Alain Weill, PDG de NextRadioTV, n’exclut pas « des collaborations » avec son deuxième actionnaire Fimalac

La holding du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, déjà à la tête de la société de médias numériques Webedia constituée en un an, monte discrètement en puissance depuis 2012 au capital de NextRadioTV. Alain Weill nous dit qu’ « il est tout à fait envisageable de développer des collaborations entre les deux groupes ».

Par Charles de Laubier

Alain WeillSelon nos informations, près de quinze ans après avoir créé, en 2000, NextRadioTV (1), Alain Weill (photo) n’a plus la majorité des droits de vote de son groupe depuis le 4 juillet – jour où il est passé sous la barre des 50 %.
Le PDG fondateur n’en détient plus que 49,5 % par l’intermédiaire de sa société WMC. « Ce franchissement de seuil [à la baisse] résulte d’une augmentation du nombre de droits de vote de la société », a expliqué le PDG de NextRadioTV à l’AMF, l’Autorité des marchés financier (2). D’après nos constatations, cette modification dans les droits de vote s’est faite au profit de Fimalac, la holding de Marc Ladreit de Lacharrière, qui détient maintenant 8,9 % des droits de vote contre 4,9 % auparavant.
Même si la participation d’Alain Weill au capital de NextRadioTV reste, elle, quasiment inchangée au cours de ces dernières années, à 37,7 % aujourd’hui, tout comme celle de Fimalac à 6,8 %, cette montée en puissance des droits de votre de Fimalac au sein de NextRadioTV n’est pas anodine.

Fimalac voit ses droits de vote monter à 8,9 %
Depuis que Fimalac Développement a franchi en mai 2012 le seuil de 5 % du capital de la société dirigée par Alain Weill, le milliardaire avance à pas feutrés au sein du groupe audiovisuel. Après s’être hissé en un an – et à coup d’acquisitions (Webedia/ Pure Media, Allociné, Overblog, Jeuxvideo.com, 750g, …) pour 240 millions d’euros – parmi les plus importants acteurs de l’Internet en France (3), quelles sont les intentions de Fimalac Développement vis-à-vis de NextRadioTV ?
« Nos relations avec le groupe Fimalac sont excellentes et il est tout à fait envisageable de, peut-être un jour, développer des collaborations entre le groupe NextRadioTV et celui de Marc Ladreit de Lacharrière. Cependant, chaque entreprise mène son projet digital de façon autonome sans qu’il y ait aujourd’hui de projet commun précis », a expliqué Alain Weill à Edition Multimédi@, en précisant que ses droits de vote avaient baissé « mécaniquement » en raison de la distribution de dividende en actions. « Je considère ne pas avoir de problème de contrôle de la société et il me sera facile, prochainement, et à tous moments, de remonter au-delà des 50 % », nous a-t-il assuré. Sollicité, Fimalac – deuxième actionnaire de NextRadioTV – ne nous a pas répondu. Tout juste sait-on que Webedia, le pôle de médias numériques constitué par Fimalac Développement, vise pour 2015 les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires (contre
80 millions attendus cette année) et veut poursuivre les acquisitions en France et à l’international (4). Il y a un an, on disait Marc Ladreit de Lacharrière tenté par Dailymotion (5). Alors pourquoi pas NextRadioTV, valorisé en Bourse près de 400 millions d’euros ?

Convergence radio-télé-web
Quoi qu’il en soit, Alain Weill veut lui aussi accélérer la croissance de son groupe. Quinze ans après avoir racheté la radio RMC au groupe NRJ, dont il était alors directeur général, il prépare pour 2015 le lancement de RMC TV (6). Cette chaîne
de télévision sera diffusée par ADSL, câble et satellite, et surtout couplée avec la radio RMC. L’ex-Radio Monte Carlo filme déjà depuis quatre ans ses émissions de radio mais, cette fois, le studio radio deviendra un plateau de télévision.
Cette convergence est la spécialité de NextRadioTV : BFM Business est à la fois
de la radio (ex-BFM Radio) et, depuis le lancement en novembre 2010 de la chaîne éponyme, de la télévision. Quant à la chaîne d’information continue BFMTV, laquelle fêtera ses dix ans en novembre, elle établit aussi des synergies audiovisuelles avec la radio RMC. Pour le patron de NextRadioTV, « BFMTV est à la fois un site, une télé et une radio ». RMC Découverte, elle aussi sur la TNT, rediffuse également de la radio. Pionnier en France de l’abolition des frontières entre radio et télé, Alain Weill se défend de faire de la simple « radio filmée » : « Il faut faire de la vraie télévision, et non pas mettre des caméras de surveillance dans les studios », at- il prévenu. Le personnel de la radio est donc formé à la télévision, et la radio est installée dans un vrai studio télé. S’inspirant de ce qui se pratique aux Etats-Unis (CNBC, Bloomberg, …), Alain Weill y trouve son compte : cela lui coûte « beaucoup moins cher » que d’avoir deux matinales (télé et radio) et cela permet à la radio de recruter de nouveaux auditeurs (et vice versa pour la télé).
La convergence s’étend en outre à Internet. BFM Business TV est diffusée en direct sur le site BFMTV.com et sur l’application mobile. Il en va de même pour la radio qui est elle aussi en ligne et en live. Lancé en septembre 2012, BFMTV.com est présenté comme « un site d’information politique générale conçu sur le modèle de CNN.com ». Ce portail est alimenté par une rédaction dédiée, mais aussi par les autres médias du groupe : politique et international (BFMTV), économie (BFM Business), sport et débats (RMC). Il se situe en sixième position des sites web français d’information (7) avec 22 millions de visites, d’après l’OJD au mois de juillet. L’appli mobile, elle, affiche 5,6 millions de visites et place BFMTV.com en huitième position dans cette même catégorie. Et c’est sur la vidéo – convergence audiovisuelle oblige – qu’Alain Weill veut se différencier de la concurrence : il espère atteindre les 50 millions de vidéos vues par mois d’ici fin 2014, y compris sur YouTube et Dailymotion. « BFMTV.com se positionne comme la première marque d’information vidéo sur le web, devant ses principaux concurrents », revendique le groupe (8). Alain Weill veut faire de BFMTV.com l’un des premiers sites multimédias d’information en France. Il vient de débaucher le directeur délégué des rédactions du Figaro, Jean-Michel Salvator, qui chapeautait jusqu’ici Lefigaro.fr et le portail vidéo Figaro TV. Il devient directeur général adjoint de NextRadioTV, directeur de la rédaction de la radio-télé BFM Business, mais aussi directeur de la rédaction de BFMTV.com. Bien que la division digitale – BFMTV.com
et 01net.com (7 millions de visites par mois) – continue de réduire ses coûts, elle est toujours en pertes. « Etant donné l’absence de visibilité sur le marché digital, l’objectif d’atteindre l’équilibre financier est reporté à l’exercice 2015 », a indiqué le groupe lors de la présentation le 31 juillet de ses résultats du premier semestre – où le digital affiche des recettes en recul de 1 %.
Mais le groupe entend bien accélérer les investissements dans le numérique, lequel devrait représenter cette année 10 % du chiffre d’affaires du groupe NextRadioTV (contre 8,7 % des 173,8 millions d’euros réalisés en 2013). Alain Weill a décidé de donner aussi les moyens à la chaîne-phare BFMTV de monter en puissance, maintenant que le CSA a refusé cet été à la chaîne LCI du groupe Bouygues/TF1 de passer en gratuit sur la TNT. « Nous allons porter le budget de la chaîne de 55 millions d’euros en 2013 à 70 millions d’euros, avec un objectif de 2,5 % de part d’audience vers 2015-2016, contre 2 % actuellement », a annoncé fin août le patron du groupe.
Et d’ici fin 2015, la rédaction de BFMTV devrait passer de 250 à 275 journalistes.

De bons résultats malgré la crise
Débarrassé de la menace d’un « LCI gratuit », fort de ses bons résultats du premier semestre (presque doublement du bénéfice net sur un an) et soutenu par des actionnaires solides comme Fimalac, Alain Weill se sent pousser des ailes malgré la crise économique, et son groupe se prépare à franchir la barre des 200 millions d’euros de chiffre d’affaires. @