La Commission européenne dément la rumeur d’un report de la directive sur le droit d’auteur

Alors que le mandat de la « Commission Juncker » prendra fin en 2019, une rumeur circule au sein des industries culturelles, selon laquelle la réforme du droit d’auteur sur le marché unique numérique serait renvoyée à la prochaine équipe. « Sans fondement », nous assure-t-on à Bruxelles.

« La rumeur est sans fondement, mais l’heure tourne. La modernisation du droit d’auteur reste une des priorités – dans les accords tripartites – à finaliser cette année. Nous attendons tant du Parlement européen que du Conseil de l’Union européenne pour avancer sur ce dossier prioritaire, tandis qu’ils peuvent entièrement compter sur la Commission européenne pour aider à faciliter les négociations prochaines », nous a répondu Nathalie Vandystadt, porteparole à la fois de la commissaire Mariya Gabriel, en charge de l’Economie et de la Société numériques, et du commissaire Tibor Navracsics, à l’Education, la Culture, à la Jeunesse et au Sport. La Commission européenne répondait ainsi à une question de Edition Multimédi@ sur une rumeur persistante selon laquelle la réforme du droit d’auteur via la nouvelle directive « Copyright » en cours de discussion ne serait pas adoptée avant la fin du mandat prévu le 31 octobre 2019 de l’actuelle équipe du président Jean-Claude Juncker (photo), lequel a déjà fait savoir il y a un an maintenant qu’il ne briguera pas l’an prochain un second mandat.

Fin de la neutralité du Net : et qu’en dit l’Europe ?

En fait. Le 9 janvier, la Commission européenne a répondu à Edition Multimédi@ au sujet de la fin de la neutralité du Net aux Etats-Unis décidée mi-décembre 2017 par la FCC, laquelle a rejeté le 4 janvier les appels à un moratoire sous prétexte de millions de réactions qu’elle juge « identiques ou suspectes ».

En clair. La Commission européenne n’a pas vraiment réagi officiellement à la décision prise le 14décembre 2007 par la Federal Communications Commission (FCC)
– le régulateur américain des télécoms, actuellement sous les ordre de Donald Trump – de mettre un terme à la « Net Neutrality » (1) en abrogeant l’«Open Internet Order»
du 13 mars 2015 adopté par Barack Obama (2). C’est tout juste si Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne chargé du Marché unique numérique, s’est exprimé en publiant une tribune – parue notamment dans Le Monde daté du
13 décembre dernier – dans laquelle il tente de rassurer les Européens: «Il n’y a rien
à craindre» (3), les renvoyant au règlement « Internet ouvert » adopté par les eurodéputés en novembre 2015 et applicable depuis avril 2016. «Cela signifie que les FAI ne sont pas autorisés à bloquer, ralentir, restreindre, dégrader le trafic ou encore à le traiter de manière discriminatoire», a rappelé Andrus Ansip, tout en parlant de «trois exceptions» (décision judiciaire, sécurité du réseau, et congestion du trafic) et de
« services spécialisés » (IPTV, télémédecine, …) qui peuvent déroger à la règle sans dégrader « la qualité générale de l’accès à Internet ». Edition Multimédi@ a voulu savoir auprès de Bruxelles si, à part cette tribune dans la presse du commissaire européen «Marché unique numérique», il y avait une réaction plus officielle de la Commission européenne sur la fin de la neutralité de l’Internet aux Etats-Unis.
La porte-parole de Andrus Ansip, Nathalie Vandystadt, nous a répondu : « La neutralité du Net est une question très importante pour protéger le droit de chaque Européen d’avoir accès au contenu Internet sans discrimination. La Commission européenne contrôle donc de près l’application du règlement ‘’Internet ouvert’’ qui bannit blocage, étranglement et discrimination entre contenus, applications et services, ou catégories ». En Europe, c’est à l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece, ou en anglais Berec) de veiller à ce que les «Arcep» du Vieux Continent contrôlent correctement le respect du principe de neutralité du Net – y compris le zero-rating dans le mobile. Son premier rapport sur le suivi de ses « Net Neutrality Guidelines » a été publié le 7 décembre dernier (https://lc.cx/gWJX). Presque rien à signaler, pour l’instant. @

Désinformations, rumeurs infondées, ragots, … A quand de vraies nouvelles sur les fake news ?

Lutter contre la désinformation suppose de responsabiliser les acteurs impliqués dans sa propagation, depuis la source d’une fake news, en passant par les algorithmes sacralisant la popularité des contenus, jusqu’à l’internaute qui la relaie – sciemment ou non. Et il faut adapter le cadre juridique.

(Cet article juridique est paru le 18 décembre 2017 dans le n°180 de Edition Multimédi@. Le 3 janvier 2018, lors de ses vœux à la presse, Emmanuel Macron a annoncé un futur projet de loi contre les « fausses informations ».)

RTTH, satellite et bientôt 4G fixe au secours du THD

En fait. Le 14 décembre, s’est tenue la 2e Conférence nationale des territoires (CNT) où le Premier ministre n’a pas présenté « la feuille de route » des engagements des opérateurs télécoms dans le déploiement du très haut débit.
« D’ici Noël », espère Edouard Philippe. Le RTTH, la 4G fixe et le satellite sont appelés à la rescousse.

En clair. C’est un virage serré que négocie le gouvernement pour parvenir – « d’ici Noël, ce serait un beau cadeau », espère le Premier ministre – à une « feuille de
route » des « engagements opposables » de déploiement du haut et très haut débit par les opérateurs télécoms. Après le dérapage quasi incontrôlé du « plan France très haut débit » (PFTHD), l’objectif inatteignable de François Hollande d’atteindre en 2022
« 100 % du territoire essentiellement en fibre » est définitivement enterré au profit d’un déploiement plus réaliste en deux temps – au moins 8 Mbits/s en 2020 et plus de 30 Mbits/s en 2022, voire 100 Mbits/s –, avec une « solution mixte où l’on marie la fibre
et la 4G [fixe] à bon niveau partout » voulue cette fois par son successeur Emmanuel Macron (1). Pour y parvenir, le « plan B » présenté le 14 décembre lors de la 2e Conférence nationale des territoires (CNT) (2) fait la part belle au « RTTH », pour Radio-to-the-Home – qui est à la boucle locale radio ce que le FTTH est à la fibre optique. Et juste à temps pour la CNT, l’Arcep a annoncé le 11 décembre l’ouverture d’un « guichet » pour les acteurs désireux de déployer le RTTH – appelé officiellement « très haut débit radio » ou « THD radio » – pour lequel elle a attribué la bande 3410-3460 MHz. Le RTTH/THD radio est à ne pas confondre avec la 4G fixe que prône le chef de l’Etat. C’est pour cela que le régulateur des télécoms est en train d’« analyser
la demande du gouvernement de mobiliser les réseaux mobiles 4G pour les besoins
de connectivité fixe » (dixit son rapport 2018 sur les territoires connectés publié le 12 décembre).
Quant au satellite, il commence à devenir un recours crédible pour les zones qui n’ont pas la fibre. La Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique (Firip), qui
a fêté ses 5 ans le 7 décembre, appelle justement le gouvernement à « prévoir urgemment le subventionnement du THD radio et du satellite à leur juste hauteur ». L’opérateur français de satellite Eutelsat, qui est membre de la Firip et dont Bpifrance (Etat et CDC) est actionnaire, pousse ses pions dans le PFTHD depuis que son DG Rodolphe Belmer a déploré en octobre 2016 que le tout fibre des autorités françaises s’apparentait parfois à… de « l’obscurantisme » (lire EM@154, p. 3). Le cuivre, lui, n’a pas dit non plus son dernier mot puisque le VDSL2 compte déjà 5,7 millions d’abonnés à ce jour. @

A quoi sert le Conseil national du numérique (CNNum) et surtout est-il vraiment indépendant du pouvoir ?

Douter de l’indépendance du CNNum peut paraître incongru, sept ans après
que cette « commission administrative à caractère consultatif » ait été créée, mais la question mérite d’être posée tant sa proximité avec le chef de l’Etat
et le « ministre chargé de l’économie numérique » est avérée, jusque dans son fonctionnement et son financement.

Nouvelle présidente, nouveaux membres, nouveaux locaux, nouvelles ambitions, nouvelles missions, … Le Conseil national du numérique (CNNum), dont l’idée fut formulée il y aura dix l’an prochain avant d’être concrétisée en 2011 par Nicolas Sarkozy (alors président de la République), fait une nouvelle fois peau neuve. Contrairement à ses prédécesseurs – Gilles Babinet (2011- 2012), Benoît Thieulin (2013- 2015) et Mounir Mahjoubi (2016-janvier 2017) – qui furent nommés « par décret du président de la République », Marie Ekeland (photo de gauche) l’a cette fois été « par arrêté du Premier ministre ».
Il en va de même des vingt-neuf autres membres qui composent cette « commission administrative à caractère consultatif » (1). Cette manière de changer son fusil d’épaule n’est-il pas pour éviter que l’ombre du chef de l’Etat Emmanuel Macron (photo de droite), précédemment ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (août 2014-août 2016), ne plane de trop au-dessus du nouveau CNNum ? C’est en tout cas ce qu’a demandé Edition Multimédi@ à Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre en charge du Numérique, lors de la présentation du nouveau CNNum, le 11 décembre dernier. « Vous allez trop loin… », nous a aimablement répondu celui qui fut le prédécesseur de Marie Ekeland à la présidence de cette commission.