La mission «Création et Internet» est impossible… ou presque

Taxe « triple play », crédit d’impôt, financement de films, taxe sur la pub, licence globale, taxe de terminaux, TVA à 5,5 %… La mission « Zelnik » croule sous les doléances, dont celles du cinéma.

Prise de court, la mission « Création et Internet » – lancée le 3 septembre par
le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, entre les promulgations des lois « Hadopi 1 » le 13 juin et « Hadopi 2 » le 29 octobre – deviendrait-elle impossible ?
Les quelques 200 questionnaires et leurs neuf interrogations envoyés aux professionnels des télécoms, de l’Internet, des médias et des industries culturelles
– complétés par des « auditions sélectives » – ont déclenché un afflux de propositions pour « améliorer l’offre légale sur Internet et la rémunération des artistes et de tous ceux qui concourent à la création de ces œuvres ».

Une taxe sur les terminaux interactifs
Ce rapport très attendu sur le partage de la valeur créée sur Internet et les mobiles ne sera pas rendu mi-novembre mais plutôt à la fin du mois. Ce sujet hautement sensible
fait l’objet d’un intense lobbying, notamment des professionnels du cinéma. Selon nos informations, parmi les nombreuses propositions faites par le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc), lequel regroupe 14 organisations du cinéma français, l’une d’elles consiste à instaurer une obligation d’investissement dans le cinéma non seulement pour les « opérateurs de télécommunications » mais aussi pour les
« fabricants – ou leurs importateurs – de terminaux de réception interactifs » tels que les téléviseurs interactifs. Le Bloc veut que les fabricants de ces terminaux de réception interactifs d’œuvres audiovisuelles – tels que ceux qui intègrent des « widgets » publicitaires dans leurs écrans ou Thomson avec son téléviseur (VOD) – soient eux aussi mis à contribution au titre des « avantages économiques retirés de l’exploitation des films ». Les opérateurs télécoms ne sont pas en reste. Ils devront investir –
« à travers une contribution consistant en un pourcentage de leur chiffre d’affaires »
– dans le « préfinancement du cinéma européen et d’expression originale française »
et sa mise à disposition du public via les services de médias audiovisuels (télévision
et vidéo à la demande).
Ces investissements dans les œuvres et leur exposition seraient effectués en complément de la taxe – alimentant le Compte de soutien à l’industrie de programmes (Cosip) – que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) versent déjà au CNC (1), au titre de la portion de leurs offres « Internet-télévision-téléphone » assurant la distribution de services de télévision.
En outre, la fédération du cinéma français réclame que la taxe Cosip, due au CNC, soit prélevée sur les revenus publicitaires des moteurs de recherche, des sites de partage vidéo ou autres services de médias audiovisuels, à l’instar de ce qui existe pour les chaînes de télévision et les sites de vidéo à la demande payants. Taxer la publicité du Net n’est pas nouveau : la demande a été notamment réitérée fin septembre par la SACD (2), ce qui avait provoqué l’ire de l’Asic (3). Autre proposition phare du Bloc :
une obligation de « must carry » pour les FAI visà- vis des offres légales de VOD.
L’objectif est de donner le droit à toutes les plateformes de VOD à l’acte payante d’être distribuées – si elles le souhaitent – par tous les opérateurs de l’ADSL et du câble, dont les box seraient ouvertes au libre choix des abonnés eux-mêmes. Pour le cinéma, cette mesure est la mieux à même de « favoriser l’accès à la diversité des films, notamment dans les offres triple play », de faire décoller du marché de la VOD et le développement de toutes les plateformes de films, notamment les indépendantes. Contacté par
« Edition Multimédi@ », l’Association des producteurs de cinéma (APC), membre
du Bloc, explique – par la voie de son délégué général Frédéric Goldsmith – qu’il s’agit de « créer un écosystème, bénéfique pour tous, entre les opérateurs télécoms, les fabricants de terminaux, les sites web et les œuvres, favorisant la création audiovisuelle et l’innovation dans l’environnement numérique ».

Crédit d’impôt et licence globale
Il indique en outre que le Bloc n’est pas contre l’idée d’un crédit d’impôt en faveur des internautes qui achèteraient des films légalement sur Internet. Cette proposition de crédit d’impôt est avancée par des organisations de la musique, le Snep (4) et l’UPFI (5). Mais la Sacem (6) n’y est pas favorable. Quant à la licence globale, souhaitée par l’Adami, la Spedidam, Jacques Attali ou encore l’exprésident de la Sacem, elle fait toujours polémique. La Fédération française des télécoms (FTT), qui écarte tout idée
de « taxe supplémentaire » sur les FAI, estime, elle, « qu’une taxe aveugle sur le chiffre d’affaires [des FAI] aurait, tout comme la licence globale, un effet déresponsabilisant sur le consommateur ». Quoi qu’il en soit, industries culturelles et opérateurs télécoms demande en cœur une baisse de la TVA sur les téléchargements. @