L’extinction du réseau de cuivre a déjà commencé, bien avant le calendrier 2023-2030 fixé par Orange

Depuis qu’Orange a annoncé le 4 décembre le « décommissionnement » du réseau téléphonique de cuivre à partir de 2023 et son extinction totale d’ici la fin de la décennie, le doute s’installe quant à la faisabilité d’une telle décision sur tout le territoire. L’ADSL convient encore à la majorité des Français.

Facile à dire, difficile à faire. L’extinction du cuivre sur huit ans maximum, de 2023 à 2030, est un ultimatum qui se le dispute à une gageure. L’objectif est inscrit dans le nouveau plan stratégique de l’opérateur historique Orange que le PDG Stéphane Richard (photo) a présenté début décembre. « La décision d’Orange d’arrêter le cuivre en 2030 est une décision de l’opérateur. L’Arcep a pour rôle d’encadrer cette fermeture qui a un impact sur les concurrents », indique le gendarme des télécoms à Edition Multimédi@.

Vers des zones de migration accélérée (ZMA)
Pour autant, « l’Arcep s’interroge sur les modalités concrètes de cette transition et l’introduction éventuelle de mécanismes incitatifs afin d’envoyer les signaux économiques pertinents ». Elle l’a indiqué lors de sa consultation publique « Accès fixe à haut et très haut débit » durant l’été dernier (1), en vue de la préparation des décisions pour le prochain cycle de régulation 2020- 2023. Car le régulateur y tient et y veillera : « La transition à venir doit donc être envisagée et préparée, sans pour autant négliger le caractère aujourd’hui toujours essentiel du réseau cuivre. Une qualité de service suffisante doit être assurée sur le réseau cuivre pour les utilisateurs qui en dépendent (…). Le réseau cuivre continue d’accueillir la plus grande partie des utilisateurs et sa qualité de service reste encore un enjeu systémique ». Et pour cause : le haut débit sur ADSL – voire le très haut débit sur VDSL2 – est encore largement plébiscité par les foyers français, qui sont encore près de 20 millions à être abonnés à une telle connexion sur paire de cuivre téléphonique. Pourquoi ? Parce qu’elle répond amplement à leurs besoins d’accès à Internet, de par la qualité du réseau de cuivre – probablement le meilleur au monde – et le tarif économique du triple play à 30 euros par mois depuis dix-sept ans. Alors que l’abonnement mensuel à la fibre optique coûte 40 à 50 euros (2). Résultat, selon les chiffres de l’Arcep au 30 septembre 2019 : seulement 6,3 millions de foyers sont passés à ce fameux FTTH (Fiber-To-The-Home), sur un total de 16,7 millions de foyers pourtant éligibles sur toute la France. « La qualité de service du cuivre demeure donc essentielle pour des millions d’entreprises et de foyers, pour des services de téléphonie fixe ou de haut débit. Pour assurer son maintien, un renforcement des garanties existantes apparaît souhaitable pour le prochain cycle d’analyse », prévient l’Arcep. Le gendarme des télécoms, qui restituera en 2020 le résultat de sa consultation et son analyse du marché, pourrait par exemple demander à Orange de donner « une vision d’ensemble des signalements et de leur traitement par territoire » provenant notamment de ses deux sites web Dommages-reseaux.orange.fr et Signal-reseaux.orange.fr.
Une autre proposition serait de définir des zones dites de « migration accélérée », ou ZMA, sur lesquelles l’orientation vers les coûts de l’accès à la paire de cuivre serait levée – favorisant ainsi la migration des opérateurs concurrents et de leurs clients vers la fibre optique. Mais ces ZMA seraient conditionnées à la présence d’une autre infrastructure que la boucle locale de cuivre, à la disponibilité d’offres de gros diversifiées pour les marchés du fixe résidentiel et professionnel, et au caractère opérationnel et fonctionnel du réseau. Ces ZMA viendraient logiquement dans le prolongement des endroits du territoire ayant déjà le statut de « zone fibrée », prévu par la loi de 2016 « pour une République numérique » pour constater la couverture complète d’une commune.
Quoi qu’il en soit, les modalités actuellement retenues par l’Arcep pour la fermeture technique de la boucle locale cuivre par l’opérateur historique prévoient « un délai de prévenance de cinq ans » avant la fermeture technique des lignes au niveau d’un NRA (nœud de raccordement d’abonnés) ou d’un SR (sous-répartiteur).

Préavis de 5 ans trop long, selon Orange
Ce préavis de cinq ans est « assorti d’un prérequis sur les “conditions techniques et économiques” des boucles locales optiques déployées et destinées à remplacer la boucle locale de cuivre, satisfaisantes pour permettre la réplicabilité des offres disponibles sur le réseau cuivre, en particulier s’agissant des options de qualité de service destinées au marché spécifique entreprises » (3). Ce délai de cinq ans est aussi exigé par l’Arcep pour l’arrêt de la technologie analogique RTC – le réseau téléphonique commuté – prévu par Orange (4) d’ici à fin 2023 (au lieu de 2021 initialement envisagé). L’opérateur historique demande au régulateur de réduire ce délai de cinq ans qui le gêne pour accélérer l’extinction du cuivre. « Nous pensons (…) que ce délai de cinq ans est trop long, et c’est la raison pour laquelle nous avons demandé à l’Arcep de raccourcir ce délai de façon que l’on puisse s’engager plus nettement dans un processus de disparition du cuivre », a fait valoir Stéphane Richard, lors de son audition du 18 décembre dernier au Sénat. L’opérateur historique prépare les esprits à l’extinction du cuivre qui débutera « réellement en 2023 » (dixit le PDG d’Orange) et qui sera complètement achevée en 2030.

Des collectivités inquiètes pour leur cuivre
Mais avant ce processus qui s’étale sur sept à huit ans, « une première phase d’expérimentation » donnera un avant-goût du tout-optique. Dans les faits, comme peut le constater Edition Multimédi@, le réseau de cuivre est déjà abandonné par endroits. En Ile-de-France par exemple, plusieurs communes procèdent avec le Sigeif (5) à l’enfouissement des réseaux aériens (électricité et télécoms) sous les trottoirs. Il est expliqué aux riverains que leurs lignes de cuivre « non-actives » (comprenez sans un abonnement en cours) ne seront pas réinstallées dans les goulottes sous-terraines. Seules les lignes de cuivre actives le seront. « L’ADSL, c’est fini. Place à la fibre », nous explique-t-on oralement, sans autre forme de préavis !
Sans attendre 2023, le retrait des paires de cuivre a donc déjà démarré depuis longtemps, comme l’a indiqué Stéphane Richard au Sénat : « Au cours des quatre dernières années, 80.000 tonnes de cuivre ont déjà été retirées de nos réseaux en France, en particulier dans les zones très denses, où la fibre a été largement déployée. (…) Chacun doit comprendre qu’on ne pourra conserver indéfiniment deux réseaux fixes en France : un réseau de fibre optique et un réseau de cuivre ». En attendant les obligations que lui imposera l’Arcep dans le cadre du prochain cycle de régulation 2020-2023, l’opérateur historique tente de rassurer : il « continuera d’optimiser son réseau cuivre en France » ; « cela se fera de manière très progressive de façon à accompagner l’ensemble des utilisateurs du réseau dans la transition vers la fibre ». L’opérateur historique est surtout tenu d’assurer sur toute la France le service universel téléphonique, selon lequel toute personne peut faire la demande de bénéficier d’un raccordement fixe et d’un service téléphonique de qualité à un tarif abordable. Stéphane Richard, lui, n’y voit que des inconvénients : « Le service universel est un peu surréaliste : personne ne peut le faire, et personne ne veut être candidat. Nous étions le seul candidat, et s’il n’y avait eu personne, nous aurions été contraints de le faire… Le service universel ne rapporte que des coûts et des ennuis » !
La perspective d’une extinction précipitée du réseau de cuivre inquiète nombre de communes qui n’en voient pas l’intérêt, alors même que la fibre optique est pour beaucoup d’entre elles encore une arlésienne. Et encore, même lorsque le FTTH est à proximité (via ses « prises raccordables »), les administrés ne se précipitent pas pour s’abonner pour les raisons déjà évoquées plus haut. Sans compter les communes – comme Betz et Ermenonville dans l’Oise, par exemple – qui refusent d’être fibrées ! « Trop coûteux », « Non prioritaire », « Attendons la 5G », expliquent les maires pragmatiques. Le régulateur tente de justifier et d’assurer que tout est sous contrôle : « La décision d’Orange est une décision anticipable, logique dans le contexte de déploiement massif du réseau fibre, et de la bascule bien engagée des abonnés sur cuivre vers la fibre, nous dit-il. Cela n’aurait pas de sens pour le secteur de financer durablement deux boucles locales. Plusieurs opérateurs alternatifs se sont d’ailleurs exprimés en ce sens récemment. C’est bien pour anticiper ce mouvement que l’Arcep a interrogé les acteurs du marché, Orange comme les opérateurs alternatifs ». Le groupe Iliad, maison-mère de Free, s’est dit sur la même longueur d’onde qu’Orange pour arrêter le cuivre le plus tôt possible. Leurs dirigeants l’ont exprimé lors de « Trip » organisé début novembre 2019 par l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca). Ce groupement de collectivités, qui représente 19 villes, 83 intercommunalités et syndicats de communes, affirme que 2.600 communes intégralement fibrées dans le cadre de réseaux d’initiative publique (Rip) pourraient d’ores et déjà se passer de cuivre.

VDSL2 : le très haut débit sur cuivre
Le décuivrage précipité de la France donnera en outre un coup d’arrêt au VDSL2 qui permet du très haut débit sur le réseau de cuivre pour les abonnés situés à proximité d’un sous-répartiteur. Au 30 septembre 2019, d’après l’Arcep, près de 6 millions de lignes téléphoniques bénéficient de cette technologie (5.946.000 précisément). Mais ce parc « VDSL2 » a atteint son maximum depuis plus d’un an (6). Pour la première fois, les abonnés FTTH (6.351.00) dépassent enfin ceux du VDSL2. @

Charles de Laubier

Au-delà de l’affaire « Altice-Free », le poids des box

En fait. Le 28 août, Alain Weill, le PDG d’Altice France, a considéré comme « une forme de provocation » le fait que Free puisse proposer ses chaînes gratuites – dont BFMTV – en option payante sur la Freebox après les avoir interrompues faute d’accord. Cette affaire souligne le pouvoir des « box » en France.

En clair. Avec leurs « box » ADSL (cuivre) et FTTH (fibre) aux allures d’infrastructure essentielle, les quatre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free – contrôlent la quasi-totalité des accès (très) haut débit. Au 31 mars (derniers chiffres en date de l’Arcep), les quatre opérateurs télécoms détiennent presque la totalité des 29.266.000 abonnements haut débit et très haut débit de l’Hexagone. Cette emprise des Livebox, SFR Box, Bbox et Freebox sur le marché français fait de ces boîtiers triple play (Internet-téléphone-Télévision) un passage obligé pour les foyers français qui doivent s’acquitter d’un abonnement de plus de 30 euros par mois. En France, Free sera le premier FAI à lancer une offre « TV ADSL » – en septembre 2002. Dix-sept ans après, à l’heure où 70 % des abonnements ADSL (90 % en FTTH) incluent la télévision, ce même FAI fondé par Xavier Niel a opposé une fin de non-recevoir à Altice qui souhaite être désormais rémunéré pour ses chaînes de télévision distribuées sur la Freebox. Le TGI de Paris a estimé le 26 juillet que « Free n’a pas le droit de diffuser sans autorisation BFMTV, RMC Découverte et RMC Story sur ses réseaux » et lui a ordonné « de cesser cette diffusion, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard et par chaîne à compter du 27 août ». Ce jour-là, l’opérateur de la Freebox a donc cessé de diffuser les trois chaînes gratuites d’Altice (1), mais en prévoyant de les proposer en option payante. « C’est plutôt une forme de provocation de Free », a fait savoir le PDG d’Altice France, Alain Weill (2). Saisi dès avril dernier (3), le CSA a considéré début août que Free n’avait aucune obligation de diffuser les chaînes pour lesquelles Altice est néanmoins en droit de se faire rémunérer. Le groupe de Patrick Drahi va aussi renégocier avec Orange son accord qui arrive bientôt à échéance. « Il est envisageable de couper également le signal s’il n’y a pas d’accord », a prévenu le 29 août sur France 2 Stéphane Richard, PDG de l’opérateur historique. Entre 2017 et 2018, TF1 – suivi par M6 – a eu du mal à se faire rémunérer par les FAI qui ne veulent payer que pour des « services associés ». Les royalties dues aux chaînes sont indexées sur le nombre d’abonnés : Orange en compte 13,2 millions, Free 6,4 millions, SFR 6,3 millions et Bouygues Telecom 3,4 millions. @

Fréquences de la TNT : vers un troisième « dividende numérique » pour les opérateurs mobiles ?

C’est le 25 juin 2019 que s’achève le transfert, entamé il y a trois ans, des fréquences libérées par la TNT pour être remises aux opérateurs mobiles
pour leurs réseaux 4G. Mais l’Arcep, elle, souhaite « une volonté politique »
pour que soient libérées d’autres fréquences de la TNT pour, cette fois, la 5G.

Après le 29 juin, la télévision numérique terrestre (TNT) ne sera plus du tout diffusée sur la bande de fréquences dite des 700 Mhz (694-790 MHz) – celles que l’on appelait « les fréquences en or », issues du « deuxième dividende numérique ». Comme prévu il y a aura cinq ans cette année, dans un calendrier précisé le 10 décembre 2014 par le Premier ministre de l’époque (Manuel Valls), le transfert de la bande 700 Mhz de la diffusion de la TNT au secteur des télécoms s’achève en effet à cette date.

Passer la TV sur ADSL, VDSL2 ou FTTH
Ce que confirme à Edition Multimédi@ Gilles Brégant, le directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFr) : « Oui, effectivement, le mois de juin 2019 verra s’effectuer la dernière tranche de libération de la bande 700 Mhz au profit des opérateurs mobiles. Les réaménagements de fréquences correspondants s’effectueront à partir du mardi 25 juin dans une zone située à proximité de Grenoble. A partir du 1er juillet, la bande sera utilisable par les opérateurs mobiles partout en métropole ».
Ce 29 juin marque ainsi la treizième et dernière phase (1) de la libération par la TNT des dernières fréquences de la bande des « 700 » au profit d’Orange, de SFR, de Bouygues Telecom et de Free. Cela s’est donc fait progressivement depuis octobre 2017, sachant que la région Ile-de-France fut la première à opérer – dès le 5 avril 2016 (phase dit « zéro ») – ces changements de fréquences nécessaires à la libération de la bande en question pour les services mobiles.
Cela a pu se faire grâce à la généralisation de la norme de compression numérique Mpeg4 et le passage à la TNT HD (haute définition). Cette opération a permis de réduire le nombre de canaux nécessaires à la diffusion de la TNT. La manœuvre a consisté, et comme ce sera encore le cas le 29 juin, à « déplacer les canaux de diffusion de la TNT en dehors de la bande des 700 Mhz, pour les concentrer sur les fréquences restantes (bande 470-694 Mhz) ». Cela concerne les téléspectateurs recevant la télévision par antenne râteau, qu’elle soit individuelle, en maison, ou collective en immeuble. Dans certains cas où il y aurait une perte de chaînes, il faut alors effectuer une recherche et une mémorisation des chaînes de la TNT (2). A moins de faire « pivoter » le foyer vers une réception alternative à la TNT, à savoir la « box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) déjà bien implantée sur tout le territoire (en mode ADSL, VDSL2, câble ou fibre optique), sinon le satellite. Pour les télécoms, c’est l’opportunité d’utiliser ce « deuxième dividende numérique », le premier dividende numérique ayant été celui de la bande des 800 Mhz que l’audiovisuel avait déjà dû en 2011 abandonner (3). Mais avec l’arrivée de la 5G prévue commercialement à partir du premier semestre 2020, soit dans un an, les deux dividendes numériques pourraient ne pas être suffisant. Reste à savoir si l’actuel Premier ministre, Edouard Philippe (photo de gauche), arbitrera en faveur d’un troisième dividende numérique issu de la TNT. Mais s’il ne reste maintenant à l’audiovisuel que sa seule bande 470-694 Mhz, où aller chercher ces nouvelles « fréquences en or » ? Tout simplement en basculant l’ensemble de la télévision sur les réseaux très haut débit pour libérer entièrement les fréquences restantes de la TNT au profit de la 5G ! C’est en substance ce que vient de suggérer au gouvernement le président de l’Arcep, Sébastien Soriano (photo de droite). Auditionné le 3 juin dernier devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, ce dernier a déclaré : «La 5G en zone rurale est un défi politique. Nous ne pouvons pas apporter de la 5G massivement en zone rurale tant que nous n’aurons pas plus de fréquences. Ne faudrait-il pas débloquer de nouvelles fréquences pour les opérateurs ? Il y a des fréquences basses utilisées par la TNT. Mais ces fréquences ne seraient-elles pas plus utiles pour la 5G ? ». Et Sébastien Soriano de faire un appel du pied au gouvernement : « C’est un choix politique, sous l’arbitrage du Premier ministre qui décide de l’attribution des fréquences entre les secteurs. Et à l’Arcep, nous serons ravis d’obtenir davantage de fréquences pour les financements ».

Devancer les discussions de la CMR 2023
Pourtant, en France, la loi modifiée de 1986 sur la liberté de communication prévoit que les fréquences audiovisuelles utilisées pour la TNT – affectées au CSA – ne peuvent pas être transférées à d’autres services « au moins jusqu’au 31 décembre 2030 ». Mais le président de l’Arcep semble vouloir lancer le débat dès maintenant, en prévision des discussions sur l’avenir de la bande UHF de la télévision à la conférence mondiale des radiocommunications (CMR) de fin 2023 et des rapports européens et français attendus pour 2025. @

Charles de Laubier

Très haut débit : Les abonnés VDSL2 sont toujours plus nombreux que les abonnés FTTH

Dans le Gers, le 22 mars, le Premier ministre Edouard Philippe a fait un point d’étape sur le « Plan très haut débit pour tous en 2022 » poursuivi par Emmanuel Macron. L’Arcep, elle, a organisé le 26 mars une conférence « Territoires Connectés ». Mais un train (FTTH) peut en cacher un autre (VDSL2).

En novembre prochain, le quinquennat du président de la République arrivera à michemin. A mi-parcours aussi sera alors le « Plan très haut débit pour tous en 2022 » qu’Emmanuel Macron a voulu pour « garantir un accès au bon ou au très haut débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022 » – en infléchissant au passage le plan « 2022 » de son prédécesseur François Hollande (1). Le Premier ministre Edouard Philippe (photo) a prévenu, lui, dans le Gers le 22 mars qu’« un certain nombre de foyers n’auront pas le haut débit avec la fibre en 2020 » (2).

Sur le total des prises FTTH, 35,4 % d’abonnés
Malgré les efforts du gouvernement pour tenter de parvenir à atteindre cet objectif politique ambitieux, il faut se rendre à l’évidence : le très haut débit à domicile par la fibre optique – en mode FTTH (3) – n’arrivera pas dans chacun des 29 millions de foyers français. Il suffit de voir sur Cartefibre.arcep.fr l’état des déploiements des prises raccordables en FTTH sur l’Hexagone – non seulement raccordables aux logements mais aussi aux locaux à usage professionnel – pour constater que le compte n’y est pas encore, loin s’en faut. De plus, à ce jour, sur les 13,5 millions de prises éligibles
au FTTH en France, seules 4,8 millions ont fait l’objet d’un abonnement. C’est encore très peu : à peine 35,4 % d’abonnés à la fibre par rapport au total des prises pourtant disponibles. Autrement dit, l’offre est là mais la demande est faible.
Il faut dire que le réseau de cuivre continue plus que jamais de faire de la résistance, notamment avec le très haut débit VDSL2 qui compte toujours plus d’abonnés – 5,9 millions (5.946.000 précisément au 31 décembre 2018) – que le FTTH (4,8 millions). D’autant que lorsque des équipements VDSL2 sont installés au niveau d’un noeud de raccordement d’abonnés dit NRA-MeD (MeD pour montée en débit) au niveau du sous-répartiteur (SR), les abonnés ADSL passent d’office et automatiquement au VDSL2 – les « box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) étant aujourd’hui compatibles avec cette technologie très haut débit sur cuivre. « La montée en débit sur le réseau cuivre permet d’augmenter les débits pour l’utilisateur. L’opération revient à raccourcir la longueur des lignes de cuivre et donc limiter la déperdition de débit : on parle alors d’‘’amener la fibre jusqu’au village’’. Précisément, il s’agit de remplacer un lien du réseau en cuivre d’Orange par de la fibre, afin de placer le point d’injection de tous les signaux DSL plus bas dans le réseau, en créant un nouveau NRA de montée en débit (NRA-MeD) au niveau du sous-répartiteur (SR) », explique l’Arcep dans son rapport sur la régulation au service des territoires connectés, publié en mars (4).
Depuis 2012, Orange propose justement aux collectivités locales – dans le cadre de leur politique d’aménagement numérique du territoire – une offre de création de points de raccordement mutualisé (PRM) pour leurs projets de montée en débit. Cette offre
de gros est régulée par l’Arcep et son tarif est soumis à une obligation d’orientation
vers les coûts. Les collectivités déploient dans les zones rurales ce que l’on appelle
des réseaux d’initiative publique (RIP), en recourant à différentes technologies. Lorsque ce n’est pas de la fibre optique jusqu’à l’abonné pour les « happy view », voire des réseaux hertziens, il s’agit le plus souvent de la modernisation du réseau téléphonique de cuivre grâce à ces opérations dites de « fibre au village ». « L’Etat mobilise 3,3 milliards d’euros pour soutenir les collectivités territoriales dans le cadre du Plan France très haut débit », a indiqué Edouard Philippe dans le Gers. Plus de 2.400 opérations de « fibre au village » – du FTTV (Fiber-To-The-Village) – ont été réalisées partout en France. Qu’il est loin le temps où, sous l’ère Hollande, Fleur Pellerin, alors ministre déléguée à l’Economie numérique, voulait enterrer la boucle locale de cuivre au profit de la fibre optique. Elle avait confié en 2013 une mission « Extinction du cuivre » à Paul Champsaur, ancien président de l’Arcep, en vue de fixer une date d’extinction de la paire de cuivre ADSL au profit du FTTH.

Emmanuel Macron n’enterre pas le cuivre
Mais le 19 février 2015, le rapport final de la «mission sur la transition vers les réseaux à très haut débit et l’extinction du réseau de cuivre » est remis à un certain… Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique. Il dissuade alors le gouvernement d’enterrer trop vite le cuivre. Cela serait trop coûteux car il faudrait indemniser l’opérateur historique Orange, dont l’actif « boucle locale de cuivre » aurait une valeur de… 15 milliards d’euros (5). Le cuivre vaut encore son pesant d’or, pas que sur le marché convoité des métaux ! @

Charles de Laubier

La Freebox, à bout de souffle et en fin de course

En fait. Le 18 avril, Iliad (Free) a annoncé avoir levé avec succès plus de 1,1 milliard d’euros sur le marché obligataire afin de « renforcer sa liquidité et allonger la maturité de sa dette », laquelle passe à 3,8 milliards de dollars. Pendant ce temps-là, et depuis quatre ans, la Freebox attend toujours sa « v7 ».

En clair. « Les charges d’amortissement ont diminué en 2017, en raison notamment de l’arrivée à maturité du cycle d’amortissement de la Freebox Révolution, initié en 2010 ». C’est ce que dit Iliad dans son document de référence publié le 12 avril. Lancée en 2010, cette version 6 de la box de Free n’a pas été renouvelée depuis près de huit ans. A l’heure du Net et des révolutions technologiques, c’est une éternité ! L’opérateur télécoms de Xavier Niel s’est-il endormi sur ses lauriers ? On se souvient que le milliardaire avait fait son show le 14 décembre 2010 pour dévoiler sa « Révolution » dessinée par le designer Philippe Starck. Depuis, pas de « v7 ». « Une baisse de
44 millions d’euros [en 2017] des investissements ADSL/VDSL et boxes, s’explique principalement par la bonne gestion du cycle des boxes », se félicite en outre le fournisseur d’accès à Internet aux 6,5 millions d’abonnés fixe (1). Mais il y a des signes d’essoufflement qui ne trompent pas : Free n’a recruté l’an dernier que 135.000 clients Freebox, soit une part de marché des recrutements nets de 21 % (contre 32 % en 2016). C’est le premier ralentissement de la conquête d’abonnés Freebox depuis 2010 justement. Ce qui déçoit les investisseurs. Résultat : le cours de Bourse d’Iliad a plongé jusqu’à un plancher de 160 euros le 4 avril dernier, signant ainsi une chute de l’action de 32 % depuis le pic à 235 euros du 15 mai 2017. Certes, le titre s’est légèrement ressaisi depuis le début du mois, mais cette contre-performance sonne comme un avertissement. De plus, l’ARPU fixe a reculé de 2,3 % à 33,90 euros par mois (2). Autrement dit, il serait temps que l’inventeur de la première « box » triple play en 2002 fasse sa deuxième « Révolution ». C’est ce que prépare Xavier Niel depuis… 2012, année où la « v7 » a été annoncée pour… fin 2014. A force de repousser sa sortie, la future box à l’« effet wow » (sic) est devenue une arlésienne.
« La prochaine Freebox sortira avant la fin de l’année ; la production des premiers éléments a commencé », a assuré le fondateur et principal actionnaire d’Iliad (3),
en marge de la présentation des résultats annuels du groupe le 13 mars. Elle se déclinera en deux modèles (entrée et très haut de gamme) et promet d’être giga-fibrée (10 Gbits/s ?), voire hybride (4G fixe?), d’aller « au-delà de la télé » (Apple TV et tuner TV ?), puissamment sonorisée (Devialet ?) et avec un Wifi amélioré. @