Plateformes collaboratives : à la recherche d’un développement équilibré et durable

Le modèle disruptif des plateformes collaboratives recherche son modèle de régulation. Plusieurs Etats européens, dont la France, ont pris des mesures encadrant le développement de ces plateformes collaboratives. Les préoccupations sont fortes sur les droits et les obligations de ces acteurs.

Par Christophe Clarenc (photo) et Martin Drago, cabinet Dunaud Clarenc Combles & Associés

La Commission européenne a publié en juin dernier une communication présentant « un agenda européen pour l’économie collaborative » (1). Sous ce vocable d’économie collaborative (ou d’économie de partage), elle appréhende
« des modèles économiques où des plateformes collaboratives qui créent un marché ouvert pour l’utilisation temporaire de biens et de services souvent produits ou fournis par des personnes privées ».

Un « brouillage des limites »
La Commission européenne distingue les trois catégories d’acteurs concernés : les prestataires de services partageant leurs actifs ou ressources, qui peuvent être des personnes privées proposant leurs services sur une base occasionnelle (« pairs »)
ou des prestataires intervenant à titre professionnel (« prestataires de services professionnels ») ; les utilisateurs de ces services ; et les plateformes en ligne
(« intermédiaires ») mettant en relation ces prestataires et ces utilisateurs et facilitant leurs transactions (« plateformes collaboratives »).
La Commission européenne introduit sa communication en soulignant : d’un côté, l’essor important de l’économie collaborative en termes de transactions, de parts de marchés et de revenus (2), ainsi que l’intérêt d’en favoriser le développement au regard de sa capacité contributive à la croissance et à l’emploi ; de l’autre côté, les multiples problèmes auxquels se retrouvent confrontés les opérateurs de marché en place et surtout les fortes incertitudes soulevées concernant les droits et obligations des acteurs de cette nouvelle économie. Elle reconnaît que l’économie collaborative génère un
« brouillage des limites » entre consommateurs et fournisseurs, entre salariés et travailleurs indépendants, entre fournisseurs professionnels et fournisseurs non professionnels, entre services de base de la société de l’information et services sous-jacents ou connexes, ce qui suscite une certaine incertitude sur les règles applicables. Sa communication vise à réduire cette incertitude et à assurer un « développement équilibré et durable » de l’économie collaborative au sein de l’Union européenne (UE) en apportant une série d’« orientations non contraignantes sur les modalités selon lesquelles il conviendrait d’appliquer le droit de l’UE en vigueur », et ce, afin de traiter les « problèmes- clés » (3) auxquels les pouvoirs publics et les acteurs du marché
sont confrontés.
La Commission européenne vise aussi et surtout à prévenir « une fragmentation réglementaire découlant d’approches divergentes au niveau national ou local » et à éviter « les zones grises réglementaires ». Ce qu’elle souligne dans son communiqué de presse du 2 juin : « Si nous laissons notre marché unique se fragmenter au niveau national voire au niveau local, l’Europe tout entière risque d’être perdante. […] Nous invitons les Etats membres à réexaminer leur réglementation sur la base de ces orientations, et nous sommes disposés à les aider dans ce processus ». Plusieurs
Etats membres, dont la France (voir encadré page suivante), ont en effet pris des mesures d’encadrement des plateformes en ligne. Les orientations de la Commission européenne sur les « exigences à satisfaire pour accéder au marché » distinguent les prestations de services par des professionnels, les prestations de services de pair à pair et les plateformes collaboratives.

Accès au marché
S’agissant des prestations de services par des professionnels, elle rappelle les limites et conditions posées par les libertés fondamentales du traité et de la directive
« Services » de 2006 (4).
Concernant les prestations de services de pair à pair, elle souligne que la législation de l’UE ne définit pas expressément à quel stade un pair devient un prestataire de services professionnels et que les Etats membres utilisent des critères différents pour distinguer services professionnels et services de pair à pair. Elle admet l’utilité de seuils (éventuellement sectoriels) fixés de manière raisonnable.
S’agissant des plateformes collaboratives, elle distingue entre la fourniture des services de base de la société de l’information proposés à titre d’intermédiaire entre les prestataires de services sous-jacents et leurs utilisateurs, tels que définis et régis par la directive « Commerce électronique » de 2000 (5), la fourniture de services d’assistance aux prestataires des services sous-jacents (facilités de paiement, couverture d’assurance, services après-vente) et la fourniture en propre de services sous-jacents (par exemple services de transport ou services de location de courtes durée).

Responsabilité des plateformes
A propos des services fournis par ces plateformes, la Commission européenne rappelle tout d’abord que les services de base de la société de l’information ne peuvent être soumis à aucun régime d’autorisation préalable ou à toute autre exigence équivalente. Elle indique ensuite que la fourniture de services sous-jacents peut être soumise aux exigences d’autorisation de la réglementation sectorielle correspondante et qu’une plateforme collaborative exerçant un contrôle ou une influence importants sur le prestataire de service sous-jacent doit pouvoir être considérée comme fournissant
le service sous-jacent. Elle précise enfin que la fourniture de services d’assistance
ne constitue pas en soi la preuve de l’existence d’un contrôle ou d’une influence importants, mais que « plus les plateformes collaboratives gèrent et organisent la sélection des prestataires sous-jacents ainsi que la manière dont ces services sous-jacents sont fournis, plus il devient évident que la plateforme collaborative peut être considérée comme fournissant elle-même également les services sous-jacents ».

Les orientations de la Commission européenne sur les « régimes de responsabilité » des plateformes collaboratives distinguent également entre les services intermédiaires de la société de l’information et les services connexes, accessoires ou sous-jacents. Les services intermédiaires de la société de l’information bénéficient de l’exemption
de responsabilité sur les informations stockées telle que prévue dans la directive commerce électronique, dès lors que le service conserve un caractère purement technique, automatique et passif sans contrôle ni connaissance des informations.
Cette exemption s’applique ainsi aux plateformes collaboratives pour leurs prestations de services d’hébergement. Elle est cependant limitée à ces prestations et ne s’applique pas à leurs services connexes, accessoires et sous-jacents. @

ZOOM

Le France encadre l’économie du partage depuis 2014
• Par la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur interdisant « tout service de mise en relation de personnes avec des particuliers qui se livrent au transport routier de personnes à titre onéreux sans être
des entreprises de transport routier ou des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur » (6) – interdiction attaquée devant la Commission européenne par la société Uber ( le 17 février 2015. Uber devait faire de même contre
l’Allemagne et l’Espagne.
• Par la loi « Macron » du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, introduisant dans le Code de la consommation une obligation d’information, de loyauté et de transparence à l’égard de « toute personne dont l’activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service » (8) ;

• Par la loi de finances pour 2016, du 29 décembre 2015, prévoyant que ces intermédiaires « sont tenues [depuis le 1er juillet 2016, ndlr] de fournir, à l’occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire » (9) ;

• Par le projet de loi pour une République numérique (qui doit encore être adopté définitivement en septembre au Sénat) envisageant de soumettre les plateformes à une obligation d’information « loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation », à l’obligation de faire « apparaître clairement l’existence d’une relation contractuelle avec la personne référencée, d’un lien capitalistique avec elle ou d’une rémunération à son profit, dès lors qu’ils influencent
le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés » et à une obligation de déclaration à l’administration fiscale un ensemble d’informations concernant leurs utilisateurs « présumés redevables de l’impôt en France au titre des revenus qu’ils perçoivent par l’intermédiaire de la plateforme » (10) ;

• Par le rapport Terrasse sur l’économie collaborative remis en février 2016 au Premier ministre (11) , soulignant notamment que le régime juridique prévu par la directive sur le commerce électronique semble « de plus en plus inadapté au rôle actif que jouent les plateformes » et que « le régime de responsabilité des plateformes doit être redéfini au niveau européen ». @

Malgré l’attentisme des joueurs, le jeu vidéo devrait atteindre 3,4 milliards d’euros cette année

Grâce aux nouvelles plateformes, à l’enrichissement des catalogues, et à l’avènement de la réalité virtuelle, le marché français du jeu vidéo – matériels et accessoires compris – devrait progresser cette année de 3 % par rapport à 2015,
à 3,4 milliards d’euros. Mais les joueurs font preuve d’attentisme.

« Le marché sera a minima en croissance de 3 % à fin 2016. Cette prévision est volontairement prudente car il est complexe d’évaluer l’engouement et les volumes de ventes que vont générer les casques et accessoires de réalité virtuelle »,a indiqué Jean-Claude Ghinozzi (photo), président du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell). Résultat : le jeu vidéo en France – marché physique et dématérialisé, mais sans compter les équipements et accessoires pour ordinateurs – affichera 3,4 milliards d’euros en 2016.

En attendant la RV et l’e-sport
« Sur le matériel, les joueurs font preuve d’attentisme face à l’arrivée prochaine de nouvelles plateformes et casques de réalité virtuelle, annoncés depuis quelques mois pour certains et confirmés pour d’autres lors de l’E3 [le plus grand salon américain consacré à l’industrie du jeu vidéo, ndlr] », a ajouté celui qui est par ailleurs directeur de la division grand public de Microsoft France. L’Electronic Entertainment Expo (E3), a en effet donné le la à cette industrie mondiale du jeu vidéo, mi-juin dernier à Los Angeles. Tandis que fin juin de tenaient en France fin juin à Juanles- Pins les rencontres professionnelles « vidéoludiques », avec l’Interactive and Digital Entertainment Festival (IDEF) organisées par le Sell, en attendant pour le grand public le Paris Games Week qui se tiendra du 27 au 31 octobre prochain à Paris (Porte de Versailles). Face à l’accélération des nouveautés annoncées, aux promesses de la réalité virtuelle (RV) ou de la réalité augmentée (RA), à la montée en charge du e-sport, et aux jeux vidéo attendus en fin d’année, les adeptes des jeux vidéo sont quelque peu prudents dans leurs décision d’achat. Résultat : le marché français du jeu vidéo se retrouve avec une croissance modérée, où l’engouement se le dispute à l’attentisme. « Le jeu vidéo est plus que jamais à la croisée des chemins entre bien culturel et bien technologique », estime Jean-Claude Ghinozzi. Depuis que Facebook a racheté le fabricant de casque Oculus Rift et s’est associé avec Samsung pour produire le Gear VR, compatible avec les smartphones, depuis que Google, Microsoft, Sony ou encore HTC, veulent intégrer la réalité virtuelle dans leur strastratégie, le marché mondial du jeu vidéo est en pleine mutation technologique. Les studios de développement de jeux vidéo sont à pied d’oeuvre : de nouveaux titres sont créés pour les casques Oculus Rift, Samsung Galaxy Gear VR, Playstation VR ou encore HTC Vive. Il existe déjà quelque 70 jeux de réalité virtuelle développés pour Oculus et une trentaine d’autres seraient prévus pour être disponibles au moment où les manettes de ce casque seront lancées, c’est-à-dire en d’ici la fin de l’année. La Playstation VR de Sony, qui sera disponible mi-octobre (a priori le 13) avec la promesse d’une cinquantaine de jeux de réalité virtuelle disponibles, sera compatible avec la PlayStation 4 (PS4), laquelle est actuellement la numéro une des consoles de jeux dans le monde (40 millions d’unités vendues depuis son lancement fin 2013). Cette plateforme « ludo-virtuelle » (ex-projet « Morpheus »), du fabricant japonais et leader du marché est emblématique de la mutation technologique de l’industrie du Dixième Art. Car, comme l’a expliqué Andrew House, président de Sony Interactive Entertainment, lors de la grand-messe E3 de juin, la Playstation VR n’est plus seulement une console de jeux vidéo mais devient en plus « un vrai nouveau medium » capable de donner accès à un large catalogue de télévision et de cinéma.
La neuvième génération de consoles de jeux vidéo, laquelle devrait succéder vers 2020 à l’actuelle huitième génération (composée de la Nintendo 3DS sortie en 2011, de la PS Vita en 2012, de la Nintendo Wii U en 2012, de la Xbox One en 2013 ou encore de la PS4 en 2013), pourrait faire la part belle à la RV et/ou la RA.

Développement et alliances
Pour l’heure, la société américaine Valve, éditrice de la plateforme de vente de jeux
en ligne Steam, a par exemple orienté un tiers de ses développeurs sur de la réalité virtuelle. Le développeur de jeux vidéos suédois Starbreeze s’est, lui, associé au fabricant taïwanais Acer dans une société commune afin de commercialiser le casque de réalité virtuelle StarVR. Starbreeze avait acquis la start-up française Infinite Eye.
« Une nouvelle histoire s’écrit avec l’arrivée de la réalité virtuelle qui offre aux développeurs de nouvelles possibilités pour repousser toujours plus les limites de leur créativité », a souligné le président du Sell.
Selon un sondage Toluna réalisé pour le magazine LSA sur la réalité virtuelle, 89,8 % des Français ont entendu parler de réalité virtuelle, mais à peine plus de la moitié ont une idée précise de son contenu. Cette notoriété est encore plus marquée chez les utilisateurs de jeux vidéo (93,7 %), mais là encore sans contenu imprécis : 57,3 % d’entre eux seulement déclarent savoir ce que l’expression recouvre. Et 86,3 % des joueurs sur console ont envi d’essayer ou l’ont déjà fait. Mais cette innovation intrigue aussi les non-joueurs (console, mobile ou PC) qui sont 45,1 % à vouloir aussi la tester.

RV : 5,1 Mds$ cette année dans le monde
Cette large attraction explique que les autres loisirs/spectacles arrivent à égalité avec les jeux vidéo dans les utilisations envisagées. « Ces casques et lunettes pourraient ne pas être seulement des accessoires de jeu vidéo si le contenu est à la hauteur des attentes dans les autres loisirs et activités culturelles », relève Toluna. Parmi les nombreux dispositifs de casque et lunettes déjà sur le marché ou en cours de lancement, deux casques retiennent l’attention des consommateurs : Gear VR de Samsung (24,7 %) et Playstation VR de Sony (23,6 %). Viennent ensuite HoloLens de Microsoft (13,1 %), Zeiss VR (11,8 %) et le fameux Oculus Rift en 5e position (9 %). Mais ce sondage fait apparaître de nombreux freins à la RV : la fatigue visuelle (53,8 %), le prix (45,6 %), les maux de tête (39,5 %), lesquels peuvent aller jusqu’à provoquer des vomissements…, ainsi que la coupure avec le monde réel (28,2 %). Côté prévision, la société d’analyse TrendForce a estimé que le marché mondial de la réalité virtuelle devrait atteindre 5,1 milliards de dollars cette année puis doubler l’an prochain à 10,9 milliards. « D’ici cinq ans, on peut parier sur le fait que chaque foyer sera équipé d’au moins un dispositif de visualisation en réalité virtuelle. D’autant que les secteurs du jeu vidéo et de l’audiovisuel, de façon plus générale, s’emparent massivement de cette technologie. On est à un moment charnière », avait prédit Laurent Chrétien, directeur de Laval Virtual, le salon de la réalité virtuel en France, lequel s’est tenu à Laval en mars dernier.
Pour l’heure, le dynamisme de l’industrie des jeux vidéo est porté par l’écosystème des consoles qui représente à lui seul 60 % du chiffre d’affaires global du marché français (voir schéma ci-contre). Rien qu’au premier semestre 2016, cet écosystème « con-soles » progresse en France de 0,4% à 690 millions d’euros, d’après les derniers chiffres Sell/GfK. Quant à l’écosystème des ordinateurs (appelé « Gaming PC »), il représente 30 % du chiffre d’affaires des jeux vidéo en croissance de 11,4 % sur les même six mois de cette année à 338 millions d’euros. « Ce segment est porté par les innovations constantes sur le hardware et les accessoires, ainsi que par la tendance de l’e-sport », explique le Sell (1). L’e-sport est en effet l’autre nouvelle tendance du jeu vidéo.
Désormais reconnu par les pouvoirs publics en France, l’esport – ou sport électronique – désigne l’ensemble des pratiques compétitives ayant pour moyen de confrontation, de performance et de dépassement de soi, un support numérique, et en l’occurrence un jeu vidéo. Cette pratique vidéoludique dépasse aujourd’hui la sphère du gaming : elle entre dans les stades, se montre à la télévision et forge des cyberathlètes – véritables idoles de la génération numérique. Yahoo a lancé début mars une plateforme en ligne Esports ; YouTube Gaming avait de son côté été lancé mi-2015 sur les traces d’Amazon, lequel avait acquis Twitch en 2014 ; TF1 a pour la première fois organisé un tournoi d’e-sport, dont la finale fut diffusée en direct sur sa chaîne digitale MyTF1 Xtra (2). Le Sell a été moteur dans la reconnaissance de cette discipline sportive depuis l’an dernier, dans le cadre de la loi « Pour une République numérique ».
Le Premier ministre a même lancé en début d’année une mission parlementaire sur l’e-sport (3), laquelle a abouti en mai au Sénat à la reconnaissance officielle de l’e-sport et des joueurs professionnels. Parallèlement, l’association « France eSports » a été créée fin avril 2016 par Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au Numérique, avec dix membres fondateurs, parmi lesquels l’on retrouve le Sell, le Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) ou encore Webedia du groupe Fimalac (4). Entre réalité virtuelle et sport électronique, l’industrie du jeu vidéo ne sait plus où donner de la tête. @

Charles de Laubier

Le réseau social Snapchat ne veut plus être « éphémère » face à Facebook, Twitter et Pinterest

Souvenez-vous : Snapchat avait refusé en 2013 une offre de rachat de 3 milliards de dollars de la part de Facebook, et de 4 milliards proposés par Tencent et autant par Google. Aujourd’hui, le réseau social « éphémère » est valorisé 18 milliards de dollars et compte 150 millions d’utilisateurs. Bienvenue en France !

Snapchat fêtera en septembre ses cinq ans d’existence. C’est devenu l’une des plus célèbres « licornes », du nom de ces start-up non cotées en Bourse et valorisées au-delà du milliards de dollars. Un Ovni numérique venu du cyberespace. Son nouvel atterrissage a lieu sur l’Hexagone, où sa filiale française nouvellement créée sera dirigée par Emmanuel Durand (photo) actuellement vice-président en charge du marketing, de la data et de l’innovation chez Warner Bros. Entertainment France où il était entré en 2009. Contactés par Edition Multimedi@, ni l’intéressé ni Snapchat à Londres n’ont démenti l’information (1).

« Menace fantôme » éphémère ?
Auteur de « La Menace Fantôme. Les industries culturelles face au numérique », livre publié en octobre 2014 par Sciences Po où il enseignait aussi, Emmanuel Durand aura la charge de développer le nouveau réseau social auprès des annonceurs, des médias, des industries culturelles et d’un large public. Ironie de l’histoire : le logo de Snapchat est… un petit fantôme blanc ! Les statuts de la filiale française (2) ont été déposé en juin dernier. L’implantation en France du réseau social « éphémère », dans le sens où la des photos et vidéos partagées sont éphémères (limitée de une à dix secondes au choix), intervient au moment il lance en juillet Memories. Il s’agit d’une fonction de stockage qui permet de garder ses envois (les snaps) : un tournant dans la stratégie
de l’entreprise de Los Angeles. L’Internet mobile est son terrain de jeu : avec son application mobile (3), Snapchat revendique quelque 100 millions d’utilisateurs quotidiens dans le monde. Mais selon l’agence Bloomberg, ils seraient aujourd’hui
150 millions de « snapchatters » – contre 140 millions de « twittos » pour Twitter (4).
Et les « snapchatters » regarderaient plus de 10 milliards de vidéos par jour, « ce qui représente une augmentation de 350 % par rapport à l’année dernière », affirme Snapchat.
En France, ce réseau social nouvelle génération a totalisé un peu plus de 8 millions de visiteurs uniques dans le mois, selon Médiamétrie, ce qui le place à la 14e place du Top 15 des applications mobile – derrière notamment Instagram de Facebook (9,7 millions), Twitter (12,1 millions) et Facebook (32,6 millions). Mieux : il figure en 2e place (5) du Top 5 des applications mobiles dont l’audience est la plus élevée dans le mois auprès des 15-34 ans. La marge d’évolution de Snapchat est d’autant plus grande qu’ils sont aujourd’hui 36,1 millions de Français à s’être rendus sur au moins un site web ou une application à partir de leur smartphone – soit près de 70 % de la population française âgée de 15 ans et plus. Et, ils sont 35 millions de Français, soit plus de trois internautes sur quatre (77 %), à être inscrits sur au moins un réseau social. « Deux réseaux centrés sur la photo se distinguent, Instagram et Snapchat, avec pour chacun un internaute sur dix inscrit. L’attrait pour ces réseaux est favorisé par leur caractère mobile native, combiné à la montée en puissance des écrans mobiles et à la jeunesse de leurs utilisateurs », relève justement Médiamétrie. En effet, 37 % des 15-24 ans – soit 5,9 millions de mobinautes – s’échangent des snaps avec leurs amis et/ou leur famille. Au total, grâce à la génération dite « Millénium », la France constituerait le second marché en Europe pour le réseau social éphémère derrière la Grande-Bretagne.
Avec à peine cinq ans d’existence, depuis sa création en septembre 2011 par Evan Spiegel et Bobby Murphy (6), le réseau social Snapchat veut jouer les trouble-fête auprès des Facebook (Instagram et Messenger), Twitter et Pinterest. Ce n’est pas
une « menace fantôme » pour ces derniers, mais bien réelle. Au-delà du partage multimédia, Snapchat veut non seulement multiplier les contrats publicitaires en France, mais aussi – à l’instar de Facebook ou de Twitter – nouer des partenariats avec les médias en quête d’interactivité « sociale ». C’est le cas avec sa nouvelle fonction Discover consacrée à la diffusion de l’actualité quotidienne, pour aller au-delà de la simple fonction Story qu’utilisent certains médias tels que Le Figaro pour promouvoir leurs articles. Les premiers médias français apparaîtront sur Discover d’ici septembre, dont TF1 ou Le Monde.

Bataille sur la publicitaire vidéo
Le nerf de la guerre publicitaire se jouera sur les vidéos : « Les Snap Ads débutent toujours par une vidéo verticale de 10 secondes maximum, qui apparaît parmi d’autres snaps. Le taux de balayage vers le haut est cinq fois plus élevé que le taux de clic sur les autres plateformes », explique l’entreprise, qui propose en outre des « Geofilters » : des filtres sponsorisés, qui se superposent aux snaps, ainsi que des filtres par reconnaissance d’images. Reste à savoir si l’« éphémère » réussira à bousculer l’ordre établi des réseaux sociaux en France, comme ailleurs. @

Charles de Laubier

Droit voisin : la presse veut faire payer les moteurs Internet pour l’utilisation de liens vers les articles

La presse française demandent à bénéficier d’un « droit voisins » du droit d’auteur, afin de faire payer les moteurs de recherche et les sites web pour le référencement de leurs articles. Le CFC l’applique déjà aux liens hypertextes.
Un rapport commandité par le CSPLA doit être remis le 30 juillet.

C’est le 30 juillet que Laurence Franceschini (photo), ancienne directrice de la DGMIC (Médias et Industries culturelles) au ministère de la Culture et de la Communication, et actuelle « personnalité qualifiée »
à l’Hadopi, doit rendre au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) un rapport sur « la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse ».

 

La Commission européenne s’interroge
Cette mission a pour but d’aider le gouvernement à répondre à la consultation publique que la Commission européenne a lancée en mars pour savoir « si les éditeurs de journaux, magazines, livres et revues scientifiques rencontrent des problèmes dans l’environnement numérique en raison du cadre juridique actuel, notamment pour ce qui concerne leur capacité à délivrer des licences et à être rémunérés pour l’utilisation de leurs contenus ». En d’autre termes, il s’agit de savoir quel pourrait être l’impact de
« l’octroi d’un droit voisin » aux éditeurs en Europe sur l’ensemble du secteur de l’édition, sur les citoyens européens et sur les industries créatives. Ce droit voisin permettrait aux éditeurs – presse écrite, audiovisuelle et agence de presse – de demander des comptes aux moteurs de recherche et aux sites web agrégateurs de contenus ou de référencement d’articles en ligne (Google News, Twitter, MSN, Yahoo News, …), et d’exiger d’eux de percevoir des redevances de cette exploitation de liens hypertextes indexés. En 2012, déjà, l’Association de la presse d’information politique
et générale (AIPG) avait été à l’origine d’un projet de proposition de loi intitulé « Droits voisin pour les organismes de presse ». Pour Le Figaro, Lagardère Active, La Croix, Les Echos ou encore la SPQR (1), il s’agissait alors de punir de trois ans de prison et 300.000 euros d’amendes – prévu à l’article 335-4 du code de la propriété intellectuelle (CPI) (2) – tout site web, blog, moteur de recherche ou encore agrégateur qui reproduiraient des articles de presse ou qui publieraient un lien hypertexte vers
cet article – sauf s’il est déjà accessible librement selon le souhait de l’éditeur… Actuellement, les éditeurs – notamment de presse – ne bénéficient pas de droit voisins qui est similaire au droit d’auteur sans pour autant relever de la création originale de l’auteur. En France, avant la loi « Lang » de 1985, les artistes, interprètes et comédiens ne recevaient aucune rémunération directe sur la diffusion et rediffusion des œuvres (musiques et films). Seuls le compositeur de musique, le parolier et leurs éditeurs ou producteurs percevaient une rémunération : l’artiste-interprète, lui, ne recevait pas de royalties de ses droits mais seulement un pourcentage, sur la vente des disques par exemple.

Sans attendre l’issue de la mission du CSPLA ni les conclusions encore à venir de
la consultation européenne, il est un organisme en France qui monétise déjà les référencements de la presse en ligne : le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), placé sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication. Chargé par les éditeurs de presse de collecter et de leur reverser les redevances dues par les entreprises ou les administrations qui effectuent des copies papier et/ou numériques (revue et panoramas de presse numériques via intranets ou extranet), ainsi que par des sociétés spécialisées dans des prestations de veille telles que l’Argus de la presse ou Kantar Media, le CFC vient en effet de rajouter une corde à son arc. Il a mis en place
« un nouveau dispositif contractuel » pour, d’une part, permettre aux éditeurs de presse de lui confier la gestion de leurs droits sur leurs contenus en matière de veille web,
et, d’autre part, d’autoriser les nouveaux prestataires de veille web et d’indexation de contenus en ligne (sites de presse, blogs, réseaux sociaux, forums, etc.) de faire des liens hypertextes pointant vers les articles recherchés. Et ce, en contrepartie d’une rémunération destinées aux éditeurs de presse. « Le contrat d’autorisation permet au prestataire de veille web de réaliser, pour le compte de ses clients, son activité de surveillance et d’analyse des sites web des éditeurs de presse qui ont confié la gestion de leurs droits au CFC », explique l’organisme de gestion collective.

La « veille web » n’est pas de reproduire
Le prestataire de veille web est tenu de déclarer à ce dernier et pour chacun de ses clients : le nombre de prestations commandées, le nombre d’hyperliens pour chacune d’elles ventilé par adresses Internet concernées, ainsi que le nombre d’hyperliens stockés. « Bien entendu, le contrat de veille web n’autorise pas la fourniture de contenus aux clients sous forme de reproduction », précise bien le CFC, étant donné que reproduire des articles sur supports papier et/ou numériques fait l’objet d’un autre contrat spécifique pour pouvoir effectuer des panoramas de presse ou de prestation dite de press clipping. @

Charles de Laubier

 

Neutralité du Net : aux « Arcep » européennes de dire

En fait. Le 18 juillet s’est achevée la consultation publique de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece, en anglais Berec) sur la neutralité de l’Internet afin de fixer d’ici au 30 août prochain des
« lignes directrices » de mise en oeuvre de ce principe fondamental.

En clair. Il s’agit d’interpréter le règlement européen « Internet ouvert » adopté le
25 novembre 2015 et entré en vigueur le 30 avril dernier. Pour cela, des « lignes directrices » doivent être édictées par l’Orece, ou Berec (1), que présidera en 2017 Sébastien Soriano, le président de l’Arcep. Parmi les contributeurs à la consultation publique sur le projet de guidelines (2), il y a la Fédération des fournisseurs d’accès
à Internet associatifs (FFDN (3)) dont la réponse est soutenue entre autres par La Quadrature du Net, l’association de citoyens internautes. Que dit-elle ? Que la neutralité du Net risque d’être mise en danger par les FAI.
En ce qui concerne les « services spécialisés », c’est-à-dire un service fourni via une connexion Internet qui bénéficie d’une qualité supérieure (comme l’IPTV et la VOD),
il y aurait un risque qu’ils deviennent « des voies privilégiées payantes, qui contournent tous les garde-fous protégeant la neutralité du Net ». Il faudrait donc que les lignes directrices les définissent clairement, afin d’éviter une forme de discrimination par la vitesse. Ce que le Berec ne fait pas. Concernant le « zero-rating », c’està- dire une pratique commerciale où les données téléchargées par certaines applications ou services ne sont pas comptabilisées dans l’abonnement d’un utilisateur, ce serait
« une pratique dangereuse, qui restreint le choix du consommateur, favorise les accès à bas-débits moins onéreux et porte atteinte à la concurrence ». Si telle application
ne bénéficie pas du zerorating, elle se retrouve désavantagée car l’internaute ou le mobinaute doit payer plus s’il veut y accéder.
Le zero-rating devrait donc être interdit. Ce que le Berec ne fait pas, préférant regarder au cas par cas, tout en affirmant que la limitation de données transférées (data-cap) ou la tarification basée sur la vitesse (speed-based pricing) peuvent être conformes à la neutralité du Net si elles sont appliquées de façon « agnostique ».
Quant à la « gestion de trafic », c’est-à-dire de la possibilité de « prioritiser » ou pas certains services, elle doit rester raisonnable, transparente et non discriminatoire. Sur ces trois points, les opérateurs télécoms historiques au sein de l’Etno, dont Orange, les opérateurs mobile au sein de la GSMA et les câblo-opérateurs au sein de Cable Europe craignent une neutralité du Net trop « restrictive ». @