Licence légale : les webradios attendent le barème

En fait. Le 30 mai, le Conseil d’Etat a rejeté le recours des producteurs de musique – représentés par la SCPP et la SPPF – contre l’extension de la « rémunération équitable » (licence légale) aux webradios. De leur côté, les artistes-interprètes – représentés par la Spedidam et l’Adami – s’en réjouissent.

En clair. La loi « Création », promulguée il y aura deux ans le 8 juillet prochain, a étendu le bénéfice de la rémunération équitable aux activités de diffusion musicale non interactive des webradios. Autrement dit, les radios de la bande FM ne sont plus les seules à pouvoir diffuser de la musique, gratuitement pour les auditeurs, sans autorisation préalable des ayants droits mais moyennant une redevance annuelle versée à la Spré (1). C’est l’application de cette licence légale aux radios digitales sur Internet qui était dénoncée par la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) – représentant les majors de la musique que sont Universal Music, Sony Music, Warner Music – et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF).
Après le Conseil constitutionnel qui a validé le 4 août 2017 l’extension de la licence légale aux webradios (2), le Conseil d’Etat a rejeté le 30 mai dernier le recours des producteurs de musique enregistrée. Ces derniers dénonçaient les atteintes aux libertés contractuelle et entrepreneuriale, ainsi qu’une violation du droit exclusif d’autoriser l’exploitation des œuvres musicales, tout en contestant la composition de la commission – nommée par le ministère de la Culture – chargée d’établir un barème de rémunération applicable à ce secteur des webradios. « Tant que ladite commission n’a pas pris de décision, la Spré est dans l’incapacité de s’organiser pour prendre en compte l’extension de la licence légale aux webradios », nous avait précisé l’an dernier Loïc Challier, son directeur général, après la validation de la rémunération équitable pour les webradios. La Spré est composée de quatre organisations associées : la Spedidam, l’Adami et la Société civile des producteurs associés (SCPA) qui est elle-même composée de la SCPP et de la SPPF. Toutes ces organisations sont représentées parmi les huit membres de la commission « rémunération équitable ».
Pour le mois d’avril 2018, l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) a publié l’audience de 1.298 radios digitales adhérentes : si l’on ne prend pas en compte les radios en ligne dont le flux est identique à la station FM (simulcast), c’est Radio Meuh, avec 2,1 millions d’écoutes actives en France qui arrive en tête du classement des webradios, suivie de Djam Radio, NRJ Hits ou encore Skyrock 100 % français. @

Les auteurs audiovisuels exigent une rémunération équitable au niveau mondial, à l’ère du numérique

Alors que le projet de directive européenne sur le droit d’auteur pour le marché unique numérique est en cours d’examen, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) publie une étude juridique préconisant une rémunération équitable des scénaristes et réalisateurs.

C’est fut en plein Festival de Cannes, dont le tapis rouge a été renroulé le 19 mai après douze jours dédiés au 7e Art, que les scénaristes, les réalisateurs et tous les autres auteurs audiovisuels se sont rappelés au bon souvenir de la profession cinématographique pour demander à ne pas être les oubliés du partage de la valeur à l’heure de l’exploitation des films et séries sur les plateformes numériques.

Rémunération équitable et droit d’auteur
A l’appui de leur revendication : une étude juridique publiée le 14 mai et commanditée par la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) et Writers & Directors Worldwide (W&DW). Cette dernière organisation, domiciliée au siège de la Cisac, ellemême basée à Neuilly-sur-Seine, est le fer de lance de « la juste rémunération de tous les auteurs et réalisateurs dans le domaine de l’audiovisuel à travers le monde ». Présidée par le réalisateur et scénariste argentin Horacio Maldonado (photo), W&DW mobilise depuis 2014 les créateurs audiovisuels, littéraires et dramatiques de tous les pays afin d’obtenir la recon-naissance de leurs droits à l’ère du numérique (1). « Les services Internet diffusent un plus grand nombre de contenus audiovisuels, vers un public plus large et à l’aide d’une multitude de dispositifs, mais la position de faiblesse des créateurs dans leurs négociations contractuelles les empêche souvent d’accéder aux revenus générés par ce marché numérique en pleine expansion », est-il déclaré dans le texte fondateur du 8 octobre 2014 et appelé « Manifeste de Mexico » (2). Les auteurs audiovisuels veulent que les gouvernements et parlementaires du monde adoptent une législation reconnaissant aux écrivains et réalisateurs un droit inaliénable à rémunération, lequel devra être obligatoirement négocié avec les utilisateurs de leurs œuvres et soumis à la gestion collective.
Les droits à rémunération existent depuis longtemps dans plusieurs pays européens, comme en Belgique, en France, en Italie, en Pologne et en Espagne. Il s’agit cette fois de l’étendre à toute l’Union européenne où nombreux seraient les scénaristes et réalisateurs victimes d’une
« traitement discriminatoire » (3) et, partant, au monde entier comme l’ont déjà fait le Chili (loi Ricardo Larrain en 2016), la Colombie (loi Pepe Sánchez en 2017) et bientôt le Brésil (en 2018 ?). Une déclaration de 126 scénaristes et réalisateurs européens et une pétition en ligne (4) signée par plus de 15.000 person-nes dans plus de 100 pays avaient été envoyées au Parlement européen en février dernier. Ses commissions de la Culture et de l’Industrie ont proposé d’introduire – pour l’exploitation des œuvres sur les plateformes audiovisuels et numériques – un droit incessible et inaliénable à rémunération pour les auteurs audiovisuels dans la future directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Des discussions sont en cours au sein de la commission des Affaires juridiques où un vote est, selon nos informations, prévu les 20 et 21 juin, tandis que le vote des eurodéputés en plénière aura lieu en juillet au plus tôt, sinon en septembre.
La Cisac, présidée par le compositeur de musique électronique et interprète français Jean-Michel Jarre, représente plus de 4 millions de créateurs de tous les répertoires artistiques dans le monde (musique, audiovisuel, spectacle vivant, littérature et arts visuels). Elle soutient avec W&DW la demande des scénaristes et réalisateurs d’inclure, dans la prochaine directive, une rémunération équitable pour l’exploitation de leurs œuvres par les plateformes de contenus à la demande. L’étude juridique de 105 pages (5) est soutenue par la Société des auteurs audiovisuels (SAA) qui milite pour une modification de la législation européenne. Elle part du constat que « les auteurs sont souvent amenés à céder leurs droits aux producteurs en raison de leur situation de faiblesse lors des phases de négociation ». Aussi, il est recommandé « la mise en place d’un cadre juridique international qui introduirait un droit à rémunération incessible et inaliénable pour les auteurs audiovisuels (…) sans empiéter sur l’exploitation commerciale par le producteur ».

Droit des producteurs versus gestion collective
Les producteurs, tant dans l’audiovisuel et le cinéma que dans la musique, sont, eux, vent debout dès lors que l’on tente de porter atteinte à leur droit exclusif de la propriété intellectuelle ou de le contourner. Droit des producteurs versus gestion collective des droits ? « Ma société de gestion collective doit pouvoir représenter mes droits et négocier ma rémunération avec ceux qui exploitent mes œuvres, y compris les plateformes de vidéo à la demande », a déclaré le 14 mai Julie Bertuccelli, réalisatrice et membre de la SAA. @

Charles de Laubier

Services de médias audiovisuels (SMA) : la nouvelle directive devrait être votée le… 1er octobre

La future nouvelle directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) pourrait être votée à l’automne. Si le cinéma, l’audiovisuel et les régulateurs concernés sont satisfaits, les acteurs
du Net, eux, restent presque sans voix. En France, la grande loi audiovisuelle a ses premiers jalons.

« Cet accord est une avancée historique pour la création. (…) Cela signifie concrètement que, pour la première fois, l’Europe accepte l’idée d’intégrer tous les diffuseurs établis à l’étranger mais qui ciblent notre marché dans l’écosystème de l’exception culturelle européenne », s’est félicitée le 26 avril Frédérique Bredin (photo de gauche), présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Cet établissement public administratif, sous la tutelle du ministre de la Culture, est d’autant plus satisfait qu’il constitue la plaque tournante du financement du cinéma et de l’audiovisuel en France.

Exception culturelle versus dumping culturel
Le Parlement européen, le Conseil des ministres de l’Union européenne et la Commission européenne – réunis en « trilogue » ce jour-là – sont en effet parvenus à un « accord politique » (1) sur la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels » (SMA). Et ce, alors que la fin des négociations est prévue d’ici juin prochain en prévision du vote final en séance plénière
du Parlement européen programmé pour septembre – voire début octobre. Selon nos constatations (2), une date indicative de séance plénière pour
la première et unique lecture est fixée au 1er octobre 2018. Le projet de nouvelle directive SMA prévoit notamment un quota minimal de 30 % d’œuvres européennes sur tous les services à la demande en Europe (Netflix, Amazon Video, YouTube, Apple, Facebook, …), alors que la proposition initiale proposait d’établir ce taux à 20 %. Ces mêmes plateformes vidéo pourront en outre être taxées et obligées d’investir dans la production audiovisuelle et cinématographique, selon le principe du
« pays de destination » (ou pays « ciblé ») – une brèche dans le principe de
« pays d’origine » cher à la Commission européenne et aux acteurs du Net (lire encadré page suivante).
Pour les eurodéputés,« le niveau de contribution dans chaque pays devra être proportionnel aux bénéfices qu’elles réalisent dans ce pays ». Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui fut – sous la présidence d’Olivier Schrameck (photo de droite) – aux avant-postes pour préparer
le terrain, s’est réjoui le 26 avril également de cette avancée décisive : « La nouvelle directive renforce la pertinence et l’efficacité de la régulation en réduisant les asymétries réglementaires entre les différents types d’acteurs [par] l’extension du champ d’application de la directive aux plateformes de partage de vidéos, aux réseaux sociaux et aux plateformes de diffusion en direct sur Internet ». En France, où les défenseurs de « l’exception culturelle » et pourfendeurs de ce qu’ils appellent « le dumping culturel » sont légion, le cinéma, l’audiovisuel et les auteurs avaient déjà exprimé leur satisfaction à la suite de l’adoption, le 23 mai 2017 (3), de ce projet de directive concernant télévision de rattrapage, VOD, SVOD et plateformes vidéo. Mais, cette fois, le trilogue européen a validé le texte législatif européen qui fut présenté il y a deux ans et qui entre maintenant dans la dernière ligne droite de négociations avant sa promulgation à l’automne prochain – puis sa transposition par chacun des Etats membres. « Les bases d’une nouvelle régulation européenne ont été posées garantissant le financement et l’exposition de la création européenne. Toutes les plateformes de vidéo à la demande en Europe devront proposer a minima 30 % d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques européennes dans leurs catalogues. Par ailleurs, chacun des Etats européens va pouvoir les soumettre à ses obligations d’investissement dans la création, même quand elles sont établies à l’étranger, en proportion du chiffre d’affaires généré sur son territoire », ont déclaré satisfaits le 27 avril six syndicats professionnels français du cinéma et de l’audiovisuel, parmi lesquels l’Union des producteurs de cinéma (UPC), le Syndicats de producteurs indépendants (SPI), l’Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) et le Syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA).
Les cinéastes de la société civile des Auteurs- Réalisateurs- Producteurs (ARP) se sont aussi réjouis le même jour : « Cette décision inscrit la politique culturelle européenne dans un mouvement moderne et constructif, adapté au numérique sans pour autant abandonner les fondements qui ont fait la vitalité de notre écosystème. (…) En retenant le principe du pays de destination, les institutions européennes répondent par ailleurs à la nécessité d’enrayer les stratégies de dumping trop souvent pratiquées par les géants de l’économie numérique ».

Quid des algorithmes et de la rémunération ?
Mais l’ARP souhaite que le quota minimum de 30 % d’œuvres européennes et les obligations de financement de la création soient soumis à « un dispositif de contrôle efficace et contraignant ». De son côté, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) rappelle que « ce taux de 30 % n’est évidemment pas aussi élevé que les auteurs l’auraient souhaité à juste titre » – certains en France voulaient aller jusqu’à 60 % du catalogue – mais elle estime que « la fixation d’une telle règle commune constitue une novation positive et importante au niveau européen ». Cette société de gestion collective des droits salue l’autre avancée sur les obligations de financements de la création de la part de tous les services de vidéo à la demande : «Même établies à l’étranger, ces plateformes ne pourront plus
se soustraire aux politiques nationales de soutien à la création. C’est là le risque du dumping culturel qui se trouve directement combattu par cette directive ». La SACD demande cependant que les avancées obtenues soient
« rapidement complétées » par « la prise de nouvelles mesures permettant notamment d’intégrer un objectif de diversité culturelle dans les algorithmes de recommandation des plateformes » et par « des prolongements pour garantir aux auteurs le droit à une juste rémunération sur les plateformes numériques partout en Europe » – faisant référence sur ce dernier point à la révision en cours de la directive sur le droit d’auteur que la Commission européenne a démenti en février dernier le report (4).

Vers une nouvelle régulation audiovisuelle
Quant à la Société civile des auteurs multimédias (Scam), elle se félicite aussi que les plateformes vidéo et télé aient « l’obligation de contribuer à
la création, selon les règles en vigueur du territoire européen ciblé par leur offre et non pas celles du territoire dans lequel ils sont installés » et du
« taux de 30 % d’œuvres européennes dans leurs catalogues ». Et la Scam d’espérer en outre que « les discussions autour de la directive sur le droit d’auteur déboucheront sur un partage tangible de la valeur et, notamment dans ce cadre, sur un droit à rémunération au bénéfice des auteurs audiovisuels européens ». Cette nouvelle directive SMA arrive à point nommé pour le gouvernement qui prépare, sous la houlette du chef de l’Etat, une grande loi sur l’audiovisuel incluant la réforme sur l’audiovisuel public. Rappelons que l’une des promesses de campagne de l’ex-candidat Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle de 2017 est d’« investir dans les industries créatives et culturelles françaises en créant un fonds d’investissement dédié de 200 millions d’euros» et de «favoriser la diffusion du spectacle vivant notamment en multipliant les spectacles coproduits et adapter le soutien au cinéma et à l’audiovisuel aux nouveaux formats ». Il a aussi promis de « simplifier la réglementation audiovisuelle en matière de publicité, de financement et de diffusion, pour lever les freins à la croissance de la production et de la diffusion audiovisuelles et préparer le basculement numérique, tout en préservant la diversité culturelle » (5). Alors que la grande loi sur l’audiovisuel est sur les rails, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen (lire en Une), s’est félicitée elle aussi le 27 avril
de la nouvelle directive SMA: « Ce texte marque une nouvelle étape dans la régulation audiovisuelle. Il répond parfaitement à la volonté de la France en matière de promotion de la diversité culturelle, de financement de la création et de protection des publics. (…)
Cela permettra de remédier aux distorsions de concurrence et de prévenir les délocalisations opportunistes ».
La locataire de la rue de Valois s’est dite satisfaite que le champ de la régulation audiovisuelle soit étendu aux plateformes de partage de vidéos telles que YouTube ou Dailymotion, lesquels échappaient à l’obligation de prendre des mesures pour protéger les jeunes publics et de lutter contre les contenus haineux ou violents. Comme le souligne la Scam, « ces obligations s’appliquent désormais aux sites de partage de vidéos, mais aussi aux réseaux sociaux et aux plateformes de diffusion en direct (livestreaming)». Les acteurs du Net, eux, plutôt favorables à une autorégulation, n’ont pas réagi immédiatement. Dans le texte législatif, les eurodéputés ont aussi élargi à toutes les plateformes de nouvelles règles « efficientes et efficaces » interdisant tout contenu incitant à la violence, à la haine et au terrorisme, et soumettant la violence gratuite et la pornographie aux règles les plus strictes. « Même si la priorité est donnée à la corégulation et à l’autorégulation, les plateformes de partage de vidéos devront désormais réagir de façon responsable et rapide lorsqu’un contenu nocif est signalé par les utilisateurs », souligne le Parlement européen. @

Charles de Laubier

ZOOM

DigitalEurope à Bruxelles et l’Asic à Paris restent sans voix
Du côté des plateformes vidéo, ni l’organe de lobbying bruxellois DigitalEurope, dont sont membres Amazon, Google/YouTube et Apple, ni
en France l’Association des services Internet communautaires (Asic), qui compte Netflix parmi ses membres depuis le début de l’année aux côtés de Google/YouTube et Dailymotion, n’ont réagi immédiatement à l’annonce de l’accord politique du 26 avril. En France, l’Asic était plutôt préoccupé par
« la potentielle entrave au développement du numérique européen que peut représenter la proposition de règlement sur l’équité dans les relations inter-entreprises ». Quant à l’association DigitalEurope, contactée par Edition Multimédi@, elle a répondu être encore en train d’étudier l’accord du 26 avril.
Il y a un an, lorsque le Parlement européen avait entamé les débats en avril 2017, notamment en voulant porter à 30 % le quota d’oeuvres européennes, DigitalEurope avait déclaré alors que cette proposition était « contre-productive ». En outre, la future directive SMA prévoit des mesures garantissent l’intégrité du signal qui s’appliquent aux téléviseurs connectés (Smart TV) et qui prévoient qu’un fournisseur de services de médias ne peut pas ajouter une fenêtre avec du contenu à l’écran au cours d’un programme audiovisuel sans avoir l’accord préalable du diffuseur ou de la chaîne. Réaction de DigitalEurope : « La mise en oeuvre de la directive SMA doit être harmonisée pour éviter un marché unique numérique fragmenté. Et nous espérons qu’elle ne limitera pas inutilement l’interface utilisateur ou les fonctionnalités des téléviseurs et terminaux », nous a juste indiqué son directeur de la communication et de la politique, Lionel Sola. @

Minimum garanti pour le streaming : c’est pas gagné !

En fait. Le 23 mars, le projet de loi « Création » a été voté en seconde lecture à l’Assemblée nationale. L’une des mesures-phare du texte est l’instauration d’une garantie de rémunération minimale pour le streaming de musique en ligne. Mais la filière a un an pour se mettre d’accord sur les modalités. Sinon…

En clair. Les négociations sur la mise en place et le niveau de la garantie de rémunération minimum que devront verser les producteurs aux artistes-interprètes pour la diffusion de musique en flux sans téléchargement – autrement dit le streaming (1) – ne font que commencer ! C’est Maylis Roques, par le passé secrétaire générale du CNC (2) (2010-2014), qui a été désignée pour présider – en tant que représentante de l’Etat – une commission pour aboutir à un accord collectif – conformément à ce qui est prévu par l’accord Schwartz de septembre 2015. L’« accord collectif de travail » (3),
sur ce que devra être la rémunération minimale garantie des artistes-interprètes sur le streaming de leurs œuvres musicales enregistrées, est exigé par la loi dans les douze prochains mois et s’inscrira dans la convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008. A défaut d’accord entre les organisations des artistes-interprètes (Adami, Spedidam, …) et les celles des producteurs de musique (Snep, UPFI, …) d’ici le printemps 2017, la commission « Roques » – où les deux parties seront représentées à parts égales – statuera (4). En France, la Spedidam et l’Adami, sociétés de gestion collective des droits des artistes-interprètes, fustigent de longue date le peu de rémunération des artistes provenant du streaming (voir graphique ci-contre) et exigent une gestion collective obligatoire de ces droits. @

Musique : la vidéo pèse 65 % du streaming en France

En fait. Le 8 mars, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a dressé le bilan du marché français de la musique enregistrée : 426 millions d’euros, en recul de – 7 %, dont 152,3 millions pour les revenus du numérique,
en hausse de + 14,7 %. Le streaming musical est dominé par la vidéo qui
rapporte peu.

En clair. Le nombre de titres consommés en streaming au cours de l’année 2015 en France a atteint la barre des 50 milliards de titres, dont 65 % sont de la musique en vidéo et les 35 % restants de l’audio. C’est ce qu’a révélé le Snep – qui regroupe notamment les majors de la musique (Universal Music, Sony Music et Warner Music) – lors de la présentation de son bilan 2015, en s’appuyant sur les chiffres des plateformes numériques et du cabinet d’étude GfK. Or le Snep constate que si près des deux tiers des titres musicaux streamés sont de la vidéo, celle-ci ne génère que 10 % des 104,2 millions d’euros de revenus totalisés par le streaming dans son ensemble l’an dernier. Autrement dit, le streaming audio représente à peine plus d’un tiers des titres musicaux streamés mais rapporte 90 % des revenus totaux du streaming. « En France, un streamer YouTube rapporte 54 fois moins qu’un abonné à un service audio et 3 fois moins qu’un utilisateur de service audio gratuit », a déploré le directeur général du Snep, Guillaume Leblanc, qui en appelle à une « nécessaire correction du transfert de valeur ». En monnaie sonnante et trébuchante, cela veut dire que le revenu annuel du producteur par utilisateur en 2015 a été de 27 euros par abonnement streaming audio (1), mais seulement de 1,5 euros pour le streaming financé par la publicité, et seulement de 0,5 euro pour le streaming vidéo gratuit.
Assistant à la présentation, Denis Thébaud, PDG de Xandrie et acquéreur fin décembre de Qobuz (2), la plateforme de musique en ligne de haute qualité sonore, a interrogé le Snep sur ce constat : « Sur Qobuz, cela pourrait nous intéresser d’avoir une offre vidéo. Mais j’ai été frappé par la divergence des revenus. Car 54 fois plus, c’est énorme pour le même service (que le streaming audio) mais avec la vidéo en plus. Avec l’image, on se dit que cela devrait être plus cher… ».
Ce à quoi Stéphane Le Tavernier, le président du Snep et directeur général de Sony Music France, lui a répondu : « Pour l’instant, il n’existe pas d’offres vidéo sur les principales plateformes à part YouTube. Mais nous sommes tout à fait ouverts à tout nouveau modèle qui permettrait de continuer à développer l’usage. Si vous avez un bon modèle et techniquement les possibilités d’attirer de la clientèle sur un modèle de vidéo payant, la totalité des producteurs seront ravis d’y participer ». A bon entendeur… @