Deux ans après la nomination de Christel Heydemann à la tête du groupe Orange, l’heure est au premier bilan

Il y a un an, Christel Heydemann présentait son plan stratégique à horizon 2025 baptisé « Lead the future », en tant que directrice générale du groupe Orange – poste auquel elle a été nommée il y a deux ans. Malgré une rentabilité en hausse, la participation et l’intéressement pour les plus de 127.000 salariés déçoivent.

Orange reste très rentable, avec un bénéfice net de près de 3 milliards d’euros en 2023 – 2.892 millions d’euros précisément, en croissance de 10,5 % sur un an. Depuis l’annonce le 15 février de ses résultats financiers annuels, « en ligne avec le plan Lead the Future » que sa directrice générale Christel Heydemann (photo) a présenté il y a un an, le cours de l’action en Bourse a quelque peu frémi à la hausse (passant de 10,63 euros la veille à 10,90 euros le 20 février). Mais, depuis, le prix du titre n’a cessé de piquer du nez, à 10,51 euros au 7 mars. Et la capitalisation boursière de ce groupe du CAC40 ne dépasse pas les 30 milliards d’euros (27,9 milliards au 08-03-24), alors qu’elle a connu des jours meilleurs par le passé. Le groupe au carré orange – et aux 127.109 salariés dans le monde (au 31-12- 23), dont 73.000 en France – a vu son chiffre d’affaires progresser de 1,8 % sur un an, à 44,1 milliards d’euros. Christel Heydemann a envoyé à tous les employés d’Orange un e-mail pour les remercier « chaleureusement » de « [leur] professionnalisme et [leur] engagement de tous les instants ». Et ? « Très logiquement, les personnels du groupe en France s’attendent donc à bénéficier d’une participation et d’un intéressement correspondant aux succès annoncés. Il n’en est rien.

Les syndicats d’Orange mécontents
Tout au contraire, la participation et l’intéressement qui seront versés à chaque collaborateur en 2024 accusent une baisse moyenne de 10 %, une première chez Orange », regrette le premier syndicat de l’entreprise, CFE-CGC. Cette baisse de 10 % en moyenne de la participation et de l’intéressement est à rapprocher de l’inflation – donc de la perte du pouvoir d’achat – qui a été d’environ 10 % depuis le début de l’année 2022. « La claque ! », dénonce la Confédération générale des cadres, qui demande au conseil d’administration « la distribution d’un intéressement supplémentaire pour tous les personnels du groupe en France ». Cette déception du côté des personnels et des syndicats est d’autant plus forte qu’elle intervient au moment où le gouvernement – le ministère de l’Economie et des Finances (Bercy) en tête – incite à plus de partage de la valeur dans les entreprises au profit de leurs salariés. « Au conseil d’administration d’Orange, les représentants de Bercy [l’Etat détenant près de 23 % du capital du groupe et près de 29 % des droits de vote (1), ndlr] préfèrent Continuer la lecture

Boosté par le cloud et l’IA, Microsoft conteste à Apple sa première place mondiale des capitalisations boursières

Le capitalisme a ses icônes, et la seconde est Microsoft. La valorisation boursière de la firme de Redmond, que dirige Satya Nadella depuis près de dix ans, atteint – au 1er décembre 2023 – les 2.816 milliards de dollars et pourrait bientôt détrôner Apple de la première place mondiale. Merci aux nuages et à l’IA.

(Cet article est paru le lundi 4 décembre 2023 dans Edition Multimédi@. L’AG annuelle des actionnaires de Microsoft s’est déroulée comme prévu le 7 décembre)

La prochaine assemblée générale annuelle des actionnaires de Microsoft, qui se tiendra le 7 décembre et cette année en visioconférence, se présente sous les meilleurs auspices. L’année fiscale 2022/2023 s’est achevée le 30 juin avec un chiffre d’affaires de 211,9 milliards de dollars, en augmentation sur un an (+ 7 %). Le bénéfice net a été de 72,4 milliards de dollars, en légère diminution (- 1 %). Et les résultats du premier trimestre de l’année 2023/2024, annoncé en fanfare le 24 octobre dernier, ont encore tiré à des records historiques le cours de Bourse de Microsoft – coté depuis plus de 37 ans. A l’heure où nous bouclons ce numéro de Edition Multimédi@, vendredi 1er décembre, la capitalisation boursière du titre « MSFT » – actuelle deuxième mondiale – affiche 2.816 milliards de dollars et talonne celle du titre « AAPL » d’Apple dont la première place, avec ses 2.954 milliards de dollars, est plus que jamais contestée. Depuis la nomination il y a près de dix ans de Satya Nadella (photo) comme directeur général (1) pour succéder à Steve Ballmer, Microsoft a ainsi vu sa capitalisation boursière multiplié par presque dix. Les actionnaires de la firme de Redmond (Etat de Washington, près de Seattle) en ont pour leur argent (voir graphique), depuis vingt ans qu’elle s’est résolue à leur distribuer des dividendes – ce qui n’était pas le cas avec son cofondateur et premier PDG Bill Gates.

L’assemblée générale annuelle des actionnaires du 7 décembre
Après avoir mis Microsoft sur les rails du cloud en faisant d’Azure – dont il était vice-président avant de devenir directeur général du groupe – sa première vache à lait (87,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires lors du dernier exercice annuel), Satya Nadella a commencé à faire de l’IA générative le moteur de tous ses produits et services. « Avec les copilotes, nous rendons l’ère de l’IA réelle pour les gens et les entreprises du monde entier. Nous insufflons rapidement l’IA dans chaque couche de la pile technologique et pour chaque rôle et processus métier afin de générer des gains de productivité pour nos clients », a déclaré fin octobre cet Indo-Américain (né à Hyderabad en Inde), qui est aussi président de Microsoft depuis près de deux ans et demi (2). « Copilotes » (copilots) est le terme qu’il emploie volontiers pour désigner les outils alimentés par l’IA destinés à être intégrés à tous les produits et services de l’éditeur du système d’exploitation Windows, des logiciels Office 365, du cloud Azure et des serveurs associés, du navigateur Edge, du moteur de recherche Bing, de la console de jeux vidéo Xbox et de son Cloud Gaming, ou encore Continuer la lecture

Believe, la petite major qui contenue de monter, se rapproche du 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires

Créé comme start-up sous le nom de Believe Digital en 2005, devenu licorne avant son introduction en Bourse en juin 2021, le groupe Believe perd encore de l’argent mais est en passe de devenir la quatrième major mondiale de la musique enregistrée. Sa croissance se fait en streaming et par acquisitions.

« Believe fait désormais partie des grands acteurs mondiaux de la musique numérique », se félicite son PDG fondateur Denis Ladegaillerie (photo), dans le document d’enregistrement universel 2022 publié le 21 avril dernier. Cela fera deux ans le 10 juin que la petite major qui monte a fait son entrée à la Bourse de Paris pour lever des fonds – d’un montant net total de 294,6 millions d’euros au lieu des 500 millions escomptés – afin de poursuivre sa stratégie d’acquisitions. C’est l’un de ses principaux moteurs de croissance pour proposer ses plateformes digitales de distribution, marketing et promotion au service des artistes et labels dans une cinquantaine de pays. Avec ses solutions automatisées (comme Tunecore) ou premium (comme Backstage), Believe leur permet des débouchés rémunérateurs sur les plateformes de streaming (Spotify, Apple Music, YouTube Premium, Amazon Music, Deezer, Tencent Music, …) et les réseaux sociaux (TikTok, Instagram, Facebook, Snap, …). Mais, depuis, l’action de Believe cote toujours en-dessous de son prix d’introduction de 19,5 euros, à 12,1 euros, et la valorisation de l’entreprise est à ce jour de seulement 1,1 milliard d’euros (au 25- 05-23). Il en sera question à l’assemblée générale des actionnaires prévue le 16 juin. Actionnaire à hauteur de 12,5 % du capital de Believe, Denis Ladegaillerie s’est engagé à conserver ses actions sur une durée de 3 ans à compter de l’introduction en bourse, à savoir jusqu’à juin 2024. Sous-évalué Believe ?

Des pertes mais bientôt le milliard d’euros de revenus
La croissance est pourtant bien là, portée par la musique numérique dans le monde. « Nous sommes convaincus que le marché de la musique connaît actuellement un changement de paradigme et qu’il est entré dans la décennie de l’artiste numérique », assure-t-il. La mini-major prend de l’ampleur au point de se rapprocher progressivement de la barre du 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, avec 760,8 millions d’euros réalisés en 2022, en hausse de plus de 30 % sur un an. Believe a encore perdu de l’argent l’an dernier (25 millions d’euros). Malgré un contexte économique dégradé, l’entreprise a maintenu – lors de la présentation de ses résultats du premier trimestre le 27 avril dernier – ses prévisions de croissance organique (hors acquisitions) de 18 %. Ce qui amènerait la petite major qui monte à près de 898 millions d’euros de chiffre d’affaires. C’est encore loin des niveaux du « Big Three » que sont les majors Universal Music (10,3 milliards d’euros), Sony Music (9,3 milliards d’euros) et Warner Music (5,4 milliards d’euros), mais cela en prend le chemin (1).

Filiale russe Believe Digital OOO impactée
« Believe confirme son scénario de croissance pour l’année 2023, impliquant une augmentation et un déploiement plus vaste du streaming payant, des gains de parts de marché supplémentaires et un environnement plus difficile pour la monétisation du streaming financé par la publicité. Le passage du streaming financé par la publicité au streaming payant devrait également poursuivre son accélération sur tous les marchés », a exposé la direction de Believe, alors que la croissance du chiffre d’affaires au premier trimestre de cette année (22,2 % sur un an) la conforte dans ses prévisions. Dans son rapport annuel 2022, elle évoque tout de même « le niveau élevé d’incertitudes économiques notamment en raison de la crise ukrainienne et de l’inflation ». Car la société créée en 2005 par Denis Ladegaillerie est devenue depuis un groupe international où la France ne pèse plus que 16,9 % des revenus en 2022, l’Allemagne 14,9 %, le reste de l’Europe avec la Turquie et la Russie générant ensemble la plus grosse part (27,6 %), suivi de l’Asie, l’Océanie et l’Afrique (26,2 % à eux trois), l’Amérique du Nord et l’Amérique Sud (14,3 % à elles deux).
Malgré le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine enclenché le 24 février 2022, Believe poursuit son activité en Russie via sa filiale Believe Digital OOO qui a accusé une perte de 5,8 millions d’euros en 2022 (2). « La guerre en Ukraine et ses répercussions sur l’environnement économique amènent le groupe à mettre sa politique de croissance externe en pause à partir de fin février. (…) Le poids de la Russie et de l’Ukraine dans son chiffre d’affaires a baissé par rapport à 2021 compte tenu d’une croissance beaucoup plus faible que dans les autres marchés du groupe, mais représentait encore 7,5 % du chiffre d’affaires en 2022, contre 8,9 % en 2021 », est-il précisé.
Believe compte 1.650 salariés présents dans plus d’une cinquantaine de pays, dont 643 en France. Cette internationalisation colle au marché « glocal » du streaming musical en pleine évolution grâce aux plateformes globales (de Spotify à Tencent Music en passant par YouTube, Apple Music, Amazon, Deezer ou encore Instagram et TikTok). C’est la filiale Believe International qui signe les contrats de licence avec ces plateformes. Et le groupe Believe basé rue Toulouse Lautrec à Paris entend poursuivre et accélérer cette dynamique par de la croissance externe. « Au cours des sept dernières années, le groupe a réalisé 23 acquisitions synergiques dans sept pays, allant des plateformes technologiques aux labels, et a dépensé 183 millions d’euros (hors trésorerie acquise) en acquisitions depuis 2018 », précise le dernier document boursier.
Pour rendre sa plateforme numérique indispensables aux artistes et labels, Believe s’était emparé en 2015 aux EtatsUnis de TuneCore (solutions automatisées pour les artistes), en France de Musicast (distributeur), et en 2020 en France de SoundsGood (outils marketing numériques pour artistes). Au point que de nombreux musiciens sont tentés de s’affranchir des maisons de disques (self-releasing) pour proposer directement sur les plateformes leurs titres (3). Parallèlement, la mini-major a rajouté des labels et des distributeurs à sa partition, parmi lesquels : en 2018, l’acquisition en Allemagne de Nuclear Blast (label de métal), de Groove Attack (distributeur) et la participation dans Tôt ou Tard (label français) ; en 2019, les acquisitions en Inde d’Entco Music (production de spectacles), de Canvas (services aux artistes), de Venus Music Private (rebaptisé Ishtar) ; en 2020, la participation majoritaire au capital du label DMC en Turquie ; en 2021, l’acquisition en France de 25 % du capital, avec option d’achat du solde dans quelques années, de Play Two (label indépendant et filiale du groupe TF1). La même année, il y a eu une prise de participation minoritaire aux Philippines dans le label Viva Music and Artists Group, l’acquisition en Inde de SPI Think Music, ainsi qu’une participation de 51 % dans le label Jo&Co en France. En 2022, Believe a conclu en Allemagne un partenariat avec le label Madizin et a pris une participation en France dans Morning Glory, société du DJ Belleck.
Et fin mars 2023, le groupe a racheté la société britannique d’édition musicale Sentric (gestion des droits numériques de 400 000 auteurs-compositeurs et artistes auto-distribués pour 4 millions de chansons), dont 23 % des abonnés de TuneCore en bénéficient déjà. « L’acquisition de Sentric est pour Believe une première étape dans le déploiement d’une offre d’édition musicale globale et complète », s’est félicité Denis Ladegaillerie en annonçant cette opération le 30 mars dernier (4).

Denis Ladegaillerie, un ex-Vivendi Universal
Que de chemin parcouru depuis l’acquisition du label français Naïve en 2016 (5). Après avoir commencé sa carrière en 1998 à New York en tant qu’avocat d’affaires au sein d’un cabinet international, Denis Ladegaillerie a fait ses premières armes chez Vivendi Universal (de Jean-Marie Messier) qu’il avait rejoint en 2000 en tant qu’analyste avant d’en devenir à New-York directeur stratégique et financier des activités numériques jusqu’en 2004. @

Charles de Laubier

Readly, ePresse, Cafeyn et l’OPA du groupe Bonnier

En fait. Le 26 avril se tient une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société suédoise Readly, cotée au Nasdaq de la Bourse de Stockholm et détenue à 75,4 % – via sa filiale Tidnings AB Marieberg – par le premier groupe de médias scandinaves Bonnier News. L’avenir des e-kiosques en Europe se joue là.

En clair. Selon les informations de Edition Multimédi@, la prise de contrôle du suédois Readly International – « Spotify » de la presse numérique (1) et propriétaire d’ePresse et de Toutabo en France – par son compatriote le groupe de médias Bonnier News, va se jouer les 26 avril et 13 juin prochains. Ces dates correspondent pour les actionnaires de Readly à, respectivement, l’assemblée générale extraordinaire et l’assemblée générale ordinaire.
Si aucun actionnaire ne s’oppose à la prise de contrôle de Readly par Bonnier News, alors ce dernier pourra mener à bien son projet, à savoir : garder les activités scandinaves de Readly et céder à la société française Cafeyn (ex-LeKiosque.fr/ LeKiosk), rival d’ePresse en France (2), les activités non nordiques de Readly. En revanche, si un actionnaire s’oppose à ce qu’il pourrait considérer comme un « démantèlement » de Readly, cela pourrait compromettre et l’OPA de Bonnier sur Readly et l’accord de vente à Cafeyn. D’autant que la société Readly, cotée au Nasdaq de la Bourse de Stockholm et détenue depuis le 27 mars dernier à 75,4 % par Bonnier, verrait près de 80 % du chiffre d’affaires de Readly (52,2 millions d’euros en 2020) cédés à Cafeyn, à savoir les pays en dehors de la région scandinave – Allemagne en tête, suivie du Royaume-Uni et de la France. En lançant début décembre 2022 son OPA sur Readly, le premier groupe de médias dans les pays nordiques, Bonnier News (3), toujours contrôlé par la famille suédoise Bonnier, espérait obtenir 90 % du capital de Readly nécessaires pour radier cette entreprise du Nasdaq suédois.
L’accord avec Cafeyn – « sous réserve de l’achèvement de l’offre [l’OPA] » – tient toujours à ce jour et permettrait à ce dernier non seulement d’absorber son rival français ePresse mais surtout de « créer un champion européen » du kiosque numérique avec « une audience internationale plus large » susceptible de séduire les éditeurs voire de retenir les plus hésitants. Reste à savoir si les quatre marques Cafeyn, Readly, ePresse et Toutabo continueraient à coexister à l’avenir ou si l’une d’entre elles prendrait le dessus. « Lorsque nous avons acquis en 2019 le néerlandais Blendle, le choix a été de conserver la marque existante dans un souci de cohérence et de clarté pour les utilisateurs néerlandais », indique à Edition Multimédi@ Julia Aymé, directrice des affaires publiques de Cafeyn. @

Meta Platforms a essuyé les plâtres en 2022, première année sous ce nom, mais reste une cash machine

L’année 2022 fut la première année fiscale de l’ex-groupe Facebook, depuis que son PDG fondateur Mark Zuckerberg l’a rebaptisé Meta Platforms le 21 octobre 2021. Malgré les griefs qui lui sont faits, malgré l’échec du décollage du métavers Horizon et malgré les amendes, la firme de Menlo Park s’en sort plutôt bien.

Malgré tout, le géant Meta Platforms (Facebook, Instagram, Messenger, WhatsApp, Quest/ex-Oculus) devrait réaliser cette année 2022 un chiffre d’affaires tout à fait honorable d’environ 115 milliards de dollars. Par rapport à l’exercice précédent, cela ne représenterait qu’une baisse annuelle d’environ 2,4 %.
Cette estimation avancée par Edition Multimédi@ se situe dans la fourchette des prévisions annoncées fin octobre par David Wehner (photo), alors encore directeur financier du groupe Meta, à savoir : entre 114,4 milliards et 116,9 milliards de dollars. La société d’études financière Zacks Equity Research table, elle, sur 115,71 milliards de dollars de chiffre d’affaires, ce qui correspondrait à un recul de seulement 1,88 % par rapport à l’exercice 2021. Dans son analyse publiée le 8 décembre, soit un mois après l’annonce du PDG cofondateur Mark Zuckerberg de la suppression de 13 % de ses effectifs (13.000 sur 87.000 employés), elle constate qu’en un mois l’action « Meta » a gagné plus de 12 %, à plus de 116 dollars, devançant le secteur informatique et technologique. Et ce, malgré les prévisions de rentabilité attendue en baisse par rapport au bénéfice net de 39,3 milliards de dollars de l’exercice 2021. Sa recommandation aux investisseurs est de garder (hold) leurs actions, voire d’en acquérir (buy).

L’ex-Facebook dévalorisé, mais loin d’être déserté
La valorisation de l’ex-Facebook est « encore » de 336 milliards de dollars au 16 décembre, même si les 922 milliards de dollars d’il y a un an sont bien loin, et la fortune professionnelle de Mark Zuckerberg et « encore » de 42,3 milliards de dollars, certes bien en-deçà des 97 milliards de dollars de 2021. Comme quoi, la situation du géant mondial des réseaux sociaux aux plus de 2,9 milliards d’utilisateurs quotidiens (Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp confondus), et toujours en hausse d’un trimestre à l’autre, n’est pas aussi catastrophique que ne le laisse penser la couverture médiatique. Les utilisateurs quotidiens de la galaxie Meta – les daily active people (DAP) – représentent 79 % des 3,7 milliards d’utilisateurs mensuels – les monthly active people (MAP). La principale source de revenu du groupe Meta Platforms reste la publicité : 27,2 milliards de dollars au troisième trimestre 2022 (- 3,7 % sur un an), soit 98,3 % du chiffre d’affaires global.

La rançon de la gloire coûte très chère
Quoi qu’on en dise, et bien que le groupe soit confronté au pire ralentissement de son histoire dû en grande partie au changement de politique décidé par Apple pour le ciblage publicitaire sur iOS, Meta Platforms reste une cash machine. « Notre coeur de métier est l’un des plus rentables jamais construit avec un énorme potentiel à venir », a assuré Mark Zuckerberg à ses salariés dans un message qu’il leur a adressé le 9 novembre. Cependant, la firme de Menlo Park a déjà prévenu que ce ralentissement publicitaire se poursuivrait au cours de ce quatrième trimestre, dans le contexte de hausse de l’inflation et de ralentissement de l’économie.
Mais la rançon de la gloire – même quelque peu entamée – est élevée. Pour cette première année fiscale sous la dénomination « Meta Platforms », le groupe de Mark Zuckerberg devrait totaliser de l’ordre de 85 à 87 milliards de dollars de dépenses (investissements et exploitations). Et pour la première fois en 2023, ces dépenses devraient tutoyer voire dépasser les 100 milliards de dollars, selon les estimations faites par David Wehner. Sans surprise, la division Reality Labs – où sont concentrées toute l’activité liée à la réalité virtuelle (VR) et à la réalité augmentée (AR) que sont Meta Quest (ex-Oculus VR), Meta Portal (ex- Facebook Portal) et des wearables comme les Ray-Ban Stories – pèse très lourd dans ces dépenses colossales. Cela comprend les prochains casques de réalité virtuelle qui seront lancés en 2023 et surtout le métavers Horizon Worlds en cours de déploiement (application gratuite utilisable avec un casque Meta Quest.). « Notre hausse du coût d’exploitation devrait s’accélérer, en raison des dépenses liées à l’infrastructure et, dans une moindre mesure, des coûts du matériel de Reality Labs, induits par le lancement plus tard l’an prochain de notre nouvelle génération de casque Quest. Les dépenses de Reality Labs sont incluses dans nos prévisions de dépenses totales », avait expliqué le 26 octobre dernier l’ancien directeur financier David Wehner, promu en novembre directeur de la stratégie. Susan Li lui a succédé en tant que nouvelle Chief Financial Officer du groupe Meta. Et d’ajouter : « Nous prévoyons que les pertes d’exploitation de Reality Labs augmenteront considérablement d’une année à l’autre en 2023. Au-delà de 2023, nous nous attendons à accélérer les investissements de Reality Labs afin d’atteindre notre objectif à long terme de croissance globale du bénéfice d’exploitation de l’entreprise ». Alors que le chiffre d’affaires de Reality Labs a été supérieur à 2,2 milliards de dollars en 2021 pour un déficit près de 10,2milliards, cette année 2022 devrait être marquée par des revenus équivalents mais des pertes opérationnelles bien plus importantes (les neuf premiers mois de l’année en cumulant déjà près de 9,5 milliards). Meta Platforms joue gros. C’est même son avenir qui est en jeu.
Dans son message du 9 novembre, Mark Zuckerberg a expliqué que les 11.000 suppressions d’emplois concerneront aussi bien les réseaux sociaux (« la famille d’applis ») que Reality Labs. « Nous prévoyons d’embaucher moins de gens l’an prochain. (…) Nous prolongeons également le gel de l’embauche jusqu’au premier trimestre. (…) Nos perspectives de revenus sont inférieures à celles auxquelles nous nous attendions au début de l’année, et nous voulons nous assurer de fonctionner efficacement à la fois dans la famille d’applis et dans Reality Labs. », a-t-il en outre précisé (2). Tout en ayant fait son mea culpa – « Je me suis trompé et j’en assume la responsabilité » –, « Zuck » affirme que Meta Platforms est à l’avant-garde du développement de la technologie pour définir « l’avenir de connexions sociales » et « la prochaine plateforme informatique ». Et d’ajouter pour motiver ses troupes : « Nous faisons un travail historiquement important ».
Bien que décrié, le métavers Horizon Worlds (3) est un pari audacieux – sans doute le plus important jamais lancé par un géant des GAFAM. En octobre 2021, le groupe Facebook devenant Meta Platforms avait annoncé vouloir y investir 10 milliards de dollars par an jusqu’en 2030. Son avenir est entre les mains de Reality Labs. Des investissements massifs sont aussi faits dans l’intelligence artificielle (IA) et le machine learning (ML), utilisés à tous les étages : de la vérification de l’âge des utilisateurs (Facebook Dating) aux avatars lancés récemment sur WhatsApp (un avant-goût du métavers), en passant par l’IA au service du e-commerce, des réseaux sociaux et des jeux en ligne (préfigurant le touten- un promis par le métavers). Avec en toile de fond la protection des données renforcée (4).

Partenariats : Nvidia, Microsoft, PyTorch,…
Meta Platforms ne fera pas son métavers Horizon tout seul : des partenariats sont noués, comme avec Nvidia (pour ses puces IA destinées à des superordinateurs de recherche IA/métavers), PyTorch (bibliothèque logicielle open source codéveloppée avec Microsoft, faisant partie de la Linux Foundation) ou encore Microsoft (accord annoncé en octobre consistant à intégrer d’ici 2023 la plateforme collaborative Teams aux casques Quest/Quest Pro et dans le métavers Horizon). Mark Zuckerberg a peut-être eu raison trop tôt, mais il pourrait prendre de l’avance sur des rivaux qui s’y seront pris trop tard. @

Charles de Laubier