L’Unesco veut adapter au numérique la Convention sur la diversité culturelle, menacée d’obsolescence

Du 10 au 13 décembre, le comité intergouvernemental de l’Unesco chargé de la mise en oeuvre de la Convention de 2005 sur la diversité culturelle s’est, pour la première fois, interrogé sur l’impact du numérique. Objectif : préparer des « directives opérationnelles » pour les 10 ans du texte en 2015.

Par Charles de Laubier

Jean Musitelli« La France a présenté un document faisant un point sur l’impact des technologies numériques sur la diversité culturelle et ouvrant des pistes de réflexion sur la façon de mettre en oeuvre les dispositions
de la Convention de l’Unesco [sur la protection et la promotion de
la diversité des expressions culturelles] dans l’univers numérique »,
a indiqué Jean Musitelli (photo), conseiller d’Etat et ancien ambassadeur à l’Unesco (1997-2002), dans un entretien à Edition Multimédi@.

Des « directives opérationnelles » en vue
« Pour prendre en compte le numérique, il faudra adopter un certain nombre de ‘’directives opérationnelles’’ qui sont à la Convention ce que les décrets sont à la loi. Notre objectif est qu’en 2015, année où l’on célèbrera le 10e anniversaire de cette Convention, nous ayons débouché sur ces directives opérationnelles », nous précise Jean Musitelli, qui corédigea l’avant-projet de la Convention sur la diversité culturelle (2003-2004).

Il y a urgence car la Convention de l’Unesco, signée le 20 octobre 2005 à Paris, est
en passe de devenir obsolète face à Internet. Le fait qu’elle s’en tienne à préciser dans son article 4 « quels que soient les moyens et les technologies utilisés » ne suffit plus. Lorsque la Convention de l’Unesco entre en vigueur, le 18 mars 2007, la vidéo à la demande (VOD), la télévision de rattrapage, les jeux vidéo en ligne, la radio numérique
ou encore la TV connectée n’existaient pas encore, et la musique en ligne n’avait pas encore donné toute sa mesure. L’Unesco va en tout cas devoir adapter la Convention, notamment en concertation avec les géants du Net que sont les « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon et les autres) presque tous inexistants il y a huit ans. Dissocier les biens culturels et audiovisuels de la libéralisation mondiale en général et de la délinéarisation numérique en particulier a-t-il encore un sens à l’heure où triomphe l’Internet universel sans frontières (2) et où se multiplient les accords de libreéchange entre pays ou régions du monde (3) ? S’il n’est pas question a priori de changer une virgule de la Convention de 2005, le Comité intergouvernemental pour la protection et
la promotion de la diversité des expressions culturelles (c’est sa dénomination exacte) devra, à l’aune de l’Internet, adopter plusieurs directives opérationnelles dans des domaines aussi variés que la régulation du numérique et le financement de la création,
la résorption de la fracture numérique des pays en développement, la prise en compte des contenus culturels numérique dans les accords commerciaux bi ou multilatéraux,
le statut et la rémunération des artistes dans l’environnement Internet, sans éluder les questions de l’interopérabilité des plates-formes et de la neutralité du Net. A cela s’ajouterait la mise en oeuvre d’un Fonds international pour la diversité culturelle (FIDC). « Ces directives opérationnelles auront un caractère contraignant pour les
Etats signataires pour que la diversité culturelle ne soit pas noyée dans le numérique », prévient Jean Musitelli (4). Seul problème : les Etats-Unis, patrie des GAFA, ne sont pas signataires de la Convention de l’Unesco ! Et dans les négociations en cours avec l’Union européenne en vue d’un accord de libre-échange, ils souhaitent que les services audiovisuels et culturels soient abordés – comme le compromis du 14 juin dernier le prévoit (5).
En guise de travaux préparatoires, l’Unesco a remis en juin dernier un rapport intitulé
« Réflexion préliminaire sur la mise en oeuvre de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à l’ère numérique » (6). Son auteure, la Canadienne Véronique Guèvremont, professeure de droit et fondatrice du Réseau international des juristes pour la diversité des expressions culturelles (Rijdec), presse l’Unesco d’« agir promptement » pour une « mise en oeuvre de la Convention de 2005 à l’ère numérique », tout en évitant une « réflexion cloisonnée » (7).

Adapter d’ici 2015 la Convention avec les GAFA
C’est dans cet esprit-là que l’Unesco devrait avancer, comme l’a assuré Jean Musitelli, lors de l’Assemblée des médias à Paris le 2 décembre : « Nous avons relancé à l’Unesco le chantier de la diversité culturelle pour mesurer l’impact du numérique, positif ou négatif, sans diaboliser personne [Google étant à la table ronde représenté par Carlo d’Asaro Biondo, lire p. 4, ndlr]. Ce que nous voulons, c’est que l’économie numérique ne cannibalise pas la création culturelle, ne siphonne pas les contenus et n’empêche pas la diversité de s’épanouir », a expliqué celui qui fut aussi, de 2009 à 2012, membre de l’Hadopi. @

Charles de Laubier

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