Chronologie des médias : reprise des discussions le 1er juillet

En fait. Le 1er juillet, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) réunira les professionnels du cinéma, de la télévision et du numérique pour reprendre les discussions – qui avaient été interrompues en décembre – pour tenter de faire évoluer la chronologie des médias inchangée depuis 2009.

Christophe TardieuEn clair. Selon nos informations, Christophe Tardieu (photo), directeur général délégué du CNC, a envoyé le 5 juin dernier aux professionnels concernés par le réaménagement de la chronologie des médias une invitation à la réunion de reprise des discutions prévue le 1er juillet prochain – « en vue de la conclusion d’un nouvel accord ». Il a joint « pour mémoire » à son message « le projet d’avenant global issu de nos réunions précédentes qui servira de base au redémarrage de nos discussions ».
Ce projet confidentiel est en fait strictement identique au projet « définitif » que le CNC avait déjà envoyé près de six mois plus tôt, le 27 janvier dernier. C’est qu’aucune avancée n’a été faite depuis l’interruption des négociations par Canal+ à l’automne dernier et malgré une précédente réunion du CNC le 18 décembre.

Des mois de statu quo et d’absence d’évolution significative
La chaîne crypté, premier pourvoyeur de fonds du cinéma français (près de 200 millions d’euros par an), a conditionné la poursuite des renégociations sur la chronologie des médias à la signature préalable avec le 7e Art français d’un accord qui l’engage dans
le préfinancement de films en échange de leur exclusivité (lire EM@114, p. 3).
Maintenant que cet accord quinquennal entre Canal+ et cinéma français est intervenu à l’arrachée le 12 mai (1), soit juste à la veille de l’ouverture du Festival de Cannes (mais sans deux les syndicats de producteurs indépendants, l’APC et l’UPF, qui ont signé le 18 mai), les pourparlers sur la chronologie des médias vont pouvoir reprendre. C’est l’objet de cette réunion fixée le 1er juillet au CNC.
Mais, selon des sources proches des discussions, il n’y a pas grand-chose à attendre de cette nième rencontre interprofessionnelle qui devrait s’entendre sur un quasi statu quo des fenêtres de diffusion après l’exclusivité des quatre premiers mois d’exploitation des nouveaux films dont bénéficient les salles de cinéma. Ces quatre mois – durant lesquels la vidéo à demande (VOD) doit attendre son tour – sont toujours
« sanctuarisés » par la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) qui représente les quelque 5.500 salles de cinéma présentes sur l’Hexagone (gérées
par 2.000 établissements). Il y a bien une dérogation de prévue (délai inférieur aux quatre mois) mais à des conditions très restrictives. Quant à l’expérimentation de
la simultanéité salle-VOD, la question reste toujours taboue en France… @

Comment Webedia (Fimalac) entend venir en aider à l’industrie culturelle française

Webedia prévoit de doubler son chiffre d’affaires à 100 millions d’euros en 2015. Pour Véronique Morali, sa présidente, la filiale digitale de Fimalac – holding de son compagnon Marc Ladreit de Lacharrière – veut être le porte-drapeau numérique de l’industrie culturelle française dans le monde. Les acquisitions vont se poursuivre.

(Depuis la publication de cet article, Le Monde révèle le 1er avril que Fimalac « semble aujourd’hui le candidat le plus probable »  pour les 49 % de Dailymotion, Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, préférant des partenaires européens)

Véronique Morali« Notre vision est que nous pouvons être facilitateur de la transformation digitale des filières dans le divertissement et l’industrie culturelle. Et le cinéma est un bon exemple. Nous avons trouvé qu’il était judicieux de devenir partenaire du CNC (1) quand
il a lancé (en janvier dernier) son offre de mise en avant des films français [http://vod.cnc.fr, ndlr], en apportant notre savoir-faire digital dans le cadre de la recomposition de place qu’il est en train de mener », a déclaré Véronique Morali (photo), présidente du directoire de Webedia et présidente de Fimalac Développement, devant l’Association des journalistes médias (AJM), le 9 mars dernier (2).
Le site web Allociné – que Webedia a acquis en juillet 2013 – propose aux internautes de voir les films en les louant ou les achetant sur des plateformes tierces de vidéo à la demande (VOD) vers lesquelles ils sont orientés. A terme, les télécharger directement pourrait être proposé.

Cinéma, jeux vidéo, mode/beauté, cuisine/gastronomie et tourisme
Webedia veut qu’Allociné soit plus qu’un simple site web de référence du cinéma. « Plutôt que d’organiser en tant que CNC le référencement des offres légales, nous lui avons dit de profiter (en se mettant en dessous) de ce que l’on fait depuis vingt ans chez Allociné pour les fiches-films. Tous les mois sur Allociné, il y a environ 250 millions de fiches-films qui sont consultées par mois, et sur lesquelles les offres de VOD dites vertueuses sont référencées », a expliqué Cédric Siré, PDG de Webedia, présent aux côtés de Véronique Morali.
En revanche, Webedia ne compte pas aller sur le terrain de la VOD : « Car entrer sur ce marché, cela demande un premier investissement de 30 et 40 millions d’euros à mettre sur la table pour se payer aujourd’hui un catalogue (de films) à distribuer. Ce n’est pas notre modèle. Nous préférons le modèle média », a justifié le fondateur de Webedia.
Le cinéma fait partie des cinq thématiques verticales – avec les jeux vidéo, la mode/beauté, la cuisine/gastronomie, et le tourisme – sur lesquelles le groupe Fimalac a décidé d’investir en Europe et à l’international (3). « Avec nos verticales, nous voulons être partenaire de la recomposition digitale de filières pour le divertissement. L’industrie culturelle est beaucoup travaillée par le groupe Fimalac, avec tout un pôle entertainment [production de spectacles et exploitation de salles (4), ndlr]», a indiqué Véronique Morali. Et Cédric Siré de poursuivre : « Nous avons choisi ces cinq thématiques où l’on est capable de devenir des numéros un mondiaux et où nous estimons que la France a une légitimité, voire une forme d’exception ». Sur chacune
de ces cinq domaines culturels, Webedia s’appuie sur un triple modèle économique :
la publicité (e-pub programmatique, vidéo, opérations spéciales, …), les services (aider notamment les marques à devenir elles-mêmes des médias), et le e-commerce (comme la billetterie). Cédric Siré a aussi dit que les cinq verticales n’avaient pas vocation à aller jusqu’à faire de la presse papier (« Nous ne savons pas faire »).

En revanche, après avoir investi 240 millions d’euros depuis l’acquisition de Webedia (Pure People, Allociné/Côté Ciné, Jeuxvidéo.com/Millenium, 750g, …), Fimalac va
plus que jamais continuer à faire des acquisitions dans chacun de ces cinq secteurs culturels du divertissement. « Nous avons un actionnaire en quête de pépites et de développement, dans le cadre d’un capitalisme familial bien compris (donc très rigoureux dans la gestion et la rentabilité). On ne peut pas dire que l’on ait des limites. On ne peut pas acheter Google, c’est clair ! », a lancé Véronique Morali. Et pourquoi pas Dailymotion ? « Ce n’est pas à vendre, d’abord. C’est une belle affaire mais ce n’est pas à vendre pour Orange », a-t-elle répondu (5). « Au niveau mondial, on est déjà le deuxième groupe français digital derrière Dailymotion », s’est en tout cas félicité Véronique Morali. S’il n’y pas de limite, une acquisition à 1 milliard d’euros ? « Je ne sais pas, franchement… Si vous avez de bonnes idées, vous me les passez. Ce que
je peux vous dire, c’est qu’on étudiera cette offre ! Nous n’avons pas de limites, si ce n’est la limite de la liquidité de Fimalac. Et encore, Marc de Lacharrière dirait que l’on des capacités d’emprunts qui sont intactes puisque l’on a zéro dette », a-t-elle poursuit.

Fimalac, consolidateur culturel
Dans un univers du divertissement très fragmenté, Fimalac affirme ainsi son ambition d’être un acteur numérique de l’industrie culturelle française et un consolidateur sur le mode build-up (6) (dixit Véronique Morali). Le groupe du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière en a les moyens, notamment depuis la cession en décembre de 30 % de l’agence de notation Fitch, dont il détient encore 20 %. Ce qui lui a rapporté l’équivalent de plus de 1,5 milliards d’euros. @

Charles de Laubier

Stream ripping : la question de la licéité de la copie privée à l’ère du streaming reste posée

Le streaming s’est imposé face au téléchargement sur Internet. Si mettre en ligne une oeuvre (musique, film, photo, …) nécessite l’autorisation préalable des ayants droit, les internautes ont-ils le droit à la copie privée – exception au droit d’auteur – lorsqu’ils capturent le flux (stream ripping) ?

Par Christiane Féral-Schuhl, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Christiane Féral-SchuhlLe streaming désigne, dans une traduction littérale (de l’anglais « stream »), une « diffusion en flux ». Dans le cas d’un direct, le diffuseur est ainsi maître du moment et du contenu de la diffusion et l’internaute peut décider de se connecter ou non, mais sans pouvoir choisir le contenu ou le moment de la diffusion.
Dans le cas d’œuvres protégées stockées et disponibles en ligne (oeuvres musicales, audiovisuelle, photographiques …), cette technologie permet à l’internaute – au moyen d’un logiciel fourni habituellement par le site de « diffusion » – d’avoir accès à ces fichiers en lecture seulement mais sans qu’il ait besoin d’effectuer préalablement une copie entière et pérenne par téléchargement sur son disque dur.

Streaming et ripping plébiscités
La popularité exponentielle du streaming suscite de plus en plus l’inquiétude des auteurs et ayants droit en raison, d’une part, de la prolifération sur Internet de sites Internet illicites mettant en ligne des contenus protégés sans l’autorisation préalable des auteurs ou titulaires de droits, et, d’autre part, du développement du stream ripping.
Cette technique se développe rapidement, permettant à l’internaute de réaliser une copie sur son disque dur en « capturant » ainsi le flux du streaming. L’opération de streaming suppose que l’oeuvre mise en ligne ait été préalablement numérisée – lorsque celle-ci n’est pas créée ab initio – et copiée sur le serveur de l’exploitant du
site web où l’oeuvre va être accessible. Tant la doctrine que la jurisprudence ont pu confirmer que l’acte de numérisation s’analyse en un acte de reproduction soumis en conséquence à l’accord du titulaire du droit d’auteur ou des droits voisins. De même, pour copier l’oeuvre sur le serveur, l’exploitant procède à son « chargement sur une mémoire centrale d’un ordinateur » (1) ou encore à son « stockage (…) sous forme numérique sur un support électronique » (2) entraînant la « fixation matérielle de l’oeuvre ». Cette opération s’analyse également en un acte de reproduction soumis
à l’autorisation du titulaire du droit d’auteur ou des droits voisins. La reproduction de l’oeuvre constitue donc un préalable indispensable à mise en ligne de l’oeuvre. Une fois l’oeuvre numérique ou numérisée copiée sur le serveur de l’exploitant, celui-ci peut décider de la mettre en ligne, à la disposition du public, par exemple à partir d’une plateforme d’écoute ou de vidéos en ligne. La question s’est posée de savoir si cette mise en ligne constitue un acte de représentation publique au sens du Code de la propriété intellectuelle (CPI) (3). La jurisprudence française répond très clairement par l’affirmative : « La représentation consiste dans la communication de l’oeuvre au public par un procédé quelconque (4), nécessitant donc l’accord de l’auteur pour diffuser l’oeuvre sur Internet (…). (Ainsi) constitue une atteinte aux droits patrimoniaux sur une oeuvre cinématographique, la diffusion de celle-ci en streaming sur un site Internet sans autorisation du titulaire des droits patrimoniaux » (5). La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se prononce également en ce sens puisqu’elle considère que la mise à disposition du public – par voie de streaming – de contenus protégés par le droit d’auteur ou les droits voisins justifie le blocage des sites litigieux (6). C’est également
la position des juges américains qui ont sanctionné le site de streaming musical Grooveshark pour violation massive du droit d’auteur en raison de 5.977 morceaux de musique téléchargés directement et sans autorisation (7).
Le site web de l’exploitant fournit parfois à l’usager les moyens d’enregistrer de manière pérenne les contenus, à l’exemple du logiciel StationRipper, disponible gratuitement sur Internet. Ces logiciels permettent de capter les flux musicaux de plusieurs plateformes (par exemples de webradios) et de les enregistrer sur le disque dur sous forme de fichiers MP3.

Jurisprudence « Radioblog »
Un tel dispositif doit également être soumis à l’autorisation des titulaires de droit, comme le rappelle la jurisprudence, notamment dans l’affaire du site Radioblogclub.fr. Ce site d’écoute à la demande et en streaming de musique fonctionnait à l’aide de liens hypertextes, d’un moteur de recherche fourni par le site et d’un logiciel téléchargeable. Avant sa fermeture au printemps 2007, il référençait automatiquement des listes d’écoute (ou playlists), plus de 800.000 connections par jour et jusqu’à plus de 20 millions de visiteurs par mois.

Le cas de TubeMaster++
En l’absence d’accord conclu avec les sociétés de perception et de répartition des droits, le créateur, le gérant et le responsable juridique de Radioblogclub.fr ont été assignés en contrefaçon de droits d’auteur (8) et condamnés (9) en septembre 2009,
et le jugement a été confirmé en appel (10) en mars 2011 (1 million d’euros de dommages et intérêts à verser aux ayants droit, 10.000 euros d’amende et 9 mois de prison avec sursis). La Cour de cassation, saisie à son tour, a confirmé en septembre 2012 la décision d’appel, considérant que « les prévenus ont conçu le logiciel et le site en cause afin de permettre au public d’écouter, au mépris des droits de leurs auteurs et producteurs, des phonogrammes qu’ils savaient protégés (…) » alors que « tout service de communication au public en ligne d’oeuvres protégées, sans avoir obtenu les autorisations requises et toute mise à disposition d’un logiciel ayant cette finalité, entrent dans les prévisions des articles (précités) ». De même le créateur du logiciel TubeMaster++ qui permettait d’enregistrer les flux de Deezer et d’autres flux en streaming, a été condamné (11) à des peines d’amendes et à dédommager la Sacem, la SDRM et la SCPP (5000 euros chacun).
La technique du streaming autorise l’usager à lire les données au cours du téléchargement, sans qu’une copie pérenne n’ait à être préalablement effectuée.
La question s’est donc posée de savoir si, en écoutant un enregistrement diffusé
en streaming, l’usager pouvait bénéficier de l’exception visée à l’article L.122-5-6e
du CPI ? Cet article autorise « la reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu’elle est une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et qu’elle a pour unique objet de permettre l’utilisation licite de l’oeuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d’un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire qui ne peut porter que sur des œuvres autres que les logiciels et les bases de données ne doit pas avoir de valeur économique propre ». L’acte de reproduction doit donc toujours constituer « une partie intégrante et essentielle du procédé technique ». Tel est bien le cas lorsque l’on analyse le processus technique de diffusion en streaming : la fixation s’opère à la fois dans la mémoire vive et dans la mémoire cache de l’ordinateur. Pour visualiser les contenus, l’usager a recours à des logiciels appropriés et aux ressources de l’hypertexte. Ces contenus sont stockés temporairement dans la mémoire vive de l’ordinateur et les éléments de la consultation sont simultanément et automatiquement, au moyen des logiciels de navigation (de type Internet Explorer, Safari ou autres) stockés dans un fichier temporaire logé dans la mémoire cache. Il faut également que l’acte de reproduction ait pour « unique objet de permettre l’utilisation licite de l’oeuvre ou sa transmission ». Tel est bien encore le cas puisque le stockage n’est qu’un procédé technique d’acheminement des signaux permettant à l’internaute de consulter l’oeuvre. Son caractère temporaire ne permet aucun acte d’exploitation.
Enfin, il ne doit pas avoir de valeur économique propre. La reproduction réalisée en streaming constitue donc bien une reproduction provisoire au sens de l’article L.122-5 6° du CPI et n’est donc pas soumis à l’autorisation des titulaires de droit. Mais c’est sans compter la technique du stream ripping qui permet désormais à l’usager de copier un contenu en procédant à l’extraction du fichier caché derrière un flux en streaming. Cette copie s’opérant sur le disque dur, il ne s’agit donc plus d’une reproduction provisoire relevant de l’exception visée à l’article L.122-5-6e du CPI. S’agit-il alors de l’exception de copie privée prévue par l’article L. 122-5 2° du même CPI pour le droit d’auteur et son article L.211-3 pour les droits voisins ? C’est une question à laquelle tente de répondre l’Hadopi (12). Sous réserve de la licéité de la source, cette exception vise la reproduction d’une oeuvre strictement réservée à l’usage privé du copiste et
non destinée à l’usage collectif. Selon les défenseurs de cette thèse, le convertisseur opèrerait comme un magnétophone, permettant l’enregistrement destiné à l’usage personnel de l’internaute (13). Rappelons par ailleurs que le CSPLA a préconisé en octobre 2012 d’appliquer la rémunération pour copie privée au cloud, de plus en plus utilisé pour le streaming (14).

Copie privée : une exception, pas un droit
A noter que l’argument de la copie privée, conformément à la jurisprudence
« Mulholland drive » (15) de juin 2008, ne constitue pas un droit mais une exception légale au principe prohibant toute reproduction intégrale ou partielle d’une oeuvre protégée faite sans le consentement du titulaire de droits d’auteur.
Aussi, soit l’auteur a autorisé la reproduction et il est fondé à percevoir une rémunération pour copie privée, soit l’oeuvre est diffusée en violation du droit exclusif de l’auteur et la reproduction est illicite. La question est d’autant plus importante que le stream ripping prend de plus en plus d’importance, l’Hadopi chiffrant à 41 % le nombre de « consommateurs de musiques, de films ou de séries (ayant) déjà utilisé des convertisseurs pour transformer de la musique ou un film diffusés en streaming en ficher audio ou vidéo ». @

Gestion collective des droits d’auteur : la Cisac s’impatiente sur les remontées d’Internet

La Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac), présidée par le musicien Jean-Michel Jarre, s’impatiente sur les recettes du numérique qui « ne représentent que 5 % du montant total ». Membre, la Sacem prône toujours une taxe sur les hébergeurs.

« Nous sommes souvent à la merci des entreprises qui contrôlent les canaux de distribution de nos œuvres. L’environnement numérique actuel, dont les créateurs sont les acteurs les plus fragiles, nous le fait cruellement sentir », déplore le pionnier de la musique électronique Jean-Michel Jarre (photo), président depuis juin 2013 de la Cisac, laquelle représente au total dans le monde plus de 3 millions d’ayants droits, créateurs de musiques et de chansons pour l’essentiel (87,2 % des recettes), mais aussi de films, de livres, de peintures, de poèmes ou encore d’illustrations.
Jean-Michel Jarre peste contre Internet
Au global, les 230 sociétés de gestion collective membres de la Cisac – laquelle fut créée en 1926 et est installée en France à Neuilly-sur-Seine, à côté de la Sacem qui
en est membre – ont collecté toutes ensemble plus de 7,7 milliards d’euros sur l’année 2013 (le bilan global avec un an de décalage).
Mais cette année, l’impatience de la Cisac est perceptible quant aux montants perçus du monde digital. « Les droits liés au numérique ont augmenté de 25 % mais ne représentent toujours que 5 % du montant total des perceptions mondiales », souligne
le directeur général de la confédération, Gadi Oron. Le « numérique & multimédia » (dixit la terminologie de la Cisac) a rapporté sur l’année 380 millions d’euros – soit 4,9 % en réalité. Et ce montant émane à 99 % du secteur de la musique. « Le solde provient
des autres répertoires (arts visuels en fait). Ce qui ne signifie pas que le digital ne représente rien dans les autres répertoires (audiovisuel, littéraire, dramatique) où
les droits issus du numérique ne sont pas distinctement identifiés dans les données
de ces répertoires que nous remontent les sociétés membres de la Cisac. La part des perceptions issues du numérique peut dès lors à ce titre être considérée comme sous-estimée dans notre rapport », nous indique Frédéric Patissier, consultant pour la confédération. Bien que sous-estimé, le digital a augmenté de près de 25% sur un an (voir graphique ci-dessous). Il y a même une accélération significative car, l’année précédente, la croissance du digital n’était que de 7 %. Plus de la moitié de ces recettes numériques proviennent de l’Europe, où la croissance sur un an atteint même 40,8 %,
à 207 millions d’euros.
Parmi les autres régions du monde qui contribuent aussi aux recettes digitales musicales, il y a notamment l’Amérique du Nord (44 millions d’euros) et l’Amérique
du Sud-Caraïbes (6 millions). Reste que les retombées du numérique en monnaies sonnantes et trébuchantes restent faibles aux yeux de la Cisac, alors que le marché
de la musique enregistrée est proche du « point de basculement » où les droits perçus proviendront davantage du numérique que des ventes physiques. « Nous ne bénéficions absolument pas d’une juste rémunération pour les utilisations numériques. Certaines entreprises gagnent des milliards grâce à nos œuvres et nous méritons d’en retirer notre juste part », s’était insurgé Jean-Michel Jarre il y a un an, lors du Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem).

Une « compensation équitable » ?
Membre de la Cisac, la Sacem prône – dans le cadre de la révision de la directive européenne «DADVSI » sur le droit d’auteur – une « compensation équitable » au profit des titulaires de droit, « laquelle serait supportée par certains intermédiaires techniques de l’Internet » (1). Pour les sociétés de gestion collective, qui en assureraient la gestion, cette taxe prélevée sur les plateformes du Web (YouTube, Dailymotion, Facebook, Yahoo, …), serait justifiée pour compenser « le préjudice subi par les ayants droit » en raison du statut d’hébergeur à responsabilité limité (2) de ces dernières par rapport au piratage sur Internet. @

Charles de Laubier

Droit d’auteur : l’eurodéputée Julia Reda « débloque »

En fait. Le 20 janvier dernier, l’eurodéputée Julia Reda (Parti Pirate et écologiste) a présenté devant la Commission des affaires juridiques du Parlement européen un rapport sur « l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » en Europe.

Julia RedaEn clair. « Bien que la directive (européenne) de 2001 ait été faite afin d’adapter le droit d’auteur et les droits voisins à l’ère numérique, en réalité elle bloque les échanges de savoirs et de culture transfrontaliers ». C’est le principal enseignement que livre l’eurodéputée Julia Reda (photo) lors de la présentation de son pré-rapport que le Parlement européen lui a demandé en vue de la réforme de la directive sur le droit d’auteur, dite DADVSI (1).
Son objectif est d’harmoniser sur le marché unique numérique européen le droit d’auteur, afin de lever les obstacles – les fameux « silos nationaux » identifiés dans le droit d’auteur (2) – et mettre un terme à la fragmentation des règles
en Europe, tout en favorisant le développement des services de streaming et des plateformes numériques pan-européens.

En finir avec le patchwork européen et les « blocages » nationaux
Julia Reda propose notamment faire tomber plus tôt dans le domaine public les œuvres, en réduisant la durée des droits de 70 à 50 ans après le décès de l’auteur, soit sur la durée prévue par la Convention de Berne de 1886-1979 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. Ainsi, il en serait fini du patchwork des durées en Europe. Concernant les exceptions au droit d’auteur inscrites dans la directive DADVSI, elle demande à ce qu’elles soient rendues « obligatoires » dans toute l’Union européenne pour supprimer les restrictions nationales.
Elle prône également l’élargissement des exceptions – dans le respect du « test de trois étapes » instauré par l’article 9-2 de la Convention de Berne – aux usages innovants et numériques tels que les créations transformatives : remix, mashup, hackathon, œuvres nées de l’hybridation digitale ou encore caricatures, parodies et pastiches. Les exceptions au « monopole » du droit d’auteur, notamment pédagogique (enseignement et recherche), doivent aussi bénéficier aux analyses techniques d’œuvres comme
le text-and-data-mining, aux prêts de livres numérisés par les bibliothèques. Ces exceptions au droit d’auteur devraient, selon elle, être dépourvues de protections techniques (de type DRM), à moins d’en connaître le code source ou l’interface spécifique.
En revanche, Julia Reda fait l’impasse sur la question des usages non-marchands :
« Une distinction entre usages commerciaux et non-commerciaux engendre de nouveaux problèmes dans l’environnement en ligne, plus nombreux étant les utilisateurs qui sont aussi producteurs d’œuvres ». @