Pourquoi WhatsApp a écopé en Europe d’une amende ré-évaluée à 225 millions d’euros

La « Cnil » irlandaise avait proposé fin 2020 à ses homologues européennes de mettre à l’amende WhatsApp et sa maison mère Facebook à hauteur de 30 à 50 millions d’euros. « Insuffisant ! », ont-elles estimé. Leur comité européen (CEPD) leur a donné raison et la note a plus que quadruplé.

La « Cnil » irlandaise, en l’occurrence la Data Protection Commission (DPC) dirigée par la commissaire Helen Dixon (photo de gauche), a annoncé le 2 septembre 2021 avoir infligé une amende de 225 millions d’euros à la société WhatsApp pour ne pas avoir respecté le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) – un record après la condamnation d’Amazon au Luxembourg à payer une sanction pécuniaire de 746 millions d’euros pour avoir aussi enfreint ce même RGPD.

Amende administrative insuffisante
WhatsApp devrait faire appel de cette décision. La filiale de Facebook, dont le siège européen est basé à Dublin (capitale de l’Irlande), a non seulement écopé d’une amende salée mais aussi reçu une « réprimande » – autrement dit un blâme – et une injonction de se mettre en conformité avec le RGPD (1), lequel est en vigueur depuis le 25 mai 2018. C’est d’ailleurs moins de six mois après cette date d’application que la « Cnil » irlandaise avait débuté son enquête (à partir du 10 décembre 2018) sur les pratiques de WhatsApp en termes de transparence des informations devant être fournies aux utilisateurs de cette messagerie instantanée comme aux non-utilisateurs du service.
« Cela comprend les informations fournies aux personnes concernées sur le traitement des données entre WhatsApp et d’autres entreprises Facebook [le réseau social Facebook, la plateforme de partage de photos et de vidéo Instagram, ou encore la messagerie Messenger, ndlr] », a précisé la DPC qui, conformément à l’article 60 du RGPD, s’est constituée en « chef de file » des autres autorités de contrôle (visà- vis donc des autres « Cnil » dans l’Union européenne) afin de « s’effor[cer] de parvenir à un consensus » entre elles. Après des mois d’enquête, la DPC avait soumis un projet de décision en décembre 2020 à toutes ses homologues européennes. Mais faut de consensus sur les objections de huit « Cnil » sur les vingt-sept, l’autorité irlandaise a déclenché le processus de règlement de différends le 3 juin dernier. Ce mécanisme de contrôle de la cohérence peu aboutir à ce que le Comité européen de la protection des données (CEPD) – ou European Data Protection Board (EDPB) – adopte une décision contraignante, comme ce fut le cas dans l’affaire « WhatsApp ». En effet, le 28 juillet 2021, cet organe européen indépendant présidé par Andrea Jelinek (photo de droite) – successeur du groupe de travail dit « Article 29 » sur la protection des données – a rendu sa décision. Notifiée à la « Cnil » irlandaise, celle-ci a été obligée « à réévaluer et à augmenter l’amende proposée sur la base d’un certain nombre de facteurs » détaillés dans la décision contraignante. C’est ainsi que la société WhatsApp Ireland Limited s’est vu imposer une amende de 225 millions d’euros. « Le CEPD charge la DPC de fixer un montant d’amende plus élevé pour les infractions constatées, par rapport à l’amende administrative envisagée dans le projet de décision, tout en restant conforme aux critères d’efficacité, la proportionnalité et la dissuasion », a notamment exigé le comité européen. Dans son projet de sanction établi en 2020, la « Cnil » irlandaise avait calculé son amende sur la base du chiffre d’affaires combiné du groupe Facebook (Inc.) et de sa filiale WhatsApp en Irlande pour l’année se terminant le 31 décembre 2019. Elle a cependant dû revoir à la hausse le montant, étant donné que sa décision finale allait intervenir cette année, donc devant se référer au chiffre d’affaires au 31 décembre 2020 – et en tenant compte de la hausse de 15 % environ de ces revenus annuels.
Quels sont les griefs faits à WhatsApp ? Plusieurs violations du RGPD ont été constatées non seulement pas la « Cnil » irlandaise mais aussi par ses homologues européennes qui ont obtenu auprès du CEPD un durcissement de la décision finale de la DPC sur certains points :
• Informations à fournir lorsque des données à caractère personnel sont collectées auprès de la personne concernée (article 13) : le CEPD charge la DPC de « constater dans sa décision finale qu’il y a eu infraction à [fournir les informations sur les intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, ndlr (2)] » sur la base des insuffisances qu’elle a identifiées.

Anonymisation des données personnelles
En outre, le CEPD exige que la DPC inclue dans sa décision finale une constatation de violation – « au lieu de formuler une simple recommandation » – de l’obligation pour WhatsApp de fournir aux personnes concernées les informations complémentaires, notamment « sur la question de savoir si l’exigence de fourniture de données à caractère personnel a un caractère réglementaire ou contractuel ou si elle conditionne la conclusion d’un contrat et si la personne concernée est tenue de fournir les données à caractère personnel, ainsi que sur les conséquences éventuelles de la non-fourniture de ces données » (3) .
• Risques pour les libertés et droits fondamentaux des personnes concernées (article 4) : le CEPD conclut que le « tableau des hachures avec perte » (dans le cadre de la procédure dite de Lossy Hashing censée anonymiser les données personnelles), ainsi que les numéros de téléphone des utilisateurs associés en tant que liste de non-utilisateurs, constituent des données personnelles, et demande à la DPC de modifier son projet de décision en conséquence pour éviter un risques pour les libertés et droits fondamentaux des personnes concernées (4).

Objections et griefs des autres « Cnil »
De plus, le CEPD exige de la DPC qu’elle modifie son projet de décision « de manière à ce que le délai de six mois pour la conformité soit réduit à une période de trois mois » – à savoir a priori jusqu’au 2 décembre 2021 par rapport au 2 septembre de la décision finale.
• Principes relatifs au traitement des données à caractère personnel (article 5) : Compte tenu de la gravité, de la nature générale et de l’impact des infractions, la DPC est tenue d’inclure dans sa décision finale une constatation de violation du principe de transparence (5) selon lequel « les données à caractère personnel doivent être traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (licéité, loyauté, transparence) ».
• Informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée (article 14) : La DPC est tenue, là aussi, de modifier son projet de décision pour tenir compte du fait que la violation de l’obligation d’informations à fournir sur le traitement des données des non-utilisateurs sous la forme de listes de non-utilisateurs après la procédure d’anonymisation des données personnelles (Lossy Hashing).
• Concernant l’amende administrative : le CEPD charge la DPC de modifier son projet de décision afin de tenir compte du chiffre d’affaires total de toutes les sociétés composant l’entreprise unique Facebook (WhatsApp, Instagram inclus) pour calculer le montant de l’amende elle-même, et considérer la date de la décision finale (2021) à partir de laquelle les revenus de l’exercice précédent (2020) devrait être considéré.
• Concernant l’amende administrative (article 83) : la DPC a été contrainte d’amender son projet de décision afin de prendre également en compte les autres infractions – en plus de l’infraction la plus grave – dans le calcul de l’amende (6), sous réserve des critères d’efficacité, de proportionnalité et de dissuasion (7). Compte tenu du chiffre d’affaires annuel global de Facebook, ainsi que des infractions constatées et des facteurs aggravants correctement identifiés par la DPC, le CEPD a estimé que l’amende administrative initiale envisagée par la « Cnil » irlandaise – à savoir entre 30 et 50 millions d’euros – n’était pas suffisante et lui a demandé de la réévaluer. Pour autant, bien que les 225 millions d’euros représentent plus de quatre fois l’amende initialement envisagée par l’Irlande et qu’elle soit la deuxième plus élevée dans les sanctions pécuniaires sur les données personnelles en Europe, la somme à payer par Facebook ne représente que… 0,08 % de son chiffre d’affaires concerné. Mais pour la firme de Mark Zuckerberg, qui avait tenté en vain de bloquer l’enquête de la « Cnil » irlandaise devant la Haute cour de justice du pays, la sanction est jugée disproportionnée. « Le RGPD prévoit des amendes allant jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires. Cela montre à quel point la DPC est encore extrêmement dysfonctionnelle », a taclé le 2 septembre l’Autrichien Max Schrems (photo ci-dessous), président de l’organisation à but non lucratif Noyb dont il est le fondateur (8).
Cette décision contraignante (9) adoptée par le CEPD dans la torpeur de l’été (le 28 juillet 2021 donc) a non seulement été adressée à la « Cnil » irlandaise mais aussi à ses homologues de l’Union européenne. La DPC a ainsi durci et annoncé sa décision finale rectifiée début septembre (10). La DPC avait un délai d’un mois à compter de la réception de la décision contraignante pour transmettre sa décision finale corrigée à la présidente du CEPD, actuellement Andrea Jelinek. La décision contraignante et la décision finale (11) qui en découle ont été rendues publiques (12).
Ce verdict à l’encontre de Facebook-WhatsApp fera date, en Europe mais aussi dans le monde. Cela restera un cas d’école pour tous les praticiens et les garants de la vie privée. Bien d’autre plaintes sont déjà sur le bureau de la DPC. Mais Facebook n’est pas au bout de ses peines, notamment depuis que WhatsApp a annoncé en début d’année à ses 2milliards d’utilisateurs de nouvelles conditions d’utilisation permettant – depuis mi-mai (13) – des transferts de données personnelles vers le réseau social.

Les « amis » consommateurs se rebiffent
C’est sur ces nouvelles règles controversées de WhatsApp que le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) et huit de ses membres – dont l’association UFC-Que Choisir en France – ont déposé plainte contre la filiale de Facebook le 12 juillet dernier auprès de la Commission européenne et du CPC, réseau européen des autorités de consommateurs (14). Le Beuc accuse le numéro un mondial des réseaux sociaux de « violations multiples des droits des consommateurs de l’UE » et de « pressions indues sur ses utilisateurs pour qu’ils acceptent ses nouvelles conditions d’utilisation et sa politique de confidentialité » (15), alors qu’elles ne sont ni transparentes ni compréhensibles pour les internautes. @

Charles de Laubier

Applis mobiles : le duopole d’Apple et de Google est pris en tenaille entre justice et parlement

Les abus de position dominante d’Apple et de Google sont dans le collimateur des Etats-Unis. Un projet de loi « Open App Markets Act » est sur les rails, tandis que le procès engagé par Epic Games contre Google – dans la foulée de celui d’Apple – fustigent de graves pratiques anticoncurrentielles.

D’un côté, la justice. De l’autre, le parlement. Aux Etats-Unis, le duopole de fait constitué au fil des années par Apple et Google n’est plus en odeur de sainteté – si tant est qu’il ne l’ait jamais été. Dans la torpeur du mois d’août, deux dates sont à retenir dans la mise en cause des deux grands magasins d’applications mobiles App Store et Google Play : le 11 août, deux sénateurs démocrates (Richard Blumenthal et Amy Klobuchar) rejoints par un de leurs homologues républicains (Marsha Blackburn), ont déposé un projet de loi intitulé « Open App Markets Act » ; le 19 août, l’éditeur de jeux vidéo Epic Games a déposé une nouvelle plainte contre Google à qui il reproche comme à Apple de verrouiller le marché mondial des applis mobiles.

Projet « Open App Markets Act »
Le projet de loi bipartisan (démocrate et républicain) – présenté sur une dizaine de pages (1) – entend promouvoir la concurrence dans les boutiques d’applis mobiles aux Etats- Unis. Mais la portée des remèdes, s’ils étaient adoptés, auront une portée mondiale, étant donné l’emprise internationale des GAFAM. Les sénateurs américains veulent que le Congrès des Etats-Unis légifère contre les gatekeepers Apple et Google qu’ils accusent de contrôler le marché des applications mobiles générant plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires par an. Et ce, au détriment de la concurrence et au désavantage des consommateurs. Rien que sur le marché américain, où ont été téléchargées 13,4 milliards d’applis mobiles en 2020, les mobinautes ont dépensé quelque 33 milliards de dollars cette même année. Les trois parlementaires, qui militent en faveur d’une législation antitrust bipartite, ont donc déposé un texte allant dans ce sens.
Leur Open App Markets Act (OAMA) visent à établir des règles équitables, claires et applicables pour protéger la concurrence et renforcer la protection des consommateurs sur le marché des applications. Selon eux, deux entreprises – Google et Apple – contrôlent les deux systèmes d’exploitation mobiles dominants (respectivement Android et iOS), tandis que leurs boutiques d’applications (respectivement Play Store et App Store) leur permettent de dicter exclusivement les conditions du marché des applications, ce qui nuit à la concurrence et restreint le choix des consommateurs. « Ce projet de loi détruira les murs anticoncurrentiels coercitifs dans l’économie des applications, a lancé Richard Blumenthal (photo de gauche), offrant ainsi aux consommateurs plus de choix et aux start-up une chance de se battre. Pendant des années, Apple et Google ont écrasé leurs concurrents et tenu les consommateurs dans l’ignorance – empochant de grosses sommes d’argent tout en agissant comme des gardiens [gatekeepers, ndlr] soi-disant bienveillants de ce marché de plusieurs milliards de dollars ». Le sénateur du Connecticut veut lutter contre « l’intimidation des Big Tech » et aider à « briser l’emprise de ces géants de la technologie » afin d’ouvrir l’économie des applis mobiles à de nouveaux concurrents et à « donner aux utilisateurs mobiles plus de contrôle sur leurs propres appareils ». Et la sénatrice républicaine Marsha Blackburn (photo du milieu) d’enfoncer le clou : « Les Big Tech imposent leurs propres boutiques d’applications aux utilisateurs au détriment des start-ups innovantes. Apple et Google veulent empêcher les développeurs et les consommateurs d’utiliser des boutiques d’applications tierces qui menaceraient leur rentabilité ».
Et l’élue du Tennessee d’ajouter : « Leur comportement anticoncurrentiel constitue un affront direct à un marché libre et équitable. Je m’engage à veiller à ce que les consommateurs et les petites entreprises des Etats-Unis ne soient pas punis par la domination des géants technologiques ». Pour abonder dans ce sens, la sénatrice démocrate Amy Klobuchar (photo de droite) s’en est prise également aux « quelques gardiens [qui] contrôlent le marché des applications, avec une puissance incroyable quant à celles auxquelles les consommateurs peuvent accéder ». Pour l’élue du Minnesota, « cela soulève de graves préoccupations en matière de concurrence » auxquelles cette loi OAMA peut remédier en « uniformis[ant] les règles du jeu (…) pour assurer un marché d’applications novateur et concurrentiel ».

Chers App Store et Google Play
Amy Klobuchar a notamment présidé une audition le 21 avril dernier (2) où étaient convoqués Wilson White, directeur des affaires publiques de Google, et Kyle Andeer, directeur de la conformité (Chief Compliance Officer) d’Apple – entre autres (3). « Apple et Google ont semblé utiliser leur contrôle de puissant gardien pour étouffer la concurrence sur le marché des magasins d’applications ».
Apple – qui tente de faire des concessions sous la pression aussi du Japon, de la Corée du Sud, de l’Australie, de la Grande-Bretagne ou encore de l’Europe (4) – a par exemple empêché la création de magasins d’applications tiers sur les iPhones et exigé que les applications utilisent exclusivement son propre système de paiement (in-app payment system), coûteux, tout en empêchant les développeurs d’applis, pénalisés, d’informer les utilisateurs sur leurs offres à prix réduit. Ces strictes conditions ferment les voies de la concurrence et font monter les prix pour les consommateurs. Les start-up font également face à de graves obstacles lorsque Apple comme Google – dont le duopole n’est décidément plus tenable (5) – sont en mesure de privilégier leurs propres applications au détriment de celles des autres, et dans le même temps d’utiliser les informations commerciales confidentielles des concurrents, tout en empêchant les développeurs d’utiliser les fonctionnalités du smartphone des consommateurs.

Le combat épique d’Epic Games
Le projet de loi OAMA prévoit notamment qu’une société concernée ne doit pas exiger des développeurs – comme condition pour être distribué sur sa boutique d’application ou pour être accessible sur son système d’exploitation – qu’ils utilisent un système de paiement (inapp payment system) détenu ou contrôlé par elle ou l’un de ses partenaires commerciaux. La Big Tech gatekeper ne doit pas non plus exiger comme condition de distribution sur une boutique d’applications que les conditions de prix de vente soient égales ou plus favorables sur son propre App Store (Apple) ou Play Store (Google), voire à prendre des mesures punitives ou autrement à imposer des termes et conditions moins favorables contre un développeur utilisant ou offrant des conditions de prix différentes ou des conditions de vente via un autre paiement in-app ou sur une autre boutique d’applications. C’est justement ce que reproche l’éditeur américain de jeux vidéo Epic Games (connu mondialement grâce à « Fortnite » et ses 350 millions de comptes pour 2,5 milliards de connexions régulières). La société basée à Cary, en Caroline du Nord, a déposé une nouvelle plainte contre Google le 19 août devant un tribunal de Californie (6) pour abus de position dominante sur le marché des applications mobiles et pour prélèvement d’une commission de 30 % jugée trop élevée. Pour Tim Sweeney (photo ci-contre), le PDG fondateur d’Epic Games (dont il détient encore la majorité du capital, aux côtés du chinois Tencent (7) présent à 40 %), Google se comporte comme Apple. La plainte révisée – de 85 pages (8) – fustige le comportement anticoncurrentiel de la filiale Internet d’Alphabet. Elle fait suite à une première plainte déposée il y a un an contre Google (9) qui avait exclu son jeu emblématique « Fortnite » de son Play Store, comme l’avait fait aussi de son côté Apple sur son App Store. Epic Games est déjà en procès depuis un an contre la marque à la pomme, dont le jugement va être rendu prochainement après une audience qui s’est tenue en mai dernier à Oakland (Californie). Mais sur le front des smartphones Android, contrairement aux iPhones sous iOS, Epic Games avait pu rester accessible par d’autres moyens d’accès alternatifs. Pour autant, l’éditeur de Cary démontre les pratiques déloyales de la firme de Mountain View : « Des documents de Google [Business Council documents, ndlr] montrent en outre que Google a érigé des barrières contractuelles au détriment de la concurrence dans la distribution de l’application Android, en reconnaissant qu’il risquait de perdre des milliards de dollars si la distribution de l’application Android avait été ouverte à des app stores concurrentes sous Android, y compris un “Epic Store” qui aurait pu avoir le champ libre s’il avait été autorisé », pointe l’éditeur de « Fortnite » dans sa plainte revue et augmentée. La filiale du groupe Alphabet avait même évalué dans ces documents que rien que sur l’année 2022 le risque concurrentiel était pour elle de 6 milliards de dollars de chiffre d’affaires et de 1,1 milliard de dollars de bénéfice. Ce qui l’a motivé à passer un accord – identifié sous le nom de « projet Banyan » – avec le numéro un mondial des smartphones Samsung pour que Play Store (de l’américain) et Galaxy Store (du sud-coréen) soient les « seuls boutiques d’applications par défaut sur l’écran d’accueil », ce qui « garantit que Samsung ne pourrait pas fournir un placement pratique à tout autre magasin d’applications concurrent ».
Mais Google et Samsung n’ont pu s’entendre pour, comme le demandait le second, donner le choix aux utilisateurs entre les systèmes de paiement du Play Store et du Galaxy Store. « Google utilise ce pouvoir monopolistique pour imposer une taxe qui siphonne les profits pour lui-même, chaque fois qu’un développeur d’applications souhaite instaurer une transaction avec un consommateur pour la vente d’une application ou du contenu numérique in-app. En outre, Google siphonne toutes les données d’utilisateur échangées dans de telles transactions, au profit de ses propres conceptions d’applications et ses activités publicitaires », peut-on aussi lire dans la première plainte du 13 août.

Ces 3 % à 6 % versés par Google
L’autre sud-coréen, LG Electronics, a expliqué à Epic Games que son contrat avec Google ne lui permettait pas d’assurer la distribution directe des applications, et qu’il ne pouvait offrir aucune fonctionnalité pour l’installation et les mises à jour des applications Epic, sauf via le Play Store. Google a même accepté de payer certains fabricants de smartphones tels que LG et Motorola, à hauteur de 3 % à 6 % des « dépenses de jeu » engagées sur ces appareils, verrouillant ainsi son pouvoir de monopole. @

Charles de Laubier

Comment Snap mise sur la réalité augmentée pour augmenter réellement son ARPU

La « camera company » Snap, qui fêtera ses dix ans cet été, a dévoilé pour la première fois son audience mensuelle : un demi-milliard d’utilisateurs. Reste à augmenter leur monétisation, mais pas seulement le faire pour la réalité… Du grand spectacle en vue.

En France, d’après Médiamétrie, Snapchat compte 24,9 millions de visiteurs uniques rien que sur avril 2021, en par hausse de 2,6 % par rapport au moins précédent. L’Hexagone pèse donc à peine 5 % de l’audience mondiale de 500 millions d’utilisateurs mensuels, nombre revendiqué le 20 mai par la « camera company » américaine Snap qui fêtera ses dix ans d’existence cet été. C’est d’ailleurs la première fois que son cofondateur Evan Spiegel (photo) livre une audience mensuelle, s’étant contenté auparavant à mentionner de temps en temps le nombre quotidien de « snapchatteurs » dans le monde : 280.000 au premier trimestre 2021, contre 229 millions un an plus tôt.

Le « RoW » dépasse les Etats-Unis et l’Europe
Snap réussit tant bien que mal à monétiser cette base croissante d’utilisateurs par la publicité en ligne principalement, que cela soit avec des « Snap Ads » ou des « AR Ads » (1). Comme pour les opérateurs télécoms, Snap parle en ARPU – revenu moyen par utilisateur – pour mesurer au plus près le retour sur investissement auprès de son public. Ainsi, sur le premier trimestre 2021, ce taux de monétisation a atteint 2,74 dollars par utilisateur. C’est mieux que les 2,02 dollars d’il y a un an, mais moins bien que les 3,44 dollars du précédent trimestre. Sur deux ans, la croissance de l’ARPU trimestrielle de Snap fait du yoyo (2). Selon les données publiées le 24 avril dernier, c’est en Amérique du Nord, Etats-Unis en tête (3), que ce taux de monétisation est le plus élevé : 5,94 dollars par utilisateur en moyenne. C’est quatre fois plus que l’ARPU obtenu en Europe (4) : 1,48 dollars. Et même plus de six fois celui généré dans le reste du monde : 0,93 dollar.
Or, la croissance du parc d’utilisateurs se fait plus dans le reste du monde (Inde, Chine, Australie, …) pour un total qui vient de dépasser la barre des 100 millions d’utilisateurs quotidiens (à 111 millions précisément). Ce « RoW » (5) est en croissance sur un an de près de 30 % et pèse maintenant plus lourd que l’Amérique du Nord augmentant d’à peine plus de 5 % (à 93 millions d’utilisateurs) et bien plus que l’Europe en hausse, elle, de 10 % (à 77 millions). Ainsi, la plus forte croissance de la base d’utilisateurs de Snapchat se fait là où l’ARPU est encore le plus faible (6). Cela n’empêche pas le réseau aux clichés, apprécié des adolescents et des jeunes adultes (5 milliards de « snaps » par jour en moyenne), de démarrer l’année sur les chapeaux de roues : « Nous avons commencé en 2021 en réalisant notre chiffre d’affaires le plus élevé sur un an [en hausse de 66 % à 769,5 millions de dollars sur le premier trimestre 2021, ndlr], et en ayant le plus haut taux de croissance des utilisateurs actifs quotidiens depuis trois ans [280 millions, en hausse de 22 %], tout en générant un flux de trésorerie disponible (free cash flow) positif [126 millions de dollars] pour la première fois en tant qu’entreprise cotée en Bourse [à New York depuis mars 2017]», s’est félicité Evan Spiegel le 24 avril dernier. Mais le réseau social Snap, inventeur des « stories » éphémères, est à la croisée des chemins pour sa dixième année d’existence : soit l’entreprise californienne (7) continue de jouer les second-rôles face à Facebook (plus de 3 milliards d’utilisateurs, Instagram, Messenger et WhatsApp compris) et à être distancée par TikTok (800 millions d’utilisateurs), soit elle se diversifie avec une innovation susceptible de lui donner un second souffle. C’est dans la réalité augmentée que Evan Spiegel voit l’avenir. Snap exploite le filon de la réalité augmentée depuis plus de six ans, d’abord en proposant de faire des clichés personnalisables avec des effets visuels, des « autocollants » (stickers, bitmoji, avatars), des géofiltres (lieux où se trouve le snappeur).
La fonction « Lens », elle, a été lancée en septembre 2015 pour permettre aux utilisateurs d’ajouter des effets en temps réel à leurs clichés (photos et vidéos) grâce à la détection du visage. Cette fonction AR a été étendue en avril 2017 aux «World Lenses » pour « métamorphoser le monde autour de [soi] et de donner vie à des personnages » (8) par la réalité augmentée et des rendus 3D.

Snap voit l’avenir à grands « Spectacles »
Mais pour passer aux grands « Spectacles », Snap mise sur les lunettes connectées. Malgré les ventes mitigées de la première paire des Spectables commercialisée à partir de 2017, Snap persévère : le 20 mai a été présentée une nouvelle génération de lunettes (9), de réalité augmentée cette fois. Elles ne sont pas encore mises en vente, mais réservées aux créateurs de contenus AR ayant à leur disposition Lens Studio (10). Autonomes par rapport au smartphone, les Spectables sont fabriquées avec éléments fournis par la société britannique WaveOptics. Le lendemain, Snap confirmait sur CNBC l’acquisition de cette start-up pour 500 millions de dollars (11). @

Charles de Laubier

iTunes n’a pas fêté ses 20 ans le 9 janvier 2021,et pour cause : iTunes est mort, mais bouge encore

C’est le 9 janvier 2001 – il y a deux décennies – que feu Steve Jobs avait présenté iTunes, soit neuf mois avant de lancer l’iPod, le baladeur qui redonna des couleurs à la pomme. De player musical au format MP3, iTunes est devenu le couteau suisse multimédia d’Apple, avant d’éclater en 2019.

Steve Jobs (photo) n’a pas inventé iTunes puisque le lecteur de musiques au format MP3 existait déjà depuis juin 1999 sous le nom de « SoundJam MP », un player développé par Jeff Robbin et Bill Kincaid qui en avaient confié l’édition à Casady & Greene (C&G), spécialisé dans les logiciels Macintosh (Crystal Quest, Spreadsheet, …). L’ancien président cofondateur d’Apple a aussitôt jeté son dévolu sur SoundJam MP en rachetant ses lignes de code en 2000, point de départ d’iTunes.+

iTunes, de la musique au multimédia
La première version d’iTunes fut lancée par Steve Jobs le 9 janvier 2001, lecteur présenté comme « le plus étonnant logiciel de jukebox que le monde ait jamais vu ». Le player permettait aux utilisateurs de Mac de « ripper » des CD en fichiers numérique MP3 et d’organiser leurs musiques dans une interface facile à utiliser. Son slogan : « Rip. Mix. Burn. » (récupérez, mixez, gravez), comme sur une table de mixage. La société C&G a finalement cessé définitivement d’éditer son SoundJam MP en juin 2001. Ce n’est que neuf mois après ce rachat opportun qu’Apple a lancé – le 23 octobre 2001 – la première version de son baladeur musical, l’iPod, qui, conjugué à iTunes, remis la marque à la pomme en manque d’inspiration sur la voie du succès. On connaît la suite : l’iPod débouche en 2007 sur l’iPhone (juin) et sur l’iPod (septembre), consacrant tous les deux l’écran tactile. Il faudra attendre une trentaine de mois avant l’arrivée ensuite de l’iPad (avril 2010). Sans le player iTunes, ni l’iPod, ni l’iPhone, ni l’iPad n’auraient rencontré immédiatement le succès et fait la fortune d’Apple, et celle de Steve Jobs. Pourtant, la firme de Cupertino ne s’est pas donnée la peine de fêter le 9 janvier les 20 ans d’iTunes. Il faut dire la marque à la pomme a cessé de mettre à jour ce logiciel au logo à double croche, d’abord musical avant de devenir au fil de ces deux décennies multimédia, la dernière version disponible (1) pour Mac datant de janvier 2019 et celle pour Windows de janvier 2018.
Le logiciel iTunes est devenu un player multimédia non seulement pour librairie musicale (téléchargements, playlists, éléments à imprimer, équaliseur, …) mais aussi depuis 2005 pour vidéos et pour podcasts, puis à partir de 2010 pour lire des ebooks. D’autres services associés ont fait leur apparition tels que iTunes U en 2007 pour dispenser des cours en ligne provenant des meilleurs collèges et universités américains, ou encore iTunes Radio en 2013 pour de la musique en streaming. L’an dernier, Apple a annoncé qu’iTunes U allait s’arrêter « à partir de fin 2021 » (2). Quant à la boutique numérique iTunes Store, elle n’a ouvert qu’en avril 2003 avec un modeste catalogue de 200.000 musiques. Mais le succès est au rendez-vous puisqu’en une semaine plus de 1 million de titres payants sont téléchargés (0,99 dollar le titre, 9,99 dollars l’album). Ces musiques sont alors protégées par un dispositif numérique DRM (3) appelé FairPlay, ce qui en limite leur lecture et pose des problèmes, jusqu’à ce que Steve n’obtienne de l’industrie musicale de proposer en 2007 certains titres sans DRM., puis tout son catalogue sans ce verrou de propriété intellectuelle en 2009 (à l’époque 10 millions de musiques). Dix ans plus tard, en 2020, iTunes Store était riche de 60 millions de chansons, de 2,2 millions d’applications, de 25.000 émissions de télévision et de 65.000 films.
Mais, entre-temps, après les lancements emblématiques de Spotify en 2006 et de Netflix en 2007, le streaming s’est généralisé au détriment du téléchargement cher à iTunes. L’écosystème fermé et verrouillé iTunes (4) est devenu une usine à gaz, malgré son succès auprès de centaines de millions d’utilisateurs, soit autant de cartes bancaires (575 millions de comptes d’utilisateurs en juin 2013). L’iTunes Store est devenu le passage obligé des « Applemaniaques », qu’ils soient sur iPhone, iPad, iPod Touch, Apple TV ou encore Mac.
Il y a deux ans et demi, le 3 juin 2019, la firme de Cupertino mettait fin à son logiciel multimédia iTunes pour les nouveaux Mac (5) au profit d’Apple Music (lancé en 2015), d’Apple Podcasts (lancé en 2016) et de l’application Apple TV (exiTunes Remote). Les iPhone et les iPad avaient déjà basculé dans les nouvelles applications dissociées. En tournant la page d’iTunes, Steve Jobs est finalement entré de plain-pied dans l’ère du streaming.

Après le player iTunes, la fin d’iTunes Store ?
Ce changement de pied intervenait aussi au moment où la boutique d’applications de la marque à la pomme – l’App Store, lancé en juillet 2008 – commençait à faire l’objet de sérieux griefs, Apple étant accusé d’abus de position dominante, non seulement par des utilisateurs américains qui avaient saisi la Cour suprême des Etats-Unis, mais aussi par Spotify en Europe (6). Bien que l’App Store fasse partie intégrante d’iTunes Store, la firme dirigée par Tim Cook depuis août 2011 ne fait plus depuis 2019 mention d’« iTunes Store » dans ses rapports annuels. C’est un signe. @

Charles de Laubier

Fip, « meilleure radio du monde », fête ses 50 ans et s’internationalise grâce à ses webradios et applis mobiles

La radio locale « France Inter Paris », d’où son nom, fut lancée le 5 janvier 1971. Au fil de cinq décennies, Fip est devenue culte auprès d’un public grandissant et fidèle malgré sa diffusion FM incomplète – à laquelle le DAB+ va remédier. Ses déclinaisons sur Internet (fip.fr, webradios, podcasts) lui ont ouvert une audience internationale.

Née radio locale à Paris il y a 50 ans, en ondes moyennes, Fip s’est progressivement développée sur la bande FM, où elle dispose aujourd’hui de dix fréquences hertziennes sur l’Hexagone (1), avant d’étendre son audience au monde entier via Internet : non seulement sur fip.fr mais aussi sur les smartphones avec ses deux applications mobiles (l’une sous Android, l’autre sous iOS). L’ex-France Inter Paris s’est faite un nom en trois lettres en étant l’unique radio dans le monde à proposer une programmation éclectique de tous les genres musicaux et de tous les pays. Se succèdent à l’antenne ou en ligne rock, jazz, blues, classique, groove, électro, reggae ou encore rap, ainsi que les musiques de tous les horizons (occidentales, africaines, sud-américaines, orientales, asiatiques, …). Sa programmation musicale sans frontières, interrompue sans excès et en douceur par des animatrices (les « fipettes » aux voix suaves) faisant part de rendez-vous culturels ou de coups de cœurs musicaux, séduit de plus en plus à l’international. « Cela tient à la richesse et à la diversité de la programmation de Fip et à l’univers musical qu’elle a su créer en développant ses webradios qui aujourd’hui représentant 30 % de son audience. L’écoute des huit webradios a progressé, à elle seule, de 43 % en un an », explique à Edition Multimédi@ Bérénice Ravache (photo), directrice de Fip depuis août 2017.

Un quart de son audience digitale vient de l’étranger
Car au-delà de ses 680.000 auditeurs qui l’écoutent aujourd’hui sur la FM en France, soit une part d’audience de 1,2 % tout à fait honorable au regard de sa diffusion hertzienne partielle auprès de la population hexagonale, Fip rayonne de plus en plus à l’international. Son site web, créé en 2004 à l’adresse fipradio.fr puis modernisé en 2014 sur fip.fr, draine un public d’internautes grandissant : près de 2,9 millions de visites par mois au total (2), dont 23 % venues hors de France, selon le dernier relevé de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Fip étend aussi son audience sur l’Hexagone et par-delà les frontières grâce à ses deux applications mobiles pour tous les smartphones et tablettes, l’une disponible sur Play Store et l’autre sur App Store (sous iOS) : plus de 1,9 million de visites par mois au total (4), dont plus de 29 % venues là aussi hors de France (5). Ainsi, environ un quart de l’audience de Fip en streaming – site web, webradios et applis mobiles confondus – provient de l’étranger, et comme en témoigne la vidéo postée le 5 janvier : https://lc.cx/50ansFip. Et ce, grâce non seulement à la diffusion numérique en ligne dans le monde du flux audio repris simultanément du flux hertzien (simulcast), mais aussi à ses 8 webradios : Fip Rock, Fip Jazz ; Fip Groove, Fip Electro, Fip Monde, Fip Reggae, Fip Nouveautés et, la toute dernière lancée en juin dernier, Fip Pop.

Nouvelles webradios et nouveaux podcasts en vue
Cette part internationale va continuer à progresser car d’autres déclinaisons thématiques vont être lancées. « Il reste encore beaucoup d’autre genres à explorer et des projets de nouvelles webradios sont en effet à l’étude », nous confie Bérénice Ravache. Le flux audio a l’avantage d’être accessible en ligne de n’importe quel type de terminal numérique : ordinateur, smartphone, tablette, télévision connectée, « box », récepteur radio numérique, autoradio connecté ou encore agrégateurs de flux. « Fip et ses webradios rencontrent des succès sans précédent sur l’ensemble des supports d’écoute », se félicite sa directrice. La production de podcasts n’est pas en reste : « Club jazzafip », « Certains l’aiment Fip » ou encore le tout nouveau « Les années Fip ». « Nous proposons également depuis l’année dernière nos “Fip 360” de concerts électro en son immersif et en podcast avec son 3D : premier podcast de ce genre dans le monde. Et cette année, nous allons mettre en ligne deux séries de podcasts: “Sound of Joy”(6 épisodes) et “Pink Note” (8 épisodes) », dévoile la directrice de Fip. Lorsque le patron de Twitter, Jack Dorsey, a tweeté le 12 septembre 2017 « la meilleure radio du monde » (6) à propos de Fip, le milliardaire du Net a rappelé implicitement que la radio n’avait plus de frontières à l’ère du streaming. « Pourquoi ne venez-vous pas visiter l’équipe @fipradio à Paris ? Ils ne vous diront pas leurs secrets, mais ce sont des gens formidables », lui avait répondu Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France. Jack Dorsey tweeta alors : « Je le ferai la prochaine fois que je serai à Paris » (7). C’est ce que le PDG cofondateur du site de microblogging fit le 7 juin 2019. L’Américain, icône du Net, a même pris le micro de Fip (voir photo ci-contre) et a concocté « sa playlist Fip » diffusée à l’antenne et toujours sur Spotify (8). « @jack » est d’autant plus fan de « @fipradio » qu’il a déclaré ce jourlà sa passion pour Fip en tweetant cette fois une photo de son poignet avec comme « nouveau tatouage » le logo de sa radio préférée, photo (9) et vidéo (10) à l’appui ! Le rayonnement international de Fip, dont la programmation « universelle » porte sur la diffusion de 42.000 titres différents par an, en fait une radio culte atypique. L’ACPM a classé Fip en cinquième position des radios digitales françaises. Avec 13,2 millions d’écoutes actives dans le monde – dont plus de 3,6 millions hors de France – durant le mois de novembre 2020, dernier relevé en date (11), Fip arrive juste derrière France Inter, France Info, RMC et NRJ. Et que cela soit dans ce « Top 5 » de la radio digitale ou dans le « Top 20 », elle est la mieux-disante en termes de durée d’écoute moyenne (12) avec plus de 58 minutes (contre 35 mn pour France Inter ou 34 mn pour NRJ). Cet attachement de ses auditeurs en fait une « radio fétiche » (dixit Fip). Cette fidélité se retrouve d’ailleurs sur la FM où sa durée d’écoute par auditeur (DEA) se situe autour de 2 heures dans le mois selon par Médiamétrie (13). Aucune radio musicale hertzienne en France n’atteint et ne dépasse cette performance, et même de toutes les catégories de radios si l’on excepte RTL (2h19), France Inter (2h10) et à égalité avec France Bleu (1h55). « La radio s’écoute encore majoritairement en FM. Fip y a gagné 100.000 auditeurs en un an », relève Bérénice Ravache, alors que Médiamétrie mesure la station quinquagénaire depuis seulement septembre 2019. Et d’ajouter : « L’audience de Fip a progressé de 250 % en 15 ans, passant de 260.000 en 2006 à près de 680.000 auditeurs en 2020. Peu de radios peuvent en dire autant, en particulier les radios musicales ». Surtout avec seulement dix fréquences FM. En 2015, en pleine grève qui fut la plus longue de l’histoire de Radio France, la Cour des comptes publie son rapport sur le groupe public de radios où, par soucis d’économie, il suggère que Fip « fragilisée par la concurrence » quitte le hertzien pour le seul numérique (avec la petite radio Le Mouv’). Mais après la révocation début 2018 du président de la Maison- Ronde, Mathieu Gallet, auquel a succédé Sibyle Veil, l’idée sera abandonnée. « Fip fait bel et bien partie du paysage radiophonique dans 10 villes et il n’est pas question d’y renoncer. Le déploiement du DAB+ [la diffusion numérique terrestre, ndlr] va permettre à Fip d’être diffusée demain [d’ici à 2028, ndlr] sur 85 % du territoire contre 6% aujourd’hui », nous explique Bérénice Ravache. Sur fond de baisse de dotation de l’Etat, bien que compensée par les aides d’Etat liées à crise sanitaire, des économies restent encore à faire pour Radio France (60 millions d’euros d’ici 2022). Sur 4.400 employés, 340 départs volontaires sont prévus, des recrutements – dans le numérique notamment – aussi.

14 postes supprimés (dont 11 «fipettes»), mais 5 de créés
Fip contribue à son niveau au plan d’économies du groupe. « L’animation locale de Fip à Bordeaux, Nantes et Strasbourg a pris fin le 18 décembre. C’était les trois dernières villes, les précédentes ayant cessé fin 2000. En conséquence,14 postes sont supprimés, dont 11 animatrices, mais 5 postes de déléguées musicales sont créés à Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lyon », nous détaille Bérénice Ravache. Quant aux habituels flashs d’actualités à 50 de chaque heure, ils ont aussi été sacrifiés. Avec sa soixantaine de collaborateurs (salariés, 14 animatrices, cachetiers, …), Fip fait moins radio locale mais plus nationale et globale. @

Charles de Laubier