Europe : iMessage d’Apple enfreint le règlement DMA

En fait. Le 7 septembre, à la conférence Code 2022 de Vox Media, le PDG d’Apple Tim Cook a fait part de son désintérêt pour le nouveau protocole RCS (Rich Communication Services) censé remplacer à terme SMS et MMS. La messagerie iMessage des iPhone de la marque à la pomme n’est pas « DMA-compatible ».

En clair. La messagerie iMessage d’Apple enfreint le règlement européen sur les marchés numériques, le fameux DMA (Digital Markets Act), en étant non-interopérable avec le protocole de messagerie RCS déjà utilisé par plus de 420 millions de mobinautes dans le monde (1). Dans son article 7, le DMA oblige tout « contrôleur d’accès » [gatekeeper], comme Apple, de « rend[re] interopérables au moins les fonctionnalités de (…) messagerie textuelle, (…) partage d’images, de messages vocaux, de vidéos et d’autres fichiers joints ».
Cross-plateforme, RCS – Rich Communication Services – est justement plébiscité comme messagerie instantanée et réseau social multimédia (texte, photo, vidéo, audio, …) fonctionnant sous IP sur les mobiles. Promu par les opérateurs mobiles au sein de la GSMA et par Google, ce standard remplacera à termes les SMS/MMS. Tim Cook, PDG de la marque à la pomme, est censé se mettre en conformité avec le DMA qui a été adopté le 18 juillet dernier (2) et qui sera applicable par les Vingt-sept « six mois après son entrée en vigueur [laquelle est prévue le vingtième jour suivant la publication au Journal Officiel de l’UE, ndlr] » – à savoir d’ici fin 2022 ou début 2023. Apple sera alors obligé de « publier (…) les détails techniques et les conditions générales d’interopérabilité avec [iMessage, ndlr] ». La Commission européenne, elle, pourra consulter les « Arcep » de l’UE au sein du Berec (3) afin de déterminer si « l’offre de référence » d’Apple lui permet de « se conformer avec cette obligation ».
Si l’iMessage des iPhone devait rester incompatible avec la plupart des smartphones en Europe – dont ceux de Samsung, Xiaomi, Huawei, Sony ou encore LG Electronics, tous fonctionnant sous Android –, Apple prendrait le risque d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires mondial. Google, lui, est très remonté contre Apple (4). Tim Cook fait la sourde-oreille : « Je n’entends pas nos utilisateurs demander que nous mettions beaucoup d’énergie pour l’instant là-dessus », a-t-il répondu le 7 septembre. « J’adorerais vous convertir à un iPhone », s’est contenté de répliquer le PDG d’Apple pour enterrer toute perspective d’interopérabilité avec RCS. Tim Cook a même lancé un « Achetez un iPhone à votre mère ! » à son interlocuteur qui racontait que celle-ci se plaignait de cette incompatibilité entre iMessage et RCS. @

DRM en cause : près de 500 signalements à l’Hadopi

En fait. Le 12 juillet, l’Hadopi a indiqué à Edition Multimédi@ que le seuil des 500 signalements d’utilisateurs ayant rencontré des problèmes provoqués par les DRM (Digital Rights Management) devrait être dépassé avant la fin de cet été.
Le formulaire de dépôt de plaintes a été mis en ligne courant juin.

En clair. Selon nos informations, l’Hadopi reçoit en moyenne 5 à 12 signalements par jour provenant de son formulaire « DRM » (1) qu’elle a mis en ligne avant l’été afin de faire remonter les problèmes de lecture, de copie ou de transfert d’œuvres numériques : musique, film, série, livre, photo, jeu vidéo, logiciel, … Ces obstacles peuvent être dus à des mesures techniques de protection (MTP) ou DRM (Digital Rights Management), lesquelles permettent aux industries culturelles de protéger les œuvres et d’en empêcher le piratage.
L’Hadopi nous indique avoir enregistré près de 250 signalements en moins d’un mois depuis le lancement du questionnaire : «A ce rythme, le seuil des 500 signalements sera dépassé d’ici la fin de l’été. Ce nombre est propre à fournir un échantillon suffisamment représentatif ». A partir de ces premiers signalements, l’Hadopi va
« analyser la typologie des difficultés les plus fsouvent évoquées par les internautes,
et favoriser des solutions adaptées aux requêtes les plus fréquentes et les mieux justifiées ». La première cartographie de ces MTP porte actuellement sur le livre numérique, en coopération avec le Syndicat national de l’édition (SNE). Premières décisions au troisième trimestre. De par la loi (2), l’Hadopi – héritière en 2009 des pouvoirs de régulation des MTP, auparavant confiés à l’ex- ARMT créée en 2006
– doit faire en sorte que ces verrous numériques ne limitent pas les usages « au-delà de ceux correspondant aux besoins exprimés par les titulaires de droits ». Autrement dit, l’autorité de la rue du Texel est tenue de veiller et d’empêcher que les œuvres ne soient pas verrouillées au détriment du droit des consommateurs à la copie privée (exception au droit d’auteur). De plus, bien que la directive européenne DADVSI de 2001 ne le prévoit pas (3), elle veille aussi à ce que les MTP n’empêchent pas l’interopérabilité. Depuis sa création, l’Hadopi n’a été saisie que quatre fois (trois avis
et un règlement de différend) sur des questions d’interopérabilité (VideoLan), de MTP
(à la BnF), de copie privée (programmes TV) et d’exception pour les handicapés. Désormais, les utilisateurs (4) peuvent saisir en ligne l’Hadopi sur ces problèmes de DRM. Le site Offrelégale.fr a d’ailleurs recueilli 1.500 commentaires à ce propos depuis son ouverture en 2013. Mais, comme l’a montré en 2016 une étude GfK pour l’Hadopi, la majorité des consommateurs ignore ce dont il s’agit (lire aussi p. 5). @

Le standard HTML5 prépare la revanche du Web sur les applications et les écosystèmes fermés

Lors de son intervention à la conférence LeWeb, le 10 décembre dernier, Tim Berners-Lee – l’inventeur du World Wide Web il y a 25 ans – a dénoncé les environnements fermés et verrouillés des « applis » mobiles, tout en se posant en garant de l’ouverture et de l’interopérabilité du Net. 2015 sera l’année du HTML5.

Tim Berners-Lee« Il nous paraît aujourd’hui naturel de regarder une vidéo directement dans son navigateur web, ou encore d’accéder au Web sur son téléphone. Nous nous attendons à pouvoir partager des photos, faire du shopping, lire le journal, et accéder à des informations partout, et sur tout type de terminal. Bien qu’invisibles pour la plupart des utilisateurs, HTML5 et la plateforme Web sont à l’origine de leurs attentes croissantes », avait déclaré Tim Berners-Lee (photo), président du consortium W3C, lors de la publication du nouveau standard HTML5 le 28 octobre dernier.

HTML5 et le principe de l’interopérabilité
Créé il y a vingt-cinq ans par le Britannique Tim Berners-Lee lorsqu’il était travaillait au Cern (ex-Conseil européen pour la recherche nucléaire) à Genève, le langage universel de création de sites et d’applications web Hypertext Markup Language (HTML) est plus que jamais – avec cette cinquième révision majeure – la clef de voûte du Web.
HTML5, c’est la garantie de pouvoir développer en une seule fois des sites et des applications en ligne qui seront interopérables sur les différentes plateformes et terminaux, tout en intégrant audio, vidéo, graphismes, animations ou encore dessins vectoriels (sans plugins). C’est la réponse du Web aux environnement plus ou moins verrouillés que sont les écosystèmes iOS d’Apple, Windows Phone de Microsoft, Android de Google ou encore le Fire OS d’Amazon, lesquels imposent autant de développements aux éditeurs d’applications. Avec l’HTML5, un seul développement cross-platform suffit selon le principe du « Développer une fois ; déployer partout ». Grâce à lui, les navigateurs web reprennent l’avantage sur les « applis » ou les
« apps » fermées.
Le cabinet d’études américain Gartner considère le HTML5 comme étant l’une des dix technologies mobiles les plus importantes pour 2015 et 2016. Et selon un sondage mené cette année par Vision Mobile auprès de 10.000 développeurs dans le monde,
42 % d’entre eux utilisent une combinaison d’HTML, CSS (1) et JavaScript (2) pour tout ou partie de leurs applications Web mobiles. HTML5 va leur faciliter la tâche, les développeurs de logiciels bénéficiant de la licence libre de droits et sans versement de redevances. Pour les industriels d’environnements propriétaires, soucieux de préserver leur walled garden, Apple en tête, ce standard ouvert présente des risques en matière de sécurité et de vie privée. Ce à quoi le W3C rétorque que la cryptographie, l’authentification et la gestion des identités feront parties intégrantes du nouveau standard. Le W3C, qui fête cette année ses vingt ans d’existence (3) et les vingt-cinq ans du Web, se diversifie de plus en plus pour répondre aux nouveaux usages tels
que les paiements web, l’automobile connectée, l’édition numérique, les télécommunications et les industries de divertissement (télévision, cinéma, etc.). Le HTML5 apparaît comme LA réponse à la fragmentation de l’économique numérique, confronté à la multiplication des plateformes – et terminaux associés – incomptatibles entre elles. Le problème de cette noninteropérabilité préoccupe la Commission européenne, qui y voit un morcellement du marché unique numérique :
« A peu près 35 % des développeurs ont été gênés par le manque d’interopérabilité entre plateformes comme Android, iOS et Facebook », avait-t-elle relevé en février dernier. En plus de ce frein technique, « une majorité de développeurs se sont
plaints de dépendre entièrement, de fait, des plateformes mises au point par les
géants américains, ainsi que des conséquences d’une telle dépendance en termes
de recettes » (4).
Après la neutralité du Net, l’interopérabilité deviendrait le nouveau sujet de débat en Europe. La fondation Mozilla, à l’origine du navigateur Firefox, est l’une des pionnières du HTML5. « Nous voulons que le Web soit la place de marché universel, la plateforme universelle, que l’on ait besoin d’iPhone, d’Android, de Windows ou autres. Les développeurs doivent pouvoir développer une seule application – en HTML5 – pour qu’elle soit utilisable sur tous les terminaux et plateformes », expliquait il y a un le Français Tristan Nitot, président fondateur de Mozilla Europe et porte-parole mondial
de la fondation (5).

Neutralité de l’Internet
Président depuis dix ans du W3C qu’il a fondé il y a vingt ans, Tim Berners-Lee est
un ardent défenseur de la neutralité de l’Internet. Britannique, il a été fait le 16 juillet
« chevalier commandeur » par la reine d’Angleterre Elizabeth II. « Le Web doit rester universel, ouvert à tous et n’altérant pas l’information véhiculée. La technologie devenant plus puissante et disponible sur davantage de types de terminaux d’accès », a-t-il déclaré à cette occasion. En 2015, il recevra le Prix Gottlieb Duttweiler. @

Charles de Laubier

La filière du livre en Europe s’acharne contre Amazon

En fait. Du 8 au 12 octobre, s’est déroulée la 65e édition du salon international du livre de Francfort – la Frankfurt Book Fair, organisé par l’association allemande des éditeurs et des libraires. « Amazon Publishing » était présent dans deux halls. Le géant du e-commerce est toujours montré du doigt.

En clair. Que cela soit au Salon du livre de Paris (en mars) ou au Salon du livre de Francfort (en octobre), Amazon fait désormais figure de loup dans la bergerie. Aux Etats-Unis, en revanche, le géant du e-commerce est perçu comme un levier de croissance pour le marché du livre – qu’il soit imprimé ou numérique. Sur le Vieux Continent, Amazon est attaqué sur plusieurs fronts. La fédération européenne et internationale des libraires, la EIBF (European and International Booksellers Federation), a demandé à la Commission européenne qu’une enquête soit lancée sur
le « monopole présumé » de la société que Jeff Bezos (50 ans cette année) – l’actuel PDG – a fondée il y a vingt ans maintenant. La requête est actuellement entre les mains de Destina Spanou, en charge des consommateurs au sein de la DG Consommation de l’exécutif européen. Elle complète une enquête européenne de
la DG Concurrence sur les pratiques du géant du e-commerce.

L’EIBF, dont sont membres en France le SLF (1) et le SBLC (2), attaque Amazon sur
un second front, en ayant décidé début juillet de soutenir « pleinement » l’association allemande des libraires et des éditeurs (Börsenverein des Deutschen Buchhandels) qui a introduit fin juin une plainte auprès des autorités allemandes de la concurrence pour
« abus de position dominante » et « chantage commercial ». Et pour leur emboîter le pas, c’était au tout de plus d’un millier d’auteurs en Allemagne de lancer le 18 août une pétition contre Amazon. Lors du salon du livre de Francfort justement, l’EIBF a en outre présenté une « Charte du consommateur » rappelant notamment les principes de concurrence non faussée et d’interopérabilité. Et ce afin de tenter de rallier dans son combat contre le géant du Net les lecteurs et les organisations de consommateurs comme la BEUC (3), dont UFC-Que Choisir et le CLCV (4) sont membres en France.
« L’achat de livre numérique devrait impliquer une totale interopérabilité pour les lecteurs et l’accès aux œuvres doit s’accompagner d’une possibilité de lire sur tout support », explique par exemple cette charte. L’écosystème Kindle d’Amazon est dans la ligne de mire. Un troisième front s’est ouvert la veille de l’ouverture du salon du livre de Francfort, comme par hasard : la Commission européenne a annoncé le 7 octobre
le lancement d’« une enquête approfondie relative à l’impôt sur les sociétés dû par Amazon au Luxembourg ». @

Après la neutralité du Net, l’interopérabilité des applis

En fait. Le 13 février, la Commission européenne a publié une étude commanditée à Gigaom et intitulée « Sizing the EU App Economy » : de 17,5 milliards d’euros en 2013, le marché européen des applications pour mobiles devrait bondir de 260 % d’ici cinq ans, à 63 milliards. Mais quid de l’interopérabilité ?

Neelie KroesEn clair. Les 94,4 milliards d’applis téléchargées dans le monde en 2013 présentent un problème majeur, tant pour les développeurs que pour les mobinautes : leur manque d’interopérabilité entre les principales plateformes que sont Android de Google, iOS d’Apple et celle de Facebook.
C’est ce qui ressort de l’étude confiée à la société américaine Gigaom par la Commission européenne. « Les développeurs d’applications mobiles, tant indépendants qu’en interne ont classé l’incompatibilité des plates-formes au premier rang des goulets d’étranglement technique », souligne l’étude.

HTML5 et responsive design contre les incompatibilités
Sur ce point précis, il est indiqué dans les recommandations que « des outils de développement multi-plateformes (cross-platform) de plus haut niveau comme HTML5
et des méthodologies de conception adaptative (responsive design) pourraient soulager les incompatibilités ».
Cette absence d’interopérabilité – déjà dénoncée par la fondation Mozilla (1) – contribue, aux yeux de la Commission européenne, au « morcellement » du marché numérique.
« A peu près 35% des développeurs ont été gênés par le manque d’interopérabilité
entre plateformes comme Android, iOS et Facebook », relève Neelie Kroes (photo),
vice-présidente de l’exécutif européen, chargée de l’Agenda numérique.

Plus de ce frein technique, « une majorité de développeurs se sont plaints de dépendre entièrement, de fait, des plateformes mises au point par les géants américains, ainsi
que des conséquences d’une telle dépendance en termes de recettes ». C’est en fait l’oligopole des Google, Apple et Facebook – tous américains qui pose problème à l’Europe. « Même si l’avenir est radieux, les développeurs ont exprimé des inquiétudes concernant le manque de personnel qualifié (2), la connectivité et le morcellement qui pourraient entraver l’essor des applis », retient-on du côté de Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’Agenda numérique.
Après la neutralité du Net, l’interopérabilité devrait devenir le nouveau sujet de débat.
Les boutiques d’applications (App Stores) sont dans le collimateur, notamment en France (3) où l’Autorité de la concurrence enquête et perquisitionne (chez Apple) : verrouillage des utilisateurs, exclusivité ou fausse protection de la vie privée sont en cause. @