Terminal ouvre-toi !

Aujourd’hui comme hier, un même rêve reste encore inaccessible : quel que soit le terminal utilisé (smartphones, tablettes, télévisions, …), quels que soient les applications
et services concernés (musique, vidéo, vie pratique, …),
je passe des uns aux autres sans plus me soucier de compatibilité ou de disponibilité. Autant de contraintes dépassées. Autant d’obstacles levés. Seuls comptent les contenus et les services délivrés, toujours accessibles.
Les terminaux – simples écrans de taille différentes selon
les lieux et les usages, avec leurs cortèges d’applications – sont devenus des commodités, certes indispensables, mais qui savent se faire oublier. Il me suffit de demander à haute voix ce dont j’ai besoin, et quelque part un écran s’allume pour me satisfaire, dans ma poche, sur mon bureau ou dans mon salon. Les progrès vers l’interopérabilité des systèmes d’exploitation (OS), Graal des développeurs et des utilisateurs, n’est cependant pas pour tout de suite. Les magasins d’équipements sont encore bien remplis d’un bric-à-brac complexe. Il faut se souvenir que l’univers numérique fut à l’origine une addition de mondes clos, les téléphones mobiles ayant été conçus dès le début comme des terminaux fermés : chaque constructeur en maîtrisait autant le hard que le soft. Cet ensemble d’univers parallèles, forgés au cœur des télécoms, a été anéanti par le big bang de l’Internet. Une course de vitesse a alors été lancée : quels seraient les rares élus à se partager le contrôle du terrain hautement stratégique des OS ? Les équipementiers historiques se sont lancés dans la bataille mais n’ont pu que regarder, impuissants, l’arrivée de nouveaux entrants.

« Les terminaux sont devenus des commodités. Mais le progrès vers l’interopérabilité des systèmes d’exploitation (OS) n’est pas pour tout de suite. »

 

Avec le lancement de l’iPhone en 2007, Apple a réinventé de manière magistrale, et à son seul profit, un monde fermé visà- vis de l’extérieur mais ouvert à l’échelle de l’ensemble
de sa gamme. Très peu ont été en mesure de le suivre sur ce terrain, où il a conquis une position unique : son iOS capta rapidement une part du marché des smartphones qui monta, en seulement trois ans, à 20 %. Deux ans plus tard, en 2009, c’est Google qui se lança dans l’aventure en proposant Androïd – son système ouvert – à la communauté des équipementiers et des opérateurs. Arrivée au bon moment, il se tailla une part de marché de 40 % en à peine deux ans.
Alors que Nokia tentait de sauvegarder sa position dominante par une alliance avec Microsoft, dont l’OS Windows Mobile était malmené, Samsung se jetait dans le bain avec Bada : en faisant le pari que non seulement son OS équiperait autant ses smartphones que ses tablettes et téléviseurs connectés, mais aussi qu’il serait utilisé par d’autres constructeurs grâce au « code source » proposé à partir de 2012. La même année RIM présentait BBX, son nouvel OS qui portait une grande partie des espoirs de relance du Blackberry. La plupart des autres équipementiers, comme LG Electronics, jouèrent la prudence, par manque d’atouts, d’ambition ou simplement de place.
Certes, l’ouverture a continué de progresser, mais certains « wallen gardens » ont été
en mesure de résister comme celui d’Apple qui, entre temps, s’était relancé à la conquête du téléviseur : une nouvelle occasion pour la marque à la pomme d’élargir encore son domaine réservé et sa surface financière, la tentation étant trop grande de reproduire
avec la TV – aux interfaces encore pauvres et anti-ergonomiques à l’époque – ce qu’il avait réussi dans le mobile. D’autres, peu nombreux, ont malgré tout tenté l’aventure. Facebook voulut reproduire la prouesse de Google en lançant à son tour, peu après 2015, son propre OS mobile. Fort de ses 2 milliards d’utilisateurs, il ne lui était en effet plus possible de rester, sur les terminaux de ses fans, une application parmi tant d’autres. C’est une logique différente qui poussa plusieurs acteurs chinois à lancer, entre 2011
et 2012, leurs propres OS mobile : China Unicom sortait Wophone ; le moteur de recherche Baidu finalisait Qiushi ; le site de e-commerce Alibaba confirmait Aliyun !
Autant de stratégies de conquêtes qui s’appuyèrent néanmoins sur une compatibilité
totale avec Android, reconnaissant ainsi que la grande époque des citadelles isolées
était bien révolue. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Chronologie du livre
* Directeur général adjoint de l’IDATE. Sur le même thème,
l’Idate publie l’étude « LTE Devices »,
par Frédéric Pujol, et organise le DigiWorld Summit 2011
sur le thème « Will the device be king ? »

La pression fiscale sur les opérateurs télécoms augmente au profit des industries culturelles

Vaches à lait, têtes de Turc,… Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) expriment un sentiment général de ras-le-bol envers les taxations de toute sorte que les pouvoirs publics leur imposent, à commencer par celles destinées au cinéma,
à l’audiovisuel et bientôt la musique

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

Les taxes s’entassent sur la tête des opérateurs télécoms, sans doute coupables de faire encore des profits en temps
de crise. Alors qu’ils n’ont toujours pas digéré la taxe introduite par le gouvernement pour compenser la suppression de la publicité payante sur les chaînes publiques de télévision, de nouvelles idées de taxation du secteur germent dans l’esprit de certains. Après l’audiovisuel public, les opérateurs pourraient ainsi être mis à contribution pour financer la création musicale.

Après le CNC, le CNM
Le rapport Création musicale et diversité à l’heure du numérique (1), rédigé récemment pour le compte du ministère de la Culture et de la Communication, redonne de la vigueur à la polémique sur le financement des contenus par le secteur des télécoms. Entre autres mesures au soutien de la création musicale, le rapport précité propose de créer un Centre national de la musique (CNM) qui serait chargé de soutenir la création musicale sur le modèle du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) dans le domaine audiovisuel, y compris s’agissant de son financement. Les cinq auteurs dudit rapport – Riester, Selles, Chamfort, Colling et Thonon – écartent bien des pistes de financement, telles que la création d’une taxe sur les ventes de musique enregistrée ou d’appareils permettant d’écouter de la musique, incluant notamment les smartphones et les tablettes. Mais leur déclaration, selon laquelle il serait « légitime que les opérateurs de télécommunications contribuent au financement de la création et de la diversité musicales », provoque la levée de boucliers préventive des représentants des opérateurs télécoms marqués par les expériences précédentes. Certes, à ce stade, le rapport se contente de recommander d’aménager le volet « distributeur » de la taxe sur les services de télévision (TST) que versent aujourd’hui les opérateurs de triple
play et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au CNC, au titre du Cosip (Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels), en dérivant une partie de cette taxe pour financer le dispositif de soutien à la filière musicale. Toujours selon les auteurs du rapport, ce redéploiement d’une partie de la taxe Cosip au profit de la création musicale serait neutre pour les FAI car les taux seraient fixés de façon à ce que la pression fiscale globale sur ces acteurs reste la même. Echaudés par de tristes mesures antérieures, les opérateurs restent cependant sceptiques et attendent comme Astérix que le ciel leur tombe de nouveau sur la tête ! Par précaution, ils commencent à élever des barricades par le truchement de la Fédération française des télécoms (FFT) qui, dans un communiqué du 3 octobre 2011, « déplore qu’il soit à nouveau question de taxer les FAI pour financer l’industrie culturelle, alors même que les opérateurs participent déjà de façon importante et croissante au soutien de la création, soit directement soit indirectement ».

Taxe « TST » : 300 millions d’euros ?
Certains éléments communiqués dans l’urgence au Parlement courant octobre, pour
fixer dans le cadre du projet de loi de finances 2012 (PLF 2012) le montant de la taxe
dont s’acquittent les opérateurs de communications électroniques au bénéfice du CNC (au titre de leur activité de distributeurs de services de télévision), semblent du reste
leur donner raison. Selon la Fédération des Télécoms, en l’absence de précisions sur l’assiette retenue, le rendement prévisionnel de la taxe pour les opérateurs pourrait dépasser les 300 millions d’euros, montant apparemment confirmé par les estimations
de l’Arcep (2), ce qui va très au-delà des 190 millions attendus par le gouvernement et présentés au Parlement.
Ces dernières péripéties gouvernementales et parlementaires démontrent une nouvelle fois que les opérateurs télécoms sont considérés soit comme vaches à lait, soit comme des têtes de Turc ! En effet, au total dix-sept taxes et neuf redevances pèseraient sur
les opérateurs télécoms (3).

Finie l’exception « Free »
Les opérateurs télécoms et les FAI sont en particulier engagés dans le financement
de l’audiovisuel et du cinéma, tant à travers leur contribution au Cosip, qui a connu
une progression de 60 % entre 2008 et 2010, que via des accords spécifiques avec
des chaînes et des plates-formes de vidéo à la demande (VOD).
Ceux d’entre eux, qui, jusqu’à présent avaient mis en oeuvre des solutions de contournement pour réduire significativement leur contribution au Cosip, se sont vus rattrapés cette année par le PLF 2012 qui prévoit que la taxe soit assise « tant sur
les abonnements aux services de télévision distribués séparément, que sur les abonnements à des services de communication électronique fixe et mobile à haut
et très haut débit proposés au grand public, dès lors que leur souscription permet
de recevoir des services de télévision ». Autrement dit : fini l’exception « Free »
qui permettait à ce FAI de minimiser significativement sa contribution au Cosip.
D’un autre coté, et c’est plutôt une bonne nouvelle, l’extension protéiforme et incontrôlable de la taxe pour la copie privé qui menaçait de toucher les smartphones en tant que supports de stockage vient d’être stoppée nette par une décision du Conseil d’Etat du 27 juin 2011, qui annule la décision nº11 de la Commission « copie privée »
et qui va entraîner une remise à plat de l’ensemble des montants de la « taxe » sur la copie privée en France. Un projet de loi va être examiné au Parlement.
En revanche, la suppression de la taxe professionnelle n’a pas beaucoup profité aux opérateurs télécoms qui se sont vus imposés en compensation une charge annuelle spécifique, soit 1.530 euros par site d’antennes de radiotéléphonie dans les zones denses et moitié moins dans les zones blanches (environ 50.000 antennes relais sont installées sur le territoire français).
Bref, si on est encore loin de certains pays africains, où les opérateurs télécoms sont aujourd’hui taxés sur le trafic international entrant (4), il est clair que les opérateurs français restent dans l’esprit de nombre de technocrates ou politiques une cible commode pour financer des politiques publiques de création en cours de paupérisation, voire des déficits de crise.
Or, au regard du défi des nouveaux investissements nécessaires, en particulier pour développer le très haut débit, il serait sans doute préférable de voir les pouvoirs publics favoriser l’association volontaire des opérateurs et des ayants droit pour le développement d’un modèle économique industriel pérenne à travers des offres innovantes et créatrices de valeur, plutôt que des dispositifs de taxation préjudiciable
à la compétitivité des acteurs nationaux. @

ZOOM

Les taxes télécoms devant le juge européen
La Commission européenne a décidé en mars dernier de traduire la France devant la Cour de Justice de l’Union européenne (1) à propos de la taxe prélevée par l’Etat français sur les opérateurs de télécoms pour compenser l’arrêt de la publicité sur les chaînes de télévision publique. Cette décision pourrait déboucher sur l’obligation de l’Etat de restituer les taxes déjà versées par les opérateurs, et de payer de lourdes amendes pour infraction au droit européen. Or, cela fait plusieurs mois que Paris refuse d’abolir cette taxe, dont les recettes sont évaluées à 400 millions d’euros (0,9 % des revenus totaux des opérateurs dont les encaissements sont supérieurs à 5millions d’euros). Et ce, malgré la mise en demeure formelle envoyée en septembre 2010 par
la Commission européenne qui considère en effet que cette taxe est incompatible avec les règles communautaires en matière de télécoms. La directive « autorisation » de 2002 encadre en effet le régime des réseaux et services de télécommunications en Europe et limite les prélèvements sur les opérateurs à des montants « spécifiquement et directement liés à la couverture des coûts de la régulation du secteur ». Par ailleurs, depuis l’arrêt «Albacom» du 18 Septembre 2003, il existe une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes en ce sens (2). L’Espagne est également poursuivie pour une législation similaire à celle de la France par la même justice européenne, ainsi que la Hongrie qui a introduit une taxe « de crise » imposée spécifiquement à trois secteurs économiques : le commerce de détail, les communications électroniques et l’énergie. L’assiette et le taux de cette taxe sont définis individuellement selon le secteur d’activité et les recettes : pour les opérateurs de télécommunications, les taux varient entre 0 et 6,5 % sur la base des recettes brutes, hors TVA. @

Apple, Amazon, Google, … Les industries culturelles veulent taxer le « cloud computing »

Selon nos informations, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) demande à Apple, Amazon ou encore Google de les auditionner sur leur
« nuage informatique », dans le but de savoir comment les faire contribuer à la création et rémunérer la copie privée.

Après une réunion sur le cloud computing qui s’est tenue le 6 octobre dernier au ministère de la Culture et de la Communication, le prochain rendez-vous du CSPLA – prévu en séance plénière le 3 novembre prochain – sera déterminante. Cette instance parapublique – qui est la seule à réunir ayants droits, producteurs, éditeurs, radiodiffuseurs, télé-diffuseurs, plateformes web, fournisseurs d’accès à Internet (FAI), opérateurs télécoms et consommateurs – s’est remise au travail en juin, après trois ans de mise en veille.

Amazon et Apple bientôt auditionnés
Parmi les nouveaux chevaux de bataille du CSPLA, présidé depuis un an par Sylvie Hubac (1) : le cloud computing, qui fait l’objet d’une «mission exploratoire » pour l’aider dans ses réflexions sur « la territorialité » du droit d’auteur, « l’avenir » de la copie privée ou encore « le blanchiment » des fichiers piratés. Selon les informations de Edition Multimédi@, des ayants droits de la musique (Sacem/SDRM, Snep/SCPP, SPPF, Spedidam, Adami, …), du cinéma (SACD, Procirep, …), des livres (SNE, SGDL),
des œuvres multimédias (Scam) et des arts graphiques (ADAGP) veulent mettre à contribution les fournisseurs de service de cloud computing pour financer la création
et rémunérer la copie privée (2). Pour cela, ils veulent d’abord auditionner courant novembre Amazon et Apple à propos de leur nuage informatique respectif : Kindle Cloud/WhisperSync et iCloud/iTunes Match. C’est justement en novembre que la marque à la pomme devrait lancer en France son service en ligne iTunes Match. Déjà disponible depuis août en version bêta aux Etats-Unis, il permet de mettre sa propre discothèque musicale – de titres achetés sur iTunes Store ou téléchargés légalement ou pas ailleurs – dans l’iCloud (moyennant 24,99 dollars par an). Lors de la réunion
du 6 octobre, les ayants droits ont déjà pu entendre la directrice juridique de Google France à propos notamment du « nuage » Google Music qui est, lui aussi, en version bêta depuis son lancement en mai dernier. Mais aux dires de personnes présentes au CSPLA, elle serait restée « plutôt évasive » sur ce nouveau service musical non encore disponible en Europe. Les représentants des industries culturelles ont également eu droit à une présentation d’un ingénieur des Mines du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, David Philipona, pour tenter de trouver une définition au cloud computing. Mais, là aussi, les ayants droits n’ont pas vraiment obtenir les clarifications souhaitées.
Il s’agit notamment pour eux de savoir si la taxe « copie privée » peut-être étendue au nuage, quitte à ce que la Commission chargée de la rémunération pour copie privée (présidée par Raphaël Hadas-Lebel) reprenne à son tour le flambeau.
Mais, toujours selon nos informations, le CSPLA se demande s’il ne faut pas également réviser les licences d’exploitation et de diffusion des oeuvres sur Internet. « Y a-t-il nécessité d’acquérir des licences avec les éditeurs de contenu audio et vidéo pour permettre aux utilisateurs de consulter leurs propres bibliothèques musicales ou vidéothèques en streaming ? Y a-t-il nécessité de telles licences lorsque ces fichiers peuvent être partagés avec d’autres utilisateurs ? Quelle incidence pour les licences
en cours ? », lit-on sur l’ordre du jour de la séance. Le nuage permet en effet aux internautes ou mobinautes de stocker à distance, d’écouter et de partager – à partir
de n’importe quels terminaux – leur propre discothèque, vidéothèque, voire « multi-médiathèque ». Mais cela pose le problème de la territorialité du droit d’auteur et de
la législation applicable en matière de financement de la création, lorsque le contenu est mis à disposition et stocké ailleurs qu’en France (3). Faut-il en outre que les nuages des Amazon, Apple et autres Google contribuent au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) que gère le CNC (4) ? Doivent-il être taxés par le futur Centre national de la musique (CNM).

Piratage : l’hébergeur responsable ?
Autre préoccupation du CSPLA : le piratage. La musique, le cinéma ou encore l’édition
se demandent ce qu’il advient lorsque des fichiers piratés sont hébergés dans le nuage: « Quelle responsabilité de l’hébergeur ? Y-a-t-il un risque de “blanchiment“ des fichiers piratés par le fournisseur qui les valide ? ». Sur la sécurité des données et la protection des identités d’accès au nuage, le CSPLA rejoint là les préoccupation de la Cnil qui a lancé – du 17 octobre jusqu’au 17 novembre – une consultation auprès des professionnels. Mais la démarche de la Cnil ne concerne pas des offres de cloud computing proposées aux particuliers. @

Charles de Laubier

La presse écrite disparaîtra si elle ne change pas

En fait. Le 14 octobre, le propriétaire de France Soir, le Russe Alexandre Pougatchev, a annoncé sa décision d’abandonner l’édition imprimée
– à partir de décembre prochain – pour basculer sur le Web avec un effectif rédactionnel réduit à 32 journalistes au lieu des 87 journalistes actuels.

En clair. Tous les quotidiens papier sont sous la menace du syndrome France Soir, premier quotidien national à quitter l’ère Gutenberg. Malgré les 70 millions d’euros investis dans l’ex-fleuron de la presse française, le fils de l’oligarque russe a échoué. Rien qu’en 2010, France Soir aurait perdu près de 35 millions d’euros et les ventes sont passées – en moyenne quotidienne sur un an – sous la barre des 70.000 exemplaires (1). Lors du lancement de la nouvelle formule, le 17 mars 2010, la direction de France Soir s’était fixée comme objectif 150.000 exemplaires par jour. L’abandon du papier au profit du seul Web pourrait toucher d’autres quotidiens. La Tribune, que le tribunal de Commerce de Paris a placé début octobre « sous haute surveillance » hebdomadaire, sera fixée sur son sort le 5 janvier 2012. Bien que Valérie Decamp, PDG de La Tribune, ait dit le 15 mars 2010 à l’AFP que le quotidien économique pourrait « ne plus être distribué en kiosque d’ici la fin de l’année » (2), elle a affirmé depuis qu’elle n’avait pas l’intention de basculer entièrement sur Internet. Pourtant, durant quinze jours en août dernier, La Tribune n’est pas parue en kiosque pour n’être disponible qu’en version numérique. Résultat : le site web Latribune.fr a vu sa fréquentation augmenter « entre 40 % et 50 % » durant cette période, selon Jacques Rosselin, le directeur de la rédaction, qui a indiqué le renouvellement de l’opération l’an prochain.

Face à l’érosion quasi généralisée du lectorat de la presse payante, la question du basculement au tout-numérique n’est plus taboue. D’autant que les coûts de fabrication, du papier, de l’impression et de la diffusion peuvent, ensemble, ponctionner jusqu’à
60 % du prix de vente d’un quotidien. Mais au-delà de l’aspect comptable, c’est d’un sérieux changement éditorial dont ont besoin les quotidiens face aux flux numériques permanents de l’actualité (moteurs, sites, blogs, twitts, réseaux sociaux, mobiles, …) et aux agences de presse (AFP, Reuters, AP, …) diffusant de plus en plus leurs dépêches directement auprès des internautes et mobinautes. Vendre à « J+1 » les informations de la veille, à un prix supérieur à 1 euros le plus souvent, n’est plus acceptable. Le DG de l’OMPI (3), Francis Gurry, croit en la disparition des journaux papier d’ici à 2040, voire 2017 aux Etats-Unis et 2029 en France, comme le prétend une étude de Ross Dawson. @

Pourquoi François Hollande est contre la Hadopi

En fait. Le 16 octobre, François Hollande a été élu à 56,6 % des suffrages
(2,86 millions de votants) candidat PS à la présidentielle de 2012. Il prône
un « pacte pour la création numérique », une loi et un régulateur « contre
les majors » pour remplacer la Hadopi.

En clair. François Hollande veut « dépénaliser » le téléchargement, comme il l’a expliqué le début octobre devant l’ARP, la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs.
Ce qui revient à abroger la loi Hadopi et, partant, à supprimer la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, contrairement a ce qu’il avait laissé entendre aux cinéastes (1). Depuis juin dernier, il écrivait sur son site web de campagne présidentielle : « Notre responsabilité en 2012 sera de mettre un terme au plus vite au conflit entre créateurs et internautes en abrogeant le dispositif Hadopi
et en le remplaçant par ce nouveau mécanisme [une faible redevance couplée à la réorientation de la taxe sur les fournisseurs d’accès Internet (FAI), qui permettra de dégager jusqu’à 1 milliard d’euros annuels pour rémunérer les droits d’auteurs] ». Il était ainsi en ligne avec la position de la Sacem, prônant une « contribution compensatoire prélevée sur les FAI ». Mais depuis début octobre, François Hollande a changé d’avis en renonçant à sa « taxe sur les FAI » et en prenant le contre-pied de Martine Aury favorable, elle, à une « licence globale » (2).
Le conseiller en économie numérique du candidat PS, Vincent Feltesse, s’en est expliqué le 11 octobre sur son blog : « Nous ne sommes favorables ni à un big-bang
du droit d’auteur ni à l’instauration d’une taxe sur les ménages (ou sur les FAI, ce qui revient au même) venant financer une “licence globale” ou autre “contribution créative”. (…) En faisant prioritairement porter l’effort sur les ménages, la licence globale commet finalement la même injustice que Hadopi ». Or, le projet 2012 du PS prévoit le contraire à ce sujet : « De nouvelles sources de financement de la création numérique seront dégagées grâce à de nouvelles contributions partagées (opérateurs, FAI, etc.) ». En attendant d’être fixé sur ce point, François Hollande en appelle à un « pacte pour la création numérique » entre artistes et internautes, qui consistera non seulement à supprimer la coupure de l’accès à Internet mais aussi à « créer un régulateur sur les cendres de la Hadopi, doté d’un pouvoir de règlement des litiges et d’une “riposte graduée“ contre les majors allant de l’encadrement des pratiques commerciales – minimums garantis, avances, etc. – à la gestion collective obligatoire ». @