Zelnik, Lescure, Phéline : gestion collective oblige

En fait. Le 18 décembre, Aurélie Filippetti a publié le rapport « Musique en ligne et partage de la valeur – Etat des lieux, voies de négociation et rôles de la loi » que lui a remis Christian Phéline. Il y préconise une meilleure rémunération des artistes à l’ère du numérique, grâce à la gestion collective.

En clair. La ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, a de nouveau de quoi remplir un peu plus la loi Création qu’elle a promis de présenter en Conseil des ministres en février 2014. Elle a déjà accueilli comme « très prometteuses et pertinentes pour assurer une juste rémunération des artistes-interprètes dans l’univers numérique et pour soutenir la diversité de l’offre légale » les propositions du rapport Phéline (1) sur le partage de la valeur dans la musique en ligne. Le conseiller à la Cour des comptes propose notamment que le futur projet de loi d’orientation sur la création puisse « inciter à une négociation conventionnelle entre partenaires sociaux tendant, au vu des évolutions du marché de la musique en ligne, à encadrer les conditions de rémunération des artistes-interprètes de ces exploitations et prévoir, à défaut d’aboutissement de cette négociation dans un délai raisonnable, un régime de gestion collective obligatoire de ces mêmes rémunérations ». Ce délai raisonnable pourrait être de « 8 mois, prolongeable de quelques mois ». Autrement dit, « le législateur pourrait donc assigner aux parties une date butoir ne dépassant pas un
an après la publication de la loi [Création]» (2).

A l’instar du rapport Zelnik (EM@5, p. 2), de la mission Hoog (EM@28, p. 4) et du rapport Lescure (EM@80, p. 3), le rapport Phéline penche pour la gestion collective.
Si ce mode de rémunération existe déjà avec la SCPP et la SPPF pour les producteurs, avec l’Adami et la Spedidam pour les artistes-interprètes, c’est plutôt le contrat individuel avec les artistes-interprètes et les distributeurs que les producteurs de musique préfèrent. « Seules des exploitations particulières et restant d’une ampleur limitée font l’objet d’une gestion collective volontaire, comme la diffusion des vidéomusiques, les programmes de musiques d’ambiance, la sonorisation des attentes téléphoniques ainsi que le webcasting (ou webradios) et le webcasting semi-interactif », relève le rapport Phéline. Et pour cause, les producteurs réunis au sein du Snep (3) et l’UPFI (4) voient dans la gestion collective une expropriation de leurs droits exclusifs et sont vent debout contre l’idée d’une gestion collective obligatoire.
Ils menacent même de remettre en cause la licence légale dont bénéficient les radios hertziennes (EM@90, p. 3) si le caractère obligatoire s’imposait. @

Google dénonce «la violence» de l’exception culturelle

En fait. Le 2 décembre, Carlo d’Asaro Biondo, président de Google pour le Sud
et l’Est de l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (Seemea), est intervenu au grand débat de la 6e édition annuelle de l’Assemblée des médias (soutenue notamment par la SACD et le CNC) pour dénoncer une certaine « violence ».

En clair. « L’importance de la diversité culturelle est fondamentale. Mais je n’aime pas le terme ‘’exception’’ car il a une connotation de violence. La diversité, c’est la représentation d’intégration et le respect des différentes manières de voir. Je préfère. On est exceptionnel par rapport à un autre, et on est différent avec plus l’idée d’intégration », a déclaré Carlo d’Asaro Biondo, président de Google pour les régions
« Seemea », une semaine avant l’ouverture à Paris du « Lab de l’Institut Culturel ». Il estime que la France brandit l’exception culturelle (1) (*) (**) et la fiscalité numérique avec violence.
« La seule solution n’est pas le fisc, mais de définir des règles claires sur la répartition des revenus et trouver des équilibres pour que cela fonctionne. Tout cela, il faut le voir dans les détails et y réfléchir en faisant deux changements fondamentaux en France. Premièrement : arrêter la violence ! L’escalade de violence que nous vivons depuis quelques mois, voire quelques années, est grave, violence que l’on voit, manière dont on s’exprime, … Au lieu de discuter des faits, on fait de la démagogie. (…) Je trouve que l’on est en France dans un pays qui devient violent… Ne faites pas de caricature de ce que je dis [en s’adressant à Pascal Rogard, DG de la SACD, lequel estime qu’il n’en est rien, ndlr] », s’est insurgé Carlo d’Asaro Biondo. Deuxièmement, la France doit parler cercle vertueux plutôt que fiscalité restrictive. « Qui protège-t-on ? Si ce sont les grands groupes parce qu’ils sont grands et établis, alors on fait un discours d’un certain genre. (…) Donc, nous sommes obligés de nous asseoir, de parler tranquillement et de réfléchir en évitant l’escalade de violence », a-t-il insisté sous les applaudissements de la salle.

« Tu vois, il n’y a pas de violence : tu es applaudi… », ironise Pascal Rogard. Ce à quoi Carlo d’Asaro Biondo répond sérieusement : « Je vis quand même ici en France depuis 16 ans. Il y a un an et demi que je ne peux plus descendre de chez moi tranquille le soir [protestation de Pascal Rogard, ndlr]… Non, mais c’est comme ça. On a fait le choix de stigmatiser une partie de la population contre l’autre – j’ai le courage de le dire : je le vis. Je trouve que c’est dommage ». Pour Google, il faut « revoir le pacte social, assez local, sur lequel on a fondé nos sociétés ». Et ce, au niveau de l’Unesco (2) et de l’Union européenne. @

La décision « Allostreaming » ne fait pas l’unanimité

En fait. Le 2 décembre, la FFTélécoms a dénoncé « les risques de surblocage ou d’incitation au développement du ‘’dark web’’ » que pourrait provoquer le décision « Allostreaming » du TGI de Paris. Le Parti Pirate et La Quadratude du Net, eux, mettent en garde contre « la censure privée au nom du droit d’auteur ».

En clair. L’Association des producteurs de cinéma (APC), la Fédération nationale des distributeurs de films (FNDF), le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), l’Union des producteurs de films (UPF), le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) ont
beau se féliciter de la décision du TGI de Paris rendue le 28 novembre dernier dans l’affaire « Allostreaming », ce jugement ne fait pas l’unanimité. Loin de là.
En permettant au juge d’enjoindre les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) Orange, Bouygues Telecom, Numericable, Free, SFR et Darty Télécom de bloquer seize sites de streaming (1), et aux moteurs de recherche Google, Microsoft, Yahoo et le portail Orange de les déréférencer, la lutte contre la contrefaçon vient de franchir une étape importante – bien que limitée (lire Juridique p 8 et 9).
Les FAI et moteurs doivent obtempérer « au plus tard dans les quinze jours à la compter de la signification de la présente décision et pendant une durée de douze
mois ». Et même si des acteurs du Net font appelle – « ce qui est fort probable d’ici février 2014 », confie à EM@ un ayant droit –, il y a exécution provisoire. Bien que la Fédération française des télécoms (FFTélécoms) relève que les coûts de mise en place des mesures de blocage seront à la charge des demandeurs, elle réaffirme néanmoins « son opposition de principe à l’égard de ce type de mesures » qui présentent « des risques de surblocage ou d’incitation au développement du ‘’dark web’’ ».

La Quadrature du Net, elle, dénonce « ce jugement alambiqué [qui] risque désormais d’être instrumentalisé par les lobbies de la culture (…), consacrant ainsi des formes inacceptables de censure privée ».
L’association de citoyens militants pour la neutralité du Net s’inquiète surtout de la coopération acteurs du Net et ayants droit pour censurer d’autres sites dits « miroirs » sans repasser par le juge, poussant FAI et moteurs à « se livrer à des missions de justice et de police privées ». Autre voix dissonante, celle du Parti Pirate qui craint pour l’Etat de droit : « Ce blocage par décision judiciaire est une première en France et risque d’engendrer des dérives comme partout où du blocage a été appliqué », estime Yohan Aglaé, porte-parole du Parti Pirate, qui « réitère donc son appel à la légalisation du partage non marchand entre citoyens ». Cela fait partie des pistes de travail de l’Hadopi (lire p.2). @

TST-D et TST-E : la musique veut une part du gâteau

En fait. Le 2 décembre, l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) a demandé à Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et
de la Communication, « d’élaborer une politique de soutien en faveur de la filière musicale à la suite de la sécurisation de la TST-D par Bruxelles ».

En clair. La revendication n’est pas nouvelle mais elle est réaffirmée après que la Commission européenne ait annoncé, le 23 novembre dernier, avoir validé la taxe
TST-D (1) payable par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) distributeurs de services de télévision. « Les œuvres et enregistrements musicaux sont également fortement présents sur les chaînes de télévision, dont le signal est repris par les FAI. Nous souhaitons donc qu’une quote part de la TST-D fasse l’objet d’une dérivation vers la filière musicale », nous a expliqué Jérôme Roger, directeur général de l’UPFI et de la SPPF (2).
La TST-D, créée en 2007, a rapporté en 2012 au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pas moins de 279 millions d’euros versés par les FAI au Cosip (compte de soutien à l’audiovisuel et au cinéma). Et en 2013, les FAI devraient payer un montant équivalent. Puis, à partir du 1er janvier 2014, le nouveau mode de calcul validé par Bruxelles – indexé sur une assiette plus que large que sont les abonnements fixe et mobile – sera appliqué. Les FAI comme Free et SFR, qui ont créé une « option TV » à 1,99 euro par mois pour cotiser « à la marge » au Cosip (EM@86, p. 2), devraient rentrer dans le rang. La TST-D devrait donc rapporter plus au CNC l’an prochain et continuer à abonder son « trésor de guerre ». Le gâteau sera aussi amené à grossir avec l’adoption dans le projet de loi de Finances rectificatif pour 2013 de la TST-E, laquelle est l’extension de la taxe aux recettes de publicité et de parrainage générées par les services de TV de rattrapage.

Dès lors, on comprend que l’industrie de la musique veuille elle aussi bénéficier de cette manne actuellement réservée au cinéma et à l’audiovisuel. « Le transfert de valeur considérable dont ont bénéficié les fournisseurs d’accès depuis l’arrivée du haut débit en France a provoqué un effondrement des ventes de CD durant toute la dernière décennie. Et ce, sans aucune mesure de compensation en faveur de l’industrie musicale organisée par les pouvoirs publics, à la différence du cinéma, malgré la progression exponentielle de son rendement », regrette l’UPFI. Un peu plus d’un an après que la filière musicale ait exprimé – via le collectif TPLM (3) – sa « consternation » après l’abandon de la mise en place d’un Centre national de la musique (CNM), les producteurs en sont au même point et attendent beaucoup du prochain rapport Phéline. @

Accord Orange-sociétés d’auteurs étendu aux mobiles

En fait. Le 18 novembre, Orange et les sociétés d’auteurs ADAGP, SACD, Sacem
et Scam ont annoncé un accord sur « la distribution des programmes de télévision et l’exploitation des œuvres des répertoires des sociétés d’auteurs par ADSL, fibre optique, satellite mais également sur mobile ». Et les autres FAI ?

En clair. « Cet accord de renouvellement Orange comprend un accord pour le mobile, d’une part, un autre pour le satellite et l’Internet fixe, d’autre part, selon des règles classiques du droit d’auteur, c’est-à-dire un mécanisme de rémunération proportionnelle
à des recettes et non un forfait », nous a précisé Hervé Rony, directeur général de la Scam. Mais cet accord comportant une clause confidentialité, n’est pas divulgué. Et d’ajouter : « Par ailleurs, nous poursuivons nos négociations avec tous les autres opérateurs ADSL ». Aucun autre renouvellement d’accord n’a donc été signé à ce jour avec SFR, Bouygues Telecom, Numericable ou encore Free. Ce dernier avait été le tout premier fournisseur d’accès à Internet (FAI) à signer – en mars 2005 – un accord avec
la Sacem (musique), la SACD (arts dramatiques), la Scam (multimédia) et l’ADAGP (arts graphiques et plastiques), aux termes duquel il doit reverser un pourcentage des recettes de la Freebox TV aux ayants droits. Les renégociations avec les FAI ne sont pas passées comme une lettre à la poste : il a fallu « de longs mois de discussion » avec Orange, selon Marie- Anne Ferry-Fall, directrice générale de l’ADAGP, pour arriver un cet accord. D’autant que le premier accord signé avec France Télécom jusqu’au 31 décembre 2010 avait dû être âprement rediscuté sur de nouvelles bases, à la suite de la disparition du taux de TVA à 5,5 % sur la part télévision des offres triple play (1) et le passage de l’abonnement en totalité à un taux de 19,6 %.

Les opérateurs de triple play ont tenté de faire baisser les prélèvements. Finalement,
un accord avait été trouvé mi-2011. C’est cet accord d’il y a deux ans qui vient d’être renouvelé. « C’est un renouvellement des accords concernant la partie audiovisuel du triple play fixe. La nouveauté, c’est qu’il inclut aussi les usages en portabilité », nous a aussi expliqué Pascal Rogard, directeur général de la SACD. « Il définit les conditions de la rémunération des auteurs au titre de la distribution des programmes de télévision mais également parce qu’il étend pour la première fois cette rémunération aux accès sur mobile (tablettes, téléphones) appelés à se développer ». Mais les FAI ne sont pas les seuls concernés : YouTube, Dailymotion, Videofutur ou encore CanalPlay Infinity ont également signé des accords similaires avec des sociétés d’auteurs. @