Le groupe français OVH veut surfer en Bourse sur le marché ouvert du « cloud souverain » dans le monde

La souveraineté nationale et/ou européenne de l’informatique en nuage (cloud) est à géométrie variable, mais elle constitue un marché prometteur pour les fournisseurs comme le français OVHcloud qui va faire son entrée en Bourse. Mais les américains et les chinois veulent aussi leur part du gâteau.

« Souveraineté des données » (50 fois), « cloud souverain » (2 fois), mais aussi « cloud souverain européen », « souveraineté des données en Europe », « souveraineté numérique de l’Europe », « cloud de données sécurisées et souveraines », « souveraineté et de sécurité des données », « bases de données souveraines » : le document d’enregistrement boursier du groupe OVH (alias OVHcloud), approuvé le 17 septembre 2021 par l’Autorité des marchés financiers (AMF), montre que la « souveraineté » est devenue le leitmotiv dans le nuage.

Cloud et souveraineté : deux concepts flous
La souveraineté numérique appliquée au cloud et aux données est cependant un concept flou, dont on ne sait pas trop s’il s’agit d’un protectionnisme national ou d’une préférence européenne, voire extra-européenne. Une chose est sûre : tout en voulant se développer en Amérique du Nord, en Asie et en Inde, le groupe français OVH assure vouloir être « le champion européen du cloud », même si « Microsoft et Orange ont récemment annoncé leur intention de former un partenariat offrant des solutions de cloud souverain de données qui pourraient [le] concurrencer ». Tout comme Oodrive et Outscale.
La souveraineté s’avère compatible avec les GAFAM. OVHcloud, lui, a annoncé en novembre 2020 un partenariat avec Google et sa plateforme logicielle Anthos pour « propose[r] aux clients européens une offre garantissant la souveraineté des données ». Le groupe d’Octave Klaba (photo), fondateur de la société, son président actuel et son actionnaire majoritaire avec sa famille, est en outre l’un des membres fondateurs de Gaia-X. Ce consortium de « cloud de confiance » franco-allemand, lancé en 2020, entend favoriser « la souveraineté numérique de l’Europe » face aux « hyperscalers » américains (1). Pour autant, Gaia-X – basé à Bruxelles (2) – compte parmi ses plus de 300 membres non seulement des européens mais aussi les américains Amazon, Google, Microsoft (3) et Palantir (proche de la CIA), les chinois Huawei, Alibaba et Haier. Autant dire que le « cloud souverain » est portes et fenêtres grandes-ouvertes. OVHcloud indique exploiter à ce jour 33 centres de données dans le monde entier sur douze sites différents, en France, en Europe, en Amérique du Nord, à Singapour et en Australie, soit un total de plus de 400.000 serveurs. « A l’avenir, OVHcloud pourrait envisager d’ajouter des centres de données dans des pays tels que l’Inde », mentionne le prospectus financier. La société créée en 1999, dont le siège social se situe toujours à Roubaix (Nord de la France), devient internationale : si plus de la moitié (52 %) des 632 millions d’euros de chiffre d’affaires de l’année 2020 est réalisée en France, 28 % proviennent d’autres pays en Europe et 20 % d’ailleurs dans le monde. Car le cloud n’a pas de frontières.
Si la « souveraineté » est floue, l’informatique en nuage l’est tout autant. Le cloud computing désigne les technologies permettant l’utilisation à distance de ressources de calcul, de stockage et de réseaux, fournies à la demande et automatiquement, via l’Internet. Le cloud est à géométrie variable : « hybride » (combinant cloud public et cloud privé), « privé » (serveur chez un seul client), « public » (serveur chez un seul client) (4), « web » (hébergement de sites Internet). Pour satisfaire ses clients, OVH fournit ainsi des services numériques à la demande, que cela soit du « Cloud-as-a-Service » (CaaS), de l’« Infrastructure-as-a-Service » (IaaS), du « Platform-asa- Service » (PaaS), du « Datacenter-as-a-Service » (DCaaS) ou encore du « Software-as-a-Service » (SaaS). C’est selon. « Il n’existe pas de définition standard des marchés sur lesquels OVHcloud opère, ce qui rend difficile la prévision de la croissance et la comparaison de l’activité d’OVHcloud avec celle de ses concurrents », prévient le prospectus au chapitre des risques. Difficile donc de connaître la part de marché d’OVH. Seules une estimation du marché mondial des services cloud d’infrastructure et de plateforme logicielle est avancée : de 100 à 120 milliards d’euros en 2020. Le groupe OVH veut lever jusqu’à 400 millions d’euros en Bourse, mais il reste à connaître le calendrier d’introduction. @

Charles de Laubier

ZOOM

OVH Groupe veut faire le poids
Sur le segment de marché du « cloud privé », le groupe OVH en revendique 10 % à 15 % en Europe continentale, comme son rival IBM Cloud – tous les deux devançant l’allemand Hetzner, l’américain Rackspace et le néerlandais Leaseweb.
Sur le segment du « cloud public », il ne dépasse pas 1% sur l’Europe continentale, largement préempté par les « hyperscalers » que sont Amazon Web Services, Google Cloud Platform et Microsoft Azure, suivis d’IBM Cloud et d’Alibaba Cloud.
Sur le segment du PaaS, il indique ne pas disposer d’une part de marché significative face aux « hyperscalers » (Amazon, Google, Microsoft, Alibaba), Salesforce, Oracle, IBM et SAP. Sur le segment du « cloud web » (hébergement de sites Internet et de domaines), estimé en 2020 de 3,5 à 4 milliards d’euros au niveau mondial et de 1 à 1,5 milliard euros en Europe, « dont environ 100 millions d’euros pour la France » où il revendique 65 % de part de marché (par ailleurs 16 % en Espagne et 10 % en Pologne).
Sur le segment du SaaS, il développe son « usine à logiciels » pour développeurs et éditeurs. Les plateformes logicielles, elles, sont dominées par Salesforce, Oracle, IBM et SAP. @

Avec cinq actionnaires, Universal Music a la cote

En fait. Le 21 septembre, débutera la cotation à la Bourse d’Amsterdam d’Universal Music Group (UMG), filiale de Vivendi qui s’en déleste en partie pour se recentrer sur les médias et la publicité. Cette ouverture du capital d’UMG aux investisseurs – dont Tencent (20 %) et Pershing Square (10 %) – va rapporter gros à Vincent Bolloré.

En clair. « La capitalisation boursière de la société serait d’environ 33 milliards d’euros à la première date de cotation », prévoit Universal Music Group (UMG) dans le prospectus boursier publié le 14 septembre par sa maison mère Vivendi. Mais la valorisation de la major mondiale de la musique enregistrée est d’environ 35 milliards d’euros depuis que le groupe Vivendi contrôlé par Vincent Bolloré a finalisé le 9 septembre la cession d’un supplément de capital d’UMG à Pershing Square qui en détient depuis un total de 10 %.
Ce fonds spéculatif et ses différents véhicules de Co-investissements sont dirigés par le financier activiste américain William Ackman (1), dit Bill Ackman, qui lancé en 2004 Pershing Square Capital Management (PSCM). Ce milliardaire devait initialement acquérir sa participation dans UMG via PSTH (2), une Spac qu’il avait créée pour l’occasion (3). Mais comme le gendarme de la bourse américaine (SEC) a émis des doutes cet été sur ce montage, Bill Ackman a été contraint d’adopter un véhicule d’investissement plus « conventionnel ». Le précédent nouvel actionnaire à être entré au capital d’Universal Music est le chinois Tencent, qui a acquis pas moins de 20 % de participation, en deux temps courant 2020 (10 % acquis en mars et autant en décembre). Cette entrée de la firme de Shenzhen, qui a embarqué dans cette participation sa filiale Tencent Music Entertainment (TME) via un consortium composé des véhicules financiers Concerto et de Scherzo, a valorisé l’an dernier UMG 30 milliards d’euros.
Parallèlement, TME – coté à la Bourse de New York et éditeur de la plateforme de streaming musical QQ Music en Chine – est convenu depuis mars 2020 avec Vivendi de pouvoir acquérir une participation minoritaire dans la filiale d’UMG regroupant ses activités chinoises. Cette option portant sur au moins 20 % et jusqu’à 25 % du capital de cette holding chinoise est exerçable d’ici le 1er avril 2022. Si Tencent est devenu le premier actionnaire du numéro un mondial des majors de la musique, et Pershing Square le second, le groupe Bolloré, lui, détiendrait après l’opération boursière 18,01 % des parts d’UMG et Vivendi devrait conserver 10,12 % (sur les 70 % détenus auparavant). A noter que la Société Générale, montée cet été à 5,37 % du capital de Vivendi, détiendra aussi 3,28 % d’UMG. Reste à savoir ce que Vivendi fera de tout le cash issu de la vente d’UMG. @

Comment Snap mise sur la réalité augmentée pour augmenter réellement son ARPU

La « camera company » Snap, qui fêtera ses dix ans cet été, a dévoilé pour la première fois son audience mensuelle : un demi-milliard d’utilisateurs. Reste à augmenter leur monétisation, mais pas seulement le faire pour la réalité… Du grand spectacle en vue.

En France, d’après Médiamétrie, Snapchat compte 24,9 millions de visiteurs uniques rien que sur avril 2021, en par hausse de 2,6 % par rapport au moins précédent. L’Hexagone pèse donc à peine 5 % de l’audience mondiale de 500 millions d’utilisateurs mensuels, nombre revendiqué le 20 mai par la « camera company » américaine Snap qui fêtera ses dix ans d’existence cet été. C’est d’ailleurs la première fois que son cofondateur Evan Spiegel (photo) livre une audience mensuelle, s’étant contenté auparavant à mentionner de temps en temps le nombre quotidien de « snapchatteurs » dans le monde : 280.000 au premier trimestre 2021, contre 229 millions un an plus tôt.

Le « RoW » dépasse les Etats-Unis et l’Europe
Snap réussit tant bien que mal à monétiser cette base croissante d’utilisateurs par la publicité en ligne principalement, que cela soit avec des « Snap Ads » ou des « AR Ads » (1). Comme pour les opérateurs télécoms, Snap parle en ARPU – revenu moyen par utilisateur – pour mesurer au plus près le retour sur investissement auprès de son public. Ainsi, sur le premier trimestre 2021, ce taux de monétisation a atteint 2,74 dollars par utilisateur. C’est mieux que les 2,02 dollars d’il y a un an, mais moins bien que les 3,44 dollars du précédent trimestre. Sur deux ans, la croissance de l’ARPU trimestrielle de Snap fait du yoyo (2). Selon les données publiées le 24 avril dernier, c’est en Amérique du Nord, Etats-Unis en tête (3), que ce taux de monétisation est le plus élevé : 5,94 dollars par utilisateur en moyenne. C’est quatre fois plus que l’ARPU obtenu en Europe (4) : 1,48 dollars. Et même plus de six fois celui généré dans le reste du monde : 0,93 dollar.
Or, la croissance du parc d’utilisateurs se fait plus dans le reste du monde (Inde, Chine, Australie, …) pour un total qui vient de dépasser la barre des 100 millions d’utilisateurs quotidiens (à 111 millions précisément). Ce « RoW » (5) est en croissance sur un an de près de 30 % et pèse maintenant plus lourd que l’Amérique du Nord augmentant d’à peine plus de 5 % (à 93 millions d’utilisateurs) et bien plus que l’Europe en hausse, elle, de 10 % (à 77 millions). Ainsi, la plus forte croissance de la base d’utilisateurs de Snapchat se fait là où l’ARPU est encore le plus faible (6). Cela n’empêche pas le réseau aux clichés, apprécié des adolescents et des jeunes adultes (5 milliards de « snaps » par jour en moyenne), de démarrer l’année sur les chapeaux de roues : « Nous avons commencé en 2021 en réalisant notre chiffre d’affaires le plus élevé sur un an [en hausse de 66 % à 769,5 millions de dollars sur le premier trimestre 2021, ndlr], et en ayant le plus haut taux de croissance des utilisateurs actifs quotidiens depuis trois ans [280 millions, en hausse de 22 %], tout en générant un flux de trésorerie disponible (free cash flow) positif [126 millions de dollars] pour la première fois en tant qu’entreprise cotée en Bourse [à New York depuis mars 2017]», s’est félicité Evan Spiegel le 24 avril dernier. Mais le réseau social Snap, inventeur des « stories » éphémères, est à la croisée des chemins pour sa dixième année d’existence : soit l’entreprise californienne (7) continue de jouer les second-rôles face à Facebook (plus de 3 milliards d’utilisateurs, Instagram, Messenger et WhatsApp compris) et à être distancée par TikTok (800 millions d’utilisateurs), soit elle se diversifie avec une innovation susceptible de lui donner un second souffle. C’est dans la réalité augmentée que Evan Spiegel voit l’avenir. Snap exploite le filon de la réalité augmentée depuis plus de six ans, d’abord en proposant de faire des clichés personnalisables avec des effets visuels, des « autocollants » (stickers, bitmoji, avatars), des géofiltres (lieux où se trouve le snappeur).
La fonction « Lens », elle, a été lancée en septembre 2015 pour permettre aux utilisateurs d’ajouter des effets en temps réel à leurs clichés (photos et vidéos) grâce à la détection du visage. Cette fonction AR a été étendue en avril 2017 aux «World Lenses » pour « métamorphoser le monde autour de [soi] et de donner vie à des personnages » (8) par la réalité augmentée et des rendus 3D.

Snap voit l’avenir à grands « Spectacles »
Mais pour passer aux grands « Spectacles », Snap mise sur les lunettes connectées. Malgré les ventes mitigées de la première paire des Spectables commercialisée à partir de 2017, Snap persévère : le 20 mai a été présentée une nouvelle génération de lunettes (9), de réalité augmentée cette fois. Elles ne sont pas encore mises en vente, mais réservées aux créateurs de contenus AR ayant à leur disposition Lens Studio (10). Autonomes par rapport au smartphone, les Spectables sont fabriquées avec éléments fournis par la société britannique WaveOptics. Le lendemain, Snap confirmait sur CNBC l’acquisition de cette start-up pour 500 millions de dollars (11). @

Charles de Laubier

Les « Spac », ces entreprises dites « chèques en blanc », attirent de plus en plus de grands patrons

Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre-Antoine Capton en ont constitué une fin 2015 pour lever des fonds à la Bourse de Paris, avec Mediawan ; Craig McCaw, fondateur de McCaw Cellular dans les années 1990 puis de Clearwire, est le dernier en date à se lancer au Nasdaq à New York, avec Colicity.

Les « Spac » – Special Purpose Acquisition Company – ont le vent en poupe. Ces « sociétés d’acquisition à vocation spécifique » est un statut particulier qui permet à une coquille vide au départ – et sans activité commerciale – de levers des fonds en Bourse, sans vraiment savoir si ses ambitions de fusions et d’acquisitions aboutiront. Mais les gendarmes de la Bourse, comme la SEC aux Etats-Unis ou l’AMF en France, n’en ont cure. Seuls importent les fondateurs.

Colicity à la conquête des TMT
C’est en réalité un « chèque en blanc », d’où leur surnom anglo-saxon de « blank check company », que l’on fait à des hommes d’affaires dont la signature vaut en elle-même son pesant d’or. Comme celle de Craig McCaw (photo), qui a fait fortune au début des années 1990 avec McCaw Cellular, pionnier des opérateurs mobiles nationaux aux Etats-Unis. Il a fait fortune en revendant son entreprise à AT&T en 1994 pour la coquette somme de 11,5 milliards de dollars (1). Le nouveau milliardaire rachètera ensuite en 2004 Clearwire, un opérateur américain de réseaux fixes et mobiles pour petites et moyennes entreprises, pionnier là aussi de l’accès à Internet sans fil (dont le Wimax et la VoIP). Il en fut le président jusqu’en 2010, Sprint Nextel rachetant deux ans après Clearwire.
Plus de dix ans après, l’entrepreneur dans l’âme Craig McCaw continue d’investir. Cette fois, il a lancé le 24 février dernier l’introduction en Bourse à New York de sa nouvelle société Colicity. Il s’agit d’une Spac qu’il préside, dont l’ambition affichée est de conquérir « les secteurs des technologies, des médias et des télécommunications » – ce que les investisseurs appellent les TMT – à coup de fusions, d’acquisitions, de rachats ou d’échanges d’actions, de réorganisations ou encore de regroupements.
Le vétéran des télécoms Craig McCaw (71 ans) comptait, avec son IPO (2), lever en deux jours 300 millions de dollars au Nasdaq, soit 30.000.000 unités au prix de 10 dollars (souvent le montant de l’action fixé dans le cadre d’une Spac). Cet appel aux investisseurs était valable jusqu’au 26 février mais « la société a accordé aux preneurs fermes une option d’achat de jusqu’à 4.500.000 unités supplémentaires [l’équivalent de 45 millions de dollars de plus] de 45 jours au prix de l’appel public à l’épargne initial pour couvrir les surallocations, le cas échéant » – soit jusqu’au 12 avril prochain. Pour autant, difficile d’en savoir plus sur les réelles intentions de la Spac de Craig McCaw. C’est d’ailleurs le propre d’une Spac : le prospectus est censé être disponible auprès de Goldman Sachs qui, avec PJT Partners (spin off de Blackstone), participe à l’opérateur de « chèque en blanc ». Colicity, c’est comme une lampe-torche allumée dans le noir complet, comme le suggère la vidéo d’accueil du site web de l’entreprise (3). Le directeur de l’investissement de Colicity est le financier « Media & Telecom» Randy Russel (4), qui travaille pour une autre société d’investissement contrôlée par Craig McCaw : Pendrell. Celle-ci avait repris l’opérateur satellitaire ICO Global Communications après sa faillite en 1999. Colicity est en fait la deuxième Spac parrainée par Pendrell. La première Spac était Holicity, laquelle société – présidée aussi par le magnat américain des télécoms – vient d’annoncer la reprise et la mise en Bourse au Nasdaq de l’opérateur par satellite Astra (5) pour plus de 2 milliards de dollars (6). La Spac Colicity investira-t-elle aussi dans des réseaux mobiles et satellitaires ? L’avantage d’une Spac est en tout cas de permettre de lever des fonds dès sa création ex nihilo sur les marchés financiers sans avoir à procéder à une introduction en Bourse classique, donc la complexité et la rigidité habituelles. Les démarches auprès des gendarmes boursiers sont simplifiées et le coût de l’IPO minime. L’on comprend que le trio français Niel- Pigasse-Capton ait opté pour cette formule attractive pour constituer en décembre 2015 Mediawan, une Spac qui a levé 250 millions d’euros sur l’Euronext à Paris. Sept acquisitions plus tard, ce groupe est devenu « l’un des principaux studios indépendants de contenus audiovisuels en Europe » (production audiovisuelle, distribution de contenus, édition de chaînes et services digitaux). Fin 2020, Mediawan a bouclé l’acquisition de Lagardère Studios. A terme, la nouvelle Mediawan Alliance créée par le trio absorbera Mediawan qui sera retiré de la cote.

Les Spac ont levé 78 Mds de $ en 2020
D’autres personnalités ont joué sur cet effet de levier de la Spac : le rappeur et producteur Jay-Z, également cofondateur et premier actionnaire du service de streaming musical Tidal (que le fondateur de Twitter, Jack Dorsey, veut racheter), s’en sert pour investir dans le cannabis légal aux Etats-Unis. Selon Refinitiv, 2020 a été l’année des Spac avec plus de 78 milliards de dollars (7) levés par l’ensemble des Spac dans tous les domaines. @

Charles de Laubier

Altice Europe est valorisé 6,7 milliards d’euros à la Bourse d’Amsterdam, mais plus pour longtemps

Le 21 janvier est la date limite de l’offre de rachat du solde d’Altice Europe par son actionnaire majoritaire, Patrick Drahi. La maison mère de SFR et BFM TV sera ensuite retirée de la cote pour ne plus être pénalisée par les investisseurs inquiets de sa dette, bien que ramenée à 28,5 milliards d’euros.

Après l’assemblée générale extraordinaire d’Altice Europe, qui s’est tenue le 7 janvier dernier, Patrick Drahi (photo) a obtenu l’autorisation des actionnaires pour racheter les dernières actions de son groupe coté à la Bourse d’Amsterdam depuis près de sept ans. Le milliardaire franco-israélien veut fuir les marchés financiers volatiles qui ont joué au yoyo avec son titre en fonction des humeurs versatiles des investisseurs, plus ou moins inquiets par le quasi-surendettement d’Altice Europe.

Patrick Drahi, seul maître à bord
Si la dette fut un temps abyssale, dépassant les 50 milliards d’euros en 2016, elle reste encore préoccupante aujourd’hui – même si elle a été ramenée à 28,5 milliards au 30 septembre dernier, contre plus de 31 milliards d’euros six mois plus tôt. Alors que d’importantes échéances de remboursement sont prévues d’ici 2025, autrement dit pas de « ligne de crédit majeure arrivant à maturité » avant cinq ans, Patrick Drahi espère pouvoir gérer sa dette plus sereinement sans être sous la pression permanente de la Bourse. Pour vivre heureux, vivons cachés ?
« La structure de propriété proposée va permettre de renforcer l’attention sur l’exécution de notre stratégie de long terme », avait justifié le président d’Altice Europe, faisant un pied de nez au courtermisme qui, d’après lui, caractérise les marchés financiers. Le fondateur d’Altice aurait surtout été échaudé par la dévalorisation de son titre en Bourse durant l’annus horribilis 2020, tiré vers le bas notamment par la crise économique provoquée par la pandémie du coronavirus. Malgré ses efforts sur le long chemin du désendettement, le boulet de près de 30 milliards d’euros a été perçu par bon nombre d’investisseurs comme un handicap supplémentaire dans l’actuel contexte de récession. Il suffit de voir l’évolution du cours de Bourse d’Altice Europe N.V. à Amsterdam pour constater les montagnes russes qu’a dû subir le titre « ATC » (1). Après être descendu au plus bas, à 1,56 euros le 23 novembre 2018, l’action de la maison mère de l’opérateur télécoms SFR, de la chaîne de télévision BFM TV et de la radio RMC avait tout de même réussi à rebondir pour atteindre son plus haut niveau le 6 février 2020 à 6,74 euros. Hélas, plus dure a été la chute libre : la dégringolade vertigineuse du titre – sombrant en un mois et demi à 2,50 euros le 18 mars 2020, soit une perte de 63 % de sa valeur ! – aura sans doute donné des sueurs froides à Patrick Drahi, pourtant un aguerri de la finance. Le divorce entre Altice et la Bourse était virtuellement prononcé. La convalescence boursière fut poussive au cours des six mois suivants, jusqu’au jour où – le 11 septembre 2020 et après une nouvelle rechute débutée fin août – l’actionnaire majoritaire d’Altice Europe et président du conseil d’administration a annoncé une offre publique de rachat des actions qu’il ne possède pas afin de prendre le contrôle total de son groupe de télécoms et de médias. Patrick Drahi possède déjà 77,6 % du capital d’Altice Europe. Le milliardaire veut s’approprier via sa holding personnelle Next Private le reste en mettant d’abord sur la table un total de 2,5 milliards d’euros, à raison de 4,11 euros par action, ce qui valorise le groupe près de 5 milliards d’euros. Aussitôt, l’action enlisée à 3,21 euros se ressaisie en passant au-dessus de 4,10 euros. Mais c’était sans compter les exigences de nombreux petits actionnaires, emmenés par des fonds d’investissement (2), qui ont reproché à Patrick Drahi de sous-évaluer la valeur du titre. Revendiquant ensemble environ 9,1 % du capital d’Altice Europe, les contestataires avaient pointé la valorisation de leur « expropriation » largement sousestimée par Patrick Drahi. Dans une lettre adressée le 29 novembre dernier par email à Jurgen van Breukelen, chairman du conseil d’administration d’Altice Europe – Patrick Drahi en étant le président, le fonds Lucerne accuse même ce dernier de pratique quelque peu illégale : « L’offre publique n’est rien de plus qu’une tentative illicite de M. Drahi d’exploiter la pandémie de covid-19 pour se transférer à nouveau une valeur massive, au détriment des actionnaires minoritaires » (3). Et Lucerne de rappeler que les analystes de la Deutsche Bank et de Kempen ont fixé leur objectif de cours, respectivement de 9,5 euros et de 6,8 euros (4).

Next Private face aux actionnaires
Lucerne en Europe et Winterbrook aux Etats-Unis avaient donc engagé des poursuites à l’encontre de l’homme d’affaires. Finalement, le 16 décembre dernier, celui-ci – toujours via Next Private – a cédé en relevant à 5,35 euros par action le prix de son offre sur Altice Europe. Comme par enchantement, le cours de Bourse a repris d’un coup des couleurs, à 5,32 euros… Au 7 janvier, Altice Europe N.V. était valorisé 6,7 milliards d’euros. Les actionnaires s’en tirent à bon compte. @

Charles de Laubier