Joël Ronez, groupe Radio France: « Devenir un média de référence sur smartphone et en radio filmée »

Le directeur des nouveaux médias et du Mouv’ à Radio France, Joël Ronez, explique à EM@ comment les sept stations du groupe public de radiodiffusion s’adaptent aux mutations numériques et à la mobilité des auditeurs. Cela passe par les smartphones, les réseaux sociaux et la radio filmée.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Joël RonezEdition Multimédi@ : Vous avez dit, aux rencontres Radio 2.0 du 15 octobre, que la radio avait une décennie d’écart dans le numérique sur la presse écrite : la radio peut-elle rattraper son retard dans les 3 révolutions digitales (écrit, vidéo et réseaux sociaux) ?
Joël Ronez :
Oui, bien sûr. Il ne s’agit pas d’un retard à proprement parler, mais d’un impact de la révolution numérique qui est plus tardif. Nous sommes aujourd’hui dans le grand mouvement de numérisation des médias broadcast, de la musique, et de l’avènement de l’Internet mobile et des smartphones. C’est pour l’écosystème de la radio un vrai défi, mais cela représente aussi de nombreuses opportunités.

EM@ : Quel budget consacrez-vous en 2012 et 2013 au numérique sur l’ensemble de Radio France ?
J. R. :
Environ 6 millions et demi d’euros hors taxes par an sont consacrés à la direction des nouveaux médias, pour le compte de l’ensemble du groupe Radio France, dans les domaines techniques, marketing, éditorial, etc.

EM@ : Votre direction Nouveaux médias et Le Mouv’ ne font plus qu’un : le nouveau Mouv’ prévu en janvier 2014 sera-t-il tout-online ?
J. R. :
Non, Le Mouv’ est et restera une radio. Simplement, son offre se déploiera simultanément sur le web et les mobiles.

EM@ : Radio France, c’est 10.249.000 podcasts téléchargés au mois de septembre (France Inter, France Info, France Bleu, France Culture, France Musique, Le Mouv’ et FIP) : allez-vous les monétiser ? Allez-vous par ailleurs lancer des webradios ?
J. R. :
Nous n’avons pas vocation, à court terme, à faire accompagner l’écoute de nos podcasts de publicité. Les revenus publicitaires sont importants pour Radio France, mais complémentaires, étant donné que nous sommes principalement financés par la redevance audiovisuelle [L’Etat a versé 610 millions d’euros en 2012 à Radio France,
qui a dégagé un bénéfice net de 3,1 millions, ndlr]. La stratégie numérique de Radio France consiste à proposer, dans le champ du web, des produits et offres respectant
les nouveaux modes de consommation des auditeurs, et en leur apportant une plus-value. Nous allons ainsi lancer en début d’année 2014 un nouveau site, RF8, qui permettra de découvrir la richesse musicale de Radio France. Il ne s’agira pas pour autant d’une webradio linéaire, mais de bien plus que cela.

EM@ : Vous suivez le « bruit twitter » généré par Radio France (Twitter.radiofrance.fr) : ce flux a-t-il vocation à être monétisé ?
J. R. :
Nous ne cherchons pas à monétiser le « bruit twitter », mais à faire en sorte que nos auditeurs et internautes puissent interagir avec nos programmes par ce biais, et assurer également leur diffusion.

EM@ : La radio ne peut pas parler de second écran comme la télé : aussi, comment les radios de Radio France se déploient sur les écrans compagnons ?
J. R. :
La radio ignore en effet la notion de second écran : nous démarrons avec notre premier écran ! L’objectif est d’être un média de référence dans l’univers du smartphone, sur les contenus audio, tout en proposant également une offre vidéo la plus riche possible, avec de la radio filmée, mais aussi des production vidéo propres.

EM@ : Europe 1 revendique 14 heures de direct vidéo par jour. Comment les stations de Radio France proposent de la vidéo, entre la radio filmée des programmes de flux, le reportage vidéo et les programmes vidéo proches de la TV ? La radio ne va-t-elle perdre son âme à concurrencer la télé et à être diffusée sur les plateformes vidéo ?
J. R. :
Nous diffusons des extraits de nos programmes sur YouTube et Dailymotion depuis plus de cinq ans, et nous avons vocation à accroître l’offre. Tout ne peut pas et
ne doit pas se filmer. Mais les programmes de talk et de flux sont susceptibles d’exister également sous une forme filmée.
A nous d’inventer « l’image de radio » qui respecte la radio ! Cette image de radio n’est pas une image que l’on regard, mais une image sur laquelle on jette un œil. C’est une dimension complémentaire à un programme, et c’est un axe de développement important.

EM@ : Que doivent faire les éditeurs de radios en France pour avoir un même référentiel, afin de lancer un « Radio Player » commun comme en Grande-
Bretagne ?
J. R. :
Il faut se parler, et évoquer le sujet ensemble. Nous sommes favorables à ce genre d’initiative, que j’ai découverte via l’UER [Union européenne de radio-télévision, ndlr] et son groupe de travail « new radio » dont je suis membre.

EM@ : Il y a un peu plus d’un an, le gouvernement décidait de ne pas préempter de fréquences RNT pour Radio France et RFI. Pourtant, Radio France est favorable à
la RNT, contrairement aux radios privées NRJ, RTL, Europe 1 et RMC : pourquoi ?
J. R. :
En terme de média et de loisirs culturels, tout ce qui peut se numériser se numérisera, la radio aussi. Radio France est favorable à un futur numérique, et n’est pas promoteur d’une technologie en particulier (RNT, DAB+, etc.). La radio numérique n’est pas une question technologique, c’est une question stratégique.
Nous avons besoin pour cela d’un consensus entre les acteurs du marché, consensus qui n’existe pas à l’heure actuelle. Mais nous sommes attentifs à la situation, notamment européenne, où la plupart des grands pays ont déployé des multiplex en DAB+.

EM@ : Maintenant que l’arrêté DAB+ a été publié le 28 août, le gouvernement
doit-il changer d’avis ? Croyez-vous en outre à la 4G pour diffuser en broadcast
la radio numérique en mobilité ?
J. R. :
Il appartient au gouvernement de prendre les décisions qu’il juge utile, au regard de la situation qui est complexe. Nous sommes à sa disposition, ainsi qu’à celle de tous les acteurs français de la radio pour en parler. Et quand on parle de l’avenir numérique de la radio, ce n’est pas pour supporter une technologie en particulier mais, à ce stade, d’être attentif à toutes les pistes.

EM@ : Les Assises de la radio – organisées par le ministère de la Culture et de
la Communication et la DGMIC (Premier ministre) – auront lieu le 25 novembre : qu’en attendez-vous ? Le plafond de concentration radio a-t-il un sens à l’heure du numérique ? Par ailleurs, le Sirti réclame 1.000 fréquences FM et celles du Mouv’ : qu’en pensez-vous ?
J. R. :
Tout ce qui fait que les acteurs de la radio discutent ensemble de l’avenir est bon, et les Assises de la radio arrivent à point nommé pour cela. Mais de mon point de vue,
il vaut mieux réfléchir ensemble à un avenir numérique, plutôt que de s’opposer sur un dividende analogique… @

ZOOM

Entre numérique et politique : Radio France en pleine transition
Alors que le mandat du PDG de Radio France, Jean-Luc Hees, se termine en mai 2014,
le groupe de radios publiques est en peine réorganisation du numérique pour adapter les 700 journalistes de la maison ronde au multimédia. Ce n’est pas une mince affaire pour la direction des Nouveaux médias de Joël Ronez. Mais cette évolution vers les nouveaux médias et « l’image de radio » – en plus de l’antenne (1) – se fait non sans mal avec les organisations syndicales, surtout dans cette période de transition (la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public doit être adoptée définitivement le 31 octobre). Parmi les noms de successeurs à Jean-Luc Hees, celui de Bruno Patinot, actuel directeur général délégué aux programmes, aux antennes et aux développements numériques de France Télévisions (à moins que la parité ne plaide en faveur d’une femme, comme Catherine Sueur). En attendant, France Inter et France Info font face à une érosion de leur audience, passant respectivement selon Médiamétrie de 11 % à 9,9 % et de 9 % à 8,2 % sur un an en avril-juin (voir p.10). @

 

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