Jook Video profite du Luxembourg, où siège sa maison mère AB Groupe, du Français multimillionnaire Claude Berda

C’est un service de SVOD français et francophone, dont le site Jookvideo.com
est hébergé en France, et qui appartient au groupe AB contrôlé par un Français, Claude Berda, avec TF1 comme actionnaire français. Pourtant, Jook Video échappe comme Netflix à la réglementation audiovisuelle française…

Par Charles de Laubier

Claude Berda

Claude Berda, président d’AB Groupe.

« Je rappelle qu’avant Netflix, il y a un service de SVOD – commercialisé par un certain nombre d’opérateurs – qui ne respecte absolument pas la réglementation française, en particulier les fameux quotas d’exposition », a lancé Marc Tessier, administrateur de Videofutur, le 18 octobre dernier,
lors des Rencontres cinématographiques de Dijon (1), en se gardant bien de citer de nom… »Personne ne s’en ait jamais prévalu. Il existe et il a même des actionnaires de nationalité française, même s’il ne réside pas nécessairement en France. Il faut quand même le dire. Donc, on a un marché qui est poreux », a-t-il poursuivi.
Selon nos informations, il s’agit de Jook Video, le service de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) que le groupe AB – basé au Luxembourg et contrôlé par le Français multimillionnaire Claude Berda (photo), avec TF1 comme actionnaire minoritaire – a lancé il y a dix-huit mois.

Côté fiscalité, Claude Berda n’a rien à envier à Netflix
Si Jook Video est beaucoup moins connu et puissant que Netflix, ces deux rivaux ont cependant un point commun en Europe : ils sont chacun exploités à partir du Grand-Duché, où la fiscalité y est bien meilleure qu’en France et où les obligations audiovisuelles françaises ne s’appliquent pas.
Alors que tout les professionnels du PAF (2), ainsi que CSA, CNC et gouvernement, s’offusquent de l’iniquité fiscale et réglementaire entre les plateformes vidéo venues d’outre-Atlantique (dont Netflix, YouTube ou bientôt Amazon Prime) et les services de SVOD français (CanalPlay, Videofutur, FilmoTV, …), personne ne trouve à redire sur la situation de Jook Video en Europe.
Parce qu’éditée par AB Entertainment, filiale située au Luxembourg comme l’est sa maison mère AG Groupe, cette plateforme vidéo de langue française échappe à la réglementation française – alors qu’elle est pourtant conçue d’abord pour le marché français (3). Ainsi, comme Netflix, il n’est ni soumis aux obligations de financement de la production cinématographique et audiovisuelle ou de quotas prévues par le premier décret dit « SMAd » (services de médias audiovisuels à la demande) de novembre 2010 (4), ni aux dispositions « anti-contournement » du second décret « SMAd » de décembre 2010 (5) censé s’appliquer aux services de vidéo en ligne situés dans un autre pays européen que la France.

AB, à l’actionnariat français (dont TF1)
A l’instar de Netflix, mais aussi d’iTunes (filiale d’Apple), d’Amazon ou encore d’Altice (maison mère de Numericable), eux aussi basés au Luxembourg (6), Jook Video ne fait a priori rien d’illégal : le service de SVOD profite seulement de l’avantage concurrentiel que lui procure le patchwork du marché – supposé unique – de l’Union européenne.
A ceci près que les actionnaires de la maison mère de Jook Video sont, eux, bien français. Claude Berda (67 ans) est en effet le discret fondateur, en 1999, de AB Groupe (issu du démantèlement de la société AB Productions créée en 1977), dont il détient aujourd’hui 66 % du capital – via sa holding luxembourgeoise personnelle Port Noir Investment (du nom de la rue à Genève où il réside…) – aux côtés des 33,6 %
du groupe TF1 (7). Son empire audiovisuel – grâce auquel il est devenu aujourd’hui la
61e fortune de France (selon Challenges) – est à l’origine des premiers sitcoms à la télévision française, pour notamment le Club Dorothée sur TF1 (Hélène et les Garçons, Le Miel et les Abeilles, Premiers baisers, …), et de nombreuses séries policières à succès (Derrick, Un cas pour deux,…).
Claude Berda édite aussi depuis le milieu des années 1990 des chaînes thématiques, dont AB moteurs, et le bouquet ABsat complété par Bis Télévisions (BiS TV), ainsi que la chaîne du cinéma et du divertissement RTL9 rachetée par la suite. En 2005, il lance TMC (aux côtés de TF1), NT1 et AB1 sur la TNT. L’année suivante, TF1 – à qui il revendra ensuite NT1 et ses parts dans TMC – entre au capital de AB Groupe à hauteur de 33,5 %. C’est enfin en mars 2013 que Claude Berda lance Jook Video, un service de SVOD qui se veut multi-thématique : films de cinéma, séries de télévision, documentaires, sports, spectacles, mangas, concerts, …, soit au total plus de 10.000 programmes proposés en illimité et en streaming moyennant un abonnement mensuel de 6,99 euros. De quoi rivaliser avec Netflix et ses tarifs à partir de 7,99 euros par mois. Jook Video revendique aujourd’hui près de 1 million d’utilisateurs (8) mais le nombre d’abonnements serait, lui, bien moindre : plus de 300.000 en début d’année (9).
Bien que le site Jookvideo.com soit hébergé par la société française AB Sat (située en région parisienne à La Plaine Saint-Denis) et que le service de SVOD soit distribué en France par Orange, Numericable, Free et Bouygues Telecom (également via Google Play, App Store d’Apple et SmartHub de Samsung), l’abonnement est contracté auprès la filiale luxembourgeoise AB Entertainment du groupe de Claude Berda – qui plus est, avec une TVA réduite (en attendant l’harmonisation européenne à partir du 1er janvier 2015). S’il y a contournement de la réglementation audiovisuelle française, alors pourquoi le décret « anti-contournement » (le second décret SMAd) n’a-t-il pas été appliqué à Jook Video, ni maintenant à Netflix ? Comment expliquer cette « porosité » du marché français et l’inaction du CSA, lequel a pourtant le pouvoir d’utiliser cette mesure ?
L’explication est à aller chercher du côté de la Commission européenne qui, comme
l’a d’ailleurs rappelé le rapport Lescure l’an dernier, a envoyé à la France un courrier daté du 28 janvier 2013 pour lui signifier qu’elle ne cautionnait pas ce décret « anti-contournement ». Motif : la réglementation française aurait dû se limiter aux services
de télévision linéaires – conformément à la directive européenne « SMA » (10). Or, la France a pris l’initiative da la transposer en étendant son application aux services délinéarisés, les fameux SMAd (VOD, SVOD et télévision de rattrapage). Mal lui en
a pris car Bruxelles, à qui doit être notifiée préalablement toute décision « anti-contournement », a clairement laissé entendre que Paris n’obtiendra pas de feu vert dans ce cas. Ceci explique que le second décret SMAd n’ait jamais été appliqué !
Mais les autorités françaises sont déterminées à convaincre la nouvelle Commission européenne, qui a pris ses fonctions le 1er novembre, du bien fondé d’une fiscalité
dite du « pays de destination » (au lieu du « pays de résidence ») applicable aux plateformes vidéo situées en Europe. Deux nouvelles mesures lui ont été notifiées.
La première, adoptée il y a un an dans la loi de Finances rectificatif pour 2013, consiste à étendre la « taxe vidéo » – les 2% appliqués sur le prix de vente de la vidéo physique/ DVD/Blu-ray et de la VOD à l’acte – non seulement aux opérateurs de SVOD installés en France mais également à ceux (comme Netflix, Jook Video ou bientôt Amazon Prime) qui opèrent d’un autre pays européen. La seconde mesure, que la présidente du CNC Frédérique Bredin compte pousser lors des débats sur le projet de loi de Finances 2015, prévoit d’étendre cette taxe à la publicité des services vidéo gratuits comme YouTube ou Dailymotion.

Frédérique Bredin presse Bruxelles
« Ce n’est pas des recettes financières considérables pour le CNC en faveur de la création, mais c’est une bataille très importante symboliquement en termes de concurrence et d’équité. Ces mesures sont notifiées à la Commission européenne et il faut que Bruxelles accepte », a-t-elle insisté le 17 octobre à Dijon, elle aussi présente aux Rencontres cinématographiques. Reste à savoir si Bruxelles suivra… @

Alain Weill, PDG de NextRadioTV, n’exclut pas « des collaborations » avec son deuxième actionnaire Fimalac

La holding du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, déjà à la tête de la société de médias numériques Webedia constituée en un an, monte discrètement en puissance depuis 2012 au capital de NextRadioTV. Alain Weill nous dit qu’ « il est tout à fait envisageable de développer des collaborations entre les deux groupes ».

Par Charles de Laubier

Alain WeillSelon nos informations, près de quinze ans après avoir créé, en 2000, NextRadioTV (1), Alain Weill (photo) n’a plus la majorité des droits de vote de son groupe depuis le 4 juillet – jour où il est passé sous la barre des 50 %.
Le PDG fondateur n’en détient plus que 49,5 % par l’intermédiaire de sa société WMC. « Ce franchissement de seuil [à la baisse] résulte d’une augmentation du nombre de droits de vote de la société », a expliqué le PDG de NextRadioTV à l’AMF, l’Autorité des marchés financier (2). D’après nos constatations, cette modification dans les droits de vote s’est faite au profit de Fimalac, la holding de Marc Ladreit de Lacharrière, qui détient maintenant 8,9 % des droits de vote contre 4,9 % auparavant.
Même si la participation d’Alain Weill au capital de NextRadioTV reste, elle, quasiment inchangée au cours de ces dernières années, à 37,7 % aujourd’hui, tout comme celle de Fimalac à 6,8 %, cette montée en puissance des droits de votre de Fimalac au sein de NextRadioTV n’est pas anodine.

Fimalac voit ses droits de vote monter à 8,9 %
Depuis que Fimalac Développement a franchi en mai 2012 le seuil de 5 % du capital de la société dirigée par Alain Weill, le milliardaire avance à pas feutrés au sein du groupe audiovisuel. Après s’être hissé en un an – et à coup d’acquisitions (Webedia/ Pure Media, Allociné, Overblog, Jeuxvideo.com, 750g, …) pour 240 millions d’euros – parmi les plus importants acteurs de l’Internet en France (3), quelles sont les intentions de Fimalac Développement vis-à-vis de NextRadioTV ?
« Nos relations avec le groupe Fimalac sont excellentes et il est tout à fait envisageable de, peut-être un jour, développer des collaborations entre le groupe NextRadioTV et celui de Marc Ladreit de Lacharrière. Cependant, chaque entreprise mène son projet digital de façon autonome sans qu’il y ait aujourd’hui de projet commun précis », a expliqué Alain Weill à Edition Multimédi@, en précisant que ses droits de vote avaient baissé « mécaniquement » en raison de la distribution de dividende en actions. « Je considère ne pas avoir de problème de contrôle de la société et il me sera facile, prochainement, et à tous moments, de remonter au-delà des 50 % », nous a-t-il assuré. Sollicité, Fimalac – deuxième actionnaire de NextRadioTV – ne nous a pas répondu. Tout juste sait-on que Webedia, le pôle de médias numériques constitué par Fimalac Développement, vise pour 2015 les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires (contre
80 millions attendus cette année) et veut poursuivre les acquisitions en France et à l’international (4). Il y a un an, on disait Marc Ladreit de Lacharrière tenté par Dailymotion (5). Alors pourquoi pas NextRadioTV, valorisé en Bourse près de 400 millions d’euros ?

Convergence radio-télé-web
Quoi qu’il en soit, Alain Weill veut lui aussi accélérer la croissance de son groupe. Quinze ans après avoir racheté la radio RMC au groupe NRJ, dont il était alors directeur général, il prépare pour 2015 le lancement de RMC TV (6). Cette chaîne
de télévision sera diffusée par ADSL, câble et satellite, et surtout couplée avec la radio RMC. L’ex-Radio Monte Carlo filme déjà depuis quatre ans ses émissions de radio mais, cette fois, le studio radio deviendra un plateau de télévision.
Cette convergence est la spécialité de NextRadioTV : BFM Business est à la fois
de la radio (ex-BFM Radio) et, depuis le lancement en novembre 2010 de la chaîne éponyme, de la télévision. Quant à la chaîne d’information continue BFMTV, laquelle fêtera ses dix ans en novembre, elle établit aussi des synergies audiovisuelles avec la radio RMC. Pour le patron de NextRadioTV, « BFMTV est à la fois un site, une télé et une radio ». RMC Découverte, elle aussi sur la TNT, rediffuse également de la radio. Pionnier en France de l’abolition des frontières entre radio et télé, Alain Weill se défend de faire de la simple « radio filmée » : « Il faut faire de la vraie télévision, et non pas mettre des caméras de surveillance dans les studios », at- il prévenu. Le personnel de la radio est donc formé à la télévision, et la radio est installée dans un vrai studio télé. S’inspirant de ce qui se pratique aux Etats-Unis (CNBC, Bloomberg, …), Alain Weill y trouve son compte : cela lui coûte « beaucoup moins cher » que d’avoir deux matinales (télé et radio) et cela permet à la radio de recruter de nouveaux auditeurs (et vice versa pour la télé).
La convergence s’étend en outre à Internet. BFM Business TV est diffusée en direct sur le site BFMTV.com et sur l’application mobile. Il en va de même pour la radio qui est elle aussi en ligne et en live. Lancé en septembre 2012, BFMTV.com est présenté comme « un site d’information politique générale conçu sur le modèle de CNN.com ». Ce portail est alimenté par une rédaction dédiée, mais aussi par les autres médias du groupe : politique et international (BFMTV), économie (BFM Business), sport et débats (RMC). Il se situe en sixième position des sites web français d’information (7) avec 22 millions de visites, d’après l’OJD au mois de juillet. L’appli mobile, elle, affiche 5,6 millions de visites et place BFMTV.com en huitième position dans cette même catégorie. Et c’est sur la vidéo – convergence audiovisuelle oblige – qu’Alain Weill veut se différencier de la concurrence : il espère atteindre les 50 millions de vidéos vues par mois d’ici fin 2014, y compris sur YouTube et Dailymotion. « BFMTV.com se positionne comme la première marque d’information vidéo sur le web, devant ses principaux concurrents », revendique le groupe (8). Alain Weill veut faire de BFMTV.com l’un des premiers sites multimédias d’information en France. Il vient de débaucher le directeur délégué des rédactions du Figaro, Jean-Michel Salvator, qui chapeautait jusqu’ici Lefigaro.fr et le portail vidéo Figaro TV. Il devient directeur général adjoint de NextRadioTV, directeur de la rédaction de la radio-télé BFM Business, mais aussi directeur de la rédaction de BFMTV.com. Bien que la division digitale – BFMTV.com
et 01net.com (7 millions de visites par mois) – continue de réduire ses coûts, elle est toujours en pertes. « Etant donné l’absence de visibilité sur le marché digital, l’objectif d’atteindre l’équilibre financier est reporté à l’exercice 2015 », a indiqué le groupe lors de la présentation le 31 juillet de ses résultats du premier semestre – où le digital affiche des recettes en recul de 1 %.
Mais le groupe entend bien accélérer les investissements dans le numérique, lequel devrait représenter cette année 10 % du chiffre d’affaires du groupe NextRadioTV (contre 8,7 % des 173,8 millions d’euros réalisés en 2013). Alain Weill a décidé de donner aussi les moyens à la chaîne-phare BFMTV de monter en puissance, maintenant que le CSA a refusé cet été à la chaîne LCI du groupe Bouygues/TF1 de passer en gratuit sur la TNT. « Nous allons porter le budget de la chaîne de 55 millions d’euros en 2013 à 70 millions d’euros, avec un objectif de 2,5 % de part d’audience vers 2015-2016, contre 2 % actuellement », a annoncé fin août le patron du groupe.
Et d’ici fin 2015, la rédaction de BFMTV devrait passer de 250 à 275 journalistes.

De bons résultats malgré la crise
Débarrassé de la menace d’un « LCI gratuit », fort de ses bons résultats du premier semestre (presque doublement du bénéfice net sur un an) et soutenu par des actionnaires solides comme Fimalac, Alain Weill se sent pousser des ailes malgré la crise économique, et son groupe se prépare à franchir la barre des 200 millions d’euros de chiffre d’affaires. @

Malgré sa couverture médiatique et ses exclusivités avec Gaumont, Netflix devra encore convaincre

Défrayant la chronique depuis trois ans et fort de deux séries exclusives produites par le français Gaumont, en attendant sa propre série française – « Marseille » – prévue pour 2015, le numéro un mondial de la VOD par abonnement est attendu au tournant en France à partir du 15 septembre.

Par Charles de Laubier

Reed HastingsSelon nos informations, Netflix a reçu juste avant l’été en toute discrétion une petite poignée de journalistes de la presse française. Ce sont plus des hebdos que des quotidiens qui ont ainsi eu le privilège d’être invités au siège social à Los Gatos, en Californie. Ayant été soumis à un strict embargo fixé jusqu’à fin août, leurs premiers articles en avant-première commencent à être publiés (1).
Le 31 juillet dernier, plus nombreux ont été les journalistes français à recevoir un « Save the date. Bientôt sur vos écrans » afin de retenir la date du 15 septembre pour une « soirée à partir de 20 heures ». Et les invitations personnelles elles-mêmes, triées sur le volet, viennent de parvenir aux intéressés, conviés à festoyer sous le pont Alexandre III.
L’agence de communication MSL, filiale du groupe Publicis, a discrètement a été retenue par Netflix pour assurer en France les relations presse du numéro un mondial de la VOD par abonnement (SVOD). Et ce, sous la houlette de Joris Evers, fraîchement nommé en juillet vice-président de Netflix en charge de toute la communication en Europe.

Reed Hastings sera « sous le pont » le 15 septembre
Mais il nous est expliqué que « le 15 septembre n’était pas une soirée de lancement mais de célébration », quitte à entretenir encore un peu un secret de polichinelle sur
une disponibilité du service de SVOD prévue le même jour, si ce n’est la veille – le 14 septembre (2) étant un dimanche, cela pourrait laisser plus de temps aux Français pour le découvrir dans leur salon.
Quoi qu’il en soit, le cofondateur et directeur général de Netflix, Reed Hastings (photo), ancien prof de maths, sera présent physiquement ce jour-là. Il sera, nous dit-on, accompagné de Ted Sarandos, directeur des contenus, et de Neil Hunt, directeur produit. Ce dernier est le grand architecte depuis quinze ans du puissant portail audiovisuel donnant accès à plus de 2 milliards d’heures de programmes de télévision, dont un catalogue dépassant les 100.000 films et séries à multiples épisodes et saisons. « C’est plus que juste une boutique en ligne ou un catalogue. Nous poussons très fort les recommandations basées sur les évaluations des utilisateurs, afin d’aider les gens à trouver de grands films qui pourraient être plus intéressants pour eux que les seules nouveautés », se félicite Neil Hunt sur LinkedIn. Il ajoute en outre que « Netflix offre à de petits producteurs de films indépendants le canal de diffusion manquant ».

Netflix courtise les cataloguistes de films
En France, des membres de l’Association des producteurs de cinéma (APC) ont par exemple été approchés. Netflix sollicite soit des distributeurs de films de cinéma, soit des producteurs de séries télé. Une source proche du dossier nous indique que Netflix leur propose « un achat de droits pour une exploitation sur douze mois pour environ 4.000 euros pour chaque film, ce montant pouvant aller jusqu’à 40.000 euros » mais qu’« après avoir recruté suffisamment d’abonnés dans un pays, ses investissements sont sérieusement réduits d’après un producteur danois ». Fin août, l’agence MSL a diffusé son premier communiqué « Netflix », lequel annonce produire sa propre série française, « Marseille », réalisée par Florent Emilio Siri (en ligne en 2015). Mais le plus gros partenaire en France de la plateforme américaine reste Gaumont (3), la major française du cinéma lui ayant produit en exclusivité « Hemlock Grove » : la première saison a déjà été diffusée en 2013 et la seconde l’est depuis juillet. Le groupe présidé par Nicolas Seydoux vient en outre de lancer pour la firme californienne la production d’une seconde série : « Narcos » (4).
Par ailleurs, Netflix a signé en juillet un accord avec la Sacem. Quant à la sacro-sainte chronologie des médias, elle devrait être respectée par ce nouveau géant du Net.
« Nous ne chercherons pas à contourner quoi que ce soit. Nous voulons investir en France, dans des contenus français. Nous pourrions faire de “House of Cards” un “House of Versailles” – c’est une plaisanterie entre nous ! – mais ce serait une grosse production et pas seulement pour le marché français, pour le monde entier » a déclaré Reed Hastings le 21 juillet. Ironie de l’histoire : Netflix ne pourra pas proposer en SVOD la fameuse série « House of Cards », qui fut pourtant la première à être produite pour lui (5), car le studio Media Rights Capital en a cédé l’exclusivité à Canal+ pour la France.
Netflix.com et ses déclinaisons, dont la plupart de la technologie tourne sur le cloud d’Amazon, diffusent ainsi à la demande – à l’aide de puissants algorithmes de recherche et de suggestions « sociales » – plus de 60 millions d’heures de programmes par jour à un peu plus de 50 millions d’abonnés dans le monde, dont 13,8 millions en dehors des Etats-Unis. C’est que la France n’est pas le premier pays de conquête internationale pour Netflix, loin s’en faut : après le Canada en septembre 2010, l’Amérique du Sud en septembre 2011, la Grande-Bretagne et l’Irlande en janvier 2012 les pays scandinaves (Finlande, Danemark, Suède, Norvège) en octobre 2012 et les Pays- Bas en septembre 2013, six autres pays européens accueilleront Netflix dès mi-septembre. Outre la France, il s’agit de l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Suisse
et le Luxembourg, d’où la plateforme de SVOD gère toutes ses opérations sur le Vieux Continent avec seulement une vingtaine de personnes (6). « Il n’y aura personne en France, ni même un bureau », nous est-il précisé.

En attendant le coup d’envoi mi-septembre dans ces six nouveaux pays, Netflix s’affiche timidement : « Profitez de films et séries TV où et quand vous le souhaitez. Abonnement mensuel très attractif », peut-on lire sur le site web accessible de France
– Netflix.fr renvoyant à un Netflix.com verrouillé géographiquement. Le champion américain de la SVOD se contente d’y afficher trois arguments censés faire mouche :
« Tous les contenus sont disponibles sur PS3, Wii, Xbox, PC, Mac, smartphone, tablette et bien plus [comprenez Smart TV, voire box, ndlr]… » ; « Tous les contenus sont instantanément diffusés en streaming » ; « Sans engagement, abonnement annulable en ligne à tout moment ». Mais cette toute première démarche avant-vente
– « Netflix bientôt disponible en France. Entrez votre adresse e-mail pour être averti
de sa disponibilité. » – apparaît bien maigre par rapport à l’effort marketing que devra fournir le champion de la VOD par abonnement s’il veut s’imposer dans l’Hexagone. Certes, grâce à la presse française et à ses journalistes (sic), Netflix a bénéficié depuis plus de trois ans d’une couverture médiatique gratuite qui n’a rien à envier à une vaste et coûteuse campagne de publicité. Plusieurs millions de dollars seront sans doute nécessaires pour convaincre les Français de s’abonner à ce service de SVOD venu d’ailleurs, même si les tarifs d’abonnement mensuel – 7,99 euros pour un écran sans HD, 8,99 euros pour deux écrans avec HD ou 11,99 euros pour quatre écrans avec HD – se veulent plus attractifs que les 39,90 euros de Canal+ ou que les offres de SVOD françaises déjà en place (CanalPlay, Videofutur, FilmoTV, Universciné, Jook Vidéo, …).

La SVOD est encore moins fraîche que la VOD
Mais il n’y aura pas de films récents sur Netflix, car la chronologie des médias l’interdit : un film ne peut sortir en SVOD que 36 mois après la salle de cinéma (contre 4 mois pourla VOD). Et ce n’est pas son passage envisagé à 24 mois, qui plus est à condition d’être « vertueux » (lire p. 3) – c’est-à-dire de participer au financement de la création (7) pour les plateformes de SVOD – que la fraîcheur sera au rendez-vous. A quand un Netflix de la VOD ? @

Piratage de livres numériques : le Syndicat national de l’édition (SNE) passe à l’action

Le SNE, qui regroupe 660 maisons d’éditions, tenait son assemblée générale le 26 juin dernier. S’il détaille bien deux solutions « mutualisées » pour déjouer la contrefaçon numérique des livres, le syndicat est en revanche très discret sur l’action au pénal depuis 2012 contre le site Team AlexandriZ.

Par Charles de Laubier

Isabelle Ramond-Bailly

Isabelle Ramond-Bailly, SNE et Editis

Le SNE reste toujours actif dans sa lutte contre le piratage, avec
le suivi de ce procès au long cours au pénal contre un site de téléchargement illicite [Team AlexandriZ, ndlr] et le déploiement
de l’offre Hologram Industries », a indiqué Isabelle Ramond-Bailly (photo), présidente de la commission Juridique du Syndicat national de l’édition (SNE) et directrice déléguée d’Editis en charge des Affaires juridiques.
Sollicitée par Edition Multimédi@ pour en savoir plus sur l’état d’avancement de l’action intentée au pénal en novembre 2012 par le SNE et six grands éditeurs français – selon nos informations, Hachette, Editis, Gallimard, Albin Michel, La Martinière et Actes Sud – contre le site web Team AlexandriZ accusé de contrefaçon numérique de livres, Isabelle Ramond-Bailly nous a opposé le secret de l’instruction pénale (1).

Procès au pénal et empreinte numérique
Bien que le site incriminé – se présentant au moment des faits comme le « n°1 sur les ebooks FR » – ait cessé de fonctionner depuis fin août 2013, la procédure judiciaire se poursuit (2). « Les responsables du site ont été mis en examen pour délit de contrefaçon et le parquet poursuit actuellement son travail d’enquête pénale. Ils risquent trois ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende (3). Les ayants droits du livre préfèrent de plus en plus, à l’instar de ceux de la musique, intenter des actions au pénal plutôt qu’au civil car cela fait plus peur aux pirates et en dissuade d’autres », nous a indiqué sous couvert d’anonymat un proche du dossier.
Team AlexandriZ, dont le nom faisait référence à la célèbre bibliothèque d’Alexandrie (détruite sous l’Antiquité), était un collectif d’internautes qui proposait en ligne depuis 2009 des livres numériques dont ils retiraient préalablement les DRM et toute empreinte numérique. Des centaines d’ebooks étaient ainsi proposés gratuitement, avec possibilité de faire un don. L’équipe de pirates à l’origine du site sont restés très discrets, comme le sont aujourd’hui les maisons d’éditions sur leur procès commun au pénal. Team AlexandriZ avait le souci de la qualité, au point de corriger des coquilles laissées par certains éditeurs (4) ! Selon nos constatations, le site Teamalexandriz.org renvoie maintenant directement à un article de notre confrère ActuaLitté, daté du 7 septembre 2013 et intitulé « Ebooks : La Team Alexandriz, terreur de l’édition, suspend ses activités ».

Depuis qu’il a confirmé fin 2012 avoir « décidé, au nom de la défense de l’intérêt collectif de ses adhérents d’agir en contrefaçon au côté de six maisons d’édition contre un site Internet », le SNE n’évoquait plus cette affaire pénale, jusqu’à ce qu’Isabelle Ramond-Bailly n’y fasse allusion lors de l’AG. C’est moins pour une question de secret de l’instruction pénale que par souci d’une communication moins « judiciaire » que le syndicat préfère détailler l’autre volet de sa lutte contre le piratage de livres sur Internet. Il s’agit des deux « solutions mutualisées » que le SNE a adoptées il y a un an maintenant (5). La première est un service d’empreinte numérique, proposée aux éditeurs membres par la société française Hologram Industries, qui « envoie automatiquement des notifications en cascade aux divers acteurs de la mise en ligne des contenus (sites de partage, sites indicateurs) et contrôle également que le retrait
a bien eu lieu » (6). Selon nos informations, ce service n’a pas encore démarré car, nous explique Julien Chouraqui, juriste au SNE, « l’une des conditions est que l’ensemble des engagements des adhérents ayant souscrits au service d’Hologram Industries atteigne au moins un total de 3.990 euros par mois (7), ce qui devrait être
le cas dans quelques semaines ». C’est en effet avec le ralliement d’Eden livres, plateforme de distribution de livres numériques (8) commune à Gallimard, La Martinière, Flammarion et Actes Sud, à cette solution d’empreinte numérique que le seuil sera franchi. Le syndicat devrait communiquer en septembre sur le démarrage effectif du dispositif de lutte contre le piratage d’ebooks. Lorsque le montant total mensuel atteindra 12.500 euros par mois, le coût au livre de cette technologie anti-piratage sera inférieur à 1 euros (84 centimes), que la Sofia (9) subventionne partiellement (pour revenir à 42 centimes par livre). Cela n’empêche pas des éditeurs de choisir d’autres solutions, comme celle de l’américain Attributor pour Hachette.

Portailprotectionlivres.com ignoré des éditeurs
En revanche, aucun éditeur n’a encore testé l’autre solution anti-piratage à l’aide du site Portailprotectionlivres. com. « Contrairement à la solution Hologram, celle du portail n’est pas automatisée mais revient moins chère (environ 250 à 5000 euros par an selon le chiffre d’affaires) aux éditeurs qui souhaiteraient l’utiliser », nous indique Julien Chouraqui. Le SNE va en faire la promotion. @

Charles de Laubier

Le flou artistique persiste sur le nombre exact du peu d’abonnés FTTH en France

Sont-ils 540.000 abonnés en France à la fibre optique jusqu’à domicile ? Ou bien 520.000 ? A moins qu’ils ne soient en-deçà des 500.000… Alors que François Hollande a promis le très haut débit sur 100 % du territoire d’ici à 2022, le nombre exact d’abonnés FTTH demeure inconnu à ce jour !

Par Charles de Laubier

JLSC’est le 28 mai prochain que l’Arcep publiera les premiers chiffres de l’année de son Observatoire du haut et très haut débit. Et comme d’habitude, le régulateur ne fera pas – sauf surprise – la différenciation entre les abonnés FTTH ou Fiber-
To-The- Home (autrement dit, les particuliers ayant la fibre à
leur domicile) et les abonnés FTTO ou Fiber-To-The-Office (comprenez, les entreprises ayant la fibre jusqu’à leurs bureaux).
Et une nouvelle fois, par simplification, par confusion ou par omission (ou les trois), le chiffre de ces abonnés à la fibre optique de bout en bout sera considéré comme étant du seul FTTH.

Confusion entre « à domicile » et « au bureau »
Ce raccourci revient automatiquement à gonfler artificiellement le chiffre des abonnés résidentiels à la fibre optique jusqu’au domicile en France. Même le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani (photo), se laisse aller à cette facilité ! « La dynamique du FTTH (…), se confirme : (…) 540.000 abonnés, soit 225.000 de plus (+ 72 %) en un an »,
avait-il en effet asséné en mars dernier dans son édito hebdomadaire (1).
A l’en croire, les 540.000 abonnés comptabilisés au 31 décembre dernier en France seraient tous en FTTH. Or il n’en est rien. Car ce chiffre recouvre non seulement les abonnés FTTH – constituant certes l’essentiel de ce décompte – mais aussi les abonnés FTTO (voir tableau p.11). Mais, curieusement, l’Arcep ne donne pas la répartition entre ces deux catégories d’abonnés à la fibre optique de bout en bout, à savoir d’une part les abonnés « à domicile » et d’autre part les abonnés « au bureau ». De même, le régulateur entretien le flou dans ses communiqués de presse en affirmant aussi, dans celui du 6mars, que « le nombre d’abonnements FTTH (540 000 accès fin décembre 2013) s’est accru de 72 % en un an, soit +225 000 abonnements ».
Ce qui est à nouveau erroné ! Car, encore une fois, ce chiffre de 540.000 inclut les abonnés FTTH et ceux FTTO. Ce « péché par omission », puisqu’il n’est pas question de FTTO dans les communications de l’Arcep sauf à se plonger dans le dédale des chiffres complets que l’Observatoire du haut et très haut débit met en ligne (2), trompe presque tout son monde sur le succès supposé de la fibre optique à domicile en France. Résultat : les agences de presse et les médias ramènent eux aussi le chiffre en question au seul FTTH… Selon Valérie Chaillou, analyste à l’institut d’études Idate que nous avons contactée, « les accès FTTO concernent principalement les TPE (3) qui en ont des usages professionnels mais des accès similaires à ceux des résidentiels, avec peut-être davantage de garantie des débits ». D’après ses estimations, il y aurait en France
« environ 20 000 abonnés FTTO ». C’est donc au moins ceux-là, si ce n’est plus étant donné que l’incertitude persiste, que l’on devrait retrancher pour connaître la réalité du FTTH en France. Et il n’y a pas de quoi pavoiser car, qu’ils soient 520.000 voire moins
de 500.000, les abonnés à la fibre optique à domicile restent non seulement trop peu nombreux par rapport aux ambitions affichées par le chef de l’Etat de « 100 % en très haut débit d’ici 2022 (dont 80 % en FTTH) », voire pour remplacer à terme l’ADSL, mais aussi au regard des 2,7 millions de foyers français actuellement « éligibles » au FTTH. Cela veut dire que moins de 20 % d’entre eux ont à ce jour estimé utile de s’abonner, soit à peine 2 % du total des foyers français… Est-ce pour masquer cet échec patent, les premières offres commerciales de fibre à domicile ayant tout de même été lancées en 2007, que le chiffre réel du FTTH semble maquillé ? Ce manque d’attrait, à ce jour, du FTTH ne va-t-il pas contrarier – en plus de la crise économique et la chasse aux déficits publics – le trop ambitieux plan « France Très haut débit » qui prévoit un investissement massif de 20 milliards d’euros d’ici à 2022 ? La note pourrait même doubler selon des hypothèses hautes et en y intégrant l’indemnisation d’Orange en cas d’« extinction de l’ADSL » (4) pourtant plébiscité – contrairement au FTTH – par les Français. Encore
faut-il que les opérateurs télécoms déploient effectivement la fibre (5).

L’Arcep se dit prête à clarifier le chiffre
Sollicitée par Edition Multimédi@ pour obtenir la répartition entre les abonnés « à
domicile » et ceux « au bureau », l’Arcep nous a répondu : « Nous ne faisons pas le distinguo entre FTTH et FTTO, mais nous envisageons une évolution à moyen terme
de l’Observatoire pour publier ce chiffre [du nombre précis d’abonnés à la fibre optique jusqu’à domicile] ». Mais le régulateur nous indique qu’aucune décision n’a encore été prise à ce sujet. Pour une clarification des chiffres de la fibre optique en France, il faudra donc attendre. @