jetons pour les webtoons, mangas ou webnovels en appliquant le taux réduit de TVA à 5,5 % applicable au livre numérique (6), il y a une « incertitude sur le point de savoir si ce taux réduit est bien applicable lorsque la transaction porte sur des jetons qui servent pour acquérir ces services fournis par voie électronique ».
Recommandation 9 : préciser le champ et la portée de la loi. Les deux caractéristiques du champ d’application de la loi de 2011 sont : qu’elle ne s’applique pas à des livres numériques non publiés par des éditeurs établis en France ; que des éditeurs établis en France peuvent céder les droits d’exploitation secondaires à une plateforme, qui devient alors éditrice.
Recommandation 10 : inscrire cette régulation dans la durée. « Les présentes recommandations, rédigées en l’état des informations disponibles et au regard des enjeux d’un marché en rapide mutation, n’épuisent probablement pas le sujet », prévient le Médiateur du livre, qui se dit « prêt en tant que de besoin à accompagner les acteurs du marché dans leur mise en œuvre ».

Un précédent avis similaire en 2015
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la première fois que le Médiateur du livre doit se prononcer sur les plateformes de lecture en ligne (7). Sur l’abonnement illimité et le prix unique du livre numérique, un avis du 9 février 2015 émis par Laurence Engel (photo ci-dessus), Médiatrice du livre à l’époque, avait conclu (8) que « le prix des livres numériques est fixé par les éditeurs ». Les plateformes s’étaient alors mises en conformité avec la loi. @

Charles de Laubier

PDG d’Universal Music, Lucian Grainge veut plus d’abonnés au streaming et mieux payer les artistes

Première major mondiale « du disque », Universal Music a comme PDG depuis 12 ans « Sir » Lucian Grainge. L’homme le plus puissant de l’industrie musicale étudie avec Tidal et Deezer les moyens d’avoir plus d’abonnés au streaming, de monétiser les fans et de mieux rémunérer les artistes.

Le « Commandeur de l’ordre de l’Empire britannique » – depuis que Lucian Grainge (photo) a été décoré ainsi en 2010 par la reine Elisabeth II (1) – veut changer l’écosystème du streaming musical afin d’accroître le nombre d’abonnements, mieux monétiser les fans, et trouver le moyen de mieux rémunérer les artistes. Et ce, à l’heure où la filière musicale s’interroge sur la méthode de rémunération des ayants droit – rester au market centric ou passer au user centric – et tente de lutter contre la fraude aux clics – ces fake streams (2). Et sur fond de « NFTéisation » de la musique dans le Web3 (3).

Accords similaires avec Tidal et Deezer
PDG depuis mars 2011 d’Universal Music, plus que centenaire maison de disques et première major mondiale de la musique enregistrée, le Britannique Lucian Grainge (63 ans depuis le 29 février et vivant à Los Angeles) a passé des accords avec les plateformes de streaming musical Tidal (d’origine norvégienne) et Deezer (française) pour repenser le modèle économique de la musique en ligne. Le premier partenariat a été noué le 31 janvier dernier avec Tidal, l’ex-plateforme musicale du rappeur Jay-Z, afin d’« explorer un nouveau modèle économique novateur pour la diffusion de musique en streaming, qui pourrait mieux récompenser la valeur créée par les artistes et refléter plus fidèlement l’engagement des abonnés avec ces artistes et musiques qu’ils aiment » (4).
Un deuxième accord similaire vient d’être annoncé, le 15 mars, avec cette fois Deezer, là aussi pour « étudier de nouveaux modèles économiques potentiels pour la diffusion de musique en streaming qui reconnaissent plus pleinement la valeur créée par les artistes ». A travers ces deux partenariats, l’objectif d’Universal Music est double : augmenter le nombre d’abonnés auprès des plateformes de streaming musical, tout en prévoyant une meilleure rémunération des artistes. « Grâce à une analyse approfondie des données [deep data], le partenariat (avec Deezer) examinera les avantages et évaluera la viabilité de différents modèles économiques visant à stimuler la croissance des abonnés, établir des liens plus solides avec les fans de musique sur la plateforme, et créer des occasions commerciales qui profitent aux artistes et à l’ensemble de la communauté musicale », a expliqué le 15 mars (5) la major des Beatles, d’Abba, de Taylor Swift, d’Ariana Grande, de Lady Gaga, de Kanye West ou encore de Drake. C’est dans le même esprit que l’accord avec Tidal est conclu en début d’année : « Tidal et UMG [Universal Music Group, ndlr] étudieront comment, en exploitant l’engagement des fans, les services et plateformes de musique numérique peuvent générer une plus grande valeur commerciale pour chaque type d’artiste. La recherche s’étendra à la façon dont différents modèles économiques pourraient accélérer la croissance des abonnés, renforcer la rétention [autrement fidéliser les abonnés, ndlr] et mieux monétiser les fans [fandom] au profit des artistes et de la communauté musicale en général », a détaillé le 31 janvier le groupe basé à Hilversum aux Pays-Bas, à 37 kms d’Amsterdam où il est coté en Bourse depuis sa scission (spin-off) d’avec Vivendi en septembre 2021.
Qu’il est loin le temps où Universal Music traînait – en vain (6) – Deezer devant la justice à l’été 2011 pour diffusion gratuite de la musique. A l’époque, Universal Music faisait partie de Vivendi, la maison mère de SFR, grand rival d’Orange, l’ex-France Télécom ayant de son côté pactisé dès 2010 avec… Deezer, dont il a pris 11 % du capital et en assura la distribution exclusive (7). C’était de bonne guerre. Après ce procès les deux parties ont aussitôt trouvé un accord pour favoriser les abonnements au détriment de l’écoute gratuite – depuis limitée. Aujourd’hui, aux côtés des 20 % du chinois Tencent, Vivendi ne détient plus que 10 % du capital d’Universal Music (8), lequel pousse toujours – avec Sony Music et Warner Music – les plateformes de streaming à pratiquer l’abonnement payant – allant jusqu’à entrer au capital de Spotify pour avoir un droit de regard (9). Dans sa bataille contre la gratuité musicale, même légale, les trois majors de la musique sont parvenues à leurs fins.

Les trois majors ont imposé l’abonnement
Le streaming audio par abonnement est désormais la première source de revenu de l’industrie musicale, soit en 2022 près de la moitié (48,3 %) des 26,2 milliards de dollars des revenus de la musique enregistrée dans le monde, selon l’IFPI (10). Et en France selon le Snep (11), ce streaming audio par abonnement a pesé 46,2 % l’an dernier. Universal Music, qui publiera son rapport annuel le 30 mars et tiendra son assemblée générale annuelle le 11 mai, a réalisé 10,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, dont 5,3 milliards avec la musique enregistrée. Plus des deux tiers (73,3 %) de cette dernière somme proviennent des abonnements du streaming musique, soit une hausse de 18,4 % sur un an. @

Charles de Laubier

L’oiseau bleu : Elon Musk se sent pousser des ailes

En fait. Le 25 mai, se tiendra l’assemblée générale annuelle de Twitter. Elle devrait entériner l’acquisition du réseau social aux 280 caractères par le milliardaire Elon Musk pour 44 milliards de dollars. Le patron de Tesla et de SpaceX veut redonner un second souffle à l’oiseau bleu en augmentant la part des abonnements payants.

En clair. La personne la plus riche du monde – Elon Musk, doté d’une fortune personnelle de 223 milliards de dollars (1) – est en passe de s’emparer du réseau social Twitter pour 44 milliards de dollars, dont 21 milliards sur ses fonds propres. C’est du moins la somme que le conseil d’administration a finalement acceptée le 25 avril, à l’issue d’un feuilleton rocambolesque dont le patron de Tesla et de SpaceX a le secret (2). Ce dernier va racheter les 90,8 % du capital de l’oiseau bleu qu’il ne possède pas encore, en ayant déjà acquis le 4 avril 9,2 % pour 2,64 milliards de dollars (3).
Son offre, moyennant 54,20 dollars l’action (contre 46,09 au 12- 05-22), avait été déposée le 21 avril dernier auprès du gendarme de la Bourse américain, la SEC (4). L’assemblée générale annuelle de Twitter, prévue le 25 mai prochain (5), sera décisive pour cette OPA perçue initialement comme hostile par le conseil d’administration de l’oiseau bleu, avant de devenir acceptable. A la fin du processus d’acquisition, Elon Musk a déjà fait savoir qu’il retirera le titre « TWTR » de la Bourse de New York, où l’entreprise de San Francisco est actuellement valorisée un peu plus de 35 milliards de dollars (au 12-05-22). Le volatile a perdu de son plumage après avoir pris son envol il y a plus de quinze ans : en 2021, il a perdu 221,4 millions de dollars, pour un chiffre d’affaires essentiellement publicitaire de 4,5 milliards de dollars. Elon Musk veut réduire cette dépendance à la pub en augmentant la part des abonnements payants de « Twitter Blue » – lancé en novembre dernier aux Etats-Unis (2,99 dollars par mois), au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, en attendant l’Europe. Mais il veut aussi accroître l’ARPU en faisant payer plus les commerçants et les gouvernements.
Le DG actuel Parag Agrawal augmente, lui, l’exposition à la publicité en multipliant des accords audiovisuels pour diffuser des contenus télévisés en direct sur Twitter (Fox Sports, E! News, Condé Nast, …). Il a promu en mars Teju Adeshola dit TJ (ex-ESPN) au poste de directeur des partenariats de contenus. Libertarien, né il y a 50 ans en Afrique du Sud (à Pretoria), naturalisé canadien en 1988 puis américain en 2002, Elon Musk veut en outre redonner toute sa place à la liberté d’expression sur Twitter – quitte à y réhabiliter Donald Trump aux Etats-Unis et à rassurer Thierry Breton (6) en Europe. @