Comment le CSA va tenter d’amener Free à payer pour les chaînes gratuites d’Altice

Xavier Niel et Patrick Drahi se regardent en chiens de faïence. Free refuse de payer les chaînes gratuites de la TNT d’Altice, alors que leur accord de diffusion est arrivé à échéance le 19 mars à minuit. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) doit régler le différend.

« Free ne rejette plus le principe d’un accord global portant sur la distribution de ses chaînes en clair et de leurs services associés contre versement d’une rémunération,
de même nature que ceux conclus avec les groupes TF1 et M6. Dans ces conditions, les chaînes BFM/RMC acceptent la médiation proposée par le CSA », avait pourtant déclaré le groupe Altice le 19 mars, quelques heures avant la fin de l’accord de diffusion avec Free, et après avoir été reçu la veille par le CSA proposant cette médiation.

Conventions : must offer de l’article 1.1
Mais aucun représentant de Free ne s’était rendu à cette réunion. Xavier Niel (photo
de gauche) n’était, au contraire, pas disposé à négocier avec Patrick Drahi (photo de droite). Le patron du groupe Iliad (maison mère de Free) estime qu’il n’a pas à payer pour diffuser les chaînes gratuites du groupe Altice (maison mère de SFR). « L’article 1.1 de la convention de ces chaînes avec le CSA les oblige à permettre leur reprise
sur les réseaux ADSL et fibre », assure le premier. Le second ne l’entend pas de cette oreille et a finalement coupé le 5 avril au matin les flux vidéo de ses chaînes BFM TV, RMC découverte et RMC Story au motif que « Free a refusé de négocier un accord global de distribution pour [ses] chaînes et services associés ». Le 5 avril à 7 heures du matin, les abonnés à la Freebox ne pouvaient plus voir ces trois chaînes. Cela n’a pas empêché l’opérateur télécoms de rétablir rapidement, dès 8 heures 47, la diffusion de ces trois chaînes pour l’ensemble de ses abonnés… « Free pirate la livraison du signal de ces chaînes, s’est insurgé le groupe Altice. Cette situation est inacceptable, inédite et préjudiciable pour les téléspectateurs, les ayants droits, les producteurs. Les chaînes prennent évidemment toutes les mesures juridiques, réglementaires et judiciaires adaptées face à cette situation illégale ». Ambiance. Le groupe Iliad s’estime dans son bon droit – en piratant le signal ! – et met en avant l’article 1.1 de la convention de chacune des chaînes en question. Cet article 1.1 stipule la chose suivante en guise
de must offer : « BFM TV [à l’instar de RMC découverte et de RMC Story, ndlr]est un service de télévision à caractère national qui est diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en haute définition. Ce service fait l’objet d’une reprise intégrale et simultanée par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le CSA ». La chaîne BFM Business, elle, n’a pas subi le même sort car sa convention signée en décembre 2015 n’est pas libellée de la même manière ; il y est explicitement prévu des accords avec des distributeurs commerciaux de services. C’est pour cette raison que Free ne peut invoquer l’article 1.1 pour BFM Business car il est tenu de trouver un accord commercial avec Altice sur cette chaîne-là. Free ne pouvait pas prendre le risque de pirater BFM Business qu’il a néanmoins cessé de diffuser dès le 4 avril en même temps d’ailleurs que tous les services de rattrapage (replay) des autres chaînes – services associés qui n’entrent pas dans le cadre de l’article 1.1. « Cette situation préjudiciable pour les téléspectateurs est exclusivement imputable à Free, a accusé Altice. En effet, Free, après avoir signé des accords avec le groupe TF1 et avec le groupe M6, adopte une position discriminatoire injustifiable à l’égard de BFM TV, BFM Business, RMC Découverte et RMC Story. Le CSA a été saisi lundi [1er avril] d’un règlement de différend afin qu’une solution équitable puisse être trouvée à cette situation inacceptable imposée par Free » (1).
La précédente fois où le CSA a été saisi, c’était en 2017 dans un litige similaire opposant TF1 et… Numericable-SFR. Mais, après avoir été saisi, le CSA a été
« dessaisi » après que les deux parties aient finalement enterré la hache de guerre en annonçant le 6 novembre 2016 « un accord global de distribution » (2). Le litige entre Iliad et Altice, alors que l’accord entre Orange et Altice arrive à échéance fin juillet, n’est pas le premier dans les relations tendues entre les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les éditeurs de chaînes de télévision. TF1 (3) et M6 ont aussi dû engager un bras de fer l’an dernier pour faire payer la diffusion de leurs chaînes assorties de services associés, ou premium (4).

« Chaîne-box » : qui veut gagner des millions
Ces nouveaux accords « chaîne-box » prévoient une rémunération indexée sur le nombre d’abonnés à la box en question. Cela peut rapporter plusieurs millions d’euros aux télévisions, au regard des quelque 30 millions d’abonnés fixe haut débit (67,2 % en ADSL) et très haut débit (16,4 % en FTTH) en France. Orange compte 13,2 millions d’abonnés à sa Livebox, Free 6,5 millions à sa Freebox, SFR 6,3 millions à sa SFR Box, et Bouygues Telecom 3,4 millions à sa Bbox. @

Charles de Laubier