Copie privée : industriels contre l’extension au cloud

En fait. Le 16 février prochain, le projet de loi « Création » sera voté au Sénat. Dès le 5 février, les industriels du numérique – réunis au sein de l’Afnum, du Sfib, de Tech in France (ex-Afdel) et de Digital Europe – se sont inquiétés des risques de l’extension de la redevance copie privée aux services de cloud.

En clair. Les industriels de l’électronique grand public – Samsung, Apple, Sony, IBM, Cisco, … – ne veulent pas que la rémunération pour copie privée soit étendue aux services de cloud, lesquels permettent aux internautes et aux mobinautes qui le souhaitent de stocker à distance dans le « nuage informatique » leurs contenus multimédias.
Réunis à Paris au sein de l’Afnum, du Sfib et de Tech in France (ex-Afdel), ainsi qu’à Bruxelles dans l’association Digital Europe, les fabricants et importateurs d’appareils numériques – dont ceux qui permettent l’enregistrement numérique et sont de ce fait assujettis à la taxe « copie privée » – ont réagi dès le 5 février pour mettre en garde
le gouvernement contre toute extension de cette redevance pour copie privée « en affectant l’ensemble des services numériques en ligne ». Selon eux, « cette disposition engendrerait un risque juridique pour l’écosystème des oeuvres culturelles numériques et économique pour les entreprises concernées ». Les industriels réagissaient à un amendement daté du 21 janvier (« Com-5 »), adopté par la commission de la Culture du Sénat pour devenir l’article « 7 bis AA » – modifié ensuite lors des débats du 10 février (1) – du projet de loi « Création ». Il soumet à la taxe « copie privée » tout service de communication au public en ligne lorsque celuici fournit à une personne physique, et par voie d’accès à distance, la possibilité de faire elle même des copies
ou des reproductions d’oeuvres ou de programmes audiovisuels, lesquelles « sont stockées sur un serveur distant contrôlé par l’éditeur concerné ». Cette disposition prévoit donc que l’intervention d’un tiers dans l’acte de copie n’interdit pas de considérer que ces copies puissent être qualifiées de copie privée, remettant ainsi
en cause la jurisprudence dite « Rannou-Graphie » de 1984 qui subordonne jusqu’à maintenant l’application du régime de la copie privée à une personne qui est soit celle réalisant la copie, soit la bénéficiaire de la copie réalisée (2) – ce qui excluait jusqu’à maintenant le cloud de la taxe pour copie privée au grand dam des ayants droits (3).
« Descendez de mon nuage ! », a aussi lancé le 5 février l’association Digital Europe qui s’est alarmée des projets législatifs d’« une France faisant cavalier seul » et qui exhorte le gouvernement français à travailler plutôt avec la Commission européenne pour réformer la copie privée. @

Jean-Noël Tronc (Sacem) milite pour un système « copie privée » planétaire, étendu au cloud

Le directeur général de la Sacem, Jean-Noël Tronc, a plaidé le 3 décembre dernier – au siège de l’Unesco à Paris – en faveur d’un système « planétaire » de rémunération pour copie privée. Il pousse en outre la France à légiférer pour étendre la copie privée aux services en ligne de cloud computing.

« La rémunération pour copie privée, est un système qui pourrait être planétaire et qui a l’avantage de ne pas peser
sur les finances publiques, tout en concernant tous les genres d’arts. Elle peut être mise en oeuvre dans tous les pays du monde », a affirmé Jean-Noël Tronc (photo), DG de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), également vice-président de l’équivalent européen Gesac (1), organisation-sœur de la confédération internationale Cisac (2).

Cloud PVR, nPVR, Cloud TV, … Les chaînes TV gratuites menacées

En fait. Le 16 décembre dernier, se tenaient les 9e Assises de la convergence des médias – organisées par l’agence Aromates – sur le thème de « Audiovisuel français : la transformation par le cloud« . Les chaînes de télévision gratuites, comme M6, sont les premières à s’inquiéter de la publicité « skippable » dans le cloud.

Valéry GerfaudEn clair. La grande crainte des chaînes gratuites de télévision, telles que TF1, M6 ou celles de France Télévision, c’est le Cloud PVR – ces magnétoscopes numériques personnels en ligne dans le nuage informatique aux capacités de stockage illimitées – ou nPVR (Network Personal Video Recorder). Il s’agit d’un nouvel usage émergent grâce aux services de cloud grand public.
Cette capacité illimitée de « copie privée » à distance donne, d’un côté, des sueurs froides aux chaînes de télévision linéaires, et de l’autre, des possibilités infinies aux téléspectateurs désireux de s’affranchir des grilles de programmes et des coupures publicitaires intempestives. « Si l’on ne protège pas les revenus publicitaires des chaînes TV et leur capacité à rémunérer les ayants droits, on met totalement en danger l’écosystème de la télévision gratuite », s’est alarmé Valéry Gerfaud (photo), directeur de M6 Web, aux 9e Assises de la convergence des médias.

Fleur Pellerin promet de poursuivre la réflexion sur une éventuelle taxe « copie privée » sur le cloud

La ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, s’est engagée
à l’Assemblée nationale d’« approfondir la réflexion sur l’assiette de la rémunération pour copie privée ». La proposition de taxer le « nuage informatique » devrait revenir en deuxième lecture du projet de loi « Création ».

« Je m’engage à prendre les initiatives nécessaires pour que le ministère puisse entamer cette réflexion dans les meilleurs délais », a promis le 30 septembre dernier Fleur Pellerin (photo) au député (PS) Marcel Rogemont, lequel avait déposé avec la députée (PS) Martine Martinel un amendement proposant d’étendre au nuage informatique (cloud) la rémunération pour copie privée. Cette taxe est jusqu’à maintenant prélevée auprès des consommateurs sur le prix public lors de l’achat des appareils dotés d’un support de stockage numérique (DVD, clés USB, smartphones, tablettes, …), susceptibles d’enregistrer des oeuvres (musiques, films, livres, …) dans le cadre légal de la copie privée prévu dans le cercle restreint et familial (exception au droit d’auteur).

Quatre projets de loi en vue traitant du numérique

En fait. Depuis le 26 septembre, la loi « République numérique » est soumise à consultation publique. Depuis le 28 septembre, la loi « Création » est débattue à l’Assemblée nationale. Le 6 octobre, sera présentée la loi « Informations du secteur public ». En attendant la loi « Macron II » début 2016.

En clair. C’est une avalanche de projets de loi dédiés, tout ou partie, au numérique. Premier arrivé devant le Parlement sur les quatre en lice : le projet de loi « Liberté de
la création, architecture et patrimoine », dont les débats à l’Assemblée nationale ont
eu lieu du 28 septembre au 1er octobre. Ce texte un peu fourre-tout, portée par la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, prévoit un meilleur
« partage de la valeur » et une « rémunération équitable » dans la musique en ligne à l’heure du streaming (1) et des webradios, ainsi que la mise en place d’un « médiateur de la musique » en cas de conflits (2). A la suite de la mission Schwartz, un accord sur la répartition des revenus du streaming avec une « rémunération minimale » devait être signé le 2 octobre, sans l’Adami et la Spedidam (artistes-interprètes) qui le contestent. Le projet de loi, lui, prévoit en outre de faciliter l’accès aux catalogues des producteurs de musique pour les petites plateformes numériques. Parmi les amendements, celui
du député (PS) Marcel Rogemont qui étend la taxe « copie privée » au cloud, fait polémique entre ayants droits et industriels de la high-tech. Côté cinéma, est prévu
plus de transparence des comptes de production et d’exploitation des films – y compris numériques (VOD, SVOD, replay, etc). Autre projet de loi, celui de la « République numérique » porté par la secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire. Ce texte, soumis à consultation publique des internautes jusqu’au 17 octobre (Republiquenumerique. fr) et attendu en janvier 2016 au Parlement, entend affirmer le principe de la neutralité de l’Internet, au respect duquel l’Arcep sera chargée de veiller. Sont également prévus : la portabilité de ses données numériques (e-mails, photos, contacts, …) d’un prestataire numérique à un autre, la loyauté des plateformes en lignes (dont le déréférencement), le droit à l’oubli et à la mort numérique, ou encore l’ouverture des données publiques (open data).