Le streaming mondial accroît la valorisation des catalogues musicaux qui attisent les convoitises

C’est la course mondiale aux catalogues de titres musicaux que le streaming revalorise, attirant moult candidats à leur rachat (fonds d’investissement, majors, éditeur/publishing, …). Certains se vendent plusieurs millions de dollars, surtout quand les artistes sont devenus mythiques.

La montée en charge du streaming musical donne un coup de fouet à l’industrie de la musique. Au-delà des plateformes numériques telles que Spotify, Deezer, Apple Music ou Qobuz qui font les affaires des majors de la musique enregistrée et des producteurs indépendants, les catalogues des artistes prennent encore plus de valeur. Et lorsque les musiciens et/ou le groupe ont une notoriété internationale, voire mythique, la valorisation de leurs catalogues peut atteindre des sommes records : le catalogue des Pink Floyd pourrait être cédé au moins 500 millions de dollars, a révélé l’agence Bloomberg le 23 juin dernier (1).

« Money », chantaient les Pink Floyd…
Les Pink Floyd veulent ainsi céder leur catalogue au plus offrant et ce ne sont pas les candidats au rachat qui manquent : près de 50 ans après leur titre emblématique « Money », le groupe de rock britannique espère en obtenir plus d’un demi-milliard de dollars. Parmi les acquéreurs potentiels, il y a Sony Music, Warner Music ou encore BMG Rights Management (BMG) avec le soutien du fonds d’investissement newyorkais KKR. Le groupe de « The Wall » ou de « Wish You Were Here », cofondé en 1965 (2), a vendu au total plus de 250 millions de disques dans le monde tous titres confondus, dont 75 millions rien qu’aux Etats-Unis. Cette formation mythique de l’underground londonien, et considérée comme l’un des premiers groupes de musique psychédélique du Royaume- Uni, dispose d’un catalogue qui vaut aujourd’hui une montagne d’or. Le streaming lui redonne même un coup de jeune, surtout si le catalogue mis en vente comprend non seulement les droits d’enregistrement pour leur diffusion en streaming, sur CD ou vinyles, mais aussi les droits d’auteur, de composition ou de synchronisation (3). Les fonds de catalogue ont réémergé avec le streaming, à la faveur de la mode du « vintage » – notamment au profit des années 70 et 80.
Les Pink Floyd pourraient faire mieux que le chanteur-guitariste américain Bruce Springsteen qui a réussi en décembre 2021 à vendre à Sony Music ses droits musicaux pour 500 millions de dollars. Son catalogue ainsi cédé comprend les enregistrements (les «masters ») et les droits d’édition musicale (les « publishing rights »). A 72 ans, le rocker aux plus de 150 millions de disques vendus dans le monde retrouve une seconde jeunesse grâce aux streams de sa musique en ligne qui lui permettent de toucher une nouvelle génération avec ses anciens succès tels que « Born to Run » ou « Born in the USA ». La cession de son catalogue, dont plus de 300 chansons d’une vingtaine d’albums, reste un record pour un musicien seul. Le chanteur-composition américain Bob Dylan (alias Robert Zimmerman, 81 ans), autre icône mondiale immortalisée avec « Blowin’ in the Wind » ou « Mr. Tambourine Man », a lui aussi monnayé son catalogue un demi-milliard de dollars, en cédant d’abord en décembre 2020 à Universal Music ses droits d’auteur portant sur 600 chansons pour 300 millions de dollars, puis en janvier 2022 ses droits d’enregistrement à Sony Music pour 200 millions de dollars. Même les plus réticents à commercialiser leur musique, tels que Neil Young (76 ans), ont cédé aux sirènes de la monétisation de leur catalogue. L’Américano-Canadien, rendu célèbre par ses albums « After the Gold Rush » ou « Harvest » et par le groupe Crosby, Stills, Nash & Young, a finalement vendu la moitié de ses droits d’édition musicale au fonds d’investissement britannique Hipgnosis pour une somme estimée jusqu’à 150 millions de dollars pour plus d’un millier de titres de sa composition.
Hipgnosis Songs Fund (HSM) fut cofondé en 2018 par Merck Mercuriadis (photo de gauche), l’ancien manager d’Elton John ou de Beyoncé entre autres. Elle se présente comme « première société d’investissement britannique offrant aux investisseurs une exposition pure-play aux chansons et aux droits de propriété intellectuelle musicale associés », dont l’objectif est de « construire un portefeuille diversifié, d’acquérir des catalogues qui sont construits autour de succès avérés de chansons d’importance culturelle par certains des plus talentueux et importants auteurs-compositeurs dans le monde », peut-on lire sur son site web (4).

Hipgnosis Songs Fund (HSM) a la cote
Hipgnosis, qui détient aussi les catalogues de George Benson, Mariah Carey, Fleetwood Mac ou encore Justin Bieber, revendique à ce jour 146 catalogues, 65.413 chansons, 14.381 « Top 10 » des chansons dans les charts mondiaux, 3.854 « numéro un » des chansons dans les charts mondiaux, 156 chansons gagnantes des Grammy, ainsi que 56 des 233 chansons du « Billions Club » de Spotify, la première plateforme mondiale de streaming musical. Riche d’un actif de plus de 2,2 milliards de dollars, l’entreprise HSM à fort potentiel – enregistrée sur l’île anglo-normande Guernesey (Manche) mais fiscalement établie au Royaume-Uni depuis avril 2021 en tant que « investment trust » (fonds de placement) – est cotée à la Bourse de Londres depuis juillet 2018 et fait partie depuis mars 2020 de l’indice FTSE 250. Le chanteur américain Justin Timberlake, aux 88 millions de disques vendus, a quant à lui cédé en mai 2022 pour quelque 100 millions de dollars son catalogue de 200 chansons à Hipgnosis Song Capital, société commune créée en octobre 2021 par la société Hipgnosis Song Management, ex-The Family Music (conseil en investissement de Hipgnosis Songs Fund) et le fonds d’investissement américain Blackstone. Les catalogues attirent le private equity Justin Timberlake, chanteur à succès âgé de 41 ans et connu pour «Cry Me a River», «SexyBack» ou «What Goes Around… Comes Around », n’a cependant pas cédé dans ce deal les droits d’auteurs de ses prochaines musiques. Valorisé 350 millions de dollars, Timberlake est considéré comme l’un des solistes les « bankable » de sa génération. HSM ne s’y est pas trompé et vise d’autres catalogues en or. Dans Hipgnosis Song Capital, Blackstone a injecté une « somme initiale » d’environ 1milliard de dollars pour acquérir des droits musicaux et gérer des catalogues.
Lors de l’annonce du partenariat Hipgnosis-Blackstone, Merck Mercuriadis le patron de HSM a indiqué ses ambitions : « Hipgnosis Song Management a clairement établi les chansons comme étant une catégorie d’actifs. Ce nouveau partenariat avec Blackstone nous apportera la solidité financière nécessaire pour investir dans des chansons à grand succès, ainsi que pour développer notre équipe de gestion de chansons et apporter davantage de sophistication à HSM ». Blackstone, qui se présente comme « le plus grand gestionnaire d’actifs alternatifs au monde » (5), a acquis une participation dans HSM et soutient l’expansion de ses infrastructures et de ses fonctions commerciales, afin d’accroître encore la valeur des droits qu’elle acquiert, en collaborant étroitement avec les auteurscompositeurs, les artistes et les producteurs.
Autre géant du « private equity » à l’affût de catalogues musicaux : l’américain Apollo Global Management (6), qui, en octobre 2021, a annoncé la mise en place d’une société d’investissement dotée d’un fonds d’environ 1 milliard de dollars et baptisée HarbourView Equity Partners, cofondée avec l’ancienne banquière de Morgan Stanley, Sherrese Clarke Soares (photo de droite). Après vingt ans dans la finance, celle-ci a fondé en 2019 la société d’investissement Tempo Music Investments soutenue par Providence Equity Partners et la major Warner Music, afin de disposer d’un fonds de plus de 1 milliard de dollars, pour « investir dans des catalogues de chansons » et « crée[r] du contenu exclusif de premier ordre » (7). Parmi ses premières acquisitions de droits d’auteur : les primés aux Grammy, Jeff Bhasker et Shane McAnally, et Ben Rector. Ce fonds basé à Newark, dans le New Jersey (avec des bureaux à New York et à Los Angeles), entend saisir les opportunités d’investissement dans les secteurs du divertissement et des médias, notamment pour « optimiser et améliorer l’héritage de la propriété intellectuelle haut de gamme ». En clair : « Acquérir des droits d’auteur musicaux liés à la musique enregistrée et à l’édition musicale » (8). Le 14 juin dernier, HarbourView a annoncé avoir acquis le catalogue du duo de RnB et hiphop américain Andre Harris et Vidal Davis, connu sous leur nom de scène et d’enregistrement Dre & Vidal. En janvier, c’était le chanteur portoricain de pop-latino, Luis Fonsi (mondialement célèbre grâce à son « Despacito » en duo avec Daddy Yankee, sorti chez Universal Music et repris par Justin Bieber), qui a vendu son catalogue à HarbourView. L’investisseur newyorkais KKR, déjà cité plus haut avec BMG pour s’emparer de la « discographie » Pink Floyd, a finalisé en début d’année l’acquisition du catalogue du label indépendant Kobalt Music Group pour 1,1 milliard de dollars, comprenant les droits du chanteur canadien The Weeknd (9) et de la chanteuse pop néo-zélandaise Lorde, et une prise de participation dans l’entreprise. Cette opération a pu se faire via le consortium Chord Music emmené par KKR justement et le partenaire Stephen Hendel’s family office (du nom d’un ancien de Goldman Sachs). Kobalt avait par ailleurs cédé à Hipgnosis en 2020 ses catalogues de George Benson, Justin Bieber, Mariah Carey ou encore The B-52’s pour 320 millions de dollars.
Preuve, une nouvelle fois, que le capital-investissement croit au potentiel des catalogues de musique. A noter que l’homme d’affaires américain Todd Boehly, cofondateur et PDG de la société d’investissement Eldridge Industries (10), est aussi sur les rangs pour acquérir des catalogues de chansons. Il s’était lui aussi intéressé à Kobalt. Les Big-Three du « disque » – que sont les majors Universal Music (dont le dernier catalogue acquis fin juin est celui du guitariste Frank Zappa), Sony Music et Warner Music – restent pour l’instant les champions des catalogues, mais ils sont de plus en plus concurrencés dans l’acquisition des actifs de propriété intellectuelle.

La concurrence du music rights management
En janvier dernier, Warner Music s’est emparé – via Warner Chappell Music – des droits de la totalité du répertoire (25 albums) du Britannique David Bowie (décédé en 2016) pour 250 millions de dollars. En octobre 2021, BMG a annoncé, lui, avoir acquis – sans divulguer le montant – les droits musicaux de Tina Turner (82 ans), légendaire chanteuse américaine aux 100 millions de disques vendus (« The Best », « Private Dancer », « What’s Love Got To Do With It », …). Warner Music reste sa maison de production. D’autres nouveaux entrants sur ce marché des catalogues revitalisés par le streaming se bousculent tels que Round Hill Music, spécialiste du « music rights management », Concord Music ou Primary Wave Music, pour ne citer qu’eux. @

Charles de Laubier

La bulle « NFT » a-t-elle éclatée ? A moins que les jetons non-fongibles ne reprennent leur souffle

Selon les constatations de Edition Multimédi@ et d’après la plateforme NonFungible de tracking en temps réel du marché mondial des jetons non-fongibles, les fameux NFT, les ventes de ces actifs numérique certifiés par la blockchain ont retrouvé les niveaux d’il y a un an. Pour mieux rebondir ?

Les NFT ne sont pas morts ; ils bougent encore. Ces actifs numériques appelées « jetons non-fongibles » continuent plus que jamais à faire office de certificat d’authenticité inviolable pour propriétaire détenteur d’un bien numérique voire d’un bien physique associé. Cet « acte de propriété » est certifié sur une des nombreuses blockchains disponibles, ces chaînes de blocs cryptées de bout en bout qui permettent d’assurer la traçabilité des transactions dont fait l’objet le bien rare – et cher ? – possédé.

Retour au niveau de juin 2021
D’après l’historique sur un an arrêté au jeudi 26 mai par Edition Multimédi@ à partir des données de la plateforme d’analyse de marché de la société canadienne NonFungible, le marché mondial des NFT a retrouvé les niveaux d’il y a un an. Le nombre de transaction n’est plus que de 15.514 ventes sur cette journée-là pour une valorisation totale de 17 millions de dollars (voir graphique ci-dessous). Autant dire qu’il y a eu une sorte d’éclatement de bulle « NFT » depuis les records atteints l’an dernier, à 224.768 ventes le 24 septembre 2021 pour un total de valorisation de 78,3 millions de dollars ce jour-là. Quant au nombre de vendeurs ou d’acquéreurs actifs de ces tokens de propriété, c’est-à-dire les utilisateurs détenteurs de portefeuilles actifs (active wallets), il n’est plus que de 12.000 à cette même date du jeudi 26 mai comparé aux quelque 120.000 de l’automne dernier. La société NonFungible, basée dans la Nouvelle-Ecosse au Canada et cofondée en 2018 par le Canadien Daniel Kelly alias Dan (avatar de gauche) et le Français Gauthier Zuppinger alias Zoup (avatar de droite), a débuté en suivant les transactions en temps réel de la place de marché Decentraland, pour ensuite étendre son tracking à l’ensemble de la blockchain Ethereum sur laquelle s’appuie aussi bien d’autres plateformes (The Sandbox, OpenSea, Polygon, Rarible, Sorare, Cryptokitties, Audius, Shiba Inu, …). Les données sont collectées directement par NunFungible via des « Blockchain Nodes » afin de suivre 100 % de l’activité des jetons à la norme ERC-721 (1) établie en janvier 2018. Le marché des NFT n’est pas le seul à avoir subi un « krach » puisque, dans un contexte d’inflation, de remontée des taux d’intérêt obligataires et de guerre, l’ensemble de places financières ont sérieusement accusé le coup ces dernières semaines – du Nasdaq (la Bourse newyorkaise de valeur technologique à forte croissance) au cryptomonnaies (le bitcoin en tête), comme l’explique bien l’économiste Marc Touati dans une vidéo démonstrative publiée sur YouTube le 17 mai (2). « L’année 2022 est bien celle de la fin des excès financiers et du retour à la réalité », explique-t-il.
Les NFT, dans le sillage de la chute des cryptomonnaies plus que jamais volatiles, n’échappent pas à ce brusque atterrissage. La société NonFungible a montré dans son « NFT Market Report » portant sur le premier trimestre 2022 que la fin de l’euphorie amorcée fin 2021 s’est confirmée sur les trois premiers mois de l’année. En un an, le nombre des ventes a baissé de presque moitié (47 %) à 7,4 millions et le nombre de d’acquéreurs de près d’un tiers (31 %) à un peu plus 1,1 million. Résultat sur un an : les ventes en valeur ont reculé au premier trimestre de 4,6 %, à 7,8 milliards de dollars (3).
C’est une douche froide par rapport à l’année 2021 qui a affiché (4) des performances record : le nombre des ventes avait bondi de… 1.836 % par rapport à l’année précédente, à plus 27,4 millions, et le nombre de d’acquéreurs de… 2.962 %, à plus de 2,3 millions. Résultat en 2021 : les ventes en valeur avaient explosé de… 21.350 %, à 17,7 milliards de dollars (5). Mais rien ne dit que l’année 2022 ne va pas rebondir et les NFT retrouver des sommets. @

Charles de Laubier

Le FTTH et la 5G vont permettre aux opérateurs télécoms d’accroître leurs revenus fixe et mobile

La France est en train de tourner la page des télécoms par chères. Les opérateurs télécoms commencent à encaisser des revenus à la hausse, notamment sur les forfaits grâce aux abonnements à la fibre optique et à ceux de la 5G. Les consommateurs voient déjà leurs factures augmenter.

Cela fera vingt ans cette année que le concept de triple play débarquait en France (à l’initiative de Free avec le lancement de la « box » en novembre 2002) pour 29,99 euros par mois. Ce forfait – comprenant la téléphonie, l’accès à Internet et la réception de chaînes de télévision – a défié la concurrence qui s’est alignée sur cette offre avantageuse pour les abonnés. Six ans auparavant, c’était Bouygues Telecom qui inventait en France le premier forfait mobile dont le principe fut adopté par tous ses rivaux, avec parfois des offres agressives à 9,99 euros par mois voire à des prix bien en-dessous.

Fixe et mobile : factures en hausse
Cette période de deux décennies avec des forfaits fixe (à moins de 30 euros par mois) et mobile (à moins de 10 euros par mois) est en passe d’être révolue. Autrement dit, les télécoms commencent à peser plus lourd dans le budget des foyers français. Orange, SFR ou encore Bouygues Telecom font déjà des augmentations « par défaut » du prix de certains forfaits (mobile ou fixe), bien que cette pratique discrète soit controversée. La généralisation de la fibre et de la 5G vont contribuer à augmenter encore plus les factures mensuelles des consommateurs. C’est déjà le cas des 14,4 millions d’abonnés à un forfait de fibre optique de bout en bout dit FTTH (1), ainsi que des 3millions d’abonnés à une offre 5G (au 31 décembre 2021). Si la facture mensuelle moyenne par abonné avait tendance à être plus ou moins stable depuis plusieurs années, elle s’est installée au dernier trimestre 2021 dans la fourchette haute : à 33,5 euros par mois en moyenne pour les abonnements fixe et 14,9 euros par mois en moyenne pour les clients mobile (voir tableau ci-dessous). « Pour l’utilisation d’accès Internet à haut ou très haut débit et les services associés, un abonné dépense en moyenne 33,5 euros HT par mois, une facture qui augmente légèrement depuis le début de l’année 2020 (+ 30 centimes en un an ce trimestre) après deux années de recul continu », constate l’Arcep dans son observatoire du marché des télécoms publié le 7 avril. Et côté mobile : « La facture mensuelle moyenne par carte [SIM] augmente de 3,2 % en un an, et s’élève à 14,9 euros HT. Elle progresse de 50 centimes en un an, et atteint un niveau supérieur à celle observée avant la crise sanitaire ». Ces haussent des montants payés par les abonnés se traduisent par l’augmentation des revenus des opérateurs télécoms, lesquels souhaitent depuis des années une revalorisation de leurs forfaits fixe et mobile soumis depuis des années à une pression des prix (vers le bas) en raison de la bataille tarifaire – notamment entre les quatre principaux opérateurs fixe et mobile que sont Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. Les deux premiers appellent d’ailleurs depuis des mois à un passage de quatre à trois opérateurs télécoms en France, « pour être plus forts » et « cesser la bataille tarifaire » (2).

Pour l’heure, en 2021, les opérateurs télécoms enregistrent – malgré la crise sanitaire – une hausse de leur chiffre d’affaires total au rythme de 2% à 4% sur un an chaque trimestre, pour atteindre 9,4 milliards d’euros au quatrième trimestre 2021 et totaliser 36,1 milliards en 2021. Selon les calculs de Edition Multimédi@ sur l’année calendaire, cela correspond à une hausse annuelle de 2,5 % entre 2020 (35,238 millions d’euros) et 2021 (36,118 millions d’euros). « Cette progression, qui contraste après plusieurs années (de 2011 à 2020) de recul, est tirée par à la fois les revenus des services mobile et ceux des services fixe », relève l’Arcep. En y regardant de plus près, ce sont les abonnements et forfaits mobile (donc hors cartes prépayées) qui rapportent le plus aux opérateurs télécoms depuis plusieurs années : 3,5 milliards d’euros au quatrième trimestre de 2021 pour un total de 13,5 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année, soit une hausse de 5,1% sur un an. Le deuxième poste de recettes le plus élevé pour les opérateurs télécoms réside dans les abonnements d’accès haut et très haut débit à Internet et à la téléphonie (hors autres services Internet comme publicité en ligne ou commerce en ligne) : 2,6 milliards d’euros au quatrième trimestre de 2021 pour un total de 10,2 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année, soit une hausse de 5,1 % sur un an. Le fait que ces deux premières sources de revenus des opérateurs télécoms (forfaits et abonnements mobile et fixe) affichent le même taux de croissance l’an dernier (5,1 %) n’est que pure coïncidence, mais cette hausse significative prouve que les consommateurs paient plus cher leurs accès télécoms. Il faut s’attendre à ce que ces hausses tarifaires pour le client final se poursuivent voire s’amplifient avec la généralisation de la fibre et de la 5G aux forfaits plus coûteux.

Les terminaux mobiles rapportent
Quant à la troisième source de revenu des opérateurs télécoms, elle correspond à location ou à la vente de terminaux mobiles tels que les smartphones (n’étant pas comptabilisée ici la vente de terminaux de téléphonie et Internet fixes plus marginale et en déclin) pour un total de 1,1 milliard d’euros au quatrième trimestre de 2021 et un total de 3,3 milliards d’euros sur l’ensemble de l’année, soit une hausse là aussi non négligeable de 7,1 % sur un an. Non seulement ce poste a franchi l’an dernier la barre du milliard d’euros de chiffre d’affaires, mais aussi affiche une hausse supérieure à celles des accès fixe ou mobile. Pour la hausse des ventes d’accès fixe à Internet, par exemple, l’Arcep souligne que « cet accroissement s’explique en partie par l’accélération de la transition du cuivre vers la fibre optique ». D’autant que, pour la première fois, le nombre d’abonnements FTTH (14,4 millions au 31 décembre 2021) dépasse celui des abonnements ADSL/VDSL (12,4 millions). Et le terrain est favorable à la poursuite voire à l’accélération des hausses tarifaires fixes, puisque la fibre est orientée à la hausse et le cuivre à la baisse. « Au total, au 31 décembre 2021, 58 % du nombre total d’abonnements à Internet sont à très haut débit, dont près de 80 % en fibre optique de bout en bout. Parallèlement, le nombre de locaux raccordables au réseau FTTH progresse également fortement chaque année : 29,7millions de locaux le sont ce trimestre, soit + 5,5 millions en un an », détaille l’Arcep.

Baisse du cuivre, hausse des prix
Mais un peu plus de la moitié de ces prises « optiques » raccordables ne font pas encore l’objet d’un abonnement (voir tableau ci-dessus), alors que le raccordement technique lui-même peut poser de sérieux problèmes (3). L’opérateur télécoms historique Orange a d’ailleurs commencé à basculer vers la fibre, avec l’extinction du réseau de cuivre « à partir de 2023 » et sa disparition totale d’ici à 2030 (4). Avec l’explosion de la vidéo en (ultra) haute définition, de la musique en qualité hi-fi (5), des visioconférences ou encore des métavers qui déferlent (lire p. 8 et 9), les usages dévoreurs de bande passante ne manqueront pas de tirer vers le haut les forfaits et abonnements. C’est notamment sensible sur les mobiles.
Rien que sur la 4G encore largement dominante en France, la consommation de données a progressé l’an dernier de 22 % sur un an, à 2,2 exaoctet (Eo) sur le quatrième trimestre de 2021 – soit 8,6 Eo sur l’année. Ce qui correspond à 12,3 gigaoctets (Go) et par abonné 4G sur le quatrième trimestre de 2021 – soit 47,3 Go sur l’ensemble de l’an dernier. La cinquième génération de mobiles, elle, promet de faire exploser ces volumes de données consommées. Il en coûtera plus cher aux consommateurs. @

Charles de Laubier

Le « GPS » européen Galileo bénéficie désormais de la compatibilité de tous les nouveaux smartphones

C’est désormais obligatoire : tous les fabricants de smartphones sont censés depuis le 17 mars 2022 vendre sur le marché unique européen des modèles compatibles avec le système de navigation par satellite européen Galileo. La plupart le sont déjà pour une géolocalisation au mètre près.

Depuis sa mise en service il y a six ans, Galileo est le concurrent des systèmes de navigation par satellite américain GPS (1), russe Glonass (2) ou encore chinois Beidou (3). La constellation d’une trentaine de satellites, dont le déploiement se termine cette année, aura coûté jusqu’à 13 milliards d’euros à l’Union européenne (4). Il a un atout de taille par rapport à ses concurrents : sa précision se fait au mètre près, là où les autres s’en tiennent à quelques mètres. Le « GPS » européen vient de franchir une nouvelle étape : tous les smartphones vendus dans les Vingt-sept doivent désormais être dotés d’une puce « Galileo » (5).

Premier service compatible : le 112
C’est un règlement européen datant du 12 décembre 2018 qui a prévu cette obligation à partir du 17 mars 2022, date de son entrée en application. « Les exigences essentielles énoncées à l’article 3, paragraphe 3, point g), de la directive 2014/53/UE [à savoir que les équipements radioélectriques sont compatibles avec certaines caractéristiques permettant d’accéder aux services d’urgence, ndlr] s’appliquent aux téléphones portables possédant des caractéristiques semblables à celles d’un ordinateur du point de vue de la capacité de traitement et de stockage des données », dit ce règlement. Et de préciser justement que cela passe par des « solutions techniques permettant la réception et le traitement de données (…) provenant de systèmes mondiaux de navigation par satellite compatibles et interopérables au moins avec le système Galileo » (6).
Le premier service qui bénéficiera de cette « Galileocompatibilité » sera le numéro européen d’appel d’urgence, le 112, qui est opérationnel dans la plupart des Etats membres et dans quelques autres pays. Comme la grande majorité (70 %) des appels téléphoniques au 112 (pour joindre 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les pompiers, l’assistance médicale ou la police) proviennent de téléphones mobiles, ceux d’entre eux qui sont compatibles avec le signal Galileo seront géolocalisés plus précisément. A savoir au mètre près. Ce qui permet dans ces conditions d’intervenir plus rapidement voire de sauver des vies car chaque seconde compte en cas de détresse et/ou d’accident. D’autant que le nouveau système dit AML (Advanced Mobile Location), qui envoie automatiquement la localisation de l’appelant, devient lui aussi obligatoire dans tous les téléphones mobiles à travers les Vingt-sept. Dix-huit d’entre eux l’ont déjà déployé. Selon l’Etsi (7) qui l’a normalisé en décembre 2019 au niveau international (8), l’AML est un protocole de transport des données – par SMS et/ou https – du smartphone vers le centre d’appel d’urgence, qui fournit l’emplacement exact de l’appelant. « Lorsqu’un appelant compose le 112 à partir de son téléphone intelligent, AML utilise les fonctionnalités intégrées du téléphone et les données de Galileo pour localiser précisément l’appelant et le transmettre à un point final dédié, habituellement un point de réponse de la sécurité publique (PSAP), ce qui rend l’emplacement de l’appelant accessible aux intervenants d’urgence en temps réel », explique l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA (9)). Une journée européenne du 112 (« European 112 Day ») a d’ailleurs été mise en place par l’Union européenne, le 11 février de chaque année, pour promouvoir l’existence et l’utilisation appropriée de ce numéro d’urgence européen.
Pour les utilisateurs, puisque l’AML n’est pas une application, il n’est pas nécessaire de télécharger quoi que ce soit, il suffit de composer le 112. Bien d’autres applications de géolocalisation sont disponibles sur la route, sur l’eau, à bord des trains, dans les avions, à la ferme, … (10), pour les détenteurs de smartphones « Galileo Inside » qui sont au nombre de plus de 2 milliards de téléphones mobiles. Par exemple, à Barcelone en Espagne, un service de partage de vélos électriques appelé AMBici a recourt à Galileo pour faciliter les déplacements d’une flotte de 2.600 vélos électriques et 236 stations d’accueil réparties dans 15 municipalités de l’agglomération catalane. Il sera mis en service par le prestataire de services privé, lequel sera sélectionné en juin prochain dans le cadre d’un appel d’offres public ouvert et doté d’un budget de 60,8 millions d’euros (11).

Marché des « GNSS » : 200 M€ en 2021
D’après le rapport 2022 de l’EUSPA sur les systèmes de navigation GNSS (Global Navigation Satellite System), à savoir Galileo et ses concurrents, le marché mondial pèse environ 199 milliards d’euros en 2021 (terminaux et services), dont un quart pour l’Europe. Selon son directeur général, Rodrigo da Costa (photo), les prévisions tablent sur 492 milliards d’euros d’ici 2031 au rythme de plus de 9,2 % de croissance annuelle en moyenne (12). Plus de 82 % de ces revenus seront générés par des services à valeur ajoutée. @

Charles de Laubier

Amazon devance Netflix sur le marché de l’AVOD

En fait. Le 13 avril, Amazon Studios a annoncé le lancement, pour le 27 avril prochain, de la plateforme gratuite de streaming vidéo Freevee, qui est le nouveau nom de son service IMDb TV. Elle reste gratuite, financée par la publicité (AVOD contrairement à la SVOD). Et va accélérer son internationalisation.

En clair. La pression des annonceurs continue de monter sur les plateformes de streaming vidéo (1). Alors que Disney a confirmé le 4 mars dernier que sa plateforme Disney+ allait lancer à partir de fin 2022 une offre financée par de la publicité, et que Netflix a indiqué le 19 avril envisager « d’ici un ou deux ans » un abonnement moins cher avec pubs (2), c’est cette fois Amazon qui veut surfer sur la vague AVOD (Advertising Supported Video on Demand). Depuis janvier 2019, le géant du e-commerce était déjà présent sur ce créneau avec IMDb Freedive, rebaptisé en juin de cette même année IMDb TV.
Il y a un an, cette plateforme OTT dépassait les 55 millions de visiteurs par mois en cumulant les audiences des Etats-Unis et du Royaume-Uni – pays où elle est présente jusqu’à maintenant. Mais avec le lancement de Freevee à partir 27 avril, Amazon Studios – filiale dans laquelle IMDb TV a été intégré en février 2020 – passe à la vitesse supérieure dans son expansion internationale. D’ici la fin de l’année, Freevee sera disponible en Allemagne. « Nous sommes heureux de faire de Freevee le service AVOD de premier choix avec un public avide de contenu », s’est félicitée Jennifer Salke (3), directrice d’Amazon Studios depuis mars 2018 et ancienne présidente de NBC Entertainment (NBCUniversal/Comcast) où elle fut chargée de la production de fictions et des activités de télévision.
Freevee a non seulement des accords de diffusion d’œuvres avec Warner Bros. (qui fusionne avec Discovery pour former un géant éditeur des plateformes de SVOD HBO Max et Discovery+), ainsi qu’avec Sony Pictures Entertainment et NBCUniversal, mais aussi avec MGM Studios qu’Amazon est en train d’acquérir (4). L’année 2022 va voir le catalogue de Freevee « augmenter de 70%» en productions originales telles que « Bosch: Legacy » à partir du 6 mai (suite de la série « Harry Bosch » qui s’est achevée sur Amazon Prime Video), « Hollywood Houselift », « Sprung » ou encore « Troppo ».
Des films exclusifs seront aussi programmés comme « Love Accidentally ». Freevee va ainsi, comme toute l’AVOD, concurrencer frontalement la télévision traditionnelle gratuite (sur le marché de la publicité) ou payante (sur le terrain de la gratuité). Quant au nom « IMDb » (abréviation de Internet Movie Database), il continue de désigner la base d’information de référence mondiale sur les films et les artistes. @