Apple, Amazon, Google, … Les industries culturelles veulent taxer le « cloud computing »

Selon nos informations, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) demande à Apple, Amazon ou encore Google de les auditionner sur leur
« nuage informatique », dans le but de savoir comment les faire contribuer à la création et rémunérer la copie privée.

Après une réunion sur le cloud computing qui s’est tenue le 6 octobre dernier au ministère de la Culture et de la Communication, le prochain rendez-vous du CSPLA – prévu en séance plénière le 3 novembre prochain – sera déterminante. Cette instance parapublique – qui est la seule à réunir ayants droits, producteurs, éditeurs, radiodiffuseurs, télé-diffuseurs, plateformes web, fournisseurs d’accès à Internet (FAI), opérateurs télécoms et consommateurs – s’est remise au travail en juin, après trois ans de mise en veille.

Amazon et Apple bientôt auditionnés
Parmi les nouveaux chevaux de bataille du CSPLA, présidé depuis un an par Sylvie Hubac (1) : le cloud computing, qui fait l’objet d’une «mission exploratoire » pour l’aider dans ses réflexions sur « la territorialité » du droit d’auteur, « l’avenir » de la copie privée ou encore « le blanchiment » des fichiers piratés. Selon les informations de Edition Multimédi@, des ayants droits de la musique (Sacem/SDRM, Snep/SCPP, SPPF, Spedidam, Adami, …), du cinéma (SACD, Procirep, …), des livres (SNE, SGDL),
des œuvres multimédias (Scam) et des arts graphiques (ADAGP) veulent mettre à contribution les fournisseurs de service de cloud computing pour financer la création
et rémunérer la copie privée (2). Pour cela, ils veulent d’abord auditionner courant novembre Amazon et Apple à propos de leur nuage informatique respectif : Kindle Cloud/WhisperSync et iCloud/iTunes Match. C’est justement en novembre que la marque à la pomme devrait lancer en France son service en ligne iTunes Match. Déjà disponible depuis août en version bêta aux Etats-Unis, il permet de mettre sa propre discothèque musicale – de titres achetés sur iTunes Store ou téléchargés légalement ou pas ailleurs – dans l’iCloud (moyennant 24,99 dollars par an). Lors de la réunion
du 6 octobre, les ayants droits ont déjà pu entendre la directrice juridique de Google France à propos notamment du « nuage » Google Music qui est, lui aussi, en version bêta depuis son lancement en mai dernier. Mais aux dires de personnes présentes au CSPLA, elle serait restée « plutôt évasive » sur ce nouveau service musical non encore disponible en Europe. Les représentants des industries culturelles ont également eu droit à une présentation d’un ingénieur des Mines du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, David Philipona, pour tenter de trouver une définition au cloud computing. Mais, là aussi, les ayants droits n’ont pas vraiment obtenir les clarifications souhaitées.
Il s’agit notamment pour eux de savoir si la taxe « copie privée » peut-être étendue au nuage, quitte à ce que la Commission chargée de la rémunération pour copie privée (présidée par Raphaël Hadas-Lebel) reprenne à son tour le flambeau.
Mais, toujours selon nos informations, le CSPLA se demande s’il ne faut pas également réviser les licences d’exploitation et de diffusion des oeuvres sur Internet. « Y a-t-il nécessité d’acquérir des licences avec les éditeurs de contenu audio et vidéo pour permettre aux utilisateurs de consulter leurs propres bibliothèques musicales ou vidéothèques en streaming ? Y a-t-il nécessité de telles licences lorsque ces fichiers peuvent être partagés avec d’autres utilisateurs ? Quelle incidence pour les licences
en cours ? », lit-on sur l’ordre du jour de la séance. Le nuage permet en effet aux internautes ou mobinautes de stocker à distance, d’écouter et de partager – à partir
de n’importe quels terminaux – leur propre discothèque, vidéothèque, voire « multi-médiathèque ». Mais cela pose le problème de la territorialité du droit d’auteur et de
la législation applicable en matière de financement de la création, lorsque le contenu est mis à disposition et stocké ailleurs qu’en France (3). Faut-il en outre que les nuages des Amazon, Apple et autres Google contribuent au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) que gère le CNC (4) ? Doivent-il être taxés par le futur Centre national de la musique (CNM).

Piratage : l’hébergeur responsable ?
Autre préoccupation du CSPLA : le piratage. La musique, le cinéma ou encore l’édition
se demandent ce qu’il advient lorsque des fichiers piratés sont hébergés dans le nuage: « Quelle responsabilité de l’hébergeur ? Y-a-t-il un risque de “blanchiment“ des fichiers piratés par le fournisseur qui les valide ? ». Sur la sécurité des données et la protection des identités d’accès au nuage, le CSPLA rejoint là les préoccupation de la Cnil qui a lancé – du 17 octobre jusqu’au 17 novembre – une consultation auprès des professionnels. Mais la démarche de la Cnil ne concerne pas des offres de cloud computing proposées aux particuliers. @

Charles de Laubier