Fenêtres de diffusion des films à l’heure du Net : comment sortir de l’« anachronie des médias»

L’heure de vérité a sonné pour la chronologie des médias – anachronique à l’ère du numérique. Le gouvernement a donné six mois aux professionnels du cinéma français pour se mettre enfin d’accord, faute de quoi il faudra légiférer. Mission quasi impossible pour le médiateur Dominique D’Hinnin.

« La révision de la chronologie des médias est un chantier prioritaire. C’est la clé pour adapter notre modèle aux nouveaux usages et pour sécuriser l’avenir de notre système de préfinancement. Ma conviction est que ce sont les professionnels eux-mêmes qui sont les mieux placés, à travers la concertation, pour définir une solution. Mais les discussions sont bloquées depuis trop longtemps. Et pour sortir du blocage, je crois que nous devons changer de méthode », a déclaré Françoise Nyssen, ministre de la Culture, à l’occasion des 27e Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD), le 13 octobre. Aussi a-t-elle confirmé la désignation de Dominique D’Hinnin (photo) comme médiateur pour conduire la concertation de la dernière chance « dans des délais stricts, avec l’appui du CNC (1) ».

Consacré aux Emmy Awards pour une série, Hulu a l’ambition d’être disponible mondialement

Hulu fête ses dix ans avec bientôt 13 millions d’abonnés, tous aux Etats-Unis. Car, contrairement à Netflix et Amazon, la joint-venture de NBCUniversal, 21st Century Fox, Disney et Time Warner tarde à conquérir le monde depuis sa première tentative infructueuse au Japon en 2011.

Selon nos informations auprès de Digital TV Research, Hulu devrait atteindre 13 millions d’abonnés d’ici la fin de cette année 2017 et 17 millions en 2022. Quant au service Hulu Japon, lancé en 2011 mais revendu trois ans après à Nippon TV (1) faute de résultat, il est devenu indépendant du consortium et ses 1,5 million d’abonnés (1,79 millions prévus en 2022) ne sont comptabilisés dans les 13 millions de la plateforme américaine de catch up TV et de SVOD.

EuropaCorp boit le bouillon en Bourse à cause de pertes record, mais les recettes de VOD décollent

La diffusion des films de la major française du cinéma EuropaCorp sur les plateformes de VOD (à l’acte ou par abonnement) a bondi de 114 % en un an
à plus de 17 millions d’euros, d’après ses résultats annuels 2016/2017 publiés
cet été. La consommation de films en ligne dépasse 10 % de ses revenus.

« Actuellement, les films EuropaCorp sont toujours exploités
en France par l’ensemble des acteurs de la VOD (fournisseurs d’accès à Internet et autres opérateurs majeurs comme CanalPlay ou Netflix). Cependant, dans le but de maximiser
la valeur de ses programmes, le groupe étudie l’opportunité économique de réorienter sa stratégie vers des collaborations exclusives avec un nombre réduit de partenaires », a indiqué le groupe de Luc Besson (photo) dans son document de référence annuel publié le 28 juillet dernier, alors que s’organise l’assemblée générale des actionnaires prévue le 27 septembre.

Comment l’Autorité de la concurrence offre plus d’espace à Canal+ face à ses nouveaux concurrents

Au début de l’été, et cinq ans après les décisions de 2012 liées à la fusion de 2006 avec TPS et aux rachats de Direct 8 et Direct Star, l’Autorité de la concurrence a allégé les obligations imposées à Canal+ – sauf dans le cinéma français. Trop tard face à Netflix, Altice et Amazon ?

Rémy Fekete (photo), avocat associé, et David Guitton, avocat, Jones Day

L’Autorité de la concurrence a adopté deux décisions, datées du 22 juin 2017, révisant les obligations imposées au groupe Canal+ (dans le cadre de la fusion avec TPS autorisée en 2006 sous réserve du respect de 59 engagements (1) et dans le cadre du rachat des chaines gratuites Direct 8 et Direct Star autorisé en 2012 sous réserve du respect de plusieurs engagements (2)). Cinq années après ces décisions de 2012, l’Autorité a accepté d’alléger les obligations imposées à la filiale de Vivendi.

Chronologie : Altice (SFR) veut aligner SVOD et Canal+

En fait. Le 29 août, Alain Weill, directeur général des activités médias d’Altice (SFR), a présenté le lancement de la nouvelle chaîne Altice Studio. Il a aussi justifié l’absence d’accord « à la Canal+ » avec le cinéma français, tout en dénonçant « la chronologie des médias complètement désuète ».

En clair. « Les accords entre le cinéma et les chaînes de télévision datent de l’époque de Canal+, donc d’une époque un peu dépassée », a lancé Alain Weill, directeur général des activités médias d’Altice, pour justifier l’absence d’accord entre Altice Studio et les organisations du cinéma français. Même s’il considère que ces règles
– prises à l’époque où Canal+ était un monopole et devenait la plateforme de financement du cinéma français – n’étaient pas anormales, c’est aujourd’hui complètement différent. « C’est vrai qu’on veut changer un peu les règles. C’est vrai qu’OCS a signé en son temps, mais un autre temps déjà… Aujourd’hui, pourquoi nous irions prendre des engagements avec vingt-cinq partenaires qui sont des syndicats professionnels qui finalement, chacun dans leur coin, défendent leurs intérêts particuliers. On a rien contre cela mais, finalement, aller prendre des engagements, alors de notre côté par exemple : le monde du cinéma n’a toujours pas le droit d’investir (de la publicité) à la télévision ; la chronologie des médias est complètement désuète aujourd’hui, … Cela n’a pas de sens », a-t-il argumenté. Pourquoi, selon lui, Altice se mettrait des contraintes que n’ont pas d’autres grands acteurs comme Netflix dans la vidéo et Allociné pour la publicité ? « Il ne faut pas de malentendu : on a pas d’hostilité de principe à signer un accord avec des partenaires (du cinéma) avec lesquels nous travaillons. Mais les temps ont changé. Donc, il faut que la chronologie des médias évolue. Il est impératif qu’il y ait un parallèle symétrique entre les plateformes SVOD
et la télévision payante », a plaidé Alain Weill.
Le patron d’Altice Media dit en avoir parlé avec la présidente du CNC, Frédérique Bredin. Il lui a dit que si la première fenêtre payante est à 12 mois (après la sortie des nouveaux films en salles), il faut que la SVOD soit elle aussi à 12 mois : il ne faut pas séparer la SVOD et la télévision payante car cela n’a plus de sens par rapport à la façon dont l’on consomme la télévision. « Et si on veut aussi éviter le piratage, lui a encore dit Alain Weill, il faut faire preuve de réalisme dans les règles qui doivent être discutées dans les semaines qui viennent ». Altice Studio va financer plus de séries que de films (1) car « à partir du moment où l’on a investi dans un film, on s’interdit à
le diffuser sur notre plateforme SVOD pendant 3 ans ! » @