E-réputation, intelligence média, veille sociale, … : réseaux sociaux et sites web sous surveillance

Internet est sous surveillance non seulement pour lutter contre le piratage, les fake news ou la cybercriminalité, mais aussi pour traquer tout ce que les internautes disent sur les marques et leurs entreprises. Ce « monitoring » généralisé est méconnu du grand public qui se retrouve ainsi pisté.

Le groupe Meltwater, qui se présente comme la « première société de veille des médias en ligne au monde » (1), ou tout du moins comme « l’un des leaders mondiaux de l’intelligence médiatique et de l’analyse sociale », a publié le 9 décembre son rapport sur « l’état des médias sociaux ». Ils sont désormais incontournables pour les entreprises, les organisations et, en général, « les marques ». Meltwater a été fondé il y a vingt ans par le Norvégien d’origine sud-coréenne Jørn Lyseggen (photo), qui en est le président exécutif auprès du directeur général John Box et qui détient 46.2 % du capital (2).

Twitter, Facebook, Instagram, YouTube, …
Autant dire que les réseaux sociaux et les médias en ligne, utilisés régulièrement par plus de 4 milliards d’êtres humains, n’ont jamais été aussi scrutés dans les moindres échanges, partages et conversations de leurs utilisateurs. C’est que la surveillance tous azimuts de l’Internet n’a pas de frontières à l’heure du cyberespace globalisé. Meltwater (acquéreur de Linkfluence, Klear ou encore d’Owler) est sur un marché mondial où l’on retrouve Kantar, Cision (ex-L’Argus de la presse), Access Intelligence (Isentia, Pulsar, ResponseSource, Vuelio), Socialbakers, Hootsuite, NetBase Quid ou encore Khoros. Meltwater se dit, comme de nombreux autres acteurs surfant sur le cyberespace, expert en « Social Listening » et en « E-reputation ». Pour ce faire, le groupe d’origine norvégienne se fait fort d’« examiner chaque jour des millions de publications provenant de plateformes de médias sociaux, de blogs et de sites d’information, et en utilisant des systèmes d’intelligence artificielle », pour le compte de près de 30.000 clients à travers la planète : marques, organisations ou encore pouvoirs publics.
Coca-Cola, Google, L’Oréal, Samsung, Tesla, PayPal, Pfizer, Danone, Nike, Mercedes-Benz, Shiseido, H&M, LVMH ou encore Roche (Big Pharma française), sans parler des clients qui ont exigé une clause de confidentialité : de très nombreuses marques – souvent d’envergure mondiale, mais pas que – veulent savoir ce que l’on dit sur elles. « Nous suivons plus de 275.000 sources d’actualité en ligne et nous avons des partenariats pour la surveillance de la presse écrite et de l’audiovisuel. L’écoute des médias sociaux couvre Twitter, Facebook, Instagram, YouTube, les commentaires, les sites d’information, les forums, les babillards [autrement dit les espaces de conversations, ndlr]et plus de 300 millions de blogs », assure le groupe de Jørn Lyseggen, lequel fut à l’origine chercheur scientifique (3) en intelligence artificielle (IA). Les TikTok, LinkedIn et autres Snapchat sont aussi passés au crible des marques soucieuses de leur image et de leur e-réputation. Les plateformes dites de « marketing d’influence » comme celles de Meltwater permettent aux marques – ou à ceux qui gravitent autour (communication, marketing, dirigeants, RP, agence de publicité, médias, etc.) – de rationaliser la surveillance du Web et des applications mobiles afin d’y collecter, auprès de ces audiences, des données dites « granulaires ». Les marques peuvent aussi « filtrer les conversations par le biais de la géolocalisation ».
Outre les (grandes) marques, le groupe de Jørn Lyseggen aide les agences de relations publiques (ou agences de relations presse) et les agences de marketing à faire non seulement de la « veille médias » mais aussi à fouiller de fond en comble les médias sociaux, voire à leur fournir les outils pour « influencer » ces derniers. « Les médias sociaux ont pris leur place dans le mix marketing et la communication. Payants et organiques [comprenez tout contenu publié gratuitement sur les sites web et les plateformes numériques, ndlr] leur rôle augmentera en 2022 et la pandémie de covid- 19 y contribue », prévoit Meltwater dans son rapport sur l’état des médias sociaux (4). Ils constituent désormais un moteur de croissance et les annonceurs en attendent un « ROI social » (5), comprenez un retour sur investissement. La croissance du chiffre d’affaires de Meltwate est à deux chiffres, sur un potentiel de marché mondial du « Media Intelligence » de 40 milliards de dollars par an.

Meltwater en Bourse à Oslo depuis un an
Bien que son siège social soit à San Francisco (Etats-Unis) et qu’elle soit enregistrée à Amsterdam (Pays-Bas), l’entreprise Meltwater est cotée depuis un an à la Bourse d’Oslo (Norvège). Pour accompagner sa croissance internationale, ses actions vont être cotées au début de l’année 2022 (en tout cas d’ici le 11 février) sur le marché principal de la Bourse d’Oslo, et non plus sur l’Euronext Growth. La multinationale s’achemine vers une valorisation à 1 milliard de dollars. Mais avec ses 2.100 employés répartis sur six continents et un chiffre d’affaires 2021 qui pourrait franchir la barre des 400 millions de dollars, contre 359,7 millions l’an dernier (6), Meltwater n’est pas encore rentable – affichant une perte nette de 66,4 et de 52,7 millions de dollars respectivement en 2020 et 2019. @

Charles de Laubier