Exclusivités sur les réseaux : un sujet embarrassant pour tout le monde

Les conflits sur les exclusivités se sont accumulés ces derniers mois. L’exclusivité iPhone- Orange a été suspendue, tandis que le modèle de double exclusivité Orange-France Télévisions et Orange Sport a été autorisé. La mission Hagelsteen prémunira-t-elle contre d’autres litiges ?

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

Bâtis sur le sacro-saint principe de l’interopérabilité et de la neutralité, les télécommunications étaient jusqu’à présent ouvertes vis-à-vis des contenus. A l’inverse les médias – soutenues par une réglementation qui cloisonne l’exploitation des œuvres dans le temps et selon leur support de diffusion (chronologie des médias) – ont construit un modèle d’accès discriminant permettant de financer la création des œuvres et dont la valeur réside largement dans des exclusivités de distribution. Ces pratiques se heurtent aujourd’hui à l’évolution des technologies qui permet une personnalisation et une nomadisation croissantes des modes de consommation, de plus en plus indépendants des terminaux et des plateformes (catch-up TV; vidéo à la demande; télévision mobile, etc.). Par ailleurs, la banalisation des flux de communication contraint les opérateurs télécoms à se différencier par les contenus offerts sur leurs réseaux, comme ils le font déjà en offrant des terminaux mobiles subventionnés, packagés dans leurs offres.

L’après-Hadopi : le rôle des fournisseurs d’accès à l’Internet reste à clarifier

La loi « Hadopi » est relativement claire sur ce que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) doivent faire. Mais elle l’est beaucoup moins sur ce qu’ils peuvent faire pour contribuer au développement de l’offre légale et à la lutte contre le piratage en ligne.

Par Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan & Hartson.

La loi « Création et Internet » donne plusieurs rôles bien définis aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Ils (1) doivent communiquer à la Commission de protection des droits de l’Hadopi – Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet – l’identité de l’abonné dont l’adresse IP a été relevée par des agents assermentés du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, des sociétés de gestion collective ou des organismes de défense professionnelle.

La mission « Création et Internet » est impossible… ou presque

Taxe « triple play », crédit d’impôt, financement de films, taxe sur la pub, licence globale, taxe de terminaux, TVA à 5,5 %… La mission « Zelnik » croule sous les doléances, dont celles du cinéma.

Prise de court, la mission « Création et Internet » – lancée le 3 septembre par le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, entre les promulgations des lois « Hadopi 1 » le 13 juin et « Hadopi 2 » le 29 octobre – deviendrait-elle impossible ? Les quelques 200 questionnaires et leurs neuf interrogations envoyés aux professionnels des télécoms, de l’Internet, des médias et des industries culturelles – complétés par des « auditions sélectives » – ont déclenché un afflux de propositions pour « améliorer l’offre légale sur Internet et la rémunération des artistes et de tous ceux qui concourent à la création de ces œuvres ».

TF1 mise sur la diversification numérique

En fait. Le 23 octobre, la direction de la première chaîne de télévision française annonce par un communiqué laconique que « TF1 et [son DG] Axel Duroux ont décidé de se séparer d’un commun accord pour divergence de vues stratégiques sur la conduite de l’entreprise ».

En clair. Axel Duroux sera resté finalement moins de deux mois à TF1 en tant que directeur général. Reste seul maître à bord Nonce Paolini, à la tête de la chaîne depuis maintenant plus de deux ans. Le « différend » qui les a opposés est étroitement lié à la stratégie numérique à adopter. Pour Nonce Paolini, TF1 doit se diversifier pour compenser la tendance baissière de son audience (passée de plus de 30 % de part de marché il y a deux ans à 26,4 % aujourd’hui) et affronter une concurrence accrue des chaînes de la TNT et du Web. Pour Axel Duroux, TF1 devait au contraire de concentrer sur son métier historique pour retrouver les niveaux d’audience d’antan et ne pas se contenter des résultats actuels. Les deux dirigeants n’étaient pas d’accord notamment sur la diversification dans la radio numérique. En 2008, le groupe TF1 a déposé trois dossiers de candidature qui ont été retenus : LCI Radio, Wat Radio et Plurielles Radio. Au-delà du problème de partage de responsabilités entre les deux numéros un – le management à Nonce Paolini et les programmes à Axel Duroux (1) –, c’est tout l’avenir de TF1 qui est en question. Le système d’oligopole de l’ancien PAF (2) vole en éclats sous l’impulsion de la diffusion numérique et d’une concurrence des nouveaux écrans « délinéalisés ». L’audience télé se fragmente, y compris vers les ordinateurs et les mobiles. Après l’ancien tandem Le Lay-Mougeotte de TF1 qui n’avait pas cru à la TNT, Nonce Paolini veut rattraper le retard en rachetant pour 200 millions d’euros au groupe AB les chaînes gratuites TMC (3) et NT1. La veille de l’officialisation de l’éviction d’Axel Duroux, Nonce Paolini a décrit – lors d’un colloque NPA Conseil-Le Figaro – une « stratégie multi-supports » avec la télévision via le réseau ADSL (ou IPTV), les téléphones mobiles multimédias à l’aide du Player TF1 ou encore MyTF1 – déjà proposé sur la Bbox de Bouygues Telecom – pour des services de vidéo à la demande (VOD) ou de télévision de rattrapage (catch-up TV). Sans oublier les sites web à commencer par TF1.fr, mais aussi le site d’échange Wat ou encore Overblog. TF1, qui a lancé le 9 novembre un nouveau portail d’information – Excessif.com – sur le cinéma, les séries, les DVD et les jeux vidéo, est en passe de devenir un « groupe audiovisuel global » et de « dépasser la seule chaîne de télévision pour gagner la bataille des contenus sur tous les écrans ». @