Avec 247 milliards de dollars de cash, Apple songe à une grosse acquisition – Netflix ? – à défaut d’innover

Apple pourrait acquérir Netflix. La rumeur court. La capitalisation boursière du n°1 mondial de la SVOD dépasse les 62 milliards de dollars. La firme à la pomme n’en ferait qu’une bouchée. A défaut de retrouver une killer innovation, dix ans après l’iPhone, Tim Cook n’exclut pas une grosse acquisition.

(Dans l’édito de ses pages « éco&entreprise », Le Monde daté du 15 février 2017 cite Edition Multimédi@ à propos de cet article)

Lors de son intervention auprès d’analystes f inanciers le 31 janvier, le directeur général d’Apple, Tim Cook (photo de gauche), a fait clairement allusion à une possible grosse acquisition. S’il n’a bien sûr mentionné aucune cible, le nom de Netflix était dans tous les esprits tant la rumeur sur cette éventualité court plus que jamais. Certes, cela fait des mois que le n°1 de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD), cofondé et dirigé par Reed Hastings (photo de droite), est cité comme étant une cible potentielle pour des groupes comme Disney, Google ou Amazon.
Mais c’est le nom d’Apple qui revient le plus souvent dans les spéculations d’acquisitions, même si Netflix n’est pas la seule proie possible. L’an dernier, la firme de Cupertino aurait proposé à Time Warner de le racheter (1) – avant qu’AT&T n’annonce le 22 octobre l’acquisition du groupe possédant les studios Warner Bros., les chaînes HBO, HBO Now, CNN ou encore TBS.

Netflix : plus de contenus et d’ »Etats-Unis » pour Apple
D’autres rumeurs parlent d’un intérêt d’Apple pour des géants des médias contrôlés et protégés par des actionnaires familiaux tels que Twenty-First Century Fox (les Murdoch) ou Viacom/CBS (les Redstone), ainsi que par The Walt Disney Company assez vulnérable en cas d’OPA malgré une capitalisation boursière de 173 milliards de dollars (2). Une chose est sûre, c’est qu’Apple a les moyens colossaux – grâce à un trésor de guerre disponible de 247 milliards de dollars – de procéder à une acquisition historique.
Tim Cook n’a pu échapper aux questions sur cette perspective-là.
Contre toute attente, il n’a pas esquivé : « Apple considère constamment des acquisitions et il n’y a aucune taille d’acquisition qui serait trop grosse. C’est plus sur sa valeur stratégique ». Cela a le mérite d’être clair. Les propos du successeur de Steve Jobs ont en outre donné implicitement des indications sur le profil de la cible possible, qui pourrait être dans le secteur des médias et basée aux Etats- Unis – désormais présidés par Donald Trump. Cette précision a son importance car le nouveau locataire de la Maison Blanche, depuis le 20 janvier, a fait du rapatriement sur le sol américain des profits que les grandes entreprises américaines détiennent à l’étranger son cheval de bataille.

Impôts, médias, contenus originaux
Or Apple est le champion national de la fiscalité « overseas » : 94 % du total de sa trésorerie se situe en dehors de son pays d’origine, soit… 232 milliards de dollars sur le total de sa cagnotte ! Durant sa campagne présidentielle, le candidat Républicain s’en était pris à Amazon pour son optimisation fiscale qui lui permet de payer moins d’impôt aux Etats-Unis. En octobre dernier, Donald Trump s’était emporté en déclarant que le géant du e-commerce fondé par Jeff Bezos devait payer des « impôts massifs » aux Etats-Unis au lieu de « s’en tirer trop facilement avec les taxes ». Cette réprimande s’adresse aussi bien aux autres GAFA, tous américains dont Apple.
Le 45e président américain est donc attendu en matière de réforme fiscale à tendance patriotique. Apple pourrait faire partie de ces multinationales du pays de l’Oncle Sam qui rapatrieront massivement leurs avoirs en dollars aux Etats-Unis en cas d’amnistie fiscale. Selon nos calculs, la marque à la pomme pèse à elle seule 11,7 % des 2.100 milliards de dollars (3) de cash que les grandes entreprises américaines conservent hors du pays pour éviter l’impôt sur les sociétés. Si la firme de Cupertino devait
« relocaliser » l’argent en Californie, cela lui en coûterait aujourd’hui 35 % de taxe. Alors qu’elle peut émettre de la dette sous forme d’obligations à moins de 5 % l’an, grâce à ses très bonnes notes de solvabilité (4) : c’est ce qu’elle a fait à hauteur de
10 milliards de dollars depuis six mois, selon l’agence Bloomberg.
Quoi qu’il en soit, acquérir une entreprise californienne telle que Netflix ferait sens pour Apple afin de ramener à la maison une partie de sa fortune. Autre indice qui plaide en faveur d’une acquisition de Netflix : Tim Cook a indiqué qu’Apple a comme objectif de doubler d’ici quatre ans son chiffre d’affaires annuel dans les services, dont les médias, par rapport aux 24 milliards de dollars générés en 2016. Ce qui suppose une croissance d’environ 20 % chaque année jusqu’en 2020 inclus. Or ce taux s’est ralenti ces derniers temps, ce qui supposerait – mais là, le directeur général n’en dit rien – soit un partenariat, soit une acquisition significative pour parvenir aux quelque 50 milliards de dollars à atteindre dans les contenus d’ici là. Tim Cook a poursuivi en évoquant cette fois la production de… contenus originaux. « Nous y sommes évidemment avec notre orteil dans l’eau ; nous apprenons beaucoup sur le business du contenu original ; et nous réfléchissons à la manière dont nous pourrions jouer dans ce domaine », a-t-il dit. Fort de ces accords passés sur des œuvres musicales pour Apple Music, il estime avoir beaucoup appris et qu’il s’agit d’« un bon départ pour aller au-delà ». Doit-on en déduire qu’une acquisition comme Netflix permettrait à Apple de plonger cette fois en eaux profondes grâce à un méga investissement de cette taille ? La dernière plus grosse acquisition de la firme de Cupertino n’a pas dépassé les 3 milliards de dollars, avec Beats en 2014 (5) (*) (**). Avec un total sur dix ans de 12 milliards de dollars dépensés dans des acquisitions, cela fait « petits bras », comparé aux 26 milliards de dollars que Microsoft a sortis pour s’offrir LinkedIn, voire portion congrue comparé aux 109 milliards payés par AT&T pour s’emparer de Time Warner. Mais après son « toe in the water », Tim Cook pourrait bientôt mettre les pieds dans le plat de l’industrie des médias que son groupe en quête de relais de croissance compte bien conquérir.
La marque à la pomme est pressentie de longue date pour révolutionner la télévision. Mais entre l’Apple TV dont les ventes ont fléchi depuis son lancement en septembre 2015 et la iTV devenue une arlésienne, sa stratégie télé a du mal à se concrétiser. La box Apple TV est en mal de contenus exclusifs qui la différencieraient de la Fire TV d’Amazon – dont l’ancien responsable Timothy Twerdahl vient tout juste d’être recruté par Apple – ou du boîtier Roku. Racheter Netflix permettrait de faire d’une pierre… trois coups, en devenant un géant de la production de séries originales, en se propulsant numéro un mondial de la SVOD, et en offrant un méga produit d’appel à sa box TV. Mais si Tim Cook (56 ans) a des velléités de racheter Netflix et s’attacher les services éclairés de Reed Hastings (56 ans lui aussi), il faudrait qu’il se décide rapidement car d’autres de ses concurrents – Google, Amazon ou encore Disney – pourraient jeter leur dévolu sur Netflix et ses 93 millions d’abonnés. Procéder à une méga acquisition serait une révolution industrielle pour la firme fondée il y a maintenant plus de 40 ans (6).

Netflix : 123 M$ de bénéfice net en 2016
Jusqu’alors, la marque à la pomme a tout fait par elle-même, de A à Z, en gardant un contrôle étroit sur le développement, le design et la fabrication sous-traitée des Mac, iPhone, iPad et iWatch. Pourquoi ne pas poursuivre alone dans la télévision et from scratch dans la production audiovisuelle ? Reste à savoir si Apple acceptera de « diluer » sa rentabilité en rachetant un Netflix qui en 2016 a bien progressé de 30 % sur un an à 8,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires, mais a dégagé – malgré un bond 52% – un bénéfice net de seulement 123 millions de dollars. @

Presse en ligne et ebooks : TVA réduites injustifiées

En fait. Le 8 septembre, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), Juliane Kokott, a considéré qu’« exclure les livres,
journaux et périodiques numériques fournis par voie électronique de l’application du taux réduit de TVA est compatible avec le principe d’égalité de traitement ».

En clair. Il y a de grandes chances pour que l’arrêt de la CJUE attendu les prochains jours suive les conclusions de l’avocate générale Juliane Kokott. Elles contredisent les trois pays européens – la France, le Luxembourg et l’Italie – qui ont appliqué des taux réduits de TVA sur les livres numériques et/ou sur la presse en ligne sans avoir de base légale pour le faire. Bien que cette affaire découle d’une question préjudicielle posé la Cour constitutionnelle de Pologne, ces conclusions mettre une nouvelle fois la France en porte-àfaux avec l’actuelle directive européenne sur la TVA. Paris a en effet déjà été condamnée, en mars 2015, par la CJUE pour avoir appliqué à tort depuis avril 2012 la TVA réduite (5,5 %) sur les livres numériques afin de l’aligner sur celle de l’édition papier (1). La France est également dans le collimateur pour avoir, en février 2014, aligné le taux de TVA de la presse en ligne sur celui de la presse imprimée (2). Ironie de l’histoire : le super taux de TVA réduite à 2,10 % accordé à la presse numérique a été décrété par le ministre de l’Economie et des Finances de l’époque, Pierre Moscovici (3), lequel est depuis 2014 commissaire européen en charge, entre autre, de la Fiscalité (dont la TVA). Aux yeux de l’avocate générale, la directive TVA en vigueur – et indépendamment de sa réforme en cours par la Commission européenne – est toujours « valide, dans la mesure où elle réserve l’application du taux réduit de TVA aux livres, journaux et périodiques imprimés ainsi qu’aux livres numériques fournis sur un support physique [tel qu’un cédérom] ». Il n’est donc pas illégal d’appliquer un taux normal de TVA si ces livres numériques sont transmis par téléchargement ou en streaming. Il en va de même pour la presse en ligne.
D’autant que le principe d’égalité de traitement suppose le traitement de situations comparables. Or Juliane Kokott constate que les publications en ligne peuvent ne pas être identiques aux publications imprimées. Elle constate en outre que la version numérique d’une publication sur un support physique ne se trouve pas nécessairement en concurrence avec la version papier. En revanche, les publications en ligne et les publications imprimées présentent une différence considérable (coûts de distribution élevés pour le papier) : l’inégalité de traitement est donc « justifiée ». @

Où en est le serpent de mer de la TVA dans le marché unique numérique de l’Union européenne

Près d’un an après avoir présenté sa stratégie numérique, la Commission européenne propose une réforme de la TVA pour l’adapter à l’économie numérique. Censée appliquer le principe du « pays de consommation »,
l’Europe doit encore parvenir à l’harmonisation fiscale.

« Le système de TVA n’a pas été en mesure de s’adapter aux défis de l’économie mondialisée, numérique et mobile telle qu’elle se présente aujourd’hui. Le système de TVA en vigueur,
qui devait être un système transitoire, est fragmenté, complexe pour le nombre croissant d’entreprises exerçant des activités transfrontières et il laisse la porte ouverte à la fraude ». Tel est le constat accablant que fait aujourd’hui la Commission européenne, malgré ses appels incessants depuis des années à une réforme du système de TVA remis en question par Internet.

Dumping et patchwork fiscaux
Et pour cause : les règles européenne sur la TVA ont été conçues il y a plus de vingt ans et selon le principe du « pays d’origine », à savoir que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) était perçue par l’Etat du pays où était implanté le siège de l’entreprise fournissant le bien ou le service. Ce qui a engendré les pratiques de dumping fiscal et de distorsion de concurrence – pour ne pas dire déloyales – au sein de l’Union européenne. Ce fut particulièrement vrai dans les télécoms, l’audiovisuel et le commerce électronique sur Internet. Certaines plateformes numériques telles que Amazon, iTunes d’Apple ou Netflix au Luxembourg, ainsi que Google ou encore Apple en Irlande, en ont profité pour tirer avantages du patchwork fiscal européen grâce à
une TVA moins élevée dans ces pays que pour les autres prestataires basés, eux,
dans des pays fiscalement moins avantageux comme la France.
Mais depuis, la TVA a évolué vers un système de plus en plus fondé sur le principe
du « pays de destination ». C’est ainsi que la directive européenne du 12 février 2008
a substitué à la règle du pays d’origine celle du pays du consommateur. Elle est applicable depuis 1er janvier 2015 mais comporte une période transitoire : « Certaines modifications concernant le lieu des prestations des services pourraient avoir un impact sur le budget des États membres. Afin d’assurer une bonne transition, ces modifications devraient s’étaler dans le temps », est-il en effet précisé discrètement dans cette directive (1). Résultat : sur le marché unique numérique naissant, l’Etat du prestataire conservera 30 % des recettes de TVA jusqu’au 31 décembre 2016 et 15 % jusqu’au 31 décembre 2018. Ce n’est qu’à partir du 1er janvier 2019 que l’Etat du consommateur percevra l’intégralité des recettes. Il aurait été souhaitable de raccourcir cet échelonnement progressif de l’application de cette règle du lieu de consommation dans le budget de chaque Etat. Mais ces délais avait été obtenus fin 2007 à la demande du… Luxembourg – par Jean-Claude Juncker lui-même (photo de gauche), qui était alors à la fois Premier ministre et ministre des Finances du Grand-Duché, avant de devenir… président de la Commission européenne en novembre 2014.
Quoi qu’il en soit, les règles en matière de taux de TVA n’ont jamais été modifiées et mises en adéquation avec cette logique du pays de consommation qui permet une
plus grande diversité des taux. « Contrairement à ce qui se passait dans le cadre du système fondé sur l’origine [le principe du pays d’origine où est implanté l’entreprise vendeuse, ndlr], les fournisseurs et prestataires établis dans un Etat membre à bas taux ne retirent pas d’avantages significatifs de cette situation, de sorte que les différences de taux de TVA sont moins susceptibles de perturber le fonctionnement du marché unique », souligne la Commission européenne dans son plan d’action sur la TVA publié le 7 avril dernier (2).

La directive « TVA » est obsolète
En conséquence, si – grâce au principe du pays de consommation – la diversité des taux en Europe ne pause plus de problème de distorsion de concurrence entre les vingt-huit pays européens, il est donc envisagé de redonner aux Etats membres le pouvoir de fixer eux-mêmes les TVA à taux réduits ou nuls – conformément au principe de subsidiarité. « Les règles actuelles font que les Etats membres se heurtent à un processus lent et difficile pour étendre l’application de taux réduits à de nouveaux domaines, étant donné que toutes les décisions doivent être prises à l’unanimité.
En conséquence, la directive TVA devient obsolète, par exemple en ce qui concerne
les produits bénéficiant d’avancées technologiques ». À ce jour, la Commission européenne a dû ouvrir plus d’une quarantaine de procédures d’infraction à l’encontre de plus des deux tiers des Etats membres.

Le livre et la presse en question
La France est en première ligne : elle a été condamnée il y a un an par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) pour avoir appliqué à tort depuis avril 2012 la TVA réduite (5,5 %) sur les livres numériques afin de l’aligner sur celle de l’édition papier (3). La France est également dans le collimateur de la justice européenne pour avoir, en février 2014, aligné le taux de TVA de la presse en ligne sur celui de la presse imprimée pour sortir de l’ambiguïté (4).
Ironie de l’histoire : cette loi française qui étend le super taux de TVA réduite à 2,10 %, dont bénéficie la presse papier, à la presse numérique a été cosignée (5) par le ministre de l’Economie et des Finances de l’époque, Pierre Moscovici (photo de droite). Celui-ci est depuis novembre 2014 commissaire européen en charge, entre autre (6), de la Fiscalité…
« Le système en vigueur a du mal à s’adapter aux modèles commerciaux innovants et aux progrès technologiques dans l’environnement numérique actuel. La différence de taux de TVA entre les biens et services physiques et numériques ne tient pas pleinement compte des réalités actuelles. (…) Les règles actuelles ne tiennent pas pleinement compte de l’évolution technologique et économique. C’est par exemple le cas pour les livres et les journaux électroniques, qui ne peuvent pas bénéficier des taux réduits applicables aux publications papiers », reconnaît tout de même la Commission de Jean-Claude Juncker.

C’est pour éviter l’accumulation de litiges contreproductifs et adapter le système de TVA à l’économie numérique, que la Commission européenne voudrait en finir avec ce centralisme sur la fixation des taux de TVA « à l’unanimité » – quitte à prendre le risque d’une érosion des recettes de TVA, dans la mesure où de nouveaux secteurs économiques revendiqueront à leur tour un traitement fiscal plus favorable, et de nouvelles distorsions de concurrence. La taxe sur la valeur ajoutée rapporte aux Vingt-huit un total cumulé de 1.000 milliards d’euros par an !
Pour l’heure, le taux normal de TVA varie de 15 % à 27 % dans l’Union européenne. Une liste des biens et services pouvant bénéficier de l’application d’un taux réduit est fixée au niveau communautaire. La proposition législative, que présentera formellement à la fin de l’année 2016 la Commission européenne, est de supprimer cette liste centralisée qui manque de souplesse, et de redonner la main aux Etats membres pour fixer leurs taux de TVA, tout en veillant néanmoins à ce qu’il n’y ait pas de concurrence fiscale déloyale et en garantissant la sécurité juridique. Le nombre total de taux réduits autorisés par chaque pays européen pourrait être limité.
Parallèlement, il s’agit de lever les obstacles liés à la TVA qui entravent le e-commerce au sein du marché unique européen. « Le système de TVA actuellement applicable au commerce électronique transfrontière est complexe et onéreux à la fois pour les Etats membres et les entreprises. Les coûts moyens annuels de la livraison de biens dans
un autre pays de l’Union sont estimés à 8.000 euros [pour une entreprise] », indique la Commission européenne sur la base d’une étude en cours sur les obstacles liés à la TVA entravant le commerce électronique transfrontalier. « Le commerce électronique, l’économie collaborative et les autres nouvelles formes d’activités économiques constituent à la fois un défi et une occasion en matière de perception de la taxe », ajoute-t-elle.
L’exécutif européen présentera « au plus tard à la fin de 2016 » une proposition législative pour moderniser et simplifier la TVA pour le commerce électronique transfrontière : extension du guichet unique aux ventes en ligne de biens matériels, mesure de simplification pour aider les petites start-up de e-commerce, autorisation
des contrôles dans le pays d’origine, y compris des entreprises transfrontières, …

Guichet unique e-commerce
« Le guichet unique, qui existe déjà pour les services de télécommunication, les services de radiodiffusion et de télévision et les services électroniques, et qui doit être étendu à toutes les opérations de commerce électronique, sera déployé à une échelle encore plus large et réadapté afin d’exploiter pleinement les possibilités offertes par la technologie numérique pour simplifier, normaliser et moderniser les procédures », prévoit l’exécutif européen dans son plan d’action.
Les entreprises devront s’enregistrer, pour la TVA, uniquement dans les Etats membres où elles sont établies. Selon Ernst & Young, les entreprises européennes devraient ainsi épargner en moyenne environ 1 milliard d’euros par an au total. Et c’est en 2017 que sera présenté un « paquet TVA » en faveur des PME. @

Charles de Laubier

Le marché français du jeu vidéo fait fi de la crise et s’apprête à atteindre 3 milliards d’euros cette année

Pendant que la crise économique perdure, les Français s’amusent. Les jeux vidéo ont généré en 2015 un chiffre d’affaires en croissance de 6 % à 2,87 milliards d’euros et devraient franchir la barre des 3 milliards cette année. C’est un secteur cyclique soutenu par les pouvoirs publics.

« La transition vers les consoles de génération 8 est arrivée à son terme. Le marché a définitivement basculé vers ce 8e cycle. Sur les consoles de salon, nous constatons une migration du public très rapide entre la génération 7 et une génération 8 en très forte croissance », constate Jean-Claude Ghinozzi (photo), président du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) et par ailleurs directeur de la division grand public de Microsoft France.

En attendant la 9e génération
Le passage à la 8e génération de consoles de salon – avec en tête les trois ténors du marché que sont la Wii U de Nintendo lancée fin 2012 après la 3DS, suivie fin 2013 par la PlayStation 4 (PS4) de Sony alors déjà présent avec la PS Vita, ainsi que par la Xbox One de Microsoft – a été marqué par une mutation à risques du 10e Art vers la dématérialisation, les jeux multijoueurs en ligne et la « gratuité » avec option d’achat en free-to-play. Tandis que de nouveaux entrants – Valve, nVidia, GameStick, eSfere, Razer Edge, Bluestacks encore Ouya – ont tenté de bousculer les positions dominantes. Or, malgré la décroissance des ventes de consoles de -6 % à 712 millions d’euros, recul dû à la « chute rapide plus forte que prévue » de – 69 % du chiffres d’affaires généré par la 7e génération en 2015, le marché global du jeu vidéo en France tire quand même largement son épingle… du jeu en cumulant 2,87 milliards d’euros de revenus, en augmentation de 6 % malgré un contexte générale la crise économique.

« L’année 2016 et l’avenir du secteur en général sont très bien orientés », assure Jean-Claude Ghinozzi, qui anticipe une troisième année de croissance mais sans avancer de chiffres. Cependant, si le marché français du jeu vidéo ne fait ne serait-ce que 5 % de croissance en valeur cette année, la barre des 3 milliards d’euros sera atteinte. Les professionnels du jeu vidéo s’accordent à dire que le marché des consoles de jeux vidéo fonctionne par cycles : « Chaque génération a permis de doubler le chiffre d’affaires de l’industrie ». Cela voudrait-il dire qu’à l’issue de la 8e génération en cours (voir illustration page suivante), laquelle devrait prendre fin d’ici trois ans ou plus, la France du jeux vidéo pèsera environ 5 milliards d’euros entre 2018 et 2020 ? « Nous ne pouvons que l’espérer ! », avait répondu à Edition Multimédi@ l’ancien président du Sell, David Neichel, actuel vice-président Europe d’Activision Blizzard (1).
Pour l’heure, l’année 2016 devrait voir l’arrivée de la nouvelle console de jeux de Nintendo et le lancement prochain des casques de réalité virtuelle. « A court terme, le marché devrait accueillir différentes propositions de casques de réalité virtuelle, très attendue par les joueurs, et un développement du game streaming [ou cloud gaming, ndlr], qui devraient générer des revenus additionnels. De nombreux jeux exploitant pleinement les ressources de la génération 8 de consoles sont également très atten-dus », a expliqué Jean-Claude Ghinozzi, le 9 février dernier, lors de la présentation de la septième édition de « L’Essentiel du jeu vidéo » (2). Rien que sur les consoles, il s’en est vendu l’an dernier un total de 2,46 millions d’unités en France, dont 1,57 million de 8e génération. Le Sell ne confirme pas que la PS4 de Sony s’est la mieux vendue en 2015.

Nintendo et Electronic Arts en tête
Sur le périmètre « logiciels consoles et jeux sur ordinateur », le japonais Nintendo est
le numéro un en France – en volume sur le marché physique – devant les américains Electronic Arts et Activision Blizzard, euxmêmes suivis par le français Ubisoft. En revanche, Nintendo est second sur le même périmètre mais en valeur cette fois, Electronic Arts étant en tête. Le japonais surfe notamment sur sa célèbre franchise Pokémon déclinée non seulement en jeux vidéo mais aussi depuis 1997 en séries télévisées. D’autant que l’année 2016 sera marqué par le vingtième anniversaire des Pokémon justement. Mais c’est surtout avec sa prochaine console de jeu au nom de code « NX » et sur la promesse de jeux sur smartphones à partir de mars que le géant vidéoludique de Tokyo est attendu au tournant pour redynamiser ses ventes, et par là même de tirer le marché français vers le haut.
Les logiciels « physiques » de jeu vidéo (sur CD, DVD ou cartouches) pèsent maintenant moins de la moitié du marché français, soit 46 % du chiffre d’affaires total, tandis que les jeux dématérialisés – téléchargeables et jouables en ligne et en streaming – atteignent 40 %. Et il y a fort à parier que les jeux online – boostés par
le cloud gaming et les compétitions sportives en ligne ou e-sport (voir encadré page précédente) – génèreront, pour la première fois cette année, plus de la moitié des revenus des logiciels de jeux. Ce basculement du physique vers le online sera-t-il destructeur de valeur, comme ce fut le cas dans la presse et la musique, voire actuellement dans le cinéma et l’audiovisuel ? Cela fait partie des incertitudes du secteur. Quant aux casques de réalité virtuelle, très attendus pour ces prochains mois par ceux qui voudront s’immerger dans des jeux vidéo à 360 degrés, ils devraient abonder dans le sens de la croissance du secteur. Le CES de Las Vegas en janvier a donné leur coup d’envoi et leur commercialisation débute avec l’Oculus Rift de Facebook fin mars dans une vingtaine de pays dont la France. Mais le prix (599 dollars) fixé par le réseau social de Mark Zuckerberg, lequel avait racheté Oculus pas moins de 2 milliards de dollars, devrait en dissuader plus d’un. Samsung commercialise déjà Gear VR, notamment pour smartphones. Google se fait les yeux avec un casque en carton, Cardboard, également pour smartphones. Sony finalise la PlayStation VR (ex-projet « Morpheus »), dont les ventes débuteront « au cours du premier semestre 2016 ». C’est du moins ce qu’a promis Andrew House, le patron des jeux vidéo de Sony lors du Paris Games Week d’octobre dernier. Microsoft mise sur ses lunettes de réalité virtuelle Hololens, encore en prototype, qui projettent des hologrammes devant celui qui les porte. Tandis qu’Apple serait en train de concevoir son propre casque de réalité virtuelle, selon le Financial Times. Le taïwanais HTC est également sur les rangs. La réalité virtuelle touchera non seulement les jeux vidéo mais aussi la production audiovisuelle (fictions, documentaires, publicités, …), @

Charles de Laubier

ZOOM

L’Etat au petits soins avec le jeu vidéo
Le Premier ministre Manuel Valls a confié à deux parlementaires – le député (UDI) des Alpes- Maritimes, Rudy Salles, et le sénateur (PS) de Saône-et-Loire, Jérôme Durain – « une mission temporaire ayant pour objet de proposer un cadre législatif et réglementaire favorisant le développement en France des compétitions de jeux vidéo » (selon les propres termes des deux décrets respectifs signés de sa main et datés du 18 janvier 2016). Matignon a commencé des réunions de travail avec les deux parlementaires, lesquels devront remettre leurs proposition d’ici juin prochain.
Sans attendre, le projet de loi « Economie numérique » – adopté par les députés le
26 janvier et en vue pour le Sénat au printemps – prévoit déjà (article 42) un cadre juridique pour le esport, avec un « agrément délivré aux organisateurs de compétitions de jeux vidéo » par le ministre chargé de la Jeunesse, et une « liste des logiciels de loisirs » autorisés.
Cette pratique est en plein boom. Twitch, la plateforme spécialisée dans la diffusion de parties de jeux vidéo en ligne, a été rachetée en août 2014 par Amazon pour 970 millions de dollars. Pour le concurrencer, Google a lancé l’an dernier YouTube Gaming. Et en octobre, Microsoft a inauguré en France sa propre compétition baptisée « Xbox Elite Series ».
L’industrie française du jeu vidéo trouve depuis longtemps une oreille attentive au sein de l’Etat. Elle bénéficie ainsi d’un crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV) depuis 2008, d’aides du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et du soutien à l’export. Ce soutien fiscal pour les dépenses de création de jeux vidéo a été étendu et assoupli par décret (3) du 23 juin 2015. @

Pierre Moscovici, commissaire européen, préfère une « fiscalité globale » à une « fiscalité numérique »

Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes était l’invité le 25 janvier de l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Il s’est notamment exprimé sur la ficalité numérique dans le plan anti-optimisations fiscales des multinationales présenté le 28 janvier.

« Il y a une question qui nous agite parfois lorsque l’on parle avec nos collègues Andrus Ansip et Günther Oettinger [respectivement commissaire européen en charge du Marché unique numérique, et commissaire européen à l’Economie et à la Société numériques, ndlr], c’est de savoir si l’on doit avoir un développement spécifique de la fiscalité du numérique ou si l’on doit englober le numérique dans une approche plus large et plus moderne. Je suis plutôt partisan de la deuxième option. Cela fait aussi partie du débat que l’on va avoir sur la TVA [voir encadré ci-dessous] », a répondu Pierre Moscovici, à une question de Edition Multimédi@ sur la fiscalité des géants du Net, devant l’AJEF. Et le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes d’ajouter : « Je suis plutôt favorable à une fiscalité globale, une approche globale, qui soit adaptée au monde où nous vivons et à l’économie numérique, au lieu de faire une fiscalité numérique. Je trouve que cela toujours très compliqué et cela risque d’être dépassé assez vite ».

Google, Apple, Amazon, Facebook, …
Pierre Moscovici s’est ainsi exprimé le 25 janvier dernier, soit l’avant veille de l’adoption le 27 janvier par le collège des Vingt-huit de la Commission européenne d’un « Paquet BEPS (1) » de lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales tous secteurs confondus, présenté publiquement le lendemain. Ces propositions législatives contre les pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices de certaines entreprises doivent transposer à toute l’Europe le plan BEPS (2) de l’OCDE (3) dévoilé en octobre 2015 et approuvé dans la foulée par les ministres des Finances des pays
du G20. Le Parlement européen s’est lui aussi prononcé, dans une résolution du 16 décembre dernier, en faveur de ces mesures au nom de la transparence fiscale des entreprises. La Commission européenne a présenté son « Paquet BEPS » (4), en vue de partir en guerre contre l’évasion fiscale déguisée en « optimisation » et de faire oublier le scandale « LuxLeaks » de 2014 provoqué par le favoritisme fiscal du Luxembourg à l’égard de certaines grandes entreprises.
Des multinationales sont déjà dans le collimateur de l’Union européenne, lorsqu’elles ne le sont pas aussi au niveau des Etats membres. Google, qui est en redressement fiscal en France, a annoncé le 23 janvier s’être engagé auprès de la Grande-Bretagne de payer 172 millions d’euros d’arriéré fiscal sur les dix dernières années ; Apple devra de son côté s’acquitter de 318 millions d’euros au fisc italien au titre de l’impôt sur les sociétés entre 2008 et 2013. Amazon, Facebook et d’autres géants du Net sont également sous surveillance ou en redressement fiscal. « J’ai la conviction très profonde que la révolution de la transparence fiscale ne s’arrêtera pas. Vous évoquiez tel ou tel géants du numérique qui s’apprêtaient à payer des arriérés. Il m’est arrivé de rencontrer telle ou telle entreprises de ce secteur et d’autres aussi : ils ont pris conscience qu’aujourd’hui l’évitement des règles et les combats d’arrière-garde ne servent à rien. Pour la transparence, nous irons jusqu’au bout. Non seulement nous avons transposé le plan BEPS, mais maintenant nous allons aller légèrement plus loin que BEPS – un processus qui continuera », a prévenu Pierre Moscovici, devant l’AJEF. Selon une récente étude du Parlement européen, le manque à gagner serait compris entre 50 et 70 milliards d’euros par an. Pour y remédier, la Commission européenne propose une directive de lutte contre l’évasion fiscale et une recommandation sur les conventions fiscales contre les pratiques abusives. @

Charles de Laubier

ZOOM

TVA globale ou TVA « numérique » ?
Avoir une fiscalité spécifique au numérique ou englober le numérique dans une approche fiscal globale ? « Cela fait aussi partie du débat que l’on va avoir sur la TVA », a indiqué Pierre Moscovici, devant l’AJEF. Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Fiscalité et Douanes (5) a pris l’exemple de la TVA sur les ebooks, que la France soumet à tort depuis avril 2012 à la TVA réduite (5,5 %) comme l’édition papier (6), ou sur la presse numérique : « Je suis saisi d’un certain nombre de demandent comme celle de la presse française (3) ou la presse belge. Et je comprends tout à fait que, dans le modèle économique des journaux d’aujourd’hui, l’on veuille éviter de pénaliser le numérique. Mais qui doit décider ça ? Est-ce que c’est une liste qui doit être décidée à Bruxelles ou est-ce que nous devons renvoyer sur les Etats membres ? Cela fait partie des sujets qui restent encore à trancher, notamment dans le “paquet TVA” que nous préparons pour plus tard ». @