Warner Music Group (Access Industries) en Bourse sert de lièvre pour Universal Music Group (Vivendi)

L’entrée en Bourse réussie le 3 juin de la troisième major mondiale de la musique enregistrée, Warner Music, est de bon augure pour la première major du secteur, Universal Music, dont la maison mère Vivendi prévoit sa cotation « au plus tard début 2023 ». A moins que Vincent Bolloré n’accélère.

Maintenant qu’il n’est plus accaparé par le groupe Lagardère, dont il a fait l’acquisition de 10,6 % du capital, grâce à la vente finalisée le 31 mars dernier de 10 % du capital de sa filiale Universal Music Group (UMG) au chinois Tencent, le groupe Vivendi présidé par Vincent Bolloré (photo de droite) prépare l’introduction en Bourse de sa filiale musicale qu’il prévoit « au plus tard début 2023 ». La cotation boursière réussie au Nasdaq à Wall Street de sa rivale et troisième « maison de disques » mondiale Warner Music Group (WMG) incitera-t-il le milliardaire breton à accélérer la cadence vers la mise en bourse du numéro un mondial de la musique enregistrée ?

Bourses : l’attentisme de Vincent Bolloré
« Vivendi s’en tient à ce que nous avions indiqué », a répondu un porte-parole de Vivendi à Edition Multimédi@. Vincent Bolloré a plus une culture du capitalisme familial qu’une culture du capitalisme boursier. Par le passé, le président du groupe Bolloré – devenu principale actionnaire de Vivendi – avait déjà fait preuve de prudence, voire d’attentisme, visà- vis de la Bourse dont il se méfie. Déjà, en 2017, l’homme d’affaires avait indiqué qu’il préférait « attendre le moment le plus opportun » avant d’envisager d’introduire « une part minoritaire » à l’époque d’Universal Music.
Mais l’année suivante, il met le projet en stand-by, estimant l’opération « trop complexe » et privilégiant la recherche de « partenaires stratégiques » pour leur céder « jusqu’à 50%» du capital d’Universal Music. La cession cette année de 10% de sa pépite musicale à Tencent, pour près de 3 milliards d’euros (la valorisant 30 milliards d’euros au total) avec une option d’achat de 10 % supplémentaires que le consortium mené par le chinois (1) peut lever d’ici le 15 septembre 2021, procède de cette stratégie de partenariats industriels. Et Vincent Bolloré, qui a mis son fils Yannick à la présidence de Vivendi, n’en restera pas là : « Vivendi poursuit l’éventuelle cession de participations minoritaires supplémentaires dans UMG avec l’assistance de plusieurs banques qu’il a mandatées, avait indiqué le groupe lors de son deal avec Tencent. Une introduction en Bourse est prévue au plus tard début 2023. Vivendi a l’intention d’utiliser la trésorerie issue de ces différentes opérations pour un programme significatif de rachats d’actions et des acquisitions ». Si Warner Music a pu lever 1,93 milliard de dollars dans le cadre de son IPO (Initial Public Offering), ce qui en fait la plus importante opération boursière depuis le début de l’année aux Etats- Unis, la future IPO d’Universal Music s’annonce bien plus grosse. La major américaine est valorisée à l’issue de l’opération quelque 12,7 milliards de dollars, tandis que la major « française » (basée à Santa Monica en Californie) l’est actuellement à plus de 39,7 milliards de dollars. De plus, UMG a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 8,1 milliards de dollars (7,1 milliards d’euros), soit près de deux fois que les 4,5 milliards de dollars de WMG. Et le résultat opérationnel du premier est de 1,3 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) et celle du second est bien moindre à 356 millions de dollars.
Pour autant, l’entrée en Bourse de Warner Music est une réussite pour son propriétaire le fonds Access Industries du milliardaire anglo-américain d’origine russe Leonard Blavatnik (photo de gauche), qui en reste l’actionnaire majoritaire (2). Le prix d’introduction du titre « WMG » avait été fixé à 25 dollars par action : celle-ci s’est envolée et vaut aujourd’hui plus de 32 dollars (3) pour une valorisation boursière de 16,6 milliards de dollars (au 18-06-20). De son côté, Universal Music continue de tirer la valorisation de sa maison mère Vivendi, laquelle est valorisée à la Bourse de Paris l’équivalent de 30,5 milliards de dollars, en l’occurrence 27,2 milliards d’euros (4). Cela voudrait dire que Universal Music vaut 92 % de la valorisation boursière de sa maison mère Vivendi ! En 2017, Universal Music pesait plus de 70% de la valorisation de sa maison mère (5). Autrement dit, les autres actifs de Vivendi – tels que Canal+, Havas, Editis ou Gameloft – sont aujourd’hui soit largement sous-évalués, soit ils ne valent plus grand-chose…

UMG, SME et WMG surfent sur le streaming
Quoi qu’il en soit, WMG et UMG ainsi que la troisième major du « Big Three » musical mondial, SME (Sony Music Entertainment, non coté en Bourse), surfent sur la vague du streaming qui est devenu leur première source de revenus, tandis que les téléchargements et les ventes physiques continuent de décliner. En 2019, les plateformes de streaming (Spotify, Deezer, Apple Music, Amazon Music, YouTube Musique) ont généré chez UMG 59 % des revenus de la musique enregistrée, laquelle est l’une de ses trois activités avec l’édition musicale et le merchandising. @

Charles de Laubier

Vivendi a encore déprécié sa filiale Dailymotion, de 68 millions d’euros dans ses résultats 2019

Dailymotion a 15 ans d’existence, la plateforme vidéo française ayant été créée le 15 mars 2005 par Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey. Mais le « YouTube » français, dévalorisé, continue encore de perdre de l’argent. Ses partenariats avec des éditeurs en Europe et aux Etats-Unis se multiplient.

(Après cet article paru dans EM@ n°234, Huawei et Dailymotion ont annoncé le 26 mai que le chinois intègre désormais la solution technologique vidéo du français)

« Vivendi a comptabilisé en 2019 une dotation pour dépréciation du compte courant de Dailymotion à hauteur de 68 millions d’euros », peut-on lire dans le document d’enregistrement universel 2019 de Vivendi, publié le 12 mars dernier. Ce n’est pas la première fois que le groupe multimédia de Vincent Bolloré procède à une dévalorisation de sa filiale Dailymotion. Dans son document de référence 2018 cette fois (1), Vivendi avait déjà dû comptabiliser une dépréciation de Dailymotion d’un montant de 73 millions d’euros, tout en consentant en plus à sa plateforme vidéo « un abandon de créance de 55 millions d’euros ».

Dailymotion a perdu la moitié de sa valeur
Autrement dit, financièrement, le « YouTube » français ne vaudrait plus que 130 millions d’euros au titre de l’année 2019. Soit moins de la moitié de sa valeur d’achat. Car si Dailymotion a 15 ans d’existence maintenant, son rachat par le groupe Vivendi date d’il y a 5 ans maintenant : c’est en juin 2015 qu’Orange lui vend dans un premier temps 90 % du capital de la plateforme vidéo pour 271,25 millions d’euros, avant de lui céder en juillet 2017 les 10 % restants pour 26 millions d’euros supplémentaires. Au total, Dailymotion aura coûté à l’achat à Vivendi près de 300 millions d’euros (2). Et encore, la valorisation de la plateforme française d’agrégation et de diffusion de contenus vidéo est peut-être bien moindre au regard de ses performances financières. Or Vivendi ne publie plus depuis deux ans le chiffre d’affaire de Dailymotion, ni ses pertes qui se sont creusées. Et ce, alors que Maxime Saada (photo), directeur général du groupe Canal+ depuis septembre 2015, est devenu aussi en mars 2017 président du conseil d’administration (3) de la plateforme vidéo qu’il a reprise en main. Les derniers résultats rendus publics de Dailymotion remontent à 2018 dans le document de référence de 2017 : Dailymotion affiche alors un chiffre d’affaires de seulement 43,2 millions d’euros, en chute de 26 % sur un an, avec une perte de 75,2 millions d’euros (contre 42,3 millions l’année précédente). La valeur comptable de Dailymotion dans les comptes de Vivendi était encore de 271,6 millions d’euros (grosso modo le prix d’achat), dont 80 millions d’euros pour la marque « Dailymotion » et 9 millions d’euros pour sa technologie. Depuis deux ans, Dailymotion se retrouve relégué dans les comptes de Vivendi dans les « Nouvelles Initiatives » aux plus de 700 salariés. Outre la plateforme d’agrégation de vidéo, l’on y trouve aussi Flab Prod (société de production vidéo rachetée en 2016 par Vivendi et également présidée par Maxime Saada), Flab Presse (agence de presse affiliée à Flab Prod), Vivendi Content (filiale de création de nouveaux formats, dont des vidéos pour mobile produites par Studio+ jusqu’à sa fermeture de ce dernier sur un échec (5)), ainsi que GVA (filiale du groupe, fournisseur d’accès à Internet en Afrique). Toutes ces entités « Nouvelles Initiatives » très disparates totalisent ensemble un chiffre d’affaires de 71 millions d’euros en 2019 – affichant une croissance assez faible de 7,5 % sur un an. Mais le résultat opérationnel de cet ensemble improbable accuse une perte de 65 millions d’euros, toujours l’an dernier, en amélioration tout de même par rapport à la perte de quelque 100 millions d’euros en 2018. Dailymotion pèse pour une bonne part dans cet agrégat fourre-tout.
Le « YouTube » français revendique à fin 2019 un total de plus de 350 millions d’utilisateurs mensuels dans le monde, en hausse de 20 % en deux ans. Selon la mesure d’audience « Internet global » de Médiamétrie en France, Dailymotion se retrouve à la 39e place avec 16,7 millions de visiteurs uniques sur le mois de mars, dont 63,7 % sur smartphone, 26,9% sur ordinateur et 23,6 sur tablette. Alors que YouTube, la filiale de Google, affiche 47,6 millions de visiteurs uniques sur le même mois – soit le double. Dailymotion entend « se distingu[er] des autres plateformes d’agrégation vidéo », notamment en se concentrant sur les 18-49 ans – « cible non-prioritaire pour les services vidéo en ligne existants mais stratégique pour les annonceurs » – et sur des contenus provenant d’éditeurs (actualités, divertissement, musique et sport).

Le pari des partenariats et de l’international
Vivendi espère sortir Dailymotion de l’ornière en multipliant les partenariats avec « des éditeurs mondiaux de contenus de premier plan » : en 2019, la plateforme vidéo en a noué plus de 280, dont 70 aux Etats-Unis. Parmi eux : Le Monde ou Konbini (6) en France, Gruner+Jahr en Allemagne, Hearst aux Etats-Unis, JPI Media en Grande-Bretagne, Meredith aux Etats-Unis, ou encore côté sports la MLB (baseball), la NHL (hockey) ou la Nascar (courses automobiles). Dailymotion essaie aussi de trouver de nouvelles audiences partout dans le monde, comme en Indonésie, à Taïwan ou encore au Mexique. @

Charles de Laubier

L’e-sportmondial a franchi 1 milliard de dollars de revenus, tandis que la première teamentre en Bourse

La société danoise Astralis est cotée au Nasdaq de Copenhague depuis le 9 décembre. C’est la toute première équipe (team) de e-sport au monde à entrer en Bourse. Historique. Cela illustre plus que jamais le dynamisme de ce marché du sport électronique, qui pèse plus de 1 milliard de dollars.

Selon le cabinet d’études néerlandais Newzoo, le marché mondial du e-sport va franchit pour la première fois en 2019 la barre du milliard de dollars de chiffre d’affaires, pour s’établir à près de 1,1 milliard. Et selon ses prévisions, la croissance à deux chiffres devrait se poursuivre au rythme de 20 % par an pour atteindre près de 1,9 milliard de dollars en 2022. « La forte croissance du marché crée une pléthore d’opportunités que le groupe Astralis est bien placé pour exploiter grâce à son approche hautement professionnalisée de l’e-sport », se félicite l’entreprise danoise Astralis.

Un écosystème prometteur mais risqué
L’origine d’Astralis Group, coté depuis le 9 décembre à la Bourse de Copenhague et actuellement valorisé près de 500 millions de couronnes danoises (1), remonte à près de quatre ans, lorsque Nikolaj Nyholm (photo), l’actuel directeur général, et Jakob Lund Kristensen, ont cofondé la société Rfrsh dans le e-sport. Astralis a pris sa forme actuelle en août dernier et est propriétaire de trois équipes (team) à travers différents titres de e-sport : Astralis (« Counter- Strike »), Origen (« League of Legends ») et, récemment lancé, Future FC (« Fifa »). « Les deux premières équipes sont connues pour leur performance compétitive record et la seconde pour ses membres de haut rang », précise le groupe, qui joue cependant la prudence comme il se doit vis-à-vis des investisseurs et boursicoteurs : « Il n’est pas garanti que le marché des sports électroniques va croître comme prévu. Son avenir, et donc aussi le nôtre, dépend des décisions et des initiatives prises par d’autres acteurs dans les écosystèmes de l’e-sport ».
Le groupe Astralis est en effet dépendant des éditeurs de jeux vidéo au niveau des ligues (leagues) et des tournois (battle), ainsi que des médias dans la diffusion des compétitions (en live ou en VOD) et la monétisation des téléspectateurs (fans en tête). Les revenus du sport électronique proviennent des investissements des marques (droits de diffusion des médias, publicité, sponsoring), des royalties sur l’édition des jeux de e-sport (dont des achats in-game), produits dérivés et des billetteries. « Astralis est la seule équipe au monde à s’être maintenue n°1 sur un total de 86 semaines consécutives (2). Astralis a remporté le tournoi “The Majors”, plus de fois que toute autre équipe dans l’histoire », fait tout de même valoir le groupe danois. Les marques déjà bien établies, Astralis et Origen, s’appuient sur les réseaux sociaux pour assurer une audience élevée durant les matchs. Plus de 300.000 abonnés sur Instagram et 240.000 followers sur Twitter suivent Astralis, dont l’équipe « Counter-Strike » a été la plus regardée en 2018 d’après Esports Charts : 40 millions d’heures regardées sur des plateformes vidéo en ligne comme Twitch (Amazon) et YouTube (Google). Quant à la marque Origen, qui a démarré en 2019, elle a déjà réuni une base de fans conséquente sur Twitter (740.000followers) et sur Instagram (70.000 abonnés). « L’engagement des fans des équipes du groupe Astralis dans les médias sociaux – mesuré par le nombre de mentions “J’aime” ou de partages sur les médias sociaux – est très fort par rapport aux autres équipes sportives traditionnelles. L’engagement des fans peut servir d’indicateur de l’influence de la marque : Astralis atteint environ 5 % d’engagement et Origen environ 2 %, comparativement à 0,8 % pour Manchester United et à 0,9 % pour les Knicks de New York », indique le groupe danois en s’appuyant sur des relevés d’Instagram.
Les partenariats commerciaux – comme avec Audi, Jack & Jones, Turtle Beach, Omen par HP ou encore Unibet – représentent la plus grande partie des revenus de l’entreprise (70 % en 2020), qui affiche un chiffre d’affaires 2018 de près de 5 millions d’euros pour une perte nette de 1 million d’euros (3). Viennent ensuite les affiliations aux ligues et aux tournois e-sport, avec en général un minimum garanti à chaque événement (20 % des revenus en 2020), Origen ayant par exemple une exclusivité avec l’éditeur de jeux vidéo Riot Games (« League of Legends »). Il y a aussi les produits dérivés (merchandising) dont des vêtements fabriqués par Jack & Jones (2 % des revenus en 2020). Le groupe Astralis veut continuer à se développer au Danemark, mais aussi en Espagne et en Amérique du Nord.

Le marché français bientôt en ligne de mire ?
En revanche, le groupe danois ne mentionne pas la France dans son prospectus boursier (4) pour son expansion internationale. Pourtant, l’e-sport y est dynamique. La Team Vitality française (créée en 2013), qui illustre l’intérêt des investisseurs pour les clubs de l’Hexagone, a levé 20 millions d’euros auprès du milliardaire indien Tej Kohli en novembre 2018, puis 14 millions d’euros auprès de Rewired.GG (fonds « e-sport » lancé par ce dernier) en novembre dernier. @

Charles de Laubier

Lagardère cède pour au 1 milliard d’euros d’actifs, mais préserve son pôle News – dont Europe 1 mal-en-point

Alors que l’assemblée générale du groupe Lagardère se tient le 10 mai, les actionnaires surveillent comme le lait sur le feu la stratégie de recentrage engagée il y a un an par Arnaud Lagardère. La sortie progressive des médias – hormis le pôle News (Europe 1, Paris Match, Le JDD, …) –, de la télévision et de la production devrait rapporter 1 milliard d’euros.

Europe 1 a vu au cours des deux dernières années ses audiences chuter de façon spectaculaire, passant de plus de 10 % il y a dix ans à moins de 6 % aujourd’hui – reculs qualifiés d’ « accidents industriels ». La radio-phare du groupe Lagardère fait partie, avec RFM et Virgin Radio, du pôle News où l’on retrouve aussi Paris Match, Le Journal du Dimanche, la régie publicitaire et l’activité de gestion de licences de la marque Elle. Ce pôle News est l’un des cinq pôles (avec le pôle Presse, le pôle TV, le pôle Production et distribution audiovisuelles, le pôle Pure Players et BtoB) issus de Lagardère Active que dirigeait entièrement Denis Olivennes, jusqu’au jour où Arnaud Lagardère (photo) a lui-même repris  les rênes du pôle News en juin 2018 avant de les donner à Constance Benqué en décembre. A part ce pôle News, les quatre autres pôles sont en cours de cession, ou vont l’être, dans le cadre du « recentrage stratégique du groupe sur Lagardère Publishing et Lagardère Travel Retail » engagé depuis un an maintenant.

De nouvelles cessions en vue cette année, dont Gulli à M6
La cession du pôle presse au groupe CMI du milliardaire tchèque Daniel Kretínsky (1) est intervenue le 14 février (2). Billetreduc.com a été cédé le 28 février au groupe Fnac Darty et Plurimedia à Media Press Group. Des actifs radios en Afrique du Sud (3), l’ont été en début d’année. Et ce n’est pas fini : la production audiovisuelle de Lagardère est aussi en vente : « La cession devrait intervenir dans l’année 2019 ». Concernant les chaînes de télévision à l’exception de Mezzo, à savoir Gulli et ses déclinaisons internationales, Canal J, TiJi, Elle Girl TV, MCM, MCM Top, RFM TV et les régies publicitaires associées, « le groupe est entré en négociations exclusives avec le groupe M6 le 31 janvier 2019 ». Arnaud Lagardère en espère 200 à 230 millions d’euros. L’an dernier, Marie Claire, MonDocteur, Doctissimo, ainsi que des radios en République tchèque, Pologne, Slovaquie, Roumanie et au Cambodge avaient déjà quitté le giron de Lagardère. « Nous allons avoir 1 milliard d’euros grâce aux cessions », a indiqué Arnaud Lagardère le 13 mars lors Continuer la lecture

Kazuo Hirai va quitter Sony, dont il est président, au moment où la pression des GAFAN se fait plus intense

Et si Sony vendait son studio de cinéma à Apple ? C’est l’un des scénarios possibles, maintenant que la plateforme de SVOD Apple TV+ est annoncée pour l’automne. Encore faut-il que Kenichiro Yoshida, nouveau PDG depuis un an du géant japonais de l’électronique, soit vendeur… Pour l’heure, tous ses efforts se concentrent sur la future PS5.

Le président de Sony, le visionnaire Kazuo Hirai (photo), a passé il y a un an la direction exécutive du groupe à son directeur financier, Kenichiro Yoshida. « Kaz », comme on le surnomme, quittera définitivement en juin prochain la firme de Tokyo où il a passé 35 ans de sa vie. Ce départ, qui finalise la passation de pouvoirs à la tête du géant mondial japonais de l’électronique grand public, intervient au moment où son avenir devient un peu plus incertain malgré le redressement opéré ces dernières années. Kazuo Hirai laisse derrière lui un groupe en meilleur santé qu’il ne l’avait trouvé comme PDG. Les résultats de l’exercice 2018/2019, clos fin mars, ont été publiés le 26 avril dernier : le chiffre d’affaires global atteint 8.665,7 milliards de yens (69,3 milliards d’euros), en hausse sur un an de 1,4 %, et le résultat net en forte hausse affiche un nouveau record, à 916,2 milliards de yens (7,3 milliards d’euros). Kaz avait pris la tête de Sony il y a sept ans en succédant, le 1er avril 2012, à l’Américain Howard Stringer. Fort de son succès passé à la division Sony Computer Entertainment avec la console PlayStation et son écosystème de jeux en ligne, devenue la locomotive du groupe, le Japonais avait entrepris de généraliser aux autres activités la convergence entre terminaux et contenus via des services en ligne.

Vendre Sony Pictures à Netflix, Amazon ou Apple ?
Pendant son mandat, Kazuo Hirai a dû défendre la division Entertainment en assurant qu’elle n’était « pas à vendre ». En 2013, le fonds d’investissement newyorkais Third Point – actionnaire minoritaire de Sony – avait appelé le géant japonais à s’en séparer et à mettre en Bourse ses activités de contenus musicaux et cinématographiques (2). Aujourd’hui, ce même hedge fund, créé par le milliardaire Daniel Loeb, est remonté
au créneau pour interpeler le nouveau PDG et lui demander de clarifier la stratégie de Sony. Pour faire monter la pression, Third Point veut investir entre 500 millions et 1 milliard de dollars pour augmenter sa participation dans le capital du géant de la high-tech. « Nous ne faisons pas aucun commentaire sur d’éventuelles actions que nous aurions dans Sony », a répondu le fonds spéculatif à Edition Multimédi@.
PS4 et jeux vidéo : premiers revenus de Sony Il y a six ans, Daniel Loeb affirmait que sa société d’investissement était devenue le premier actionnaire de Sony – à hauteur de 6,5 % du capital. N’ayant pas réussi à l’époque à obtenir la scission de l’activité de divertissement du groupe tokyoïtes, il avait revendu l’année suivante ses actions Sony en empochant une plus-value de 20 %. Après l’échec de sa première tentative d’influence, Third Point se prépare à reprendre une participation pour essayer à nouveau de peser sur les prochaines décisions stratégiques de Sony – maintenant que le financier Kenichiro Yoshida en est le patron. C’est du moins ce qu’a révélé Reuters le 8 avril dernier (3). Selon l’agence de presse, qui cite sans les nommer des proches du dossier, le fonds – qualifié d’« activiste » – veut que Sony réfléchisse aux différents scénarios concernant l’avenir de certaines de ses activités, notamment de son studio de cinéma Sony Pictures Entertainment qui intéresserait, selon lui, Amazon et Netflix.
A l’heure où ces deux plateformes mondiales de SVOD sont engagées dans une course-poursuite dans la production originale de films et séries, à coup de milliards de dollars de financements, s’emparer d’une major du cinéma mondial pourrait être un bon parti pour les GAFAN.
Y compris pour la marque à la pomme qui va lancer à l’automne sa propre plateforme Apple TV+. En février, Daniel Ives, directeur général de la société d’études financières Wedbush Securities, avait déclaré sur la chaîne américaine CNBC que « la plus grosse erreur stratégique d’Apple depuis que Tim Cook en a pris la direction est de ne pas avoir racheté Netflix » (4) et que la firme de Cupertino « devrait acheter en 2019 un grand studio de cinéma tel que potentiellement Sony [Pictures], Lionsgate, A24 [déjà partenaire d’Apple depuis l’an dernier, ndlr], CBS ou Viacom [propriétaire de Paramount, ndlr] » (5). Sony Pictures comprend notamment les studios d’Hollywood Columbia Pictures, ceux de Screen Gems et de TriStar Pictures, ainsi que les studios Game Show Network (GSN) détenus majoritaire aux côtés de WarnerMedia (AT&T).
En outre, Third Point – qui gère un fonds de 15 milliards de dollars – veut amener
Sony à clarifier sa stratégie sur la présence au sein du groupe des activités de semiconducteurs, d’une part, et d’assurance, d’autre part. Les intentions de Daniel Loeb, non confirmées ni infirmées par le fonds alternatif, auraient pu passer inaperçues si l’information n’avait pas été suivie le lendemain par un bond de plus de 9 % de l’action Sony à la Bourse de Tokyo (6). Si l’investisseur activiste n’a pas fait parler de
lui chez Sony depuis six ans, c’est que la stratégie menée par l’ex-PDG sortant Kazuo Hirai a finalement donné des résultats positifs pour le fleuron de l’électronique grand public japonais. Audelà des réductions de coûts et du renouvellement de l’équipe de direction, Sony a profité du savoir-faire dont Kaz avait fait preuve lorsqu’il était à la tête de la division Sony Computer Entertainment – avec la console PlayStation et son écosystème de jeux vidéo en ligne. Le succès de la PS4, lancée il y a près de six ans, est à mettre à son crédit. La plateforme en ligne PS Network (PSN) et son catalogue
de jeux vidéo cartonnent ; les quelque 80 millions d’abonnés actifs en ligne par mois génèrent près de la moitié des revenus de la division Entertainment.
Depuis le lancement de la toute première PlayStation en 1994 – il y a 25 ans cette année –, Sony en a fait une console de référence vendue depuis à plus de 100 millions d’exemplaires dans le monde. Kazuo Hirai aura trouvé la consécration avec la PS4 ; son successeur Kenichiro Yoshida est attendu au tournant avec une future PS5 prévue d’ici l’an prochain. Mais le ralentissement des ventes de la PS4, arrivée en fin de cycle (de vie), place Sony devant un avenir incertain. Surtout que l’activité « Game & Network Services » (G&NS) est la première source de revenu de la multinationale nippone : 2.350 milliards de yens (18,6 milliards d’euros) prévus sur l’année échue au 31 mars 2019, soit plus d’un quart du chiffre d’affaires annuel. C’est même celle qui contribue le plus aux profits du groupe (310 milliards de yens). C’est encore mieux que la division
« Music » (230 milliards de yens), même si la major Sony Music Entertainment (7) opère un redressement grâce à la montée en charge du streaming musical par abonnement (8). Pas encore rentables, les smartphones Xperia coûtent encore beaucoup d’argent à Sony.
D’autres activités sont assez performantes telles que les capteurs d’images (Cmos)
que la firme nippone – numéro un mondial dans ce domaine – fabrique pour les smartphones et tablettes du marché mondial, ainsi que pour la voiture autonome ou les solutions de sécurité. Sony fabrique aussi des téléviseurs (Bravia, Master) ou encore des appareils photo (Cyber-shot). Pour la première fois au MipTV, qui s’est tenu à Cannes courant avril, Sony a assuré la diffusion de contenus en 8K – offrant une ultra-haute définition quatre fois plus puissante que l’actuelle 4K.

La future PS5 va coûter cher à Sony
Il y a huit mois, en août 2018, l’agence de notation financière Fitch avait relevé à
« BBB- » la note de la dette à long terme de Sony. Mais le développement de la PS5 est dévoreur de capitaux. Il y a un peu plus d’un an, en mars 2018, une autre agence notation financière, Moody’s, avait déjà relevé sa note équivalente à « Baa2 » avec une perspective jugée « stable ». Pour l’instant. @

Charles de Laubier