Fip, « meilleure radio du monde », fête ses 50 ans et s’internationalise grâce à ses webradios et applis mobiles

La radio locale « France Inter Paris », d’où son nom, fut lancée le 5 janvier 1971. Au fil de cinq décennies, Fip est devenue culte auprès d’un public grandissant et fidèle malgré sa diffusion FM incomplète – à laquelle le DAB+ va remédier. Ses déclinaisons sur Internet (fip.fr, webradios, podcasts) lui ont ouvert une audience internationale.

Née radio locale à Paris il y a 50 ans, en ondes moyennes, Fip s’est progressivement développée sur la bande FM, où elle dispose aujourd’hui de dix fréquences hertziennes sur l’Hexagone (1), avant d’étendre son audience au monde entier via Internet : non seulement sur fip.fr mais aussi sur les smartphones avec ses deux applications mobiles (l’une sous Android, l’autre sous iOS). L’ex-France Inter Paris s’est faite un nom en trois lettres en étant l’unique radio dans le monde à proposer une programmation éclectique de tous les genres musicaux et de tous les pays. Se succèdent à l’antenne ou en ligne rock, jazz, blues, classique, groove, électro, reggae ou encore rap, ainsi que les musiques de tous les horizons (occidentales, africaines, sud-américaines, orientales, asiatiques, …). Sa programmation musicale sans frontières, interrompue sans excès et en douceur par des animatrices (les « fipettes » aux voix suaves) faisant part de rendez-vous culturels ou de coups de cœurs musicaux, séduit de plus en plus à l’international. « Cela tient à la richesse et à la diversité de la programmation de Fip et à l’univers musical qu’elle a su créer en développant ses webradios qui aujourd’hui représentant 30 % de son audience. L’écoute des huit webradios a progressé, à elle seule, de 43 % en un an », explique à Edition Multimédi@ Bérénice Ravache (photo), directrice de Fip depuis août 2017.

Un quart de son audience digitale vient de l’étranger
Car au-delà de ses 680.000 auditeurs qui l’écoutent aujourd’hui sur la FM en France, soit une part d’audience de 1,2 % tout à fait honorable au regard de sa diffusion hertzienne partielle auprès de la population hexagonale, Fip rayonne de plus en plus à l’international. Son site web, créé en 2004 à l’adresse fipradio.fr puis modernisé en 2014 sur fip.fr, draine un public d’internautes grandissant : près de 2,9 millions de visites par mois au total (2), dont 23 % venues hors de France, selon le dernier relevé de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Fip étend aussi son audience sur l’Hexagone et par-delà les frontières grâce à ses deux applications mobiles pour tous les smartphones et tablettes, l’une disponible sur Play Store et l’autre sur App Store (sous iOS) : plus de 1,9 million de visites par mois au total (4), dont plus de 29 % venues là aussi hors de France (5). Ainsi, environ un quart de l’audience de Fip en streaming – site web, webradios et applis mobiles confondus – provient de l’étranger, et comme en témoigne la vidéo postée le 5 janvier : https://lc.cx/50ansFip. Et ce, grâce non seulement à la diffusion numérique en ligne dans le monde du flux audio repris simultanément du flux hertzien (simulcast), mais aussi à ses 8 webradios : Fip Rock, Fip Jazz ; Fip Groove, Fip Electro, Fip Monde, Fip Reggae, Fip Nouveautés et, la toute dernière lancée en juin dernier, Fip Pop.

Nouvelles webradios et nouveaux podcasts en vue
Cette part internationale va continuer à progresser car d’autres déclinaisons thématiques vont être lancées. « Il reste encore beaucoup d’autre genres à explorer et des projets de nouvelles webradios sont en effet à l’étude », nous confie Bérénice Ravache. Le flux audio a l’avantage d’être accessible en ligne de n’importe quel type de terminal numérique : ordinateur, smartphone, tablette, télévision connectée, « box », récepteur radio numérique, autoradio connecté ou encore agrégateurs de flux. « Fip et ses webradios rencontrent des succès sans précédent sur l’ensemble des supports d’écoute », se félicite sa directrice. La production de podcasts n’est pas en reste : « Club jazzafip », « Certains l’aiment Fip » ou encore le tout nouveau « Les années Fip ». « Nous proposons également depuis l’année dernière nos “Fip 360” de concerts électro en son immersif et en podcast avec son 3D : premier podcast de ce genre dans le monde. Et cette année, nous allons mettre en ligne deux séries de podcasts: “Sound of Joy”(6 épisodes) et “Pink Note” (8 épisodes) », dévoile la directrice de Fip. Lorsque le patron de Twitter, Jack Dorsey, a tweeté le 12 septembre 2017 « la meilleure radio du monde » (6) à propos de Fip, le milliardaire du Net a rappelé implicitement que la radio n’avait plus de frontières à l’ère du streaming. « Pourquoi ne venez-vous pas visiter l’équipe @fipradio à Paris ? Ils ne vous diront pas leurs secrets, mais ce sont des gens formidables », lui avait répondu Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France. Jack Dorsey tweeta alors : « Je le ferai la prochaine fois que je serai à Paris » (7). C’est ce que le PDG cofondateur du site de microblogging fit le 7 juin 2019. L’Américain, icône du Net, a même pris le micro de Fip (voir photo ci-contre) et a concocté « sa playlist Fip » diffusée à l’antenne et toujours sur Spotify (8). « @jack » est d’autant plus fan de « @fipradio » qu’il a déclaré ce jourlà sa passion pour Fip en tweetant cette fois une photo de son poignet avec comme « nouveau tatouage » le logo de sa radio préférée, photo (9) et vidéo (10) à l’appui ! Le rayonnement international de Fip, dont la programmation « universelle » porte sur la diffusion de 42.000 titres différents par an, en fait une radio culte atypique. L’ACPM a classé Fip en cinquième position des radios digitales françaises. Avec 13,2 millions d’écoutes actives dans le monde – dont plus de 3,6 millions hors de France – durant le mois de novembre 2020, dernier relevé en date (11), Fip arrive juste derrière France Inter, France Info, RMC et NRJ. Et que cela soit dans ce « Top 5 » de la radio digitale ou dans le « Top 20 », elle est la mieux-disante en termes de durée d’écoute moyenne (12) avec plus de 58 minutes (contre 35 mn pour France Inter ou 34 mn pour NRJ). Cet attachement de ses auditeurs en fait une « radio fétiche » (dixit Fip). Cette fidélité se retrouve d’ailleurs sur la FM où sa durée d’écoute par auditeur (DEA) se situe autour de 2 heures dans le mois selon par Médiamétrie (13). Aucune radio musicale hertzienne en France n’atteint et ne dépasse cette performance, et même de toutes les catégories de radios si l’on excepte RTL (2h19), France Inter (2h10) et à égalité avec France Bleu (1h55). « La radio s’écoute encore majoritairement en FM. Fip y a gagné 100.000 auditeurs en un an », relève Bérénice Ravache, alors que Médiamétrie mesure la station quinquagénaire depuis seulement septembre 2019. Et d’ajouter : « L’audience de Fip a progressé de 250 % en 15 ans, passant de 260.000 en 2006 à près de 680.000 auditeurs en 2020. Peu de radios peuvent en dire autant, en particulier les radios musicales ». Surtout avec seulement dix fréquences FM. En 2015, en pleine grève qui fut la plus longue de l’histoire de Radio France, la Cour des comptes publie son rapport sur le groupe public de radios où, par soucis d’économie, il suggère que Fip « fragilisée par la concurrence » quitte le hertzien pour le seul numérique (avec la petite radio Le Mouv’). Mais après la révocation début 2018 du président de la Maison- Ronde, Mathieu Gallet, auquel a succédé Sibyle Veil, l’idée sera abandonnée. « Fip fait bel et bien partie du paysage radiophonique dans 10 villes et il n’est pas question d’y renoncer. Le déploiement du DAB+ [la diffusion numérique terrestre, ndlr] va permettre à Fip d’être diffusée demain [d’ici à 2028, ndlr] sur 85 % du territoire contre 6% aujourd’hui », nous explique Bérénice Ravache. Sur fond de baisse de dotation de l’Etat, bien que compensée par les aides d’Etat liées à crise sanitaire, des économies restent encore à faire pour Radio France (60 millions d’euros d’ici 2022). Sur 4.400 employés, 340 départs volontaires sont prévus, des recrutements – dans le numérique notamment – aussi.

14 postes supprimés (dont 11 «fipettes»), mais 5 de créés
Fip contribue à son niveau au plan d’économies du groupe. « L’animation locale de Fip à Bordeaux, Nantes et Strasbourg a pris fin le 18 décembre. C’était les trois dernières villes, les précédentes ayant cessé fin 2000. En conséquence,14 postes sont supprimés, dont 11 animatrices, mais 5 postes de déléguées musicales sont créés à Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lyon », nous détaille Bérénice Ravache. Quant aux habituels flashs d’actualités à 50 de chaque heure, ils ont aussi été sacrifiés. Avec sa soixantaine de collaborateurs (salariés, 14 animatrices, cachetiers, …), Fip fait moins radio locale mais plus nationale et globale. @

Charles de Laubier

Autoriser les rachats d’Instagramet de WhatsApp par Facebook fut deux graves erreurs de la FTC

Instagram, le réseau social de partage de photos et vidéos, fête ses dix ans. Lancé en octobre 2010 par l’Américain Kevin Systrom et le Brésilien Michel Mike Krieger, il fut vendu dix-huit mois après à Facebook pour 1 milliard de dollars. La FTC se mort les doigts d’avoir autorisé cette acquisition.

« Nous avons fait une erreur », avait admis Joseph Simons (photo), l’actuel président de la FTC, l’autorité américaine antitrust, dans une interview à l’agence Bloomberg le 13 août 2019. Il faisait le mea culpa de la Federal Trade Commission (FTC) à propos des autorisations accordées à Facebook pour les rachats de respectivement Instagram en 2012 pour 1milliard de dollars et WhatsApp en 2014 pour – tenez-vous bien – près de 20 milliards de dollars ! Sur la centaine d’acquisitions faites par la firme de Mark Zuckerberg (1), seule celle d’Instagram fit l’objet d’une enquête approfondie – avant le feu vert.

« Zuck » rachète ses concurrents menaçants
L’ensemble Facebook-Instagram-WhatsApp pourrait devenir un cas d’école s’il venait à être le premier GAFA à être démantelé, comme ne l’exclut pas Joseph Simons, ou sinon lui interdire le brassage des données personnelles entre ses plateformes (2). Le groupe spécial antitrust de la commission des Affaires judiciaires (3) de la Chambre des représentants des Etats-Unis vient, le 6 octobre dernier, d’appeler le Congrès américain à légiférer pour recourir à « deux outils essentiels de la boîte à outils anti-monopole : séparation structurelle et restrictions sectorielles » pour mettre un terme aux abus de position dominante des géants américains du Net – Google/YouTube, Amazon/Amazon.com, Facebook/Instagram/WhatsApp, Apple/App Store – et remédier aux conflits d’intérêts sous-jacents.
Les quatre patrons respectifs de ces Big Four, respectivement Sundar Pichai, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg et Tim Cook, avaient été convoqués pour une audition qui s’est déroulée le 29 juillet dernier. Ce jour-là, le démocrate David Cicilline, le président de la sous-commission antitrust (bipartisane), n’avait pas caché que les conclusions allaient être en faveur du démantèlement ou à défaut de fortes restrictions. Dans son rapport de 451 pages intitulé « Investigation of competition in the Digital markets » (4), la sous-commission antitrust justifie d’en arriver au spinoff pour empêcher ces mastodontes planétaires du numérique aux comportements monopolistiques d’évincer la concurrence : « Les séparations structurelles interdisent à un intermédiaire dominant d’opérer sur des marchés qui le mettent en concurrence avec les entreprises dépendantes de son infrastructure. Entre-temps, les restrictions imposées aux secteurs d’activité limitent généralement les marchés dans lesquels une entreprise dominante peut s’engager » (5). C’est plus particulièrement le cas du groupe Facebook, devenu maison mère de ses ex-concurrents Instagram et WhatsApp, qui préoccupe le plus les parlementaires américains. « Facebook voyait Instagram comme une menace, […] donc ils les ont rachetés », avait grondé après l’audition de juillet le Démocrate Jerrold (Jerry) Nadler, président de la commission des Affaires judiciaires. « Zuck » l’a même écrit dans un e-mail confidentiel daté du 9 avril 2012 au moment du rachat d’Instagram, message interne (6) porté à l’enquête judiciaire. Son homologue David Cicilline avait, lui, renvoyé dos à dos la FTC et le patron du numéro un des réseaux sociaux : « La FTC n’aurait pas dû approuver l’acquisition de WhatsApp par Facebook », tout en pointant « la façon décontractée dont le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, a reconnu qu’il avait acquis le service de messagerie WhatsApp en 2014 parce qu’il était un concurrent en pleine croissance » (7). Les parlementaires Républicains sont moins critiques, au point de ne pas avoir approuvé le rapport antitrust publié le 6 octobre. Dans son rapport, la sous-commission antitrust souligne que « le marché des réseaux sociaux est très concentré » : Facebook (1,8 milliard d’utilisateurs) et sa gamme de produits – WhatsApp (2 milliards), Instagram (1,4 milliard) – comptent beaucoup plus d’utilisateurs et de temps passé sur sa plateforme que ses plus proches concurrents. En effet, Snapchat (443 millions d’utilisateurs) ou Twitter (582 millions) sont loin derrière la firme de « Zuck » (8). Il relève aussi que la « monopolisation » de Facebook a aussi des effets endogènes : « Par exemple, les forts effets de réseau associés à Facebook ont fait pencher le marché vers le monopole, de sorte que Facebook fait concurrence plus vigoureusement à ses propres produits – Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger – qu’à ses concurrents réels » (9).

Rachat d’Instagram par Facebook : « felony »
Instagram – mot-valise créé de l’anglais « instant camera » (appareil photo instantané) et « gram » (du mot telegram) – a subi comme WhatsApp la double peine : perte d’indépendance et concurrence inter-filiales ! En juin 2019, le professeur Tim Wu de la Columbia Law School avait estimé que « le rachat d’instagram par Facebook était une infraction majeure, voire un délit » : il emploie le terme de felony (10). Il ne reste plus qu’à réformer la loi antitrust américaine. @

Charles de Laubier

App Store et Apple Pay : ce que la Commission européenne reproche à la firme de Cupertino

La WWDC, grand-messe annuelle des développeurs de la marque à la pomme, s’est déroulée du 22 au 26 juin à San Francisco. Plus que jamais, Apple compte sur les commissions émanant de sa boutique App Store pour assurer ses revenus. Mais son écosystème fermé est dans collimateur de l’Europe.

La Worldwide Developer Conference (WWDC) de cette année 2020, qui s’est tenu à Cupertino, près de San Francisco, au sein de l’Apple Park, le fameux QG circulaire mondial de la marque à la pomme depuis plus de trois ans maintenant, avait beau avoir lieu à 8.898 kilomètres de Bruxelles, jamais l’Europe n’a été aussi proche de l’événement. Et pour cause : six jours avant que Tim Cook (photo de gauche), le PDG d’Apple, n’ouvre le bal, Margrethe Vestager (photo de droite), la vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la concurrence (1), lançait deux enquêtes sur les pratiques douteuses de respectivement l’App Store et l’Apple Pay.

Plaintes de Spotify et de Kobo (Rakuten)
Que reproche au juste Bruxelles à la firme de Cupertino dans la salve d’enquêtes lancées contre elles le 16 juin dernier ? D’une part, la Commission européenne a ouvert des enquêtes formelles sur des soupçons de pratiques anticoncurrentielles afin d’« apprécier si les règles imposées par Apple aux développeurs concernant la distribution d’applications via l’App Store enfreignent les règles de concurrence de l’Union européenne ». Ces enquêtes sur l’App Store font suite à deux plaintes distinctes, l’une émanant de la plateforme de streaming musical Spotify, et l’autre du distributeur d’ebooks et de livres audio Kobo, filiale de Rakuten (lire en Une).
Autant la Commission européenne a bien mentionné le groupe suédois, autant elle a curieusement passé sous silence la filiale canadienne du groupe japonais. Il a fallu une fuite auprès du Financial Times (quotidien propriété du groupe japonais Nikkei) pour que le nom du second plaignant soit finalement révélé par voie de presse et non démenti depuis. D’autre part la Commission européenne a ouvert une enquête formelle, là aussi en matière de pratiques anticoncurrentielles, afin cette fois, d’« apprécier si le comportement d’Apple concernant Apple Pay enfreint les règles de concurrence de l’Union européenne ». Contrairement à l’App Store où deux plaignants sont mentionnés, aucun n’est évoqué pour l’Apple Pay. Globalement, la marque à la pomme compte 1,5 milliard de terminaux sous iOS (smartphones) ou iPadOS (tablettes) dans le monde, tandis que 500 millions de personnes utilisent l’App Store régulièrement.
• Concernant la boutique en ligne (App Store), les enquêtes portent plus spécifiquement sur « l’utilisation obligatoire du système d’achat intégré [in-app, ndlr] propriétaire d’Apple et sur les restrictions de la capacité des développeurs à informer les utilisateurs d’iPhone et d’iPad de possibilités d’achat moins coûteuses en dehors des applications ». Plus généralement, l’App Store préoccupe la Commission européenne car il s’agit d’un écosystème entièrement contrôlé par la firme de Cupertino qui y fixe ses propres règles d’accès, de distribution et de tarifs pour les applications mobiles destinés à ses iPhone et iPad. C’est ce rôle de « gatekeeper » vis-à-vis des applications et des contenus destinés aux utilisateurs finals qui intrigue depuis longtemps la commissaire européenne Margrethe Vestager. D’autant que les utilisateurs terminaux fonctionnant sous les systèmes d’exploitation-maison iOS (smartphones) ou iPadOS (tablettes) peuvent télécharger uniquement des applications dites natives – c’est-à-dire non disponibles sur le Web – via l’App Store. « Nous devons veiller à ce que les règles d’Apple ne faussent pas la concurrence sur les marchés où cette entreprise est en concurrence avec d’autres développeurs d’applications, par exemple avec son service de diffusion de musique en streaming Apple Music ou avec Apple Books. J’ai donc décidé, a-t-elle justifié, d’examiner de près les règles de l’App Store d’Apple et leur conformité avec les règles de concurrence de l’Union européenne ». Vis-à-vis du streaming musical (plainte de Spotify), l’enquête porte le numéro « AT.40437 » (2) (*) (**).
Vis-à-vis du streaming musical (plainte de Spotify), l’enquête porte le numéro « AT.40437 » (3). Vis-à-vis des livres numériques et des audio-books (plainte de Kobo), l’enquête porte le numéro « AT.40437 » (4). Ces enquêtes portant sur l’App Store s’intéressent plus particulièrement à deux restrictions imposées par Apple dans ses accords avec les entreprises qui souhaitent distribuer des applications aux utilisateurs d’appareils iOS/iPadOS.

La pomme se paie la concurrence
La première restriction porte sur l’utilisation obligatoire du système d’achat intégré propriétaire d’Apple – In-App Purchase (IPA) – pour la distribution de contenu numérique payant (5). « Apple facture aux développeurs d’applications une commission de 30 % sur tous les frais d’abonnement perçus par l’intermédiaire du système IAP », souligne la Commission européenne. La seconde restriction concerne la limitation des développeurs à informer les utilisateurs sur d’autres possibilités d’achat en dehors des applications, possibilités qui sont généralement moins coûteuses. Pourtant, relève la Commission européenne, « Apple permet également aux utilisateurs de consommer dans l’application du contenu, tel que de la musique, des livres électroniques et des livres audio, acheté ailleurs (par exemple sur le site web du développeur de l’application) ».
• Concernant le système de paiement électronique (Apple Pay), l’enquête porte, elle, sur « les modalités, conditions et autres mesures imposées par Apple pour l’intégration d’Apple Pay dans les applications commerciales et les sites web commerciaux sur les iPhone et les iPad, sur la limitation instaurée par Apple de l’accès à la fonctionnalité de communication en champ proche (NFC (6)) dite tapand- go sur les iPhone pour les paiements en magasin [paiement sans contact, ndlr], ainsi que sur des refus allégués d’accès à Apple Pay ».

Les abus des écosystèmes propriétaires
Le paiement mobile est devenu incontournable au fur et à mesure que les smartphones se sont imposés comme les premiers terminaux d’accès au Web et au e-commerce, que cela soit en ligne et dans les magasins physiques. Or il se trouve qu’Apple fixe les conditions de l’utilisation d’Apple Pay dans les applications et sur les sites web des commerçants. « Il est important que les mesures prises par Apple ne privent pas les consommateurs des avantages qu’offrent les nouvelles technologies de paiement, notamment en matière de choix, de qualité, d’innovation et de prix compétitifs, a prévenu Margrethe Vestager. J’ai donc décidé d’examiner de près les pratiques d’Apple concernant Apple Pay et leur incidence sur la concurrence ».
La marque à la pomme réserve également la fonctionnalité tap-and-go des iPhone à Apple Pay, qui est sa solution de paiement mobile propriétaire pour tous les terminaux sous iOS ou iPadOS en vue d’effectuer des paiements dans les applis mobiles à vocation commerciale, sur les sites de e-commerce, ou encore dans les magasins physiques (web-to-store, click-andcollect, click-and-go, drive-to-store, etc.). De plus, Apple Pay est la seule solution de paiement mobile qui puisse accéder à la technologie NFC tap-and-go intégrée aux smartphones et tablettes de la marque à la pomme pour effectuer des paiements en magasin. Alors que de son côté, la boutique d’applis Android de Google offre le choix dans les moyens de paiement. La Commission européenne craint que « les modalités et conditions d’Apple, ainsi que d’autres mesures liées à l’intégration d’Apple Pay aux fins de l’achat de biens et de services dans des applications commerciales et sur des sites web commerciaux sur les appareils sous iOS et iPadOS, ne puissent fausser la concurrence et réduire le choix et l’innovation ». L’enquête européenne sur les pratiques de la firme de Cupertino portera aussi sur « des restrictions alléguées d’accès à Apple Pay pour des produits spécifiques de concurrents sur les appareils mobiles intelligents sous iOS et iPadOS [et sur] l’incidence éventuelle des pratiques d’Apple sur la concurrence dans le domaine de la fourniture de solutions de paiement mobile ». Que cela soit pour l’App Store ou pour l’Apple Pay, la firme de Cupertino risque gros, si ses pratiques au sein de ses écosystèmes fermés et verrouillés – qui ne datent pas d’hier (7) – s’apparentaient à des « abus de position dominante » interdits (8) par le Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La Commission européenne serait alors en droit d’infliger à Apple une amende pouvant aller jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires total annuel – en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction. Pour sa dernière année fiscale close le 28 septembre 2019, Apple a généré 46,3 milliards de dollars dans les services, sur un total de chiffre d’affaires de 260,2milliards de dollars. Par ailleurs, rappelons qu’en France l’Arcep avait en 2017 pointé du doigt le défaut de neutralité des terminaux d’Apple (9).
Le 16 juin dernier, Spotify s’est réjoui : « Aujourd’hui est un grand jour. Le comportement anticoncurrentiel d’Apple a intentionnellement désavantagé ses rivaux, créé une distorsion de la concurrence et privé les consommateurs d’un choix significatif pendant trop longtemps ». Le 18 juin, le président de Microsoft, Brad Smith, a estimé qu’« il est temps pour les régulateurs de la concurrence aux Etats-Unis et en Europe de s’intéresser aux tactiques que les boutiques d’applications mettent en œuvre [sans nommer explicitement Apple, ndlr] pour tirer profit de ceux qui veulent distribuer leurs logiciels ». Le jour même où la Commission européenne lui a notifié formellement l’ouverture de ces enquêtes, la firme de Cupertino a balayé les soupçons d’abus de position dominante et de pratiques anti-concurrentielles.

« Des plaintes sans fondement » (Apple)
« Il est décevant que la Commission européenne donne suite à des plaintes sans fondement d’une poignée d’entreprises, a réagi Apple, qui veulent simplement un voyage gratuit [free ride] et qui ne veulent pas suivre les mêmes règles que tout le monde. Nous ne pensons pas que ce soit juste, nous voulons maintenir des règles du jeu équitables où toute personne déterminée et ayant une bonne idée peut réussir ». Et le groupe dirigé par Tim Cook d’assurer : « En fin de compte, notre objectif est simple : que nos clients aient accès à la meilleure application ou au meilleur service de leur choix, dans un environnement sûr et sécurisé ». @

Charles de Laubier

Les risques du pistage des populations à l’aide des données des opérateurs mobiles et des applications

Le pistage mobile des populations, au nom de la lutte contre le coronavirus, présente des risques sur les libertés fondamentales en général et sur les données personnelles et la vie privée en particulier. De plus, l’efficacité d’une telle pratique technologique reste contestée et controversée.

Par Christophe Chadaillac, avocat, et Héloise Tientcheu, juriste, cabinet Jones Day

« Les technologies numériques, les applications mobiles et les données mobiles ont des atouts formidables qui peuvent nous aider à comprendre le mode de propagation du virus et à réagir efficacement » (dixit Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, le 8 avril 2020). Les mesures technologiques envisagées pour contribuer à la lutte contre le covid-19 ne se comptent plus. Mais en plus d’être controversées et leur efficacité remise en cause, elles posent de sérieuses questions sur la préservation de nos libertés fondamentales.

Géolocalisation et contact tracing en question
Un arsenal de mesures est déployé afin de tenter d’enrayer la propagation du covid-19 dans le contexte de la pandémie mondiale actuelle : port de masque, mise en quarantaine des personnes malades, fermeture des lieux accueillant du public, confinement partiel ou total des populations, … A ces mesures de distanciation sociale restreignant la liberté d’entreprendre et la liberté de mouvement des personnes s’ajoutent des mesures technologiques que les Etats et les géants du numérique mettent progressivement en place. Celles-ci reposent sur la géolocalisation, le contact tracing ou la reconnaissance faciale, susceptibles de porter également atteinte à la vie privée et suscitant des interrogations sur l’utilisation des données à caractère personnel. Il est aisé de localiser n’importe quel objet (ordinateur, téléphone portable, tablette, …) connecté à un réseau de communications électroniques (1). La géolocalisation s’appuie notamment sur les technologies GPS ou Galileo utilisées par les applications, ou sur la connexion aux réseaux Wifi ou les antennes de téléphonie mobile.
Dans le cadre de la lutte contre le covid-19, il est avancé que la géolocalisation pourrait utilement servir à l’identification de concentrations de personnes et à l’observation de flux de population grâce à des données anonymisées et agrégées. Et ce, afin de détecter et d’anticiper les potentiels foyers de propagation en vue d’optimiser le déploiement des ressources médicales sur le territoire. Par exemple, Orange a transmis aux autorités françaises des données qui ont permis d’établir que 17 % des Franciliens avaient quitté l’Ile-de-France juste avant la mise en place du confinement. Par ailleurs, les différents opérateurs mobile sont susceptibles de transmettre l’ensemble de leurs données anonymisées au Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne. Quant à Google et Apple, ils ont également fourni des statistiques d’utilisations de leurs applications montrant des zones de concentration ou des zones vides. La géolocalisation pourrait aussi être employée pour vérifier le respect des obligations de confinement et de distanciation sociale. Les données, cette fois-ci non-anonymisées, permettent – comme en Israël par exemple – de tracer les individus et en cas d’infraction infliger des amendes. En Pologne, les autorités ont couplé données de géolocalisation et reconnaissance faciale : il est demandé aux citoyens de prendre régulièrement un selfie géolocalisé pour démontrer qu’ils respectent la mesure de quarantaine qui leur est imposée.
Le contact tracing consiste, lui, à établir pour les malades récemment contaminés un historique des personnes avec lesquelles ils ont été dans des conditions de proximité susceptibles de permettre une transmission du covid-19 selon des critères d’infectiologie déterminés. La technologie numérique permet l’automatisation de l’établissement de cet historique, grâce à une application installée sur les smartphones et reposant sur la technologie Bluetooth, laquelle permet aux terminaux d’établir des communications radio de courte portée, sans fil. Le contact tracing peut être utilisé pour identifier les chaînes de transmission du virus et ralentir sa propagation en incitant les personnes susceptibles d’être infectées et contagieuses à appliquer les gestes-barrière et à se faire tester le plus rapidement possible. Cet outil se veut particulièrement utile pendant le confinement, mais également lors de phase critique de déconfinement au cours de laquelle de nouveaux foyers de contamination risquent d’apparaître.

Applications mobiles appelées à la rescousse
StopCovid, l’application mobile dont le gouvernement français a révélé le développement le 8 avril dernier, sera une application de contact tracing qui pourrait être mise en service lors du déconfinement. L’approche choisie par la France est celle d’une application pilotée par l’Etat, par l’intermédiaire de l’Inria (2), en partenariat notamment avec Dassault Systèmes, l’Inserm (3), l’Institut Pasteur ou encore Orange, ainsi que sur les conseils du Comité d’analyse de recherche et d’expertise (Care). De multiples initiatives privées émergent en parallèle pour contribuer à cet « effort ». En particulier, Apple et Google collaborent sur la création d’une interface de program-mation en vue de permettre aux applications d’être interopérables. Ces deux géants du numérique, qui ont refusé de collaborer à StopCovid, travaillent également à l’intégration de fonctionnalités de contact tracing directement dans les systèmes d’exploitation Android et iOS.

Des limites techniques et comportementales
Plusieurs pays européens comme l’Allemagne ou la Norvège envisagent d’utiliser le contact tracing, ou le font déjà. La Commission européenne, elle, a insisté sur la nécessité d’une « approche commune » dans l’utilisation des applications mobiles et des données mobiles (4). L’efficacité des solutions reposant tant sur la géolocalisation que sur le contact tracing présentent des limites techniques et comportementales. La géolocalisation ne permet que de rendre compte de concentrations ou de flux de population en masse ou de localiser individuellement des personnes avec une précision relative. Elle ne permet pas d’établir leur proximité physique et fonctionne mal en intérieur. Le Bluetooth, certes, opère mieux en intérieur, mais il n’est pas conçu pour mesurer des distances. D’autant que le champ de détection varie d’un appareil à l’autre et en fonction des circonstances (appareil tenu en main, au fond d’un sac, dans une voiture, etc.), ce qui entraîne un taux non négligeable de faux positifs et de faux négatifs. Il n’y a pas non plus de consensus scientifique sur la durée et la distance de proximité justifiant l’envoi d’une notification. En outre, les systèmes d’exploitation mobiles ne permettent pas aux applications en tâche de fond d’utiliser le Bluetooth, ce qui oblige à conserver en permanence les applications de contact tracing au premier plan pour que les terminaux communiquent. Le gouvernement peine à trouver un accord avec Apple et Google pour lever cette barrière technique (5). Et pour que le contact tracing remplisse pleinement son objectif, il est nécessaire qu’au minimum 60 % de la population utilise l’application. Rendre son utilisation obligatoire paraît difficilement conciliable avec les libertés fondamentales. L’atteinte de ce seuil critique dépend aussi éminemment du taux d’équipement et de la capacité à maîtriser cette technologie. Enfin, le contact tracing peut générer un taux important de faux positifs créant de la panique et de faux négatifs générant un sentiment infondé de sécurité susceptible de favoriser la propagation du virus, surtout dans les zones denses (6). Les données de géolocalisation revêtent un caractère stratégique dans la protection de la vie privée ; les données de santé sont sensibles et appellent des mesures de protection renforcées (7). La problématique liée à la géolocalisation dépend de la finalité des traitements. L’utilisation de données de géolocalisation anonymisées et agrégées en masse évince de prime abord le risque d’atteinte à la vie privée, sans toutefois parvenir à l’éliminer complètement. Si la donnée est simplement « pseudonymisée », ou si en dépit de l’anonymisation il est possible de suivre un identifiant en particulier, alors la ré-identification en exploitant et recoupant les données est possible. Le risque d’atteinte à la vie privée est exacerbé en cas de suivi individualisé des personnes, d’autant qu’elle aboutit à restriction de la liberté de circulation.
Le contact tracing se veut plus respectueux de la vie privée en l’absence de géolocalisation ou de traitement d’autre donnée personnelle que la seule donnée de santé, laquelle doit rester entre les mains des autorités de santé et ne pas être recoupée avec d’autres données. Les différents protocoles envisagés pour sa mise en œuvre ont de commun qu’ils ne devraient pas permettre de faire le lien entre la donnée de santé et l’identité des personnes utilisant l’application, ni d’identifier celles-ci, même si ce point est vigoureusement débattu (8).
L’Union européenne a proposé une « boîte à outils » et des lignes directrices (9). En France, la Cnil a émis des recommandations et réaffirmé l’importance du volontariat, de la sécurité des données personnelles et de la limitation de la durée de leur traitement. Et plusieurs institutions publiques ont été mises à contribution pour apporter des garanties à l’action du gouvernement (Inria, Care, Dinum, ANSSI). Le CNNum a quant à lui rendu un avis favorable sur StopCovid « en tant que brique d’une stratégie plus globale ».

Intimité et droits fondamentaux menacés
Les avis des hérauts de la liberté individuelle sont attendus. Ils verront un piège dans le volontariat et dénonceront l’effet cliquet, déjà tangible : en lui demandant d’accepter volontairement d’abandonner un peu de ses libertés au profit du bien commun, le citoyen est conduit dans un processus progressif qui, de lois anti-terroristes aux états d’urgence sanitaires, l’entraîne dans organisation sociétale qui instrumentalise les données personnelles pour des finalités collectives qui pourraient s’avérer liberticides et de long terme.
Quelle que soit la solution retenue par le gouvernement sur le fonctionnement de StopCovid, une fois les barrières techniques et comportementales levées, l’application devra s’insérer dans une réponse sanitaire globale. Il serait utile que sa mise en œuvre soit accompagnée de discipline et pédagogie renforcées, pour à la fois maintenir les gestesbarrière et préserver – y compris en temps de pandémie – l’intimité qui demeure au cœur des droits fondamentaux de l’individu. @

Mediawan, présidé par Pierre-Antoine Capton et Pierre Lescure, accélère dans le numérique et voit grand

Fondée fin 2015 par Pierre-Antoine Capton, Matthieu Pigasse et Xavier Niel, avec Pierre Lescure comme président du conseil de surveillance, la société Mediawan met les bouchée-double dans le digital et s’installe sur près de 10.000 m2 avenue de Breteuil dans le 7e arrondissement de Paris.

C’est en septembre que Mediawan s’installe dans 9.490 m2 de bureaux qu’il loue désormais à Covéa Immobilier (1) avenue de Breteuil dans le 7e arrondissement de la capitale. Et ce, pour « réunir tous ses talents à Paris en un lieu unique, dédié à la production et à l’innovation des contenus audiovisuels et digitaux ». Il s’agit aussi de créer des synergies entre les quatre pôles que sont Mediawan Originals, Mediawan Animation, Mediawan Rights et Mediawan Thematics.

Produire pour YouTube, Facebook, Snapchat, …
Le groupe audiovisuel – dont le directoire est présidé par le cofondateur Pierre-Antoine Capton (2), lequel intervient le 16 septembre devant de Club audiovisuel de Paris (CAVP), et le conseil de surveillance par Pierre Lescure (3) – veut être « le leader de la fiction et de l’animation en Europe » (4) et « un véritable incubateur de talents ». Le site de l’avenue de Breteuil a été présenté le 15 juillet dernier comme « un centre dédié à la création et production de contenus », qui sera un lieu de formation et abritera en outre « une salle de projection de 200 places, un auditorium, des studios digitaux, des salles d’écriture… ». Le but est de réunir en un seul lieu « des auteurs et des créateurs ». C’est là que Edouard Benadava (photo) vient de prendre ses fonctions de directeur du digital (5) du groupe qui a l’« ambition de devenir un acteur clé dans l’univers digital ». Sa nomination a été annoncée le 29 août, après qu’il ait été débauché de chez Google où il était depuis 2015 responsable des partenariats médias de YouTube. « Il a, à ce titre, travaillé sur la stratégie digitale des diffuseurs, producteurs et éditeurs, aussi bien en termes de contenus que de monétisation. Il a également lancé et supervisé la production des deux premières séries françaises YouTube Originals », a souligné Mediawan. Le groupe du trio Capton-Pigasse-Niel mise à fond sur la première plateforme vidéo mondiale, où il revendique en 2019 « plus de 4 milliards de vidéos vues sur YouTube et plus de 13 millions d’abonnés cumulés sur YouTube, Facebook et Instagram ». Le réseau social Snapchat, très « jeune génération », n’est pas en reste puisque Mediawan y a lancé cette année deux programmes et une application de Gaming pour la série « Miraculous : Ladybug et Chat noir » (téléchargée déjà plus de 60 millions de fois). Dans son rapport financier 2018 publié juste avant cet été, le groupe audiovisuel se réjouit : « Les réseaux sociaux dominants tels que Facebook ou Snapchat ont évolué par rapport à leur position initiale de ne pas intervenir dans le contenu de leurs utilisateurs », et que « Facebook par exemple a désormais un budget de production de contenus exclusifs pays par pays ». Au niveau mondial, l’investissement prévu dans les contenus par Facebook serait de l’ordre de 1 milliard de dollars en 2018. Mieux : les acteurs globaux autres que les groupes de télévision, à savoir les YouTube, Facebook, Netflix et autres Amazon Prime Video, auraient investi au total quelque 15 milliards de dollars en 2018 dans des contenus audiovisuels. Mediawan, qui va par exemple produire une série pour Warner TV (WarnerMedia/AT&T), est sur les rangs. Edouard Benadava, lui, a non seulement une bonne connaissance du monde digital et de ses contenus à monétiser, mais aussi des besoins numériques des chaînes de télévision – pour avoir été durant plus de six ans à TF1, où il fut responsable des acquisitions pour les antennes et services digitaux (après avoir été responsable des relations avec les investisseurs financiers).
Tout en produisant des fictions (où il est numéro un en France d’après Ecran Total), des animations, voire des documentaires, Mediawan édite en outre – via son pôle Mediawan Thematics – ses propres chaînes avec leurs services numériques associés (17 à ce jour), telles que RTL9, AB1, Toute l’Histoire, Sciences & Vie TV, Automoto, Mangas ou encore Chasse & Pêche. Depuis début septembre, une douzaine d’entre elles sont disponibles sur la box Videofutur de Vitis (groupe Netgem). « Le chiffre d’affaires de Mediawan Thematics est principalement composé des redevances des opérateurs TV et des recettes de publicité », précise le groupe. AB1 est par exemple disponible chez Orange, Free, SFR, Bouygues Telecom, Canal et Bis Télévisions (6).

De nombreuses acquisitions en 2018
L’an dernier, Mediawan a doublé son chiffre d’affaires à 258,6 millions d’euros pour un bénéfice net de 5,9 millions d’euros (contre une perte de 6,6 millions en 2017). Des acquisitions ont contribué à cette forte croissance (7) : EuropaCorp TV (devenu Storia Télévision), Makever (détenu à 78,9 %), ON Entertainment (51,3 %), Chapter 2 (62,3 %), Mon Voisin Productions (60 %), et Mai Juin Production (participation majoritaire). Mediawan affirme détenir « le premier catalogue de contenu en français d’Europe » avec 13.000 heures de programmes. @

Charles de Laubier