L’App Store – la cash machine d’Apple lancée il y a 15 ans – pourrait faire perdre beaucoup d’argent à Apple

Le 10 juillet, Apple fêtera les 15 ans de son App Store – « le plus grand lancement de ma carrière » (dixit feu Steve Jobs). Lancée avec seulement quelque 500 applications, la boutique en ligne en compte aujourd’hui plus de 1,8 million, dont certaines ventes rapportent à Apple. Mais l’écosystème est contesté.

En quinze ans, l’écosystème App Store est devenu une cash machine générant l’an dernier quelque 1.100 milliards de dollars de ventes et facturations. Mais « plus de 90 % » de ces revenus cumulés sont allés – « sans aucune commission versée à Apple » – aux seuls développeurs, éditeurs et commerçants de plus de 1,8 million d’applications présentes à ce jour dans la boutique en ligne de la marque à la pomme. C’est ce qu’a indiqué le 31 mai la firme de Cupertino en dévoilant une étude qu’elle avait commanditée auprès de la société américaine Analysis Group. Car lorsque les transactions n’ont pas lieu via l’App Store, Apple ne ponctionne pas ses 30 % de commission habituelles sur les ventes numériques (achats d’applis, achats dits in-app, c’est-à-dire effectués au sein de l’application) ni les 30 % la première année et les 15 % pour les suivantes sur les abonnements in-app. Cette économie plus indirecte que directe pour Apple a fait un bond de près de 30 % sur un an, pour franchir l’an dernier la barre du trillion (mille milliards), dont 910 milliards en ventes de biens et services physiques, 104 milliards de biens et services digitaux et 109 milliards de publicités in-app (voir graphique page suivante). Plus largement, selon cette fois le Progressive Policy Institute, les applications iOS ont induit « plus de 4,8 millions d’emplois aux EtatsUnis et en Europe », répartis à parts égales.

Phil Schiller, le méconnu Monsieur « App Store »
Bien qu’il ait pris du champ il y a près de trois ans en prenant le titre honorifique d’« Apple Fellow », Phil Schiller (photo) continue officiellement de diriger l’App Store qu’il a mis en place il y a quinze ans, après avoir œuvré aux succès du Mac, dans les ordinateurs, et de l’iPod et de iTunes, dans la musique numérique. Le marketing mondial des produits à la pomme, c’était lui lorsqu’il en était vice-président, auquel a succédé en août 2020 Greg Joswiak (1). Phil Schiller – entré à 27 ans chez Apple en 1987 et 63 ans depuis le 8 juin dernier – reste aussi en charge des événements d’Apple tels que la conférence annuelle des développeurs – la WWDC (Worldwide Developers Conference). L’édition 2023 s’est tenue le 5 juin avec l’annonce du casque de réalité virtuelle et augmentée Vision Pro qu’Apple rendra disponible seulement « début 2024 », d’abord aux Etats-Unis et « à partir de 3.499 dollars » (hors taxes). Depuis le lancement de l’App Store, « les utilisateurs ont téléchargé des applications plus de 370 milliards de fois et les développeurs ont gagné plus de 320 milliards de dollars de revenus directement [cumul de 2008 et 2022, ndlr] », se félicite aujourd’hui le groupe dirigé par Tim Cook depuis près d’une douzaine d’année.

Une app economy sous position dominante
Le successeur de Steve Jobs ne tarit pas d’éloges envers ceux qui alimentent sa poule aux œufs d’or, l’App Store : « Nous n’avons jamais été aussi optimistes ou inspirés par l’incroyable communauté de développeurs du monde entier. (…) Nous sommes plus déterminés que jamais à investir dans la réussite des développeurs et dans l’avenir de la app economy [l’économie des applications, ndlr] », a-t-il assuré. La firme de Cupertino, qui a réalisé en 2022 (pour son exercice annuel clos le 24septembre) un chiffre d’affaires global de plus de 394,3milliards de dollars (en hausse de 7,8 % sur un an), enregistre une forte croissance dans les « services », à 78,4 milliards de dollars (avec un bond annuel de 14,1 %). Ces services – pesant 19,8 % des revenus globaux d’Apple – englobent la publicité, l’extension de garantie AppleCare, le nuage informatique iCloud, les systèmes de paiement (Apple Card et Apple Pay), les contenus digitaux (musiques viaApple Music, la VOD viaApple TV+, le kiosque de presse numérique via Apple News+, les jeux vidéo via Apple Arcade ou encore du sport via Apple Fitness+). Les services incluent aussi les fameuses commissions perçues sur la plateforme App Store donnant accès à des applications et des contenus digitaux (livres, musiques, vidéos, jeux et podcasts). Autant dire que, malgré ses confortables commissions jusqu’à 30 % sur les ventes d’applis et les dépenses in-app, l’App Store rapporte peu directement à Apple lorsqu’il s’agit de contenus tiers et bien plus avec ses propres contenus et plateformes. Tout en contribuant à la croissance, l’écosystème App Store et ses milliers de développeurs et éditeurs contribue à la notoriété de la marque à la pomme pour la vente de ses iPhone pesant plus de la moitié de son chiffre d’affaires (205,4 milliards de dollars en 2022, soit 52,1 %), ses iPad (29,2 milliards, soit 7,4 %), ses wearables, AirPods, Apple TV, Apple Watch, Beats, HomePod et accessoires (41,2 milliards, soit 10,5 %), et ses Mac (40,1 milliards, soit 10,2 %). Ce cercle vertueux fait la force du fabricant Apple – sa vocation première – sur le marché mondial du numérique, avec son écosystème où gravitent développeurs, éditeurs et utilisateurs. Cette dynamique se retrouve dans la fréquentation de la marketplace App Store chaque semaine : plus de 650 millions de visiteurs en moyenne, plus de 747 millions de téléchargements et 1,5 milliard de rechargements (toujours hebdomadaires), ainsi que 40 milliards de mises à jour automatiques en moyenne sur sept jours. La multinationale, cotée au Nasdaq à la Bourse de Wall Street, a même été la première entreprise au monde à franchir pour la première fois la barre des 3.000 milliards de dollars de capitalisation boursière (le 03-01-22) – actuellement valorsiée 2.850 milliards de dollars (le 02-06-23).
Mais l’App Store constitue aussi le talon d’Achille d’Apple. Il y a d’abord le procès intenté par l’éditeur de jeux vidéo Epic Games à l’encontre de la firme de Cupertino pour « violation des lois antitrust » et « concurrence déloyale » depuis qu’elle a supprimé en août 2020 le jeu-vedette « Fortnite » de l’App Store (2). Le 24 avril dernier, la cour d’appel en Californie a confirmé que certaines dispositions de l’App Store enfreignent la loi californienne sur la concurrence déloyale et a émis une injonction. Apple conteste. Au-delà de cette affaire en cours, Apple s’attend à devoir modifier à nouveau les règles de son « App Store Review Guidelines » qui est la Bible des développeurs et éditeurs de l’écosystème à la pomme.

Risques règlementaires et financiers
Dans son dernier rapport annuel 2022, Apple met en garde ses actionnaires sur les risques règlementaires et juridiques : « De nouvelles initiatives législatives, comme la loi sur les marchés numériques de l’Union européenne [le Digital Markets Act (DMA), ndlr], pourraient nécessiter d’autres changements. Apple fait également l’objet de litiges et d’enquêtes liés à l’App Store, qui ont entraîné des changements dans ses pratiques commerciales et qui pourraient entraîner d’autres changements à l’avenir. (…) Cela pourrait réduire le volume des ventes, et la commission que la compagnie gagne sur ces ventes, diminuerait ». Et la pomme de prévenir : « Si le taux de la commission que la compagnie conserve sur ces ventes est réduit, ou si sa portée est réduite ou éliminée, les résultats d’exploitation et la situation financière de la compagnie pourraient être affectés de façon importante ». Et là, ce ne serait pas de la réalité virtuelle. @

Charles de Laubier

Believe, la petite major qui contenue de monter, se rapproche du 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires

Créé comme start-up sous le nom de Believe Digital en 2005, devenu licorne avant son introduction en Bourse en juin 2021, le groupe Believe perd encore de l’argent mais est en passe de devenir la quatrième major mondiale de la musique enregistrée. Sa croissance se fait en streaming et par acquisitions.

« Believe fait désormais partie des grands acteurs mondiaux de la musique numérique », se félicite son PDG fondateur Denis Ladegaillerie (photo), dans le document d’enregistrement universel 2022 publié le 21 avril dernier. Cela fera deux ans le 10 juin que la petite major qui monte a fait son entrée à la Bourse de Paris pour lever des fonds – d’un montant net total de 294,6 millions d’euros au lieu des 500 millions escomptés – afin de poursuivre sa stratégie d’acquisitions. C’est l’un de ses principaux moteurs de croissance pour proposer ses plateformes digitales de distribution, marketing et promotion au service des artistes et labels dans une cinquantaine de pays. Avec ses solutions automatisées (comme Tunecore) ou premium (comme Backstage), Believe leur permet des débouchés rémunérateurs sur les plateformes de streaming (Spotify, Apple Music, YouTube Premium, Amazon Music, Deezer, Tencent Music, …) et les réseaux sociaux (TikTok, Instagram, Facebook, Snap, …). Mais, depuis, l’action de Believe cote toujours en-dessous de son prix d’introduction de 19,5 euros, à 12,1 euros, et la valorisation de l’entreprise est à ce jour de seulement 1,1 milliard d’euros (au 25- 05-23). Il en sera question à l’assemblée générale des actionnaires prévue le 16 juin. Actionnaire à hauteur de 12,5 % du capital de Believe, Denis Ladegaillerie s’est engagé à conserver ses actions sur une durée de 3 ans à compter de l’introduction en bourse, à savoir jusqu’à juin 2024. Sous-évalué Believe ?

Des pertes mais bientôt le milliard d’euros de revenus
La croissance est pourtant bien là, portée par la musique numérique dans le monde. « Nous sommes convaincus que le marché de la musique connaît actuellement un changement de paradigme et qu’il est entré dans la décennie de l’artiste numérique », assure-t-il. La mini-major prend de l’ampleur au point de se rapprocher progressivement de la barre du 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, avec 760,8 millions d’euros réalisés en 2022, en hausse de plus de 30 % sur un an. Believe a encore perdu de l’argent l’an dernier (25 millions d’euros). Malgré un contexte économique dégradé, l’entreprise a maintenu – lors de la présentation de ses résultats du premier trimestre le 27 avril dernier – ses prévisions de croissance organique (hors acquisitions) de 18 %. Ce qui amènerait la petite major qui monte à près de 898 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est encore loin des niveaux du « Big Three » que sont les majors Universal Music (10,3 milliards d’euros), Sony Music (9,3 milliards d’euros) et Warner Music (5,4 milliards d’euros), mais cela en prend le chemin (1).

Filiale russe Believe Digital OOO impactée
« Believe confirme son scénario de croissance pour l’année 2023, impliquant une augmentation et un déploiement plus vaste du streaming payant, des gains de parts de marché supplémentaires et un environnement plus difficile pour la monétisation du streaming financé par la publicité. Le passage du streaming financé par la publicité au streaming payant devrait également poursuivre son accélération sur tous les marchés », a exposé la direction de Believe, alors que la croissance du chiffre d’affaires au premier trimestre de cette année (22,2 % sur un an) la conforte dans ses prévisions. Dans son rapport annuel 2022, elle évoque tout de même « le niveau élevé d’incertitudes économiques notamment en raison de la crise ukrainienne et de l’inflation ». Car la société créée en 2005 par Denis Ladegaillerie est devenue depuis un groupe international où la France ne pèse plus que 16,9 % des revenus en 2022, l’Allemagne 14,9 %, le reste de l’Europe avec la Turquie et la Russie générant ensemble la plus grosse part (27,6 %), suivi de l’Asie, l’Océanie et l’Afrique (26,2 % à eux trois), l’Amérique du Nord et l’Amérique Sud (14,3 % à elles deux).
Malgré le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine enclenché le 24 février 2022, Believe poursuit son activité en Russie via sa filiale Believe Digital OOO qui a accusé une perte de 5,8 millions d’euros en 2022 (2). « La guerre en Ukraine et ses répercussions sur l’environnement économique amènent le groupe à mettre sa politique de croissance externe en pause à partir de fin février. (…) Le poids de la Russie et de l’Ukraine dans son chiffre d’affaires a baissé par rapport à 2021 compte tenu d’une croissance beaucoup plus faible que dans les autres marchés du groupe, mais représentait encore 7,5 % du chiffre d’affaires en 2022, contre 8,9 % en 2021 », est-il précisé.
Believe compte 1.650 salariés présents dans plus d’une cinquantaine de pays, dont 643 en France. Cette internationalisation colle au marché « glocal » du streaming musical en pleine évolution grâce aux plateformes globales (de Spotify à Tencent Music en passant par YouTube, Apple Music, Amazon, Deezer ou encore Instagram et TikTok). C’est la filiale Believe International qui signe les contrats de licence avec ces plateformes. Et le groupe Believe basé rue Toulouse Lautrec à Paris entend poursuivre et accélérer cette dynamique par de la croissance externe. « Au cours des sept dernières années, le groupe a réalisé 23 acquisitions synergiques dans sept pays, allant des plateformes technologiques aux labels, et a dépensé 183 millions d’euros (hors trésorerie acquise) en acquisitions depuis 2018 », précise le dernier document boursier.
Pour rendre sa plateforme numérique indispensables aux artistes et labels, Believe s’était emparé en 2015 aux EtatsUnis de TuneCore (solutions automatisées pour les artistes), en France de Musicast (distributeur), et en 2020 en France de SoundsGood (outils marketing numériques pour artistes). Au point que de nombreux musiciens sont tentés de s’affranchir des maisons de disques (self-releasing) pour proposer directement sur les plateformes leurs titres (3). Parallèlement, la mini-major a rajouté des labels et des distributeurs à sa partition, parmi lesquels : en 2018, l’acquisition en Allemagne de Nuclear Blast (label de métal), de Groove Attack (distributeur) et la participation dans Tôt ou Tard (label français) ; en 2019, les acquisitions en Inde d’Entco Music (production de spectacles), de Canvas (services aux artistes), de Venus Music Private (rebaptisé Ishtar) ; en 2020, la participation majoritaire au capital du label DMC en Turquie ; en 2021, l’acquisition en France de 25 % du capital, avec option d’achat du solde dans quelques années, de Play Two (label indépendant et filiale du groupe TF1). La même année, il y a eu une prise de participation minoritaire aux Philippines dans le label Viva Music and Artists Group, l’acquisition en Inde de SPI Think Music, ainsi qu’une participation de 51 % dans le label Jo&Co en France. En 2022, Believe a conclu en Allemagne un partenariat avec le label Madizin et a pris une participation en France dans Morning Glory, société du DJ Belleck.
Et fin mars 2023, le groupe a racheté la société britannique d’édition musicale Sentric (gestion des droits numériques de 400 000 auteurs-compositeurs et artistes auto-distribués pour 4 millions de chansons), dont 23 % des abonnés de TuneCore en bénéficient déjà. « L’acquisition de Sentric est pour Believe une première étape dans le déploiement d’une offre d’édition musicale globale et complète », s’est félicité Denis Ladegaillerie en annonçant cette opération le 30 mars dernier (4).

Denis Ladegaillerie, un ex-Vivendi Universal
Que de chemin parcouru depuis l’acquisition du label français Naïve en 2016 (5). Après avoir commencé sa carrière en 1998 à New York en tant qu’avocat d’affaires au sein d’un cabinet international, Denis Ladegaillerie a fait ses premières armes chez Vivendi Universal (de Jean-Marie Messier) qu’il avait rejoint en 2000 en tant qu’analyste avant d’en devenir à New-York directeur stratégique et financier des activités numériques jusqu’en 2004. @

Charles de Laubier

Le jeune ministre de la Transition numérique et des Télécoms, Jean-Noël Barrot (40 ans), s’active

Nommé il y a un peu plus de dix mois ministre délégué de la Transition numérique et des Télécoms, Jean-Noël Barrot – 40 ans depuis le 13 mai – intensifie son action aussi bien sur la régulation d’Internet (G7 numérique au Japon et projet de loi en France) que sur le plan France Très haut débit et la French Tech.

Pas de temps à perdre pour ce jeune quadra. L’agenda bien rempli de Jean-Noël Barrot (photo), ministre délégué de la Transition numérique et des Télécommunications auprès de Bruno Le Maire (1), s’accélère. Après un périple de deux jours au Japon pour représenter la France au G7 Numérique les 29 et 30 avril, le revoici à pied d’œuvre sur le sol français où ses dossiers s’enchaînent à Bercy. En haut de la pile : le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
Après l’avoir présenté le 10 mai en conseil des ministres, puis transmis au Parlement, le texte du gouvernement devrait être examiné au Sénat en juin puis à l’Assemble nationale début juillet. L’une des mesures très attendues est le « filtre antiarnaque » annoncé par le candidat Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle du printemps 2022. Sur un autre front, Jean-Noël Barrot interviendra le 16 mai à l’occasion de la publication – par la fédération professionnelle Infranum (2) – de l’Observatoire du très haut débit 2023 sur fond de polémiques sur les malfaçons dans le déploiement de la fibre optique jusqu’aux abonnés. Pour tenter de remédier à ces dysfonctionnements, une proposition de loi a été adoptée le 2 mai au Sénat et transmise à l’Assemblée nationale. Les différents acteurs de la filière télécoms se rejettent plus que jamais la responsabilité des couacs (3).

Un ministre délégué à l’agenda de ministre
Jean-Noël Barrot (« JNB ») œuvre aussi en faveur de la « Startup Nation » chère à Emmanuel Macron, lequel fut ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique d’août 2014 à août 2016 (sous la présidence de François Hollande). La « French Tech » est une initiative du gouvernement français lancée il y aura dix ans en fin d’année. Passage en revue des principaux sujets d’actualité concernant JNB.
« G7 Digital & Tech » au Japon. Ce n’est pas le ministre Bruno Le Maire qui s’est rendu au Japon pour cette réunion ministérielle des sept pays les plus riches du monde, mais bien son ministre déléguée Jean-Noël Barrot. Ce sommet du numérique précède le G7 des chefs d’Etat qui se tiendra à Hiroshima, toujours au Japon, du 19 au 21 mai prochains.

G7 numérique, projet de loi, fibre optique, …
« Au G7 numérique au Japon pour défendre les priorités de la France : protection de l’enfance en ligne, régulation de l’intelligence artificielle, numérique éco-responsable », a twitté JNB le 29 avril de Takasaki, au nord-ouest de Tokyo (4). Et le lendemain de se féliciter : « A l’issue de deux jours d’échanges, la déclaration commune des pays du G7 sur les enjeux numériques reprend les priorités de la France ». En dix pages (5), les sept ministres du digital et de la tech ont notamment rappelé « la nécessité de combler les fossés numériques aux niveaux national et international » et de « réduire les fractures numériques, y compris la fracture numérique entre les sexes ». Alors que la présidence japonaise de ce G7 numérique a présenté sa « vision pour une société 5.0 », les discussions ont porté sur six thèmes : « facilitation des flux de données transfrontaliers et libre circulation des données avec confiance » (6) ; « infrastructure numérique sécurisée et résiliente » (plan d’action du G7) ; « gouvernance de l’Internet » (« Internet ouvert, libre, mondial, interopérable, fiable et sécurisé ») ; « technologies émergentes et disruptives dans la société et l’économie innovantes » ; « IA responsable et gouvernance mondiale de l’IA » ; « concurrence numérique » (« mettre à jour les lois et les règlements »).
Projet de loi « Sécuriser et réguler l’espace numérique ». Ce texte de loi française émane du gouvernement Borne (7) mais surtout du président de la République qui est à l’initiative d’une mesure-phare : le « filtre anti-arnaque ». Lors de la campagne présidentielle du printemps 2022, Emmanuel Macron avait promis l’instauration d’« un filtre anti-arnaques [qui] avertira en temps réel tous les usagers d’Internet avant qu’ils ne se rendent sur un site potentiellement piégé ». Le futur dispositif avait été détaillé pour la première fois par le député (Renaissance) Eric Bothorel en mars 2022 dans un tweet (8). Plus d’un an après, le filtre anti arnaque est enfin sur les rails. Jean-Noël Barrot en a précisé le calendrier de mise en œuvre le 20 février : une version bêta sera testée en septembre prochain lors de la Coupe du monde de rugby, puis l’outil sera généralisé pour les Jeux Olympiques de 2024. « Nous assistons à une très forte progression de l’insécurité numérique. C’est tout simplement insupportable », avait lancé le ministre délégué sur Franceinfo (9). Deuxième mesure-phrase du texte : donner le pouvoir à l’Arcom de bloquer – sans l’aval d’un juge – les sites pornos, pour lesquels une vérification de l’âge par « double anonymat » est prévue pour protéger les mineurs (10). « Il est urgent de soustraire nos enfants au déferlement des images pornographiques en libre accès sur Internet », a déclaré JNB dans le JDD du 6 mai (11).
Proposition de loi « Qualité et pérennité des raccordements en fibre optique ». Elle émane du sénateur Patrick Chaize, qui est par ailleurs président de l’Association des villes et collectivités multimédias (Avicca). Le texte a été adopté à l’unanimité le 2 mai au Sénat en 1ère lecture et en présence de Jean-Noël Barrot qui s’est interrogé sur « la responsabilité de ces difficultés » : « Il convient d’abord d’examiner les acteurs en cause : d’un côté, les opérateurs d’infrastructure, qui déploient les réseaux, notamment jusqu’au point de mutualisation ; de l’autre, les opérateurs commerciaux, qui assurent le branchement au dernier kilomètre, en vertu du mode Stoc [contrat dit de “sous-traitance opérateur commercial”, ndlr]. Chacun rejette la faute sur l’autre ». La proposition de loi n’a pas manqué de raviver les tensions au sein de la filière télécoms.
Pour autant, le ministre délégué s’est voulu rassurant sur le chaotique plan France Très haut débit, stratégie décidée il y a dix ans : « Ce plan est un très grand succès français : nous sommes passés de 1 million de foyers éligibles à la fibre en 2013 à 8 millions en 2017 et à 34 millions en 2022, faisant de la France le pays d’Europe le plus avancé en matière de déploiement de cette technologie ». Et d’ajouter : « Il s’agit sans doute du programme d’investissement le plus ambitieux et le plus important depuis le début du siècle : 34 milliards d’euros lui ont été consacrés, dont 65 % ont été pris en charge par le secteur privé, 25 % par les collectivités territoriales et 10 % par l’Etat » (12).
La « French Tech » aura dix ans fin 2023. Objectif : « faire de la France un des pays les plus attractifs au monde pour les start-up », avec le soutien financier de l’Etat via sa « mission French Tech », administration publique installée depuis 2017 chez l’incubateur Station F fondé par le milliardaire fondateur de Free, Xavier Niel.

De la « Start-up Nation » à la French Tech
A ce jour, l’écosystème French Tech compte 21.431 start-up (13), dont certaines d’entre elles intègrent chaque année depuis 2019 la promotion « French Tech Next40/120 » (40 licornes et 80 start-up, soit 120 jeunes pousses au total). Celle de 2023, cumulant 11,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires (14), a été dévoilée le 20 février. Mais Bercy doit encore faire évoluer les critères de sélection pour ne plus être suspecté de se polariser sur l’importance des seules levées de fonds (4,3 milliards d’euros en 2022). @

Charles de Laubier

Avec Numspot et Synfonium, l’Etat français – via la CDC – veut damer le pion à Google, Microsoft et Amazon

La Caisse des dépôts (CDC), le bras armé financier de l’Etat français, rêve de faire émerger un « Google français » en Europe. Cette reconquête numérique passe par des fonds publics injectés via la Banque des Territoires et Bpifrance, notamment dans deux futurs « champions européens » : Numspot et Synfonium.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC), que dirige depuis plus de cinq ans maintenant Eric Lombard (photo), est une vieille institution financière publique qui aura 207 ans le 28 avril (1). Elle est devenue le bras armé de l’Etat français pour investir dans les entreprises et les territoires (2), y compris dans les infrastructures électroniques – de la téléphonie dès 1889 au numérique à partir de l’année 2000. La CDC finance les espaces publics numériques dans les territoires, les espaces numériques de travail dans les établissements scolaires, l’aménagement numérique des territoires pour garantir l’inclusion numérique, ou encore les services numériques de confiance via des projets de « cloud souverain ».
Les premiers investissements de l’Etat français dans le cloud justement remontent au début des années 2010 et l’ont été en pure perte après les échecs cuisants de Cloudwatt d’Orange et Thalès, d’une part, et de Numergy de SFR et Bull, d’autre part. A l’époque, le gouvernement avait ignoré un nouvel entrant dans le cloud venu du Nord de la France : la société OVH créée à Roubaix par le Français d’origine polonaise Octave Klaba. Dix ans après, il en va tout autrement puisque la Banque des Territoires – créée en 2018 en tant que filiale d’investissement de la CDC – a annoncé le 11 avril dernier avec Octave Klaba un partenariat pour créer la société Synfonium dans laquelle la CDC participera à hauteur de 25 % du capital.

Créer des « champions européens du cloud »
Objectif : « la construction d’un champion européen des services basés sur le cloud ». Rien de moins. « Après avoir investi dans Qwant pour soutenir la croissance d’un moteur de recherche européen respectueux de la vie privée, la Caisse des dépôts s’associe avec un acteur majeur de la tech avec pour ambition de contribuer à l’émergence d’une plateforme européenne grand public, ouverte et sécurisée, proposant divers services collaboratifs et logiciels dans le cloud », a déclaré Antoine Troesch, directeur de l’investissement de la Banque des Territoires. L’Etat français a déjà la tête dans les nuages informatiques, avec notamment un autre projet de « champion européen du cloud » baptisé Numspot, dont la société éponyme – « 100 % française » – a été créée officiellement le 27 janvier dernier et dotée d’un capital de 50 millions d’euros avec la Banque des Territoires (26 %), Docaposte/La Poste (26 %), Dassault Systèmes (19 %) et Bouygues Telecom (19 %).

Faire oublier Cloudwatt et Numergy
Le Plan d’investissement France 2030 soutient ce projet de « cloud souverain » depuis son annonce en octobre dernier sous l’égide de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et de Jean-Noël Barrot ministre délégué chargé de la Transition et des Télécommunications. Mais, selon les informations de Edition Multimédi@, l’offre de « cloud de confiance » (basée sur la technologie Outscale de Dassault Systèmes bénéficiant déjà du label de sécurité SecNumCloud) et d’« identité numérique sécurisée » ne sera pas disponible mi-2023, comme cela était prévu, mais à la fin de l’année. L’équipe dirigeante de Numspot vient tout juste de se mettre en place, depuis février, avec Alain Issarni, un ingénieur aéronautique – les nuages, il connaît ! – comme président. Ce polytechnicien est l’ancien DSI (3) de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), après avoir été DSI de la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Il est épaulé par Xavier Vaccari, un ingénieur centralien Supélec qui était le directeur de la stratégie cloud de Docapost au sein du groupe La Poste détenu à 66 % par la CDC. Docapost a d’ailleurs été désigné comme le « chef de file »de Numspot. Son ambition est d’être en outre une plateforme technologique souveraine (PaaS) proposant des solutions logicielles et des services (SaaS). C’est dans le même état d’esprit « souverain » que Synfonium va être créé sous la forme de plateforme de cloud (PaaS/SaaS) accessible cette fois non seulement aux entreprises mais aussi directement aux consommateurs : « un accès transparent aux meilleurs services de collaboration européens basés sur le cloud, y compris le remote computing,le stockage sur le cloud, les fonctions de moteur de recherche, de vidéoconférence, et bien d’autres applications ».
Octave Klaba, président du conseil d’administration et fondateur de l’ex-licorne française OVH côtée en Bourse depuis octobre 2021 (4), et son frère Miroslaw Klaba, directeur R&D d’OVH, seront ensemble coactionnaires de Synfonium à hauteur de 75 % du capital – aux côtés donc des 25 % de la CDC. Les deux frères de Roubaix intègreront dans Synfonium les services d’ordinateur et de stockage virtuels de leur société Shadow qu’ils avaient acquise en 2021 via leur fonds respectif Jezby Ventures et Deep Code. Pour le moteur de recherche proposé par Synfonium, ce sera le franco-allemand Qwant qui vient d’avoir dix ans et qui est cofinancé par la Caisse des Dépôts, encore elle, et le groupe allemand Axel Springer, ainsi que par la Banque européenne d’investissement (5). « Des négociations exclusives sont actuellement en cours, ainsi qu’une analyse des récentes évolutions des conditions financières de son partenariat avec Microsoft », a expliqué la CDC à propos de Qwant qui reste encore dépendant de l’index Bing de Microsoft et de sa régie publicitaire Bing Ads. Synfonium prévoit en outre des acquisitions, des développements et des partenariats pour étoffer son bouquet de services dans le cloud, en s’appuyant aussi sur « les communautés de logiciels libres ». Avec Synfonium en cours de constitution et Numspot sur les starting-blocks, l’objectif affiché de Bercy est que « l’ensemble des administrations et des entreprises » – et « prioritairement » les acteurs économiques et institutionnels français (Etat, collectivités locales, opérateurs télécoms, banques, assurances, hôpitaux, …) – se saisissent des « offres souveraines », afin de « protéger les données les plus sensibles ». Or ce n’est pas gagné. Par exemple, selon l’observatoire Data Publica, à peine 7% des collectivités utiliseraient une offre de cloud pour stocker leurs données et applications (6).
A travers ces « cloud souverains » franco-français aux ambitions européennes, ce sont bien les GAFAM qui sont implicitement dans la ligne de mire de l’Etat afin de conquérir une part de souveraineté perdue. Le discours de l’Etat français n’est plus de créer un rival européen de Google (7) – comme cela avait pu être prétendu lors du lancement de Qwant (contraction de « Quantity » et « Want ») entre 2013 et, avec Emmanuel Macron à l’Elysée (8), en 2015 – ni même d’être un « AWS français » en référence à la filiale d’Amazon, numéro un mondial du cloud. Néanmoins, l’Etat et son bras armé de la rue de Lille (Paris) ne cachent pas qu’ils nourrissent de grands espoirs de reconquête du numérique avec leurs futurs « champions européens » du cloud multiservice dans une Europe devenue « colonie numérique » des géants américains du Net. Rien que le volet « cloud » du plan d’investissement « France 2030 », lequel a été lancé en octobre 2021 par Emmanuel Macron, est doté de 667 millions d’euros fléchés en particulier « vers des acteurs émergents, PME et start-up ». Suffisant face à Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure et Google Cloud ?

Education nationale : ni Google ni Microsoft
Le 6 avril dernier, Bercy a renforcé l’offre de « cloud de confiance » en sélectionnant – après appels à projets lancés par la banque publique Bpifrance, détenue à parts égales par l’Etat et la CDC – 39 projets, dont Wimi, Jamespot et Interstis dans la catégorie « suites bureautiques collaboratives cloud » ou encore Cleyrop, Dawex et Xwiki pour l’obtention du visa SecNumCloud par l’Anssi (9). « Il s’agit bien de proposer une alternative crédible aux suites Microsoft 365 et Google Workspace », dit clairement la Banque des Territoires dans son quotidien Localtis (10) destiné aux collectivités, lesquelles doivent depuis fin 2022 « renoncer aux offres gratuites de Microsoft Office et Google dans les établissements scolaires ». @

Charles de Laubier

Après avoir échoué à remplacer M6, et à racheter Editis et La Provence, Xavier Niel se concentre sur Iliad en Europe

En mars, Xavier Niel voit Vivendi choisir Daniel Kretinsky pour lui vendre Editis. En février, il prend acte du rejet de son projet de chaîne Six. En octobre, La Provence lui échappe au profit de Rodolphe Saadé. Et dans les télécoms, où il poursuit des ambitions européennes, le fondateur de Free se fâche avec l’Arcep.

Xavier Niel, le milliardaire magnat des télécoms et des médias, est tendu ces derniers temps. Cela se voit dans ses coups de gueule sur le marché français des télécoms. Pourtant, à 55 ans, tout semble lui sourire : sa fortune avait dépassé pour la première fois, en 2022, la barre des 10 milliards d’euros (1) ; sa vie privée se passe aux côtés de Delphine Arnault, fille de la plus grand fortune mondiale Bernard Arnault (2), PDG de LVMH (propriétaire du groupe Le Parisien-Les Echos) ; il a eu les honneurs de la République en étant fait le 31 décembre dernier chevalier de la Légion d’honneur par décret d’Emmanuel Macron (3) qu’il fréquente et apprécie depuis 2010 – l’Elysée préfèrerait même Iliad/Free à Orange (pourtant détenu à 22,9 % par l’Etat) pour ses ambitions européennes.
Or, depuis quelques mois, les déconvenues et les échecs se succèdent pour le « trublion » des télécoms et tycoon des médias français. Mise à part la chute de sa fortune de 43 % au 5 avril (4) par rapport à 2022, dernière contrariété en date : la décision de l’Arcep d’augmenter le tarif du dégroupage de la boucle locale d’Orange, autrement dit le prix de location mensuelle payé par Free, Bouygues Telecom ou SFR pour emprunter le réseau de cuivre historique hérité de France Télécom pour les accès ADSL et le triple play Internet-TV-téléphone. « C’est une formidable rente de situation pour Orange », a-t-il dénoncé le 22 mars dernier devant les sénateurs de la commission des affaires économiques qui l’auditionnaient.

Le « trublion » contrarié par l’Arcep et l’Arcom
Mais avant de ruer dans les brancards des télécoms en attaquant les décisions tarifaires du gendarme des télécoms – présidé par l’ex-députée et ex-France Télécom/Orange Laure de La Raudière dont il avait considéré la nomination à tête de l’Arcep il y a plus de deux ans comme « aberrant pour la concurrence » (5) –, Xavier Niel avait enchaîné les déconvenues dans les médias et l’édition.
Le rejet par l’Arcom de son projet de chaîne de télévision « Six ». C’est le 22 février 2023 que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) recale son dossier de candidature pour son projet de chaînes « Six » dont l’ambition était de remplacer M6 sur le canal 6 de la TNT (télévision nationale diffusée par voie hertzienne terrestre en clair et en haute définition). Sans grand suspense, ce sont les autres « projets » qui sont « sélectionnés » par le régulateur de l’audiovisuel, à savoir TF1 (Télévision Française 1) et M6 (Métropole Télévision) dont les autorisations de continuer à émettre sur la TNT seront délivrées avant le 5 mai prochain.

TV, édition, presse : des mises en échec
Eliminé, Xavier Niel a noyé sa déception dans un même ironique posté sur Twitter le jour du verdict : « Comment te récupérer putain !? JAMAIS je pourrai la récupérer » (6). Un mois après, devant les sénateurs lors de son audition, le fondateur de Free et président du conseil d’administration de la maison mère Iliad, dont il est l’actionnaire principal, a regretté l’absence d’explication donnée par l’Arcom : « On ne nous a pas communiqué les raisons pour lesquelles nous n’avons pas été retenus. On l’a dit publiquement : on avait l’impression d’une procédure perdue d’avance. (…) Je ne sais si nous reviendrons sur ces sujets. Nous pensons que l’on ne peut exister dans le monde de la télévision que si on a un des six premiers canaux » (7).
Son exclusion de la course au rachat d’Editis à Vivendi. Le 14 mars, Vivendi – maison mère du deuxième groupe d’édition en France – a annoncé son entrée en négociation exclusives avec International Media Invest (IMI), filiale de Czech Media Invest (CMI) du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Objectif de Vivendi appartenant à Vincent Bolloré : céder au Tchèque 100 % du capital d’Editis – chiffre d’affaires 2022 en baisse de 8,1 % à 789 millions d’euros avec sa cinquantaine de maisons d’édition, dont La Découverte, Plon, Perrin, Robert Laffont, Presses de la Cité, Le Cherche Midi, Bordas, Le Robert, … – , afin d’obtenir d’ici juin prochain le feu vert de la Commission européenne pour s’emparer de la totalité du groupe Lagardère, maison mère du premier éditeur français Hachette. Xavier Niel, copropriétaire depuis novembre 2010, du groupe Le Monde (Le Monde, Télérama, L’Obs, …) au côté du même Daniel Kretinsky, lui aussi coactionnaire de la holding Le Monde Libre (8), se serait bien vu en plus à la tête du deuxième éditeur français. Mais le Tchèque, lui aussi magnat des médias via sa holding CMI (Marianne, Elle, Télé 7 jours, Femme actuelle, Franc-Tireur, …, sans oublier 5 % détenu dans TF1 et un prêt consenti à Libération), lui a coupé l’herbe sous le pied.
La candidature de Xavier Niel au rachat d’Editis avait été révélée le 25 novembre 2022 par La Lettre A, en lice face à deux autres prétendants : Reworld Media (9) et Mondadori. Editis est valorisé entre 500 et 675 millions d’euros, d’après le cabinet Sacafi Alpha. Avec un fonds d’investissement, qui pourrait être le new-yorkais KKR (Kohlberg Kravis Roberts) dont il est un administrateur depuis mars 2018, Xavier Niel aurait proposé un prix d’achat jugé insuffisant par Vivendi. • Son échec dans sa tentative de s’emparer du groupe La Provence. Le 30 septembre 2022, c’est le groupe maritime CMA CGM du nouveau milliardaire Rodolphe Saadé qui est confirmé pour reprendre les 89 % du groupe La Provence, comprenant aussi Corse-Matin. Xavier Niel, détenant les 11 % restant via sa holding personnelle NJJ, était pourtant considéré comme le « repreneur naturel » – y compris par feu son propriétaire Bernard Tapie (10) – du groupe La Provence, premier éditeur de presse de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Le patron de Free détient 11 % du capital depuis que le belge Nethys lui a vendu en 2019 sa participation (11). C’est aussi grâce à Nethys que Xavier Niel a pu faire tomber dans son escarcelle fin mars 2020 le groupe Nice-Matin (GNM), éditeur des quotidiens Nice-Matin, VarMatin et Monaco-Matin dans les Alpes-Maritimes et le Var (PACA toujours). Et ce, au détriment du favori – l’homme d’affaires Iskandar Safa (propriétaire de Valeurs Actuelles via Privinvest Médias) – qui a jeté l’éponge. Après Lagardère (1998-2007), Hersant (2007-2014) et une reprise par les salariés via une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) grâce à un crowdfunding sur Ulule et le soutien de Bernard Tapie, GNM est propriété de Xavier Niel depuis trois ans. Le milliardaire-investisseur est aussi propriétaire de France-Antilles depuis mars 2020, et de Paris-Turf depuis juillet 2020.
Cependant, en août 2020, il échoue avec Bernard Tapie à jeter son dévolu sur le quotidien historique La Marseillaise qui est alors repris par Maritima Médias. Mais c’est surtout l’échec de la tentative de Xavier Niel à prendre le contrôle du groupe La Provence, incluant Corse-Matin que GNM – dont il devenu propriétaire – avait acquis en 2014, qui sera cuisant. Dès le 24 février 2022, son offre de 20 millions d’euros est rejetée par les liquidateurs au profit de celle à 81 millions de Rodolphe Saadé (12). S’en suivra le 3 mars des échanges houleux entre Xavier Niel venu au journal marseillais et des salariés hostiles à sa visite. « Vous m’avez mis dehors », lancera-t-il au PDG du groupe La Provence, Jean-Christophe Serfati. Le tribunal de Bobigny, où est instruite l’affaire, confirmera CMA CGM sept mois après. Entre temps, il a investi dans L’Informé.

Réussir ses télécoms en Europe
Au-delà de ses démêlés en France avec l’Arcep, il reste encore au « trublion » des télécoms à faire d’Iliad un champion européen. La maison mère de Free est présente en Italie depuis 2018 et en Pologne depuis 2020. Après avoir échoué l’an dernier à s’emparer de la filiale italienne de Vodafone, le groupe de Xavier Niel s’est positionné pour tenter d’acquérir des actifs de TIM (Telecom Italia). En outre, depuis 2014, il contrôle personnellement via NJJ l’opérateur suisse Salt et détient une participation de l’opérateur irlandais Eir aux côtés de son groupe Iliad. En février, via sa holding Atlas Investissement (13), Xavier Niel a porté sa participation au capital de l’opérateur luxembourgeois Millicom à 19,6 %. Cette même holding est entrée en septembre 2022 à 2,5 % dans Vodafone. Déjà confronté à Orange en France, Iliad veut rivaliser avec Orange en Europe. @