Anthony Zameczkowski, YouTube : « Nous monétisons plus d’un milliard de vidéos par semaine dans le monde »

YouTube, que Google avait racheté 1,65 milliard de dollars en 2006, fête ses cinq ans cette année. Son directeur des partenariats pour la France et l’Europe de l’Est explique à Edition Multimédi@ la stratégie du premier site web mondial de partage vidéo, notamment vis-à-vis de la musique, de la télévision et du cinéma.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Combien d’utilisateurs comptez-vous dans le monde ? Que représente l’Europe, dont la France ? Quelle est la croissance de l’audience ? Anthony Zameczkowski (photo) : YouTube, qui compte plus de 500 millions de visiteurs uniques chaque mois dans le monde, est le troisième site web le plus visité derrière Google et Facebook et leader des plateformes vidéo. Chaque jour, ce sont plus de 2 milliards de vidéos dans le monde qui sont visionnées et l’équivalent de 24 heures de vidéos qui sont mises en ligne chaque minute ! Et 70 % du trafic de YouTube provient de pays en dehors des Etats-Unis. La France, elle, est dans le « Top 5 » des pays les plus importants pour YouTube en terme d’audience : 7e site français avec plus de 16 millions de visiteurs uniques mensuels. La croissance de notre audience devrait être « boostée » par le succès des nouveaux smartphones (iPhone, Android, …) et celui attendu des téléviseurs connectés.

EM@ : Comment évolue la qualité de vos vidéos ? Et que reversez-vous
aux auteurs ?
A. Z. :
Nous proposons depuis juillet 2009 aux utilisateurs et ayants droits de mettre en ligne leurs vidéos en qualité HD, voire 3D, et, depuis novembre dernier, en Full HD
(1080 pixels). Pour la rémunération, nous proposons à nos partenaires (1) de monétiser leurs contenus puis nous partageons les revenus avec eux. Ce type de partenariat est également proposé aux utilisateurs les plus populaires sur la plateforme au travers du YouTube Partners Program. Mais, dans tous les cas, seules les vidéos de partenaires reconnus sont monétisées et à leur demande exclusivement (2). Aujourd’hui YouTube monétise plus d’un milliard de vidéo par semaine dans le monde.

EM@ : Que répondez-vous aux opérateurs télécoms qui veulent vous faire payer leurs réseaux ?
A. Z. :
Nous investissons en terme d’infrastructures et dépensons des sommes importantes auprès des opérateurs de réseaux, afin de toujours offrir la meilleure qualité de service aux internautes.

EM@ : YouTube expérimente depuis l’an dernier un service de vidéo à la demande (VOD), payant via Google Checkout (3). Quand ce service sera-t-il lancé en
Europe ?
A. Z. :
Notre ambition est d’être la plateforme vidéo proposant l’éventail le plus large possible de contenus, en s’appuyant sur un modèle économique avant tout centré sur
la publicité. Néanmoins, nos partenaires ne pouvaient pas mettre en ligne sur YouTube certains de leurs contenus en VOD gratuite (financée par la publicité), notamment des long-métrages quelques mois après leurs sorties en salle. Nous avons donc décidé
de leur donner la possibilité de les rendre disponible sur YouTube en VOD payante en lançant récemment aux Etats-Unis une section dédiée aux contenus payants baptisée
« YouTube Store ».
Cette initiative est toujours en phase bêta et disponible uniquement pour le marché américain pour des raisons de droits de diffusion pour le contenus des ayants droit.
Nous souhaitons d’abord tester ce type d’offre auprès des utilisateurs et son attractivité, avant de proposer ce service plus largement. YouTube Store donne la possibilité aux ayants droit de fixer leurs prix et la fenêtre d’exploitation de leurs contenus videos (4). Nous sommes toujours en discussion avec les producteurs, dont certains sont déjà partenaires en France comme EuropaCorp depuis 2007 pour ses bandes annonces.
Mais nous n’avons rien à annoncer pour la diffusion de films en entier pour le moment,
en dehors du test réalisé aux Etats-Unis.

EM@ : Votre maison mère Google développe un projet de décodeur TV. YouTube est-il concerné ?
A. Z. :
YouTube est déjà présent par défaut dans la plupart des téléviseurs connectés du marché, notamment ceux de LG et Panasonic grâce à sa version adaptée. Ces nouveaux téléviseurs permettent à Internet de rentrer (enfin) dans le salon des utilisateurs. Ces derniers pourront accéder à Internet et à YouTube très simplement sans avoir à connecter leur ordinateur au téléviseur. Quant à Google TV, il s’agit d’un projet plus spécifique à notre maison-mère qui utilise son système d’exploitation Android et son navigateur web Chrome. Il s’agit d’une plateforme de recherche sur votre télévision ; cela ne concerne pas directement YouTube.

EM@ : Signez-vous des accords de droits exclusifs ?
A. Z. :
Les accords que nous avons signés sont non exclusifs et flexibles. En effet, nos partenaires ont le contrôle complet de leur éditorial et des vidéos qu’ils mettent en ligne.
La publicité est commercialisée par nos équipes commerciales ou de manière partagée entre les leurs et les nôtres, et un partage des revenus publicitaires avec l’ayant droit est prévu. Nous avons une politique de partenariat très active et avons déjà plus de 10.000 partenaires à travers le monde. Au-delà des accords signés avec les ayants droit aux Etat-Unis (comme CBS, BBC, Universal Music, Warner Music ou encore The Sundance Channel), nous en avons aussi de très structurants en Europe et en France. Nous avons ainsi signé avec Channel 4 et Five au Royaume-Uni, ainsi que, depuis le mois d’avril, avec Lagardère Active en France. Ces trois accords nous permettent de proposer aux utilisateurs de YouTube des contenus de télévision de rattrapage (catch-up TV) et de catalogue en intégralité dans le monde entier. Nous avons également des partenariats importants dans le sport, avec les fédérations sportives internationales et le Comité International Olympique.

EM@ : Où en est le procès de Viacom qui, depuis 2007, réclame 1 milliard de dollars à YouTube pour piratage ?
A. Z. :
C’est toujours une affaire en cours sur laquelle nous ne pouvons commenter pour des raisons légales.

EM@ : Avec la Ligue de football professionnel, qui vous menaçait d’un procès, vous avez signé un accord pour « filtrer » des vidéos de matchs contre le piratage… A. Z. : En effet, nous avons signé un accord avec la Ligue de Football professionnel afin de leur donner accès à notre technologie d’empreinte numérique de contenus vidéo et audio (fingerprinting) que nous avons créée pour les ayants droit et baptisée Content ID (5). Cet outil leur permet d’identifier automatiquement leurs contenus qui auraient été mis en ligne de façon non autorisée par des utilisateurs sur YouTube, puis, de les retirer soit a posteriori, soit dès la tentative de mis en ligne. Les détenteurs de droits audiovisuels [musique, télévision, cinéma, ndlr] peut aussi décider de le conserver sur la plateforme et de le monétiser. Mais Content ID, que propose gratuitement YouTube, est utilisée directement par l’ayant droit qui décide de l’usage qu’il souhaite en faire. Cela ne change pas notre statut légal d’hébergeur de contenu. Content ID est largement utilisé à travers le monde, notamment en France par Lagardère Active, EuropaCorp ou encore France 24, ou aux Etats-Unis par les grandes majors du disque dont certaines font en effet partie de Vevo. Content ID, technologie efficace et robuste, scanne l’équivalent d’un siècle de vidéos par jour ! @