Le ministère de la Culture et l’Arcom (ex-CSA+ Hadopi) scrutent les usages « Google Images »

La nouvelle ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) se penchent sur les usages de la photographie en ligne, à la lumière d’une étude présentée le 8 juin dernier. Pour relancer le projet de taxe « Google Images » ?

Si l’étude de l’Arcom sur la photographie en ligne – en deux parties, l’une sur le volet économique et l’autre sur les usages des internautes – fait grand cas de Google Images, qui est « de loin le moteur de recherche le plus utilisé pour la recherche d’images », aucune mention n’est cependant faite sur l’ancien projet de redevance sur les images indexées par les Google, Yahoo, Microsoft Bing ou autres Qwant. Cette taxe « Google Images » est bien prévue par la loi « Création » du 7 juillet 2016. Mais depuis six ans, elle n’a jamais vu le jour. A la lumière de l’étude de l’Arcom, le ministère de la Culture va-t-il finalement l’instaurer ?

Demander des comptes aux moteurs Pour mémoire, loi « Création » du 7 juillet 2016 prévoit en effet un « dispositif relatif aux services automatisés de référencement d’images », à la suite d’un amendement déposé par Jean-Pierre Leleux, alors sénateur, et adopté : « Cet amendement vise à instaurer un mécanisme permettant d’assurer la rémunération des auteurs d’œuvres d’art plastiques, graphiques et photographiques ou de leurs ayants droit pour les images que les moteurs de recherche et de référencement s’approprient aujourd’hui sans autorisation et mettent à la disposition du public sur Internet », était-il justifié (1).
Un projet de décret avait ensuite été notifié, le 5 septembre 2016, à la Commission européenne (2). Mais c’était sans compter sur un avis négatif du Conseil d’Etat qui, en février 2017, a pointé « les risques juridiques » (3) au regard notamment d’une décision du 16 novembre 2016 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Celle-ci estimait qu’un tel mécanisme de gestion collective obligatoire applicable aux moteurs de recherche d’images ne pouvait pas être mis en œuvre à un niveau national sans être expressément autorisé par le droit européen. L’affaire en était restée là, jusqu’à ce que la directive européenne de 2019 sur « le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique » ne permette ces « licences collectives » – dans son article 12 justement (4). Et depuis un an, en France, la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) se verrait bien – avec la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF) – être le gestionnaire de cette taxe « Google Images » (5). Cela fait maintenant un an – depuis le 7 juin 2021 – que la directive « Copyright » est censée être transposée par chacun des Vingt-sept, et la France se fait fort de l’appliquer en premier. Présentée par Raphaël Berger (photo), directeur de la création à l’Arcom et ancien directeur des études et de l’offre légale à l’Hadopi (laquelle a fusionné avec le CSA pour former l’Arcom au 1er janvier 2022), cette étude sur la photographie en ligne a été réalisée dans le cadre de sa mission « d’observation des usages en ligne et d’évaluation des mesures de protection des œuvres sur les plateformes de partage de contenus ». L’un des principaux constats est que « Google est de loin le moteur de recherche le plus utilisé pour la recherche d’images » (83 % des 15 ans et plus, voire 88 % des 50-64 ans et plus), loin devant Yahoo, Microsoft Bing ou Qwant.
Leurs trois premiers avantages : le large choix de photos, la possibilité de trouver des photos libres de droit, et la possibilité de faire une recherche précise par mots-clés. En revanche, relève l’Arcom, « le fait que les photos ne soient pas toujours libres de droit constitue le principal reproche formulé à l’encontre des moteurs de recherche ». Quant aux réseaux sociaux, ils sont aussi utilisés pour rechercher des photos – Facebook (57 % des 15 ans et plus, voire 73 % des 65 ans et plus), Instagram et YouTube étant en tête des usages « photographiques ». Globalement, l’Arcom signale que « plus de la moitié [52 %] de ceux recherchant des photos en ligne ont déjà entendu parler des mesures techniques de protection (MTP) qui permettent de protéger les œuvres en empêchant la copie non autorisée ». En revanche, les métadonnées des photos sont relativement peu connues : seuls 16 % savent de quoi il s’agit (6).

Entre « sites illicites » et droit d’auteur
Autre enseignement : plus d’un tiers des internautes (35 %) qui recherchent des photos en ligne déclarent avoir recours à des « sites illicites » pour rechercher des photos. Mais ce qui saute aux yeux, d’après l’étude de l’Arcep, c’est la « bonnes connaissances relatives » sur le droit d’auteur (7) pour 60 % des internautes. Dommage que l’Arcom n’ait pas saisi l’occasion de cette étude pour demander aux internautes leur avis sur l’éventualité d’une taxe « Google Images » versés par les moteurs de recherche et les réseaux sociaux aux auteurs et photographes via des organismes de gestion collective des droits. @

Charles de Laubier

DRM en cause : près de 500 signalements à l’Hadopi

En fait. Le 12 juillet, l’Hadopi a indiqué à Edition Multimédi@ que le seuil des 500 signalements d’utilisateurs ayant rencontré des problèmes provoqués par les DRM (Digital Rights Management) devrait être dépassé avant la fin de cet été.
Le formulaire de dépôt de plaintes a été mis en ligne courant juin.

En clair. Selon nos informations, l’Hadopi reçoit en moyenne 5 à 12 signalements par jour provenant de son formulaire « DRM » (1) qu’elle a mis en ligne avant l’été afin de faire remonter les problèmes de lecture, de copie ou de transfert d’œuvres numériques : musique, film, série, livre, photo, jeu vidéo, logiciel, … Ces obstacles peuvent être dus à des mesures techniques de protection (MTP) ou DRM (Digital Rights Management), lesquelles permettent aux industries culturelles de protéger les œuvres et d’en empêcher le piratage.
L’Hadopi nous indique avoir enregistré près de 250 signalements en moins d’un mois depuis le lancement du questionnaire : «A ce rythme, le seuil des 500 signalements sera dépassé d’ici la fin de l’été. Ce nombre est propre à fournir un échantillon suffisamment représentatif ». A partir de ces premiers signalements, l’Hadopi va
« analyser la typologie des difficultés les plus fsouvent évoquées par les internautes,
et favoriser des solutions adaptées aux requêtes les plus fréquentes et les mieux justifiées ». La première cartographie de ces MTP porte actuellement sur le livre numérique, en coopération avec le Syndicat national de l’édition (SNE). Premières décisions au troisième trimestre. De par la loi (2), l’Hadopi – héritière en 2009 des pouvoirs de régulation des MTP, auparavant confiés à l’ex- ARMT créée en 2006
– doit faire en sorte que ces verrous numériques ne limitent pas les usages « au-delà de ceux correspondant aux besoins exprimés par les titulaires de droits ». Autrement dit, l’autorité de la rue du Texel est tenue de veiller et d’empêcher que les œuvres ne soient pas verrouillées au détriment du droit des consommateurs à la copie privée (exception au droit d’auteur). De plus, bien que la directive européenne DADVSI de 2001 ne le prévoit pas (3), elle veille aussi à ce que les MTP n’empêchent pas l’interopérabilité. Depuis sa création, l’Hadopi n’a été saisie que quatre fois (trois avis
et un règlement de différend) sur des questions d’interopérabilité (VideoLan), de MTP
(à la BnF), de copie privée (programmes TV) et d’exception pour les handicapés. Désormais, les utilisateurs (4) peuvent saisir en ligne l’Hadopi sur ces problèmes de DRM. Le site Offrelégale.fr a d’ailleurs recueilli 1.500 commentaires à ce propos depuis son ouverture en 2013. Mais, comme l’a montré en 2016 une étude GfK pour l’Hadopi, la majorité des consommateurs ignore ce dont il s’agit (lire aussi p. 5). @