La communication des opérateurs mobiles brouille la 5G, dont l’image est déjà écornée

La 5G semble mal partie en France. Les quatre opérateurs – Free, Bouygues Telecom, SFR et Orange – se sont lancés dans une course effrénée à sa commercialisation. Mais la clarté de l’information et la transparence dues aux consommateurs ne sont pas au rendez-vous.

En plus des interrogations sur son impact sur la santé et l’environnement, voilà que la 5G se retrouve accusée de publicité mensongère. Car il n’y a pas une seule qualité 5G, mais bien plusieurs. Encore faut-il que le consommateur sache de quoi il retourne à propos de connexion mobile « ultra haut débit ». Il y a moins de trois mois, le secrétaire d’Etat à la Transition numérique et aux Communications électroniques, Cédric O (photo), avait mis en garde les quatre opérateurs mobiles sur leurs communications « 5G » auprès du public.

La DGCCRF censée contrôler, l’Arcep aussi
« J’ai demandé la plus grande responsabilité aux opérateurs et affirmé aux associations que la DGCCRF (1) serait particulièrement vigilante dans ses contrôles. Il est de notre intérêt commun que les citoyens disposent de l’information la plus factuelle possible pour les orienter dans leurs choix », avait prévenu le ministre (2). La 5G est en réalité multiforme car les gains en termes de débit sont très variables et dépendent de divers paramètres, tels que les bandes de fréquence utilisées (700 Mhz ou 3,4-3,8 Ghz), la densité de l’installation des équipements 5G et le nombre d’utilisateurs connectés à l’antenne 5G au même moment. Concrètement, il y aura dans les territoires autant de « 5G » qu’il y aura d’abonnés : chacun n’aura pas forcément la même connexion que son voisin en termes de débits, de temps de latence ou de réception entre quatre murs.
« Le lancement des premières offres utilisant cette technologie appelle donc une grande vigilance sur l’information donnée aux consommateurs, notamment dans les communications commerciales qui accompagneront ces offres », avait assuré Cédric O. L’Arcep, elle, est censée « faciliter pour les consommateurs la lecture technique des premières offres 5G ». Le gendarme de la concurrence avait bien émis en octobre 2020, « en lien avec la DGCCRF », des recommandations opérationnelles pour le lancement commercial de la 5G mais elles ne portaient que sur la présentation des cartes de couverture de la 5G publiées par Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free. L’impasse a été faite sur l’information et les publicités aux consommateurs (3), lesquels sont invités par le gouvernement et le régulateur à consulter eux-mêmes ces cartes « pour s’informer sur les zones précises où le service sera effectivement disponible et le niveau de service associé dans chacun de ces lieux ». Le problème est que les premières cartes 5G présentées au public par les opérateurs mobiles sont imprécises et ne reflètent pas la réalisé des différentes qualités 5G. Dès le 15 décembre, l’UFC-Que Choisir a mis en demeure Bouygues Telecom, Free et SFR de « modifier la présentation de leurs cartes » – qualifiées de « miroirs aux alouettes » (4) – en engageant une action en justice contre eux trois. Orange, lui, a été sommé d’« apporter des précisions techniques sur sa communication ». Dans une interview au Télégramme, le président d’UFC-Que Choisir, Alain Bazot, dénonçait : « La plupart propose de la 5G avec des fréquences utilisant les bandes 700 Mhz ou 2.100 Mhz. Mais, en réalité, cette 5G n’est pas plus intéressante que la 4G en termes de débit. La véritable 5G, celle utilisant la bande des 3,5 Ghz, en est, elle, à ses débuts (5). Donc, cela induit en erreur le consommateur » (6).
L’Arcep avait demandé le 16 décembre aux opérateurs 5G d’être plus explicites « sur les différents niveaux de service offerts, par exemple sur les débits maximums selon les bandes de fréquences, dont la publication gagnerait à être plus systématique et plus lisible ». Premier opérateur 5G en nombre de sites (7), Free Mobile avait publié au lancement le 15 décembre de son réseau 5G sa première communication : « Le plus grand réseau 5G de France », clamait d’emblée la filiale mobile du groupe Iliad présidé par Xavier Niel, avec en bas des affiches publicitaires « N°1 en nombre de site 5G* ». Pas plus, pas moins, malgré l’astérisque et sa petite note en bas presque illisible : ni prix ni débit.

Après UFC-Que Choisir, Familles Rurales
Cette communication minimaliste a déplu la fédération nationale Familles Rurales, qui, le 21 janvier, a annoncé avoir engagé une action devant le tribunal judiciaire de Paris à l’encontre de Free mobile pour « pratiques commerciales déloyales » et demandé au gouvernement d’encadrer la publicité sur la 5G (8). « Toutes les 5G ne se valent pas ; chacune dispose de spécificités propres ayant une incidence sur les débits, la latence ou la pénétrabilité au sein des bâtiments », rappelle Familles Rurales, dirigée par Guillaume Rodelet. Pour UFC-Que Choisir, « les opérateurs se moquent de nous ». Pour Stéphane Richard, PDG d’Orange, « c’est une façon de tromper un peu le consommateur »… @

Charles de Laubier

Le New Deal Mobile promet « la 4G pour tous » au 31 décembre mais… pas dans les zones blanches

Le gouvernement et le régulateur nous le promettent sur tous les tons : tous les réseaux mobiles fonctionnant encore aujourd’hui uniquement en 2G et/ou en 3G devront avoir basculé en 4G d’ici la fin de l’année. Il serait temps ! Mais des zones blanches persisteront jusqu’à fin 2022.

« L’Arcep mènera dans le courant du premier semestre 2021 des enquêtes pour vérifier l’atteinte des échéances de généralisation de la 4G et de couverture des axes routiers prioritaires », nous indique le régulateur des télécoms présidé par Sébastien Soriano (photo de gauche). Mais on le sait déjà : au 31 décembre 2020, ce ne sera pas « la 4G pour tous », alors que les opérateurs mobiles nous proposent déjà la 5G et que les équipementiers télécoms préparent la 6G !

Zero-rating ou « trafic gratuit » : les opérateurs mobiles n’ont pas le droit de favoriser des applications

Le « zero-rating » pratiqué depuis des années par certains opérateurs mobiles, pour discriminer les applications, est illégal. C’est ce que proclame la justice européenne dans un arrêt du 15 septembre 2020, qui invalide ce « tarif nul » contraire à la neutralité du Net.

Le groupe de Mark Zuckerberg profite pleinement du zero-rating pour ses applications mobile Facebook, Messenger, Instagram et WhatsApp. Mais aussi Twitter et Viber dans la catégorie réseaux sociaux et messageries instantanées. Les applications de streaming sur smartphone en raffolent aussi, parmi lesquelles Apple Music, Deezer, Spotify ou encore Tidal. Tous ces acteurs du Net bénéficient d’un traitement de faveur dans le cadre d’un accord de « partenariat » avec certains opérateurs mobiles dans le monde.

Fini la convergence entre les télécoms et les médias chez Altice, qui se sépare aussi de ses titres de presse

La filiale française du groupe de Patrick Drahi le déclare toujours dans ses communiqués, et ce depuis plus de deux ans que l’intégration de NextRadioTV est effective : « Altice France est le premier acteur de la convergence entre télécoms et médias en France ». Mais dans les faits, cette stratégie a fait long feu.

Cinq ans après avoir initié le rapprochement entre les télécoms et les médias, avec l’acquisition par Altice en juillet 2015 de 49 % à l’époque de NextRadioTV, le groupe de Patrick Drahi (photo) en est aujourd’hui à détricoter cette velléité de stratégie de convergence. Il y a deux ans, en avril 2018, l’intégration de la société d’Alain Weill avait finalement obtenu le feu vert du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), lequel avait préalablement validé la prise de contrôle par NextRadioTV de la chaîne Numéro 23 – rebaptisée par la suite RMC Story. Avec NextRadioTV (RMC, BFM TV, BFM Business, BFM Paris, RMC Découverte, …), le pôle médias d’Altice France – maison mère de SFR, deuxième opérateur télécoms français – rajoutait l’audiovisuel à son portefeuille déjà constitué alors de la presse écrite avec Libération et L’Express, rachetés respectivement en juin 2014 et février 2015. Depuis lors, la filiale française ne manque pas d’affirmer dans ses communications : « Altice France est le premier acteur de la convergence entre télécoms et médias en France ». Même la holding – néerlandaise depuis près de cinq ans, après avoir été luxembourgeoise – y va encore aujourd’hui de son couplet sur la convergence : « Altice Europe, cotée sur Euronext Amsterdam (2), est un leader convergent dans les télécommunications, le contenu, les médias, le divertissement et la publicité ». La maison mère chapeaute aussi Altice Portugal (Meo, Fastfiber), Altice Israel (Hot) et Altice Dominicana (République dominicaine).

Avec l’eSIM, les opérateurs mobile craignent de perdre le contrôle de leurs abonnés

La généralisation des cartes SIM virtuelles – appelées eSIM et intégrées une fois pour toute dans les terminaux ou des objets connectés (montre, voiture, …) – va bousculer le marché mobile. La traditionnelle carte SIM est vouée à disparaître, au profit de multiples fournisseurs de services.

Une révolution se prépare dans l’écosystème encore très fermé de la téléphonie mobile. La fameuse « carte SIM », que le grand public doit jusqu’à maintenant installer lui-même dans un minuscule rail de son smartphone – préalablement ouvert tant bien que mal par ses soins – pour se connecter à son opérateur mobile préféré, va disparaître à terme. Ce « Subscriber Identity Module », une puce contenant un microprocesseur et une capacité mémoire, va laisser place à une eSIM, pour « Embedded SIM », un module intégré en série dans les terminaux et objets.