France : la chronologie des médias pénalise la VOD

En fait. Le 31 octobre est la date limite jusqu’à laquelle les professionnels des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) et du cinéma peuvent faire part au CSA de leurs « réactions et commentaires » sur l’étude économique réalisée par l’Idate sur les services de VOD et de TV de rattrapage.

En clair. Si le délai de quatre mois après la sortie d’un film en salle de cinéma imposé aux services de VOD à l’acte (1) est considéré par certains (comme Marc Tessier) comme un frein au décollage de ce marché du cinéma à la demande, le délai de 36 mois appliqué à la VOD par abonnement – VàDA en français ou SVOD en anglais – apparaît comme un véritable obstacle. En attendant les offres forfaitaires de Canal+ ou d’Allociné, l’offre est embryonnaire (Free Home Vidéo, TV d’Orange, SFR Neufbox TV, Pass Séries M6 VOD, Vodeo.tv, Pass Duo de Videofutur …), tout comme les recettes. Alors qu’aux Etats-Unis, la SVOD représente 11,5 % des ventes totales de VOD (vente et location), voire 16 % de la location en ligne seule (chiffres 2009). Et le lancement de l’offre de streaming illimité de Netflix en novembre 2010 devrait accroître cette part.
« Un service de VàDA comme celui de Netflix serait bien entendu impossible à opérer en France où la chronologie des médias fixe à 36 mois à compter de la date de sortie en salles », affirment les auteurs de l’étude de l’Idate, Sophie Girieud et Gilles Fontaine (2). Depuis que la chronologie des médias a été modifiée par la loi Hadopi du 12 juin 2009, avec alignement de la fenêtre de la VOD à l’acte sur celle du DVD, le dispositif reste insatisfaisant.

Facebook, un iTunes et un YouTube en puissance

En fait. Le 22 août, Mike Lang, le directeur général du studio de cinéma Miramax,
a annoncé sur son blog la mise à disposition immédiate de certains films sur Facebook. Ils sont disponibles en streaming sur le réseau social à partir du service expérimental « eXperience » de Miramax. Internationalisation en cours.

En clair. Facebook est en passe de devenir un super-Netflix. Reed Hastings, le DG
du loueur américain de vidéo sur DVD et en ligne, n’est-il pas entré en juin au conseil d’administration de Facebook. Ce dernier pourrait rivaliser avec iTunes Store (1) et YouTube (2). Miramax est le deuxième studio de cinéma américain à rallier le réseau social. Warner Bros fut le premier, dès le mois de mars, à proposer des films sur Facebook (3). Dans les deux cas, les longs métrages sont loués en streaming. « Notre objectif est d’atteindre 150 millions d’amis sur Facebook dans les 18 prochains moins »,
a indiqué Mike Lang, le patron de Miramax (ancienne filiale de Disney). « Nous commençons par louer nos films, mais nous proposerons à terme l’achat des vidéos et le stockage sur notre propre “cloud” pour que les utilisateurs puissent y accéder de partout quel que soit le terminal », a-t-il poursuivi. Pour Miramax comme pour Warner, les films sont loués 3 dollars pour 48 heures ou contre des « Facebook Credits ». Les studios hollywoodiens tablent aussi sur les boutons de recommandation « J’aime » pour le bouche à oreille. Mais les quelque 750 millions d’amis de Facebook n’auront pas tous accès à ces contenus vidéo pour des questions de droits d’auteur : les films de Warner sont encore limités aux seuls Etats-Unis, tandis que ceux de Miramax y ajoute la Grande- Bretagne et la Turquie. Comme pour Netflix ou Hulu, la France reste l’un les pays les plus difficile à approcher. Pour l’heure, malgré plus de 20 millions d’utilisateurs français sur le réseau social, seuls Arte et TF1 ont signé avec le réseau social pour lancer respectivement en avril une « web-fiction » et en juin un service de « VOD sociale ». D’autres groupes de médias discutent avec Facebook qui entend se diversifier dans les contenus comme il l’a fait dans les jeux en ligne (social gaming) grâce à des éditeurs comme Zynga ou Kobojo. Le réseau social de Mark Zuckerberg se rémunère par la publicité en ligne et par des prélèvements de 30 % sur les transactions Facebook Credits. A l’instar de Google, Facebook apporte de plus en plus de trafic à la presse en ligne où des partenariats pourraient émerger. A noter que le conseil d’administration du réseau social compte aussi Donald Graham, PDG du groupe Washington Post. Facebook s’apprête aussi, selon « Mashable » et « Reuters », à lancer le 22 septembre aux Etats-Unis un service de musique en ligne avec Spotify, Rdio, Mog, Rhapsody et Slacker. @

Europe : comment harmoniser l’audiovisuel en ligne

En fait. Le 13 juillet, la Commission européenne a publié un livre vert intitulé
« La distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles dans l’Union européenne.
Vers un marché unique du numérique : possibilités et obstacles ». Elle lance
une consultation publique jusqu’au 18 novembre.

En clair. Droits d’auteurs nationaux, chronologies des médias différentes, droits applicables aux services en ligne ou encore préférences nationales des politiques culturelles : tels sont les principaux « obstacles » à la mise en place d’un marché
unique de l’audiovisuel en ligne en Europe. « Si l’Internet ne connaît pas de frontières,
les marchés en ligne de l’UE restent fragmentés du fait d’une multitude d’obstacles
et le marché unique n’a pas encore été réalisé », déplore la Commission européenne qui veut mettre un terme à cette « fragmentation du marché en ligne ». La propriété intellectuelle est particulièrement visée. Car à trop être gérés à l’échelon national,
les droits d’auteur ne facilitent pas l’accès aux catalogues des œuvres audiovisuelles (programmes de télévision, films de cinéma), ni leur distribution en ligne par les fournisseurs de contenus sur le Web. « A l’ère de l’Internet, la gestion collective des droits d’auteur devrait pouvoir évoluer vers des modèles européens facilitant l’octroi
de licences qui couvrent plusieurs territoires », explique-t-on dans le livre vert. En fait, l’audiovisuel en ligne rencontre des problèmes comparables à ceux de la musique
en ligne. La Commission européenne indique que, « comme le prévoit la stratégie numérique pour l’Europe (1), elle] rendra compte, d’ici à 2012, de la nécessité de mesures supplémentaires, au-delà de la facilitation de la gestion collective des droits, permettant aux Européens, aux fournisseurs de services de contenu en ligne et aux détenteurs de droits d’exploiter pleinement le potentiel du marché unique du numérique, y compris de mesures de promotion des licences transnationales et paneuropéennes ». Le Commissaire Michel Barnier, dans une interview à Edition Multimédi@ (lire EM@ 37), avait indiqué qu’une proposition législative de révision de la directive sur le respect des droits de propriété intellectuelle sera présenté « dans le courant du premier semestre 2012 ». Bruxelles envisage aussi de réexaminer la directive « Câble et satellite », qui ne s’avère pas neutre technologiquement et qui ne prend pas les diffusions broadcast ou webcast sur le Net. Il est notamment suggéré d’« étendre le principe du “pays d’origine” applicable aux actes de radiodiffusion par satellite (comme prévu par la directive « Câble et satellite ») à la fourniture de programmes en ligne,
en particulier pour les services à la demande ». Quant à savoir si un film pourra sortir simultanément en salle et en VOD, la question reste à poser (2)… @

TV : l’alliance Orange-Canal+ reste sous surveillance

En fait. Le 15 juillet, France Télécom et Canal+ ont présenté leur projet d’alliance dans la télévision payante : le bouquet de chaînes payantes Orange Cinéma
Séries se retrouvera d’ici la fin de l’année dans une co-entreprise détenue à
66,66 % par l’opérateur télécoms et à 33,33 % par la chaîne cryptée.

En clair. Il n’y aura pas de fusion entre Orange Cinéma Séries et TPS Star au sein d’une joint-venture détenue à parts égales, contrairement à ce qui avait été envisagé en janvier (EM@ 28, p. 5), ni de nouvelle chaîne qui devait s’appeler Orange Ciné Star. Le risque de « monopole » dans la télévision payante et la procédure en cours de l’Autorité de la concurrence sur la « position dominante de Canal+ » sur ce marché (1) ont amené les protagonistes à revoir leur copie. Plus question de fusion mais de
« partenariat », avec transformation de la filiale OCS (Orange Cinéma Séries) en
co-entreprise détenue pour deux tiers par France Télécom et pour le tiers restant par
le groupe Canal+. Pour l’heure, avec seulement 400.000 abonnés, le bouquet a fait perdre à France Télécom 300 millions d’euros par an depuis 2008. Reste à savoir si
les salariés d’OCS, qui avaient manifesté en janvier leurs inquiétudes sur la fusion avec TPS Star, seront pleinement rassurés.
Et si l’Autorité de la concurrence, qui doit faire le bilan des engagements pris par Canal+ jusqu’à fin 2012 lors de la fusion en août 2006 entre TPS et CanalSat, donnera son feu vert sans conditions à ce partenariat qui reste « dominant » sur le marché de la TV payante. Quant aux organisations du cinéma, via le Bloc, elles s’étaient inquiétées
d’« une réduction de 60 millions d’euros des coûts de grille des chaînes concernées » et de « l’absence d’un maintien dans l’avenir des engagements (…) vis-à-vis de la création cinématographique ». Selon nos informations, les producteurs de films se disent rassurés mais restent vigilants sur les engagements pris jusqu’en 2013 : les coûts de grille diminueraient finalement de seulement 20 millions d’euros, à 100 millions. Par ailleurs, des négociations doivent se tenir en septembre sur la TV de rattrapage et les abonnés mobiles. La distribution des cinq chaînes du bouquet OCS (2) sera élargie au-delà des seuls abonnés d’Orange, auprès de « tous les opérateurs que le souhaitent ». Ironie de l’histoire, France Télécom avait porté plainte en novembre 2008 contre Canal+ accusé de « verrouiller le marché de la télévision payante » en évinçant les FAI ! A défaut de pouvoir revenir sur les exclusivités de l’ADSL, des mobiles, de la TNT et du satellite, qui avaient eu la bénédiction de Bercy en 2006, l’Autorité de la concurrence a néanmoins gardé un œil sur Canal+ pour « l’extension des clauses d’exclusivité » à la fibre optique ou à la TV de rattrapage. @

Création du CNN : à quand la rationalisation des outils de régulation du numérique ?

Le Conseil national du numérique (CNN), censé simplifier les relations entre
les acteurs du Net et les pouvoirs publics, risque d’accroître la confusion
déjà existante entre les multiples « AAI ». La convergence aurait mérité
une rationalisation – voire une fusion – entre certaines d’entre elles.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

Le 29 avril dernier naissait le Conseil national pour
le numérique (CNN), entité entièrement dédiée à l’Internet
et au numérique (1). La création de ce nouveau conseil vise
à combler l’absence de tout organisme transversal dans
ces secteurs depuis la disparition du Forum des droits sur l’Internet (FDI) en décembre 2010, faute de financements.