« Est-ce que l’Arcep sert encore à quelque chose ? », s’interroge Sébastien Soriano, son président

C’est la question la plus pertinente que le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, a lancée lors de son show des conclusions de sa « revue stratégique », le 19 janvier, dans le grand amphithéâtre de La Sorbonne, avec la participation
de Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique.

« Nous devons nous poser la question
de notre valeur ajoutée : est-ce qu’on
sert encore à quelque chose ? », s’est interrogé Sébastien Soriano (photo de gauche), président depuis un an maintenant de l’Autorité de régulation
des communications électroniques et
des postes (Arcep). « Je pense que oui. Mais comment ? », a-t-il ajouté. Alors que cette autorité administrative indépendante (AAI), créée en 1997, va fêter dans un an ses 20 ans,
elle a tenté dans le cadre de sa « revue stratégique » de résoudre son problème existentielle, à savoir quelles seront ses nouvelles missions maintenant que le cycle d’ouverture à la concurrence des télécoms s’est achevé. Tout ce qui faisait la vocation de l’Arcep tend à disparaître : ses compétences historiques étaient d’édicter des règles dites ex ante, c’està- dire établies « au préalable » (a priori) et applicables aux seuls opérateurs télécoms en position dominante sur le marché – Orange (ex-monopole public France Télécom) et dans une moindre mesure SFR. Cette régulation qualifiée d’« asymétrique » consiste à imposer des obligations spécifiques à l’opérateur
« puissant » sur un marché, dans le but de supprimer ou de réduire les « barrières
à l’entrée » et permettre ainsi aux opérateurs concurrents – alternatifs – de s’installer
et de prospérer – surtout lorsqu’il existe une infrastructure essentielle comme c’est le cas de la boucle locale téléphonique encore très largement utilisée pour l’accès à Internet haut débit dans les offres triple play (1).

La concentration des médias s’est accélérée en 2015 ; l’année 2016 garantira-t-elle leur indépendance ?

Le numérique accélère la concentration des médias en France entre les mains
– ce qui est unique au monde – d’industriels et de milliardaires. Cela n’émeut pas vraiment le gouvernement, pourtant garant de l’indépendance et du pluralisme des médias. La question de légiférer ou de réglementer se pose.

Vincent Bolloré, Patrick Drahi, Bernard Arnault, Serge Dassault, Pierre Berger, Xavier Niel, Matthieu Pigasse, Arnaud Lagardère, François-Henri Pinault, Bernard Tapie, … Le point commun entre tous ces milliardaires et industriels français réside dans leur mainmise sur la majeure partie des grands médias français.

« Erreur », « hold-up », … Le fonds Google d’aide à certains journaux divise toujours la presse française

Carlo d’Asaro Biondo, président de Google Europe (EMEA), chargé des partenariats stratégiques, a dû encore défendre le fonds – toujours contesté – d’aide à la presse française d’« information politique et générale », signé en 2013 sous la houlette de François Hollande et prolongé jusqu’au 31 décembre 2016.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Les deux dernières attaques en règle contre le fonds Google pour l’innovation numérique de la presse française sont venues de Hervé Rony, directeur général de la Société civile des auteurs multimédias (Scam), et de Laurent Bérard- Quelin, président du Syndicat de la presse économique, juridique et politique (SPEJP). C’était le 9 décembre dernier lors d’un dîner-débat au Sénat organisé par le Club audiovisuel de Paris, qui avait comme invité d’honneur Carlo d’Asaro Biondo (photo), président de Google pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (EMEA), en charge des partenariats stratégiques. « Je pense que la presse française a commis une erreur monumentale (en 2013), parce que Google a fait un chèque de 60 millions d’euros. C’est comme si
je sortais de mon porte-monnaie 15 euros ! Quand on fait 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires au niveau mondial… », a lancé Hervé Rony. Et le directeur général de la Scam d’enfoncer le clou : « La presse n’a rien résolu du problème du partage de la valeur sur l’échange de données. Le fait est qu’une large part des oeuvres protégées par le droit d’auteur circulent sur Google par le biais d’un lien avec une adresse URL. Cette question-là du partage de la valeur doit être traitée. Or elle ne l’est pas car on
n’a pas trouvé d’issue à ce problème. Il y a un moment où Google ne peut pas s’affranchir… ».

Dernière ligne droite pour le projet de loi « République numérique » avant le Parlement

Alors que le règlement et la directive européens « Protection des données »
ont fait l’objet d’un compromis le 16 décembre en vue d’être adoptés en 2016,
le projet de loi français « République numérique » prend, lui, les devants avec
le contrôle et portabilité des données, et la « loyauté des plateformes ».

Dernière ligne droite pour Axelle Lemaire (photo), secrétaire d’État au Numérique, pour peaufiner le projet
de loi numérique (« loi pour une république numérique »), qui a fait l’objet d’une consultation publique à l’automne dernier. Le texte, dont certaines dispositions de l’avant-projet de loi ont été notifiées dès novembre à la Commission européenne, a été présenté en conseil des ministres le 10 décembre (1), puis examiné le 15 décembre à l’Assemblée nationale par les commissions des affaires culturelles et européennes, puis le sera par les commissions des affaires économiques et affaires sociales le 12 janvier 2016, puis par la commission des lois le 13 janvier.

Piratage sur Internet : pourquoi Mireille Imbert-Quaretta dissuade de recourir aux amendes administratives

Présidente depuis six ans de la Commission de protection des droits (CPD), bras armé de l’Hadopi avec la réponse graduée, Mireille Imbert-Quaretta achève son mandat le 23 décembre. Cette conseillère d’Etat, qui dément la rumeur la faisant briguer la présidence de l’Hadopi, ne veut pas d’amendes sans juge.

Par Charles de Laubier

MIQCe sont des propos de Nicolas Seydoux, révélés par Edition Multimédi@ début novembre, qui ont relancés le débat sur l’amende forfaitaire automatique pour lutter contre piratage sur Internet. « Il n’y a qu’une seule solution : c’est l’amende automatique. Donc, on va essayer de passer un amendement au Sénat sur la nouvelle loi parlant de propriété littéraire et artistique [projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » qui sera débattu
en janvier 2016 au plus tôt, ndlr]. Je ne suis pas sûr que le Sénat votera cet amendement, mais ce dont je suis sûr, c’est que l’on prendra date sur ce sujet », avait confié le président de Gaumont (1) et président de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa).
Son entourage nous a indiqué, début décembre, qu’il était encore trop tôt pour faire état de cet amendement. Infliger des amendes administratives automatiques aux pirates du Net est une vieille idée, apparue bien avant l’Hadopi et poussée par les ayants droits
de la musique (dont le Snep (2)) et du cinéma (dont l’ARP (3)), puis portée dès son élection présidentielle en 2007 par Nicolas Sarkozy. Ce dernier rêvait de transposer
sur Internet sa politique de sécurité routière qu’il avait basée – lorsqu’il fut auparavant ministre de l’Intérieur – sur le déploiement national de radars automatiques, d’ailleurs sans aucun débat parlementaire (4)…