Avec leur index web européen EUSP, Qwant et Ecosia veulent s’affranchir de Microsoft et concurrencer Google

Le français Qwant et l’allemand Ecosia ont l’ambition de devenir une alternative européenne au quasimonopole de Google dans les moteurs de recherche, où l’IA rebat les cartes. Leur index web européen EUSP vise l’indépendance par rapport à Bing de Microsoft – accusé de pratique anti-concurrentielle.

Selon nos informations, Qwant livre discrètement depuis le mois d’avril en France des résultats – sur son moteur de recherche – issus de l’index web européen codéveloppé avec son partenaire allemand Ecosia, un autre moteur de recherche alternatif. « Nous avons démarré en avril 2025, en France seulement pour le moment, et nous progressons chaque mois : près d’une requête sur deux est servie depuis notre index européen », indique à Edition Multimédi@ Olivier Abecassis (photo de gauche), directeur général de Qwant.
Cet index web européen, appelé European Search Perspective (EUSP), est développé par la joint-venture European Perspective, société créée à Paris en 2024, détenue à parts égales par Qwant et Ecosia, et présidée par Olivier Abecassis. « Pour l’Allemagne, c’est avant fin 2025, plutôt au quatrième trimestre », nous précise-t-il. Les premiers moteurs de recherche alternatifs à profiter de l’accès en temps réel aux données web les plus à-jour et pertinentes de cet index européen sont non seulement Qwant et Ecosia, mais aussi le français Lilo dont Qwant a finalisé l’acquisition mi-mai. « Ecosia et Lilo utiliseront également l’index EUSP pour servir dans les semaines à venir une partie de leurs requêtes en France », nous indique encore celui qui fut directeur du numérique du groupe TF1 (2016-2022).

Index web pour moteurs alternatifs et agents IA
La joint-venture European Perspective compte lever des capitaux auprès d’investisseurs extérieurs pour assurer son développement sur le long terme et être en capaciter de rivaliser avec Google. L’ambition du tandem franco-allemand : « Renforcer une alternative européenne, éthique et indépendante aux Gafam », mais aussi « plus respectueux de la vie privée » (1). Les résultats de recherche seront d’abord en langues française et allemande, une extension à l’anglais étant prévue, avec l’objectif à plus long terme d’être dans toutes les langues européennes. « Cet index pourra être rejoint par d’autres moteurs de recherche et servir de ressource clé pour l’industrie européenne, par exemple en fournissant un pool de données transparent et sécurisé pour Continuer la lecture

Quand l’Etat joue les VRP de Mistral pour faire de la licorne française de l’IA un « OpenAI européen »

Le potentiel « champion européen » de l’IA générative, Mistral AI, a beau être valorisé près de 6 milliards d’euros depuis l’an dernier, son chiffre d’affaires 2024 est 200 fois inférieur. Pour mettre les bouchées doubles, la licorne française peut compter sur le chef de l’Etat Emmanuel Macron qui joue les VRP.

La licorne française Mistral AI, aux ambitions aussi grandes que sa valorisation de 5,8 milliards d’euros – atteinte il y a un an maintenant, à la faveur de sa dernière levée de fonds de 600 millions d’euros bouclée en juin 2024 –, a un besoin urgent de financements supplémentaires. Son PDG cofondateur Arthur Mensch (photo) l’avait confirmé à l’agence Bloomberg en février, notamment pour financer un centre de données qu’il prévoit de créer en France. « Bien sûr, en tant que start-up, on vous demande aussi de lever plus de fonds. C’est certainement un sujet qui nous préoccupe », avait-il confié (1). Le jeune patron (32 ans) avait annoncé ce projet de data center au journal de 20h de TF1, le 9 février (2). De plusieurs milliers de mètres carrés, il sera construit dans l’Essonne (département du sud de Paris), sur le plateau de Saclay, pour un investissement de « plusieurs milliards d’euros ». Si le calendrier de construction et d’ouverture reste à préciser, ce centre de données va permettre à « la pépite française » d’entraîner sur le sol français – au nom de la « souveraineté numérique » de la France – ses grands modèles de langage pour ses IA génératives. Mais cela suppose donc une prochaine levée de fonds pour Mistral AI, qui n’a généré en 2024 que 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, si l’on en croit le site Sifted.eu du Financial Times spécialisé dans les start-up (3). C’est à des années-lumière des 10 milliards de dollars annualisés que l’américain OpenAI (dont ChatGPT) a atteint en juin 2025 (4).

Prochaine levée de fonds indispensable
Comme la licorne n’est, par définition, pas cotée en Bourse, elle ne publie pas ses comptes et ne divulgue pas non plus ses résultats financiers. Contactée par Edition Multimédi@, la direction de Mistral AI n’a pas souhaité nous indiquer ni ses revenus ni ses prévisions. Le 7 mai dernier, à l’occasion du lancement de « Le Chat Enterprise » (assistant conversationnel dont la version grand public « Le Chat » a été lancée en février), Arthur Mensch s’est voulu rassurant quant à la (suite)

Le site Deepseek-fr.ai, cheval de Troie du chinois

En fait. Le 9 juin, le site francophone DeepSeek-fr.ai – qui se présente anonymement comme « une équipe indépendante passionnée par l’IA » – a publié sur son blog : « Intégrer DeepSeek dans vos applications via son API ». Et ce, après que DeepSeek eut sorti fin mai la version R1-0528 de son modèle IA.

En clair. « Intégrer DeepSeek dans vos applications via son API : guide complet pour débutants », écrit le 9 juin l’auteur « DeepSeek » sur le blog du site web francophone Deepseekfr.ai, dont l’« équipe indépendante passionnée par l’intelligence artificielle et l’innovation technologique » (ainsi se présente-telle) cultive l’anonymat. Il affirme que « [l]a popularité croissante [de DeepSeek] s’explique par la puissance de ses modèles (DeepSeek V3, DeepSeek R1, etc.) et par sa compatibilité avec l’API d’OpenAI, ce qui facilite grandement son adoption par les développeurs » (1). Le chinois DeepSeek Artificial Intelligence Co., basé à Hangzhou, dans la province du Zhejiang (côte orientale de l’Empire du Milieu), cherche à se déployer partout, y compris en France d’où s’est lancé « Le Chat » de la start-up française Mistral AI (lire en Une).
Ni les mentions légales ni le Whois ne nous renseignent sur l’identité de l’éditeur de Deepseek-fr.ai, dont le nom de domaine a été enregistré le 24 février 2025 par la société islandaise Withheld for Privacy (basée à Reykjavik, donc en dehors de l’Union européenne) pour que son identité soit (suite)

Pinterest, le moteur de découverte visuelle devenu rentable, se fait moins discret avec l’IA

Créé il y a 15 ans, le petit réseautage de photos et d’images Pinterest fait des envieux : il a atteint les 570 millions d’utilisateurs actifs mensuels, en hausse de 10 % sur un an. Devenue très rentable en 2024, la plus discrète des « très grandes plateformes » mise sur l’IA pour mieux « monétiser ».

Pinterest affiche une santé insolente et une audience presque digne d’un Gafam : au mois de mai, la plateforme d’images et de photos à découvrir a atteint un record de fréquentation, avec 570 millions d’utilisateurs actifs mensuels. Cela correspond à une hausse de 10 % sur un an – et même 23 % sur deux. La monétisation de cette audience, mesurée selon l’indicateur ARPU (1) très surveillé par le PDG Bill Ready (photo) et consolidé par trimestre, a été de 1,52 dollars au premier trimestre 2025, en hausse de 5 % sur un an). Il peut dépasser les 2 dollars comme au dernier trimestre 2024 (à 2,12 dollars précisément).

Toujours imité, jamais égalé, même par Google
Les revenus pris en compte pour le calcul de l’ARPU proviennent principalement des activités en ligne des utilisateurs (génératrices de recettes), telles que les interactions avec des publicités ou des contenus sponsorisés – sur la base du coût par clic (CPC), du coût par mille impressions (CPM), du coût par jour (CPJ) ou, pour les vidéos, du coût par vue (CPV). Et 15 ans après sa création, la rentabilité est au rendez-vous : l’an dernier, Pinterest est devenu pour la première fois rentable en affichant son premier bénéfice net, à 1,86 milliard de dollars, pour un chiffre d’affaires de 3,64 milliards de dollars, en hausse de 19 %. Cotée en Bourse depuis avril 2019, l’ex-licorne (2) basée à San Francisco (California) a une capitalisation (3) de 21 milliards de dollars (au 30-05-25). La montée en puissance de Pinterest a toujours inquiété (suite)

AI Act, DSA, MiCA, … Superposition réglementaire : le casse-tête européen pour les projets innovants

L’ambition européenne pour un « marché unique numérique » a généré un véritable labyrinthe de textes réglementaires que nul n’est censé ignorer, pas même les start-up et les fintech, sauf à devenir hors-la-loi. Mais à ce patchwork s’ajoute le manque de coordination entre autorités compétentes.

Par Arnaud Touati, avocat associé, et Mathilde Enouf, juriste, Hashtag Avocats

L’Union européenne a une ambition manifeste : réguler de manière exemplaire la transition numérique. Du règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) aux directives concernant les services numériques (DSA/DMA), en passant par la régulation des actifs numériques (MiCA) et la résilience opérationnelle du secteur financier (DORA), le législateur européen ne cesse d’introduire des normes structurantes. Chacun de ces textes, pris séparément, a pour objectif de pallier une carence. Ensemble, ils constituent un écosystème réglementaire complexe, parfois dépourvu de cohérence, souvent difficile à appliquer.

Accumulation de textes sans réelle coordination
Pour les initiatives novatrices, en particulier les start-up et les fintech, cette accumulation de normes peut rapidement devenir complexe. Cela est d’autant plus vrai que les normes et directives techniques ne cessent de croître, changeant constamment le champ de la conformité sans perspective de stabilité à moyen terme ni durabilité juridique. Actuellement, le cadre réglementaire en Europe se fonde sur plusieurs éléments-clés. L’AI Act (1) met en place une catégorisation des systèmes d’intelligence artificielle basée sur leur niveau de risque, imposant des exigences rigoureuses aux systèmes considérés comme étant « à haut risque ». Le DSA (2) et le DMA (3) ont pour objectif de réguler les grandes plateformes numériques tout en offrant une protection accrue aux utilisateurs. MiCA (4) régule la création de jetons et l’offre de services liés aux crypto-actifs. DORA (5) impose des normes rigoureuses de cybersécurité dans le domaine financier. De nombreux intervenants de l’écosystème sont également soumis aux règles (suite)