Streaming et abonnement vont révolutionner la lecture

En fait. Le 24 mars, le 34e Salon du livre de Paris a fermé ses portes après avoir été visité par 198.000 personnes sur quatre jours (1.200 exposants et 500 conférences). Si le marché français des ebooks peine à décoller, la révolution pourrait venir du modèle économique : l’abonnement appliqué aux livres.

En clair. Si l’abonnement s’est imposé dans la musique en ligne et, dans une moindre mesure, dans la vidéo à la demande, il pourrait faire une percée dans le livre numérique. Ce serait une vraie révolution pour les maisons d’éditions attachées – et confortées par la loi de 1985 – au prix unique du livre. « L’abonnement va dans le sens des jeunes générations et des nouveaux pratiquants même si ce n’est pas encore rentré dans les mœurs », relève l’Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de- France (Motif) dans son étude « Pratique d’éditeurs : 50 nuances de numérique » publié au Salon du livre de Paris (1).
Des plates-formes comme Izneo (regroupement d’éditeurs de BD, propriété de Média Participations) ou encore (Youboox, startup se revendiquant comme premier site de lecture d’ebooks en streaming) ne parlent pas d’acheter un livre, et d’en être le propriétaire comme pour un ouvrage imprimé, mais d’« accès » ou de « location ».
« Ce qui compte, c’est la valeur d’usage et non plus la valeur de propriété », disent ces pure players du livre numérique. Pour ces acteurs qui ne pratiquent que l’ebook, près d’un tiers des éditeurs offrent l’accès à leurs contenus via le streaming. Mais le Motif constate que « si le streaming signifie souvent abonnement, le modèle de l’abonnement en retour n’est pas réservé qu’au streaming : certains acteurs proposent l’abonnement même pour accéder à du téléchargement ».

Les pure players du livre numérique ne sont pas si nombreux que cela en France :
le Motif en a répertorié un peu plus d’une centaine : 107, dont 54 en Ile-de-France,
33 en région, 15 à l’international dont 7 hors Europe, 5 indéterminés. « L’offre est très concentrée : 20 % des acteurs publiant de l’ebook concentrent 80 % de la production, et il en est de même pour les applications ». Selon une étude Ipsos, sept Français sur dix déclarent avoir lu au moins un livre au cours des douze derniers mois. Mais le taux de lecteurs au format papier est en baisse : 69 %, contre 74 % en 2011.
En revanche, le taux de lecteurs de livres au format numérique augmente : 11 %, contre
8 % en 2011. « Pour autant, cette hausse sur le livre numérique ne vient pas accroître le niveau de lecture en France puisque neuf lecteurs de livres numériques sur dix sont aussi lecteurs de livres au format papier », montre le sondage (2), seulement 1% des Français étant des lecteurs uniquement de livres numériques. @

…mais Google leur offre une plateforme alternative

En fait. Le 16 février, soit le lendemain de l’introduction de l’abonnement sur l’App Store d’Apple, Google annonce le lancement de « One Pass » à destination des éditeurs de journaux qui pourront vendre leurs articles à l’acte ou à l’abonnement. Le géant du Net reversera, lui, 90 % environ du prix de vente.

En clair. Google est le mieux à même de concurrencer Apple sur le marché mondial des kiosques numériques. Face aux interrogations que suscite le monde fermé et contraignant de l’écosystème iTunes/App Store (voir ci-dessus), le numéro un mondial des moteurs de recherche joue la carte de la plateforme ouverte et contrôlable par les éditeurs. L’annonce a été faite à Berlin par le PDG de Google, Eric Schmidt (1). Au-delà du fait que le géant de Moutain View percevra seulement 10 % environ du prix de vente à l’acte ou à l’abonnement (au lieu des 30 % ponctionnés par Apple), One Pass se veut plus attractif. Les éditeurs gardent la maîtrise de leurs ventes et de l’identité de leurs lecteurs, qu’ils soient sur le web, les mobiles ou les tablettes. Autrement dit, Google veut être l’antithèse d’Apple. Les éditeurs déjà séduits par One Pass, tels que Le Nouvel Observateur en France (où le service s’appelle « Pass Média »), Axel Springer en Allemagne ou encore Prisa en Espagne, peuvent établir leurs propres tarifs et conditions commerciales (unité, abonnement, « freemium », packs, etc). Les contenus peuvent être aussi bien vendus à l’intérieur de l’application mobile ou sur le site web de l’éditeur. Cependant, les utilisateurs doivent passer par le mode de paiement Checkout de Google pour faire leurs achats.
« Les utilisateurs déjà abonnés peuvent bénéficier d’un accès complet en ligne en toute simplicité, via un système de coupons. L’éditeur peut choisir de proposer un article en consultation pendant une semaine ou 30 jours », indique par exemple Google. Avec
« Google Pass Média », la presse en oublierait presque les griefs envers « Google
News », accusé de ne partager les fruits de la e-pub. En Italie, ce service agrégeant
les articles des sites web d’information était soupçonné d’abus de position dominante (2) – jusqu’à ce que l’autorité de la concurrence obtienne des garanties en janvier dernier : un éditeur peut désormais décider de ne plus apparaître dans Google News sans disparaître du moteur de recherche Google. En France, l’Autorité de la concurrence a indiqué le 14 décembre dernier qu’elle veillera à ce qu’il en soit de même pour Google Actualités. Reste une pierre d’achoppement : le Syndicat national de la presse quotidienne (SPQN) n’a pas réussi à obtenir une rémunération des articles repris sur Google Actualités (3). Le géant du Net estime qu’il n’a rien à payer aux journaux qui bénéficient déjà en retour d’un afflux de trafic sur leurs sites web. @